B. QUELQUES STATISTIQUES SUR LES RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES ADOPTÉES LORS DE LA SESSION PARLEMENTAIRE 2023-2024
Sur la période allant du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, la commission des affaires européennes a traité 943 textes européens. Parmi les textes traités, 472 (50,05 %, soit 4 % de moins qu'en 2022-2023) relevaient d'une procédure de levée automatique de la réserve parlementaire7(*), selon laquelle le texte est présumé adopté dans les 72 heures de son dépôt, sauf décision de la commission de les examiner. Par ailleurs, 471 textes (soit 49,94 %) se situaient en dehors de cette procédure, dont 328 textes (soit 34,7 % du total des textes et 69,5 % des textes non concernés par la levée de réserve) ont été soit examinés en commission, soit traités en procédure écrite.
Ces différents chiffres sont récapitulés dans le tableau ci-après :
Textes traités sur la session 2023-2024 |
943 |
|
Procédure 72 h |
Nominations |
160 |
PESC |
285 |
|
Virements |
17 |
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TVA |
5 |
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Fonds européen d'ajustement à la mondialisation |
5 |
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472 |
|
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Levée tacite hors PESC |
143 |
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Procédures écrites / textes examinés en commission |
328 |
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471 |
Au cours de cette période, le Sénat a examiné et adopté 11 résolutions européennes (contre 18 sur la même période l'année dernière8(*)).
Il faut souligner que les prises de position européennes du Sénat ont été totalement ou majoritairement suivies par l'Union européenne (54,5 %). Ce taux de reprise est inférieur à celui de la session précédente (61,1 %), ce qui s'explique par la présentation, par la Commission européenne, d'options ayant suscité une franche opposition du Sénat sans possibilité de compromis ou de textes « doublonnant » des dispositifs déjà adoptés et dont la valeur ajoutée n'était pas évidente (ex : format et missions de l'organe d'éthique de l'Union européenne ; risque de complexification de l'architecture européenne de cyber sécurité avec l'adoption de la proposition de règlement « cybersolidarité »).
Simultanément, il faut constater qu'à la différence de la session 2022-2023, au cours de laquelle la Commission européenne avait choisi, de manière inédite, d'ignorer l'intégralité des observations du Sénat sur deux dossiers majeurs (négociations en cours en vue de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en particulier concernant la PESC, et règlement facilitant la lutte contre les abus sexuels sur mineurs en ligne, évoqués ci-après), l'ensemble des résolutions européennes présentées par la Haute Assemblée au cours de la session 2023-2024 a été pris en compte, même très partiellement, dans les négociations européennes, ce qui est une évolution positive importante.
Sur le plus long terme, on ne peut cependant que constater la dégradation continue du taux de reprise des positions du Sénat dans les compromis européens. La baisse est « structurelle » et notable (61,1 % en 2023 ; 64,7 % en 2022 ; 66,5 % en 2021 ; 83 % en 2020 !). Elle peut s'expliquer par plusieurs facteurs cumulatifs et préoccupants :
- la confirmation d'une certaine marginalisation des parlements nationaux des États membres dans les échanges institutionnels européens liés à l'adoption des textes européens ;
- la multiplication des procédures d'urgence pour adopter les textes européens et dans lesquelles le dialogue avec les parlements nationaux des États membres apparaît coûteux et superflu à la Commission européenne ;
- et, ce qui est plus grave, le choix délibéré de certaines assemblées parlementaires des États membres soit, de ne plus adopter de résolutions ou d'avis, faute de disposer des moyens et de l'expertise pour examiner le nombre toujours croissant de réformes européennes, soit, d'adopter, des textes qui n'apportent aucune valeur ajoutée et se contentent, a posteriori, de confirmer la pertinence des initiatives prises par la Commission européenne (voir partie III du rapport).
La commission des affaires européennes du Sénat « tire la sonnette d'alarme » depuis plusieurs années sur ce risque de démobilisation des parlements nationaux et a émis, à plusieurs reprises, des propositions pour les inciter à assumer leur rôle de contrôle des nouvelles directives et des nouveaux règlements, qui est essentiel au bon fonctionnement démocratique de l'Union européenne (le présent rapport reviendra sur ces propositions dans sa partie IV).
Liste des résolutions européennes
adoptées par le Sénat entre
le
1er octobre 2023 et le
30 septembre 2024
Texte |
Rapporteur(s) de la commission |
Programme de travail de la Commission européenne pour 2024 (Résolution n° 48 du Sénat du 12 janvier 2024) |
M. Jean-François Rapin M. Didier Marie |
Renforcement de la solidarité et des capacités européennes en matière de cybersécurité (Résolution n° 52 du Sénat du 19 janvier 2024) |
Mme Audrey Linkenheld Mme Catherine Morin-Desailly M. Cyril Pellevat |
Coordination des politiques économiques et surveillance budgétaire (Résolution n° 58 du Sénat du 26 janvier 2024) |
Mme Florence Blatrix Contat Mme Christine Lavarde |
Prévention et lutte contre la corruption dans l'Union européenne (Résolution n° 90 du Sénat du 18 mars 2024) |
M. Jean-François Rapin M. Claude Kern M. Didier Marie |
Nouvelles techniques génomiques (NTG) (Résolution n° 118 du Sénat du 26 avril 2024) |
M. Jean-Michel Arnaud Mme Karine Daniel M. Daniel Gremillet |
Facilité européenne pour la paix au profit de l'Arménie (Résolution n° 130 du Sénat du 21 mai 2024) |
Mme Valérie Boyer |
Action européenne contre les pénuries de médicaments (Résolution n° 120 du Sénat du 10 mai 2024) |
Mme Cathy Apourceau-Poly Mme Pascale Gruny M. Bernard Jomier |
Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (Résolution n° 121 du Sénat du 14 mai 2024) |
Mme Amel Gacquerre M. Michael Weber |
Modification de certains règlements de la PAC (Résolution n° 129 du Sénat du 17 mai 2024) |
M. Daniel Gremillet |
Résilience des sols (Résolution n° 146 du Sénat du 5 juillet 2024) |
Mme Gisèle Jourda M. Cyril Pellevat |
Reconnaissance de la spécificité de l'engagement sapeur-pompier volontaire et renforcement du dispositif européen de protection civile (Résolution n° 147 du Sénat du 26 juillet 2024) |
Mme Gisèle Jourda M. Cyril Pellevat |
Sur les 11 textes adoptés :
- 8 sont issus d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes (programme de travail de la Commission européenne pour 2024 ; cybersolidarité ; révision du pacte de stabilité et de croissance ; lutte contre la corruption ; nouvelles techniques génomiques (NTG) ; action européenne contre les pénuries de médicaments ; lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ; résilience des sols) et 3 trouvent leur origine dans l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs :
- financement par la Facilité européenne pour la paix d'une mesure d'assistance au profit de l'Arménie (MM. Bruno Retailleau et Jean-François Rapin) ;
- réexamen de la politique agricole commune (PAC) (MM. Jean-François Rapin, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Vincent Louault, Franck Menonville et Olivier Rietmann, Mmes Sophie Primas et Nadège Havet). En réalité, cette proposition résulte des réflexions du groupe de travail du Sénat sur la PAC, qui rassemble des sénateurs spécialistes des questions agricoles, membres des commissions des affaires européennes et des affaires économiques et représentant tous les groupes politiques ;
- reconnaissance de la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et renforcement du dispositif européen de protection civile (M. Cyril Pellevat).
Ces 3 propositions ont aussi donné lieu à un rapport d'information de la commission des affaires européennes.
Ce nombre de PPRE déposées par des sénateurs à titre individuel peut en l'espèce sembler faible mais il était habituellement plus élevé (6 sur la session 2022-2023) et est devenu plus important à l'heure actuelle (sur la session en cours 2024-2025, en effet, 8 des 15 propositions de résolutions européennes adoptées ou en cours d'adoption par le Sénat sont issues de cette procédure).
Or, selon la rédaction actuelle du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes, qui ne maîtrise ni le sujet ni le contenu de ces textes, est néanmoins obligée de les examiner dans un délai contraint (un mois) et de rédiger un rapport à leur sujet. Ce faisant, l'ordre du jour de la commission est en partie « détourné » vers ces initiatives, au détriment des priorités politiques dégagées par le bureau de la commission, certaines initiatives n'ayant en outre que peu de liens avec les affaires européennes et relevant davantage du cadre des résolutions prévues à l'article 34-1 du Règlement du Sénat.
Voilà pourquoi, en cohérence avec les conclusions du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, présidé par la vice-présidente du Sénat, Mme Sylvie Vermeillet, la résolution n° 102 tendant à renforcer les moyens de contrôle des sénateurs, conforter les droits des groupes politiques, et portant diverses mesures de clarification et de simplification, adoptée par le Sénat, le 8 avril 20259(*), modifie ces dispositions du Règlement. Les propositions de résolutions européennes déposées par les sénateurs à titre individuel ne seront désormais plus automatiquement examinées par la commission des affaires européennes et le délai d'un mois précédemment en vigueur pour leur cet examen ne s'appliquera plus, sauf si un président de groupe politique ou de commission demande son cet examen.
Il faut enfin relever, qu'au cours de la session 2023-2024, toutes les propositions de résolution européennes adoptées par le Sénat ont également fait l'objet d'un avis politique que la commission des affaires européennes a adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique. Cette « double adoption » simultanée d'une proposition de résolution européenne et d'un avis politique, le plus souvent dans les mêmes termes, sur un même dossier, permet en effet une plus large diffusion des priorités européennes du Sénat, et amènent, et le Gouvernement, et la Commission européenne à devoir répondre systématiquement au Sénat sur la reprise de ses propositions dans les négociations européennes.
* 7 Plusieurs catégories de textes spécifiques comme les nominations, les virements ou les textes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) font l'objet d'une procédure d'accord tacite négociée entre les deux assemblées et le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), rattaché au Premier ministre. Une fois passé un délai de 72 h après leur dépôt, la réserve d'examen des textes relevant de ces catégories est considérée comme levée.
* 8 Le détail de la procédure d'adoption de ces résolutions européennes est rappelé en annexe du présent rapport.
* 9 Cette proposition de résolution, déposée par le Président du Sénat et Mme Sylvie Vermeillet, avait été enregistrée à la Présidence du Sénat, le 12 février 2025.