N° 628

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 14 mai 2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur les pratiques des industriels
de l'
eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics
dans les
défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés,

Président
M. Laurent BURGOA,

Rapporteur
M. Alexandre OUIZILLE,

Sénateurs

Tome I - Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Burgoa, président ; M. Alexandre Ouizille, rapporteur ; Mmes Anne Ventalon, Françoise Dumont, Audrey Linkenheld, Jocelyne Antoine, Marie-Lise Housseau, MM. Saïd Omar Oili, Jean-Pierre Grand, Jean-Pierre Corbisez, Mmes Antoinette Guhl, Mireille Jouve, vice-présidents ; Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Frédéric Buval, Marc-Philippe Daubresse, Mme Élisabeth Doineau, MM. Hervé Gillé, Daniel Gremillet, Loïc Hervé, Olivier Jacquin, Mmes Else Joseph, Florence Lassarade, M. Khalifé Khalifé.

L'ESSENTIEL

Eaux minérales : préserver la pureté

Le 14 mai 2025, la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille, présidée par Laurent Burgoa (Les Républicains - Gard), a adopté le rapport d'Alexandre Ouizille (Socialiste, Écologiste et Républicain - Oise).

Entre décembre 2024 et mai 2025, elle a mené 73 auditions de ministres, de membres de cabinets ministériels, de directeurs d'administration, de dirigeants d'entreprises, de préfets et services de l'État au niveau local, de directeurs d'Agences régionales de santé ou encore de chercheurs et d'associations.

Elle formule 28 propositions destinées à sécuriser la qualité des eaux minérale et de source.

I. EAU MINÉRALE, EAU DE SOURCE : UNE RESSOURCE PRÉCIEUSE

Conformément à la définition prévue par le droit européen et sa transposition nationale, les eaux minérales naturelles et les eaux de source doivent être microbiologiquement saines et être embouteillées telles qu'elles sont à l'émergence, sans traitement susceptible d'altérer leurs caractéristiques. D'origine souterraine, se distinguant par leur pureté originelle, elles ne doivent en aucun cas faire l'objet d'une désinfection.

Ces caractéristiques uniques liées à leur terroir et qui, pour certaines, voient leurs effets favorables à la santé reconnus par l'Académie nationale de médecine, justifient une dénomination spécifique revendiquée par les exploitants et un prix de vente de 100 à 400 fois plus élevé que celui de l'eau du robinet.

La France compte 104 sites d'exploitation d'eau minérale naturelle et d'eau de source, répartis sur le territoire, au sein de 59 départements et 18 régions.

Le secteur est dominé par trois groupes qui se partagent 80 % du marché, dont deux multinationales du secteur de l'agroalimentaire, Danone et Nestlé, mais compte également de nombreux autres minéraliers de taille plus modeste. Le marché, en croissance depuis 20 ans, représente un total de 2,7 milliards d'euros en termes de chiffres d'affaires cumulé.

Les sites de production d'eaux minérales naturelles et d'eaux de source ont souvent une empreinte économique très forte sur leur territoire, sont parfois l'un des principaux employeurs locaux et sont toujours une source de richesse pour les habitants comme pour les collectivités territoriales. La filière représente ainsi 11 000 emplois directs en France, dont 8 000 dans la filière des eaux minérales naturelles et 3 000 dans la filière des eaux de source, et 30 000 emplois indirects.

Les communes sur le territoire desquelles sont situées des sources d'eaux minérales naturelles bénéficient d'une contribution dont le rendement total était de 18,4 millions d'euros en 2024 : il s'agit là d'une ressource fiscale essentielle pour les collectivités concernées.

II. LE SCANDALE DES EAUX MINÉRALES : ENTRE CONTRÔLES MIS EN ÉCHEC ET LOBBYING DÉCOMPLEXÉ, CERTAINES PRATIQUES ET LEUR DISSIMULATION PAR L'ÉTAT ONT MIS À MAL LA CONFIANCE

A. UNE DÉCOUVERTE FORTUITE DE PRATIQUES ILLÉGALES

Le scandale du traitement des eaux minérales naturelles commence fin 2019 par un signalement d'un salarié de Sources Alma, qui commercialise notamment Vichy Célestins, St-Yorre, Cristaline, Thonon et Châteldon, concernant des traitements non autorisés. Une enquête du service national d'enquête (SNE) de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) met alors en lumière le recours, chez plusieurs industriels, à des microfiltrations inférieures au seuil de 0,8 micron, pourtant considéré depuis 2001 par les autorités comme « seuil limite » afin d'éviter un impact sur la composition de l'eau.

Le 31 août 2021, Nestlé Waters rencontre, à sa demande, le cabinet de la ministre déléguée chargée de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, en présence de la DGCCRF. Muriel Liénau, PDG de Nestlé Waters, reconnaît alors l'utilisation dans ses usines des Vosges et du Gard (Vittel, Hépar, Contrex, Perrier) de filtres à charbon actif et de traitements ultraviolets qui sont des mesures de désinfection, strictement interdites. Lors de cet entretien :

ð Nestlé Waters fait valoir, sans preuve, que ces traitements n'ont pas affecté la sécurité alimentaire ni la composition de l'eau ;

ð Nestlé Waters présente aux autorités un « plan de transformation » visant à remplacer ces traitements par une filtration à un seuil de 0,2 micron, dont la conformité au cadre juridique régissant les eaux minérales naturelles n'est pourtant pas assurée.

Malgré la fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l'eau, les autorités ne donnent pas de suites judiciaires à ces révélations. Le 14 octobre 2021, il est décidé d'une saisine de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Cette mission est lancée le 19 novembre 2021, les agences régionales de santé n'en étant informées que le 28 janvier 2022. Ce choix d'une mission de l'Igas, alors exclusive de toute saisine de l'autorité judiciaire ou de mesure administrative de suspension des forages incriminés, a retardé la réponse publique aux révélations de Nestlé.

B. UNE RÉACTION DE L'ÉTAT TARDIVE, INADAPTÉE ET NON TRANSPARENTE QUI PÈCHE PAR UNE SÉRIE DE DYSFONCTIONNEMENTS

1

L'absence ou le retard de signalement des délits présumés au Procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Dès le 31 août 2021, les membres des cabinets de l'industrie et de la DGCCRF étaient informés du recours par Nestlé à des traitements interdits, susceptibles d'induire la qualification pénale de tromperie. Pour autant, seul Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a souhaité réaliser un tel signalement, dès le 13 octobre 2021. Il en a été dissuadé par sa direction des affaires juridiques au motif que les infractions ne relevaient pas de la compétence de sa direction. Le rapporteur le déplore, l'article 40 étant clairement de portée générale. Trois signalements ont finalement été effectués : le premier, en octobre 2022, par la directrice générale de l'ARS Grand Est. Les deux autres beaucoup plus tardivement et après constitution de la commission d'enquête, par la DGCCRF, le 19 février 2025, et le directeur général de l'ARS Occitanie, le 18 avril 2025, soit près de 4 ans après les révélations du 31 août 2021 !

2

La minimisation du risque sanitaire à l'échelon national. Dans un premier temps, l'affirmation de Nestlé Waters selon laquelle la sécurité sanitaire n'était pas un sujet n'a pas été questionnée et a été relayée telle quelle par le ministère de l'industrie. Seule la direction générale de la santé a évoqué le risque sanitaire en octobre 2021. Pourtant, l'exploitant avait démontré son manque de transparence par le passé : parmi les contaminations bactériologiques intervenues sur le site de Perrier dès juin 2020, certaines n'avaient pas été signalées à l'ARS. Par la suite, le risque de contamination des eaux brutes à la source - avant les traitements de désinfection - s'est vérifié : l'Anses a préconisé, en octobre 2023, la mise en place d'un « plan de surveillance renforcé » sur les eaux de Nestlé Waters, incluant le risque virologique, confirmant que l'État avait sous-estimé le risque sanitaire.

3

Les échecs de l'interministériel et le travail en silo. Le contrôle des eaux minérales naturelles fait intervenir, au niveau central, les administrations des ministères de la santé, de la consommation, de l'agriculture et de la transition écologique et, au niveau local, les préfets, les directions départementales interministérielles et les ARS : il en résulte un véritable éclatement de compétences, source de coûts de coordination considérables. Le constat de la Commission européenne à la suite de son audit de mars 2024 était déjà accablant, pointant une « mauvaise collaboration » entre autorités compétentes. La commission d'enquête le confirme : absence de contrôle renforcé ou d'actions coordonnées après la révélation des fraudes, absence de prise de connaissance du rapport de l'Igas de 2022 par la DGCCRF ou par l'Anses avant sa publication en février 2024, manque de communication patent entre administrations centrales, entre administrations centrales et locales, entre administrations locales elles-mêmes... La règlementation semble donner l'occasion à chaque administration de se replier derrière une vision étroite de ses compétences. La volonté de conserver l'affaire confidentielle le plus longtemps possible a en outre nui à la circulation de l'information. Le travail en interministériel n'a de surcroît pas été bien coordonné : d'une part, les ministères de la consommation et de la transition écologique ont été écartés des réunions interministérielles et du processus décisionnel et, d'autre part, l'opposition constante de la direction générale de la santé à l'autorisation de la microfiltration à 0,2 micron n'a pas été relayée par le cabinet de son ministère de tutelle à Matignon.

4

L'absence de suspension de la production d'eau minérale naturelle non-conforme. Malgré l'absence de doute, dès le 31 août 2021, sur l'illégalité des traitements pratiqués par Nestlé, aucune autorité politique ou administrative ne montre sa volonté de faire cesser la commercialisation des produits non-conformes à leur étiquetage. Pourtant, les administrations disposent de ce pouvoir : indépendamment de poursuites pénales, le non-respect du cadre juridique des eaux minérales naturelles peut justifier une mise en demeure, éventuellement assortie d'une suspension de la production ou de la distribution jusqu'à exécution. La commission d'enquête peine toujours à comprendre que la DGCCRF n'ait pas fait usage de ses pouvoirs administratifs pour faire cesser dès 2021 la fraude massive de Nestlé à l'égard des consommateurs. De fait, les traitements interdits ne seront retirés dans les Vosges qu'à la fin de l'année 2022 et dans le Gard qu'en août 2023, soit respectivement près d'un an et demi et deux ans après les aveux de Nestlé. Mais il leur est substitué une microfiltration à 0,2 micron dont la légalité est elle aussi contestable.

5

L'inversion de la relation entre l'État et les industriels en matière d'édiction de la norme. Dès le 31 août 2021, Nestlé Waters adopte une attitude transactionnelle, posant explicitement l'autorisation de la microfiltration à 0,2 micron comme condition à l'arrêt de traitements pourtant illégaux, via ce qui est pudiquement appelé un « plan de transformation ». Il est donc d'emblée question de mettre en conformité le droit avec la pratique de l'exploitant, dans une logique totalement dévoyée par rapport à ce que devraient être les relations entre l'État qui édicte la norme et l'industriel qui l'applique. Pire, les rares arguments scientifiques transmis par Nestlé Waters pour démontrer le caractère non-désinfectant d'une filtration à 0,2 micron ont été invalidés par les services du ministère de la santé. Enfin, sa stratégie d'influence menée via son lobbying témoigne à chaque étape d'une impatience non dissimulée et d'une volonté d'imposer son tempo à l'État, en faisant notamment état d'un risque de suppressions d'emplois sur le site des Vosges en cas de refus d'autoriser la filtration à 0,2 micron, et ce dans un contexte de perte du marché allemand. Cet argument a été interprété par la direction générale de la santé comme un véritable « chantage » auquel se livrait l'industriel.

Bien que l'Anses, en 2023 et 2024, ait rappelé que la microfiltration ne devait pas corriger une qualité insuffisante des eaux brutes, ses avis auraient gagné à être plus directs et explicites pour éviter de laisser subsister une forme d'ambiguïté que l'industriel n'a pas manqué d'exploiter et qui a laissé trop de marges décisionnelles aux cabinets ministériels par ailleurs directement soumis aux sollicitations pressantes de l'industriel.

6

Des autorités locales peu, voire pas, associées aux décisions prises par l'échelon central et parfois au plus haut sommet de l'État. Dès octobre 2021, les cabinets donnent consigne de ne pas impliquer les services déconcentrés sur le dossier, pourtant responsables du contrôle des eaux minérales. Cela les place dans une situation d'ignorance pendant plusieurs mois, entraînant, de manière stupéfiante, l'absence d'inspection, dans le cadre de la mission de l'Igas, du site de Perrier dans le Gard. En outre, l'échelon central sollicite peu, voire pas, l'avis de l'échelon local au moment de décider, seul, sous la pression de Nestlé Waters. Enfin, l'État central n'accompagne pas l'échelon local dans la mise en oeuvre de ses décisions : la concertation interministérielle dématérialisée (CID) de février 2023, dont découle la possibilité d'autorisations de microfiltations inférieures à 0,8 micron, ne précise aucun calendrier et reste floue, à dessein.

7

La dissimulation par l'État des informations et décisions concernant Nestlé Waters. Outre le manque de transparence de Nestlé Waters, il faut souligner celui de l'État, à la fois vis-à-vis des autorités locales et européennes et vis à vis des Français. Comme le grand public, c'est par la voie des articles publiés Le Monde et France Info en janvier 2024 que les autorités européennes ont pris connaissance des traitements interdits. Entre le 31 août 2021 et le 29 janvier 2024, la Commission européenne n'a jamais été mise au courant des pratiques de Nestlé Waters alors qu'une directive européenne impose de l'informer en cas de difficultés sur un eau minérale naturelle. Cette dissimulation, y compris à l'égard des autorités locales, relève d'une stratégie délibérée, abordée dès la première réunion interministérielle sur les eaux minérales naturelles le 14 octobre 2021. Près de quatre ans après, la transparence n'est toujours pas faite.

8

Des délais excessifs qui favorisent l'enracinement des infractions en matière de tromperie du consommateur et de survenance de risques sanitaires. Des délais excessifs, de réaction aux révélations effectuées par Nestlé le 31 août 2021 se sont cumulés :

- un mois entre l'aveu de Nestlé le 31 août 2021 au cabinet de la ministre de l'industrie et l'information du ministère de la santé le 27 septembre 2021 ;

- près de 3 mois entre l'information de l'État le 31 août 2021 et le déclenchement de la mission de l'Igas le 19 novembre 2021 ;

- deux mois entre la lettre de mission de novembre et la première réunion de travail de la mission Igas avec la direction générale de la santé, le 18 janvier 2022 ;

- plus de trois ans entre la connaissance des infractions par l'autorité judiciaire et leur début de traitement ;

- respectivement 8 mois et plus de 3 ans entre l'information, fin janvier 2022, des ARS Grand Est et Occitanie par l'Igas sur les pratiques de Nestlé Waters (sur l'existence d'une l'enquête de nature pénale du service national des enquêtes de la DGCCRF et les révélations de Nestlé waters au cabinet de la ministre de l'Industrie) et leurs signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale (octobre 2022 pour l'ARS Grand Est et avril 2025 pour l'Occitanie) ;

- Un délai excessif de régularisation de certains arrêtés préfectoraux, avec des procédures d'instruction toujours pendantes.

o Parmi les conséquences de ces délais : l'industriel a pu continuer à commercialiser comme eau minérale naturelle une eau qui n'aurait pas dû avoir droit à cette appellation. Dans les Vosges, pour un total évalué à environ 440 000 m3, le tout pouvant être valorisé à environ 220 millions d'euros à raison de 0,5 €/litre.

o Dans le Gard, pour un total évalué à environ 755 500 m3 d'eau, le tout pouvant être valorisé à environ 375 millions d'euros, à raison de 0,5 €/litre.

9

L'absence de suivi du dossier par l'État. Elle se traduit notamment par l'absence, encore à ce jour, de vérifications exhaustives par les autorités déconcentrées de l'absence de traitements interdits sur tous les sites de production d'eau conditionnée. Dans nombre de départements, les autorités locales sont restées comme immobiles jusqu'à aujourd'hui. Les modalités de contrôle n'ont pas évolué, alors même que les traitements interdits constatés chez Alma Sources ou avoués par Nestlé Waters n'auraient jamais été décelés en l'absence de signalement. Il n'y a eu aucune instruction claire aux préfectures pour vérifier de manière exhaustive l'absence de traitements interdits sur les sites de production. Il a fallu le déplacement de la commission d'enquête en Haute-Savoie, où se trouve le site d'Évian, pour que les services de l'État du département communiquent avec ceux du Gard, qui bénéficiaient de l'expérience du cas Perrier de Nestlé Waters. Bien sûr, la fragilité des moyens des préfectures et des ARS n'est pas pour rien dans cette absence de réactivité. Tous ces éléments témoignent néanmoins d'une absence de culture du suivi des actions de l'État.

10

L'absence des ministres dans le processus décisionnel. L'absence de l'autorité politique est particulièrement marquante pour les ministres chargés de la consommation et de la santé. S'agissant de la consommation, les ministres n'apparaissent jamais dans la documentation. Leurs cabinets sont peu présents, rapidement exclus du processus de décision. S'agissant de la santé, la plupart des titulaires de la fonction semble n'avoir gardé qu'un souvenir lointain d'un dossier pourtant éminemment sensible. La faible mobilisation de l'autorité politique chargée de la santé se poursuit même après les révélations de presse sur le scandale en janvier 2024. Dans ces cas, comme dans celui de Matignon, les cabinets ministériels prennent les décisions et arbitrages sans même parfois informer le ministre. Le cas de l'industrie est différent : ce ministère, porte d'entrée de Nestlé au sein de l'État, a assumé un soutien fort à l'égard des exigences de Nestlé. Son cabinet n'a cessé de relayer les exigences de l'industriel.

11

L'arbitrage fautif au sommet de l'État. En définitive, c'est au plus haut niveau de l'État que s'est jouée la décision d'autoriser une microfiltration sous le seuil de 0,8 micron. Dans la continuité des arbitrages pris par le cabinet de la Première ministre, Elisabeth Borne, mais sans que celle-ci ne semble informée, la concertation interministérielle dématérialisée (CID) de février 2023 valide, de manière implicite, mais claire la filtration à 0,2 micron. De son côté, la présidence de la République, loin d'être une forteresse inexpugnable à l'égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier. Des documents recueillis par ses soins, et mis à disposition des citoyens, la commission conclut que la présidence de la République savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années, avait conscience que cela créait une distorsion de concurrence avec les autres minéraliers et avait connaissance des contaminations bactériologiques, voire virologiques sur certains forages.

DES DÉFICIENCES STRUCTURELLES ?
LA DÉCOUVERTE DE « L'AFFAIRE MAYOTTE »

À la suite de signalements d'odeurs d'hydrocarbures ou de moisissures sur des bouteilles de la marque Cristaline (groupe Alma) acheminées et stockées à Mayotte lors de la crise de l'eau connue par ce territoire en 2023-2024, il a été constaté que les conditions de stockage en conteneurs (humidité, forte chaleur) au port de Longoni et à l'aéroport de Pamandzi avaient favorisé le développement de moisissures sur les packs d'eau. Environ 700 000 bouteilles stockées dans ces lieux ont été déclarées impropres à la consommation humaine, mais 1,4 million de bouteilles avaient déjà été distribuées. Après d'autres signalements, cette fois dans l'hexagone, les services de l'État ont mis en lumière une dégradation des intercalaires utilisés pour la palettisation des lots en sortie d'usine, ce qui occasionnait un développement de moisissures altérant le goût et l'odeur de l'eau. Ce nouvel exemple montre que les délais d'intervention des services de l'État, même en cas d'urgence, sont encore trop importants. Il montre aussi que les conditions de fourniture, le conditionnement et le stockage des réserves d'eau de l'État doivent être réexaminées, dans la mesure où elles peuvent ne pas être idéales en termes de résilience.

LES LIAISONS DANGEREUSES ÉTAT-NESTLÉ : OÙ COMMENT ÉDULCORER UN RAPPORT OFFICIEL À LA DEMANDE D'UN INDUSTRIEL

La commission d'enquête a été saisie à la toute fin de ses travaux par un lanceur d'alerte sur un épisode qui illustre parfaitement les dysfonctionnements de l'action de l'État et les pratiques d'un industriel.

Tout commence fin 2023 alors que se prépare la réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) du Gard qui doit donner un avis sur l'autorisation d'exploiter les eaux de Vergèze pour la nouvelle marque d'eau désinfectée « Maison Perrier ». Nestlé Waters intervient pour faire modifier le rapport soumis au Coderst en supprimant notamment certaines mentions de bactéries contaminant les eaux, de crainte de fuites et d'informer les associations de consommateurs membres du conseil. Après contacts entre le cabinet de la ministre de la santé (Agnès Firmin Le Bodo), le directeur général de l'ARS et le préfet du Gard, les autorités acceptent d'édulcorer le rapport et de substituer à certains paragraphes ceux rédigés par l'industriel lui-même.

III. COMPRENDRE LES DESSOUS D'UNE CRISE : UNE RÉPONSE DE CERTAINS INDUSTRIELS À LA DÉGRADATION DE LA RESSOURCE ET/OU À DES PROCESSUS DE PRODUCTION DÉFICIENTS ?

A. LE POURQUOI DES PRATIQUES : ENTRE DÉGRADATION DE LA RESSOURCE, VÉTUSTÉ DES INSTALLATIONS, VULNÉRABILITÉ CLIMATIQUE

Pour expliquer le recours aux traitements non-conformes des industriels, le rapport de l'Igas remis en 2022 formule trois hypothèses : une dégradation des ressources, un vieillissement des installations et la sécurisation du processus industriel. Ces hypothèses sont confirmées par les travaux de la commission, qui en ajoute une quatrième.

La dégradation de la qualité de la ressource en eau en raison de pollutions anthropiques ou naturelles est une première hypothèse, confirmée par exemple pour certains forages Hépar ou pour Perrier. Autre source de vulnérabilité, mise en évidence par les directeurs de sites de Nestlé Waters : la vétusté des installations. Nestlé Waters a en outre justifié la nécessité de traiter ses eaux avec une microfiltration à 0,2 micron pour sécuriser son processus industriel en raison de la formation de « biofilm », amas de micro-organismes qui se déposent à l'intérieur des canalisations. Néanmoins, cette analyse n'est pas partagée par d'autres industriels qui estiment que la formation de biofilm est tout simplement prévenue par... des nettoyages réguliers. Il apparaît donc que la microfiltration pourrait être un outil pour réduire la fréquence des nettoyages qui impliquent des arrêts de la production.

B. LA MICROFILTRATION, UN TRAITEMENT AU CoeUR DU PLAN DE TRANSFORMATION DE NESTLÉ

À plusieurs reprises, le statut juridique entourant la microfiltration a été présenté comme flou ou incertain par un certain nombre d'acteurs, en particulier de Nestlé, qui en a fait l'un de ses arguments centraux pour demander à l'État un seuil de coupure à 0,2 micron. Pour autant, la règlementation apparaît très claire à d'autres opérateurs majeurs, comme Danone, par exemple. Le coeur de cette règlementation est la pureté originelle : le principe est qu'une eau minérale naturelle ne subit pas de traitements. Ces derniers ne sont qu'une exception. La directive européenne de 2009 précise qu'une eau minérale naturelle ne peut faire l'objet d'aucun traitement autre que ceux qui sont listés par la directive, à moins d'une autorisation au terme d'une procédure spécifique.

En tout état de cause, afin de préserver la pureté originelle de l'eau, un traitement ne doit pas modifier le microbisme de l'eau. À la suite d'un avis de l'AFSSA de 2001, l'ANSES a confirmé en 2022 et 2023, s'est référé à un seuil de coupure de 0,8 micron en la matière. Il est résulté de cet avis une tolérance des autorités vis-à-vis de filtration à un seuil de coupure de 0,8 micron. Les avis de l'Anses ne donnent absolument aucun blanc-seing pour une filtration inférieure.

La microfiltration à 0,2 micron est pourtant la clé de voûte du plan de transformation que Nestlé Waters demande aux autorités de valider dès 2021 : elle est la contrepartie de l'arrêt des traitements au charbon actif et aux UV, pudiquement appelés « barrières de protection » :

ð dans les Vosges, le plan présenté aux agents de l'ARS lors de l'inspection du 6 avril 2022 prévoit le maintien des filtrations à 0,2 micron, l'arrêt de l'utilisation du charbon actif le 12 avril 2022 et l'arrêt de l'utilisation des traitements UV fin mai ou début juin 2022 ;

ð dans le Gard, le plan présenté le 3 novembre 2022 à l'ARS Occitanie prévoit le maintien des « barrières de protection » à titre transitoire pendant la durée du plan de transformation, et à titre permanent pour la production à destination des Etats-Unis, en parallèle du maintien des microfiltres à 0,2 micron.

Sans attendre la position des autorités et l'autorisation de la microfiltration à 0,2 micron, ce sont près de 95 millions d'euros qui ont été investis au cours des cinq dernières années sur le site des Vosges et 150 millions d'euros sur le site de Vergèze pour mettre en oeuvre ce plan de transformation.

Pour autant, ce « plan de transformation » n'évacue pas toutes les préoccupations, notamment sanitaires et environnementales. Dans les Vosges, il s'accompagne d'une surveillance renforcée par l'ARS face aux risques de contaminations. Dans le Gard, des doutes persistent quant à la traçabilité de l'eau minérale naturelle et à la maîtrise du risque sanitaire avec la mise en place trop tardive d'un contrôle sanitaire renforcé. Pourtant il s'imposait sur un site où l'avis des hydrogéologues mandatés par le préfet met clairement en doute la pureté originelle de la nappe Perrier sur de nombreux forages. À la date de publication du rapport, Nestlé Waters n'est toujours pas en conformité avec la règlementation, plus de trois ans et demi après ses aveux au cabinet de la ministre de l'industrie. Mais il aura fallu attendre le 7 mai 2025 pour que le préfet du Gard, en quelque sorte « piégé » par les résultats de la concertation interministérielle dématérialisée (CID) de février 2023, mette en demeure Nestlé Waters de retirer ses filtres à 0,2 micron.

C. UN BESOIN URGENT DE CLARIFICATION DE LA POSITION DE L'ÉTAT SUR LA MICROFILTRATION

Le besoin de clarification ne s'arrête pas au Gard et aux Vosges : des industriels d'autres départements demandent à recourir à une microfiltration à 0,2 micron. La clarification de la norme était d'ailleurs une des recommandations du rapport de l'Igas.

Cette clarification attendue par les autorités locales depuis 2022 n'est jamais vraiment intervenue. Entre octobre et décembre 2024, le directeur général de la santé a expliqué aux ARS, sous la forme d'une simple lettre, que la microfiltration n'était autorisée qu'à deux conditions : d'une part sous réserve que l'exploitant apporte la preuve de l'absence de modification du microbisme de l'eau, et d'autre part, que le seuil de coupure soit supérieur à 0,45 micron, en cohérence avec les autres États membres de l'Union européenne. Cette prise de position, bienvenue, n'a pas pour autant conduit à la prise d'une norme de « droit dur ».

Elle s'est en outre traduite par des réactions hétérogènes des autorités préfectorales et des ARS, certaines demandant une simple démonstration de l'absence de modification du microbisme de l'eau, d'autres se référant au seuil de 0,8 micron tandis que d'autres faisant référence à celui de 0,45 micron. Face à ces différences qui portent autant sur les procédures que sur le contenu des demandes adressées aux industriels, le rapporteur estime urgent de clarifier la règlementation en se fondant sur un avis scientifique de l'Anses.

IV. PRÉSERVER L'AVENIR DES EAUX MINÉRALES ET DE SOURCE EN FRANCE

A. UNE RESSOURCE À PROTÉGER

Le suivi quantitatif du niveau des aquifères, qui sont des formations géologiques poreuses dans lesquelles circulent les eaux souterraines exploitables, doit être renforcé afin d'améliorer le suivi en temps réel du niveau de la ressource en eau.

Ce suivi est assuré pour le compte de l'État par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et la direction de l'eau et de la biodiversité, via l'exploitation de piézomètres1(*) répartis sur le territoire. Il est également dressé un inventaire exhaustif des émergences d'eau souterraine et d'eau minérale naturelle, contenu dans la base de données SISE-EAUX. Or, les ARS, qui sont chargées depuis 2007 la base SISE-EAUX le font de manière hétérogène au regard de leur manque de personnel hydrogéologue, de sorte que de nombreux forages restent non déclarés. Les piézomètres sont inégalement répartis sur le territoire, et notamment en outre-mer, de sorte que ce suivi n'est pas suffisamment fin pour renseigner l'évolution du niveau d'une nappe précise et de l'ensemble de la ressource.

Le suivi qualitatif de la ressource en eau doit être repensé afin de mieux protéger les zones sensibles à la pollution que sont l'impluvium, qui correspond à la zone de surface dans laquelle l'eau s'infiltre dans les nappes, et la zone d'émergence sur laquelle se situent les captages d'eau. Actuellement, les arrêtés d'autorisation d'exploitation fixent un périmètre sanitaire d'émergence matérialisé par un grillage pour protéger les captages des pollutions anthropiques. A ce mécanisme obligatoire s'ajoute un outil juridique facultatif qu'est la déclaration d'intérêt public, qui permet à un industriel de demander au préfet de définir un périmètre de protection plus large, à l'intérieur duquel toute activité humaine de nature à nuire à la qualité des eaux est soumise à autorisation. Cette règlementation pourrait être renforcée en élargissant la zone de périmètre sanitaire d'émergence de façon à ce qu'elle inclue l'impluvium et l'ensemble du gisement d'eau et permette aux autorités locales d'interdire sur ces zones l'usage de produits phytosanitaires de nature à affecter la qualité des nappes, comme cela est le cas en Belgique. Il convient enfin d'instaurer un suivi qualitatif des nappes et des gisements au niveau national sur le modèle du suivi quantitatif qui existe déjà.

Une meilleure gestion de la ressource en eau passe également par un contrôle effectif du niveau de prélèvement réalisé par les industriels minéraliers au regard des seuils maximum de débit autorisés dans les arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploiter une source d'eau minérale naturelle, afin que l'autorité préfectorale ait une connaissance générale de l'eau prélevée.

B. RÉNOVER ET CLARIFIER LA RÈGLEMENTATION ET LES CONTRÔLES, COMPLEXES ET ILLISIBLES

1) Un dispositif de contrôle dispersé à unifier en renforcer les moyens et le dialogue entre administrations

Le dispositif d'autorisation et de contrôle des eaux minérales naturelles est dispersé et fractionné. L'autorisation de la production d'eaux minérales naturelles et de source associe un volet environnemental et un volet sanitaire. Le contrôle dépend quant à lui de quatre autorités administratives centrales et fragmenté tout au long du processus de production.

La commission d'enquête recommande de renforcer la fréquence des contrôles, les moyens et la coopération entre les autorités. Un protocole tripartite entre les ministères chargés de la santé (la DGS), de la consommation (la DGCCRF) et de l'agriculture (DGAL), à finaliser dans les meilleurs délais, précisera les rôles des trois autorités compétentes et devra garantir une plus grande coordination entre les différentes autorités centrales et locales et un chef de filât clairement identifié.

Les administrations centrales devront mettre en place une véritable animation de leurs réseaux déconcentrés sur cette thématique et la coopération entre les services déconcentrés chargés du contrôle des eaux conditionnées devra devenir la règle grâce à la création de groupes de suivi dédiés dans chaque département associant les inspecteurs territorialement compétents des ARS, les services déconcentrés de la DGCCRF, de la DGAL et du ministère de l'écologie.

2) Une règlementation à restructurer sur deux sujets majeurs : la microfiltration et la traçabilité

Si la réglementation relative à la microfiltration est apparue claire au rapporteur, force est de constater que de nombreux acteurs se sont retranchés derrière un flou supposé pour justifier leurs actes ou leur immobilisme.

Par conséquent, la commission d'enquête souhaite que la France saisisse la Commission européenne, qui n'a pas cherché jusqu'à présent à prendre d'initiative, pour obtenir une révision de la directive sur les eaux minérales naturelles afin de consolider la notion de pureté originelle, notamment en fixant un seuil de microfiltration suffisamment haut pour garantir sa préservation.

A plus brève échéance et au niveau national, il s'agira de diffuser rapidement une instruction et de modifier la règlementation pour écarter la microfiltration avec des seuils de coupure inférieurs à 0,45 micron et conditionner la microfiltration avec des seuils compris entre 0,45 et 0,8 micron à la démonstration d'une absence d'impact sur le microbisme naturel de l'eau, sur la base d'un avis de l'Anses.

Autre sujet majeur, celui de la traçabilité de l'eau, alors que les sites assurant la production de plusieurs types d'eau sont de plus en plus automatisés. Il est proposé que l'État établisse un cahier des charges de traçabilité des eaux qui impose des règles précises d'auditabilité informatique des dispositifs de gestion des flux d'eau et que, parallèlement, le ministère de l'économie consente un effort de recrutement, de rémunération et de formation de personnels en capacité de procéder à des audits informatiques des programmes de production.

3) Élargir d'urgence le contrôle des composants de l'eau en raison de pollutions émergentes, PFAS et micro/nanoplastiques

Produites depuis de nombreuses décennies, les PFAS sont désormais très largement répandues dans l'environnement et se révèlent bioaccumulables. Certaines sont toxiques ou « CMR », c'est à dire cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, mais leur toxicité demeure encore insuffisamment documentée.

La commission d'enquête soutient la volonté exprimée par la DGS de demander aux ARS de vérifier au cours de l'année 2025 la qualité des eaux brutes des eaux minérales naturelles et des eaux de source afin de s'assurer que celle-ci ne contiennent pas de PFAS ou à des quantités inférieures au seuil de 0,1 ng/l pour les 20 PFAS listés par la directive de 2020 sur les eaux destinées à la consommation humaine.

Pour s'assurer que les processus de production n'augmentent pas l'exposition des eaux aux PFAS, la commission recommande de mener des campagnes de tests sur la présence de PFAS dans les eaux embouteillées.

La commission d'enquête estime indispensable qu'un point soit fait sur les risques de pollution par les processus industriels de production des eaux minérales et de source et recommande à la DGS de saisir l'Anses sur ce sujet. Elle estime que les résultats de cette étude devront être rendus publics.

S'agissant des microplastiques et nanoplastiques, les travaux scientifiques démontrent l'ubiquité de la contamination dans l'environnement : on les détecte actuellement, partout dans le monde, dans presque toutes les ressources aquatiques, qu'elles servent à l'obtention de l'eau du robinet ou pour les eaux embouteillées.

Une étude américaine, publiée dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences le 8 janvier 2024, décompte ainsi près de 240 000 fragments de micro et nanoplastiques par litre d'eau en bouteille, avec une variation allant de 110 000 à 370 000 particules par litre.

En conséquence, les travaux de recherche sur les micro et nanoplastiques doivent faire désormais l'objet d'une priorisation claire et porter sur l'ensemble des eaux consommées par les humains, mais sans oublier les eaux conditionnées souvent recommandées pour la consommation des jeunes enfants, dont on a pu constater qu'elles n'avaient pas toujours été au coeur des préoccupations des autorités sanitaires.

C. ASSURER LA TRANSPARENCE ET RENFORCER LES MOYENS D'ACTIONS DU CONSOMMATEUR

Afin de remédier aux manquements révélés par les révélations effectuées par Nestlé, il pourrait être envisagé de renforcer l'information du consommateur sur le recours éventuel à la microfiltration lorsqu'elle est autorisée par des arrêtés préfectoraux, grâce à une information sur l'étiquette.

La bonne information sanitaire du consommateur passe également par une publicité renforcée du contenu des eaux qu'il achète, et notamment des eaux qui, pour être à base d'eau minérale, contiennent des quantités de sucre assimilables à des boissons de type soda.

La commission propose de renforcer la transparence sur le suivi de la ressource en eau et les contrôles réalisés par les autorités locales. Les différents épisodes de contamination recensés par la commission ont donné lieu à des décisions de suspension de certains forages qui n'ont pas été rendues publiques. L'amélioration du suivi quantitatif et qualitatif de l'eau contenue dans les nappes pourrait également donner lieu à une publicité accrue afin de sensibiliser le grand public à leur vulnérabilité.

D. UN ENJEU POUR L'AVENIR : MIEUX ENCADRER LES CONDITIONS D'UTILISATION DES CONVENTIONS JUDICIAIRE D'INTÉRÊT ENVIRONNEMENTALE (CJIPE)

Plusieurs infractions constatées dans les Vosges ont donné lieu à la conclusion d'une CJIPE entre le procureur d'Épinal et Nestlé Waters le 2 septembre 2024, validée par ordonnance du président du tribunal judiciaire d'Épinal le 10 septembre 2024. La décision de recourir à cette convention n'a pas été comprise par une partie du grand public et soulève des interrogations. En particulier, le montant de l'amende d'intérêt public infligée à Nestlé Waters, qui aurait pu, selon les textes, être beaucoup plus élevée, jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires annuel, n'a pas fait l'objet d'explications étayées. Cette absence de précision peut donner l'impression d'un manque de transparence et d'une atténuation de la sanction. Aussi la commission estime-t-elle nécessaire que la chancellerie établisse des Lignes directrices sur la mise en oeuvre de la convention judiciaire d'intérêt public environnementale, à l'instar de celles publiées en janvier 2023 par le parquet national financier pour les CJIP « financières ».


* 1 Il s'agit de puits contenant des instruments permettant de mesurer le niveau de l'eau.

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