B. UNE ÉVOLUTION DES PRÉROGATIVES ADMINISTRATIVES ET DES MOYENS DES POLICIERS MUNICIPAUX QUI EST DICTÉE PAR LA RÉALITÉ DU TERRAIN
1. Des synergies avec la police et la gendarmerie nationales qui pourraient encore être renforcées
Au titre des évolutions à apporter pour faciliter le bon exercice de leurs missions par les polices municipales et les gardes champêtres, la mission d'information relève tout d'abord que la nécessité d'une amélioration des synergies opérationnelles avec les forces de sécurité intérieure. S'il ne s'agit pas de remettre en cause les fondamentaux de la répartition des rôles et des compétences entre ces deux échelons, qui doivent chacun conserver leur spécificité, la mission d'information estime que la coopération opérationnelle avec les forces nationales pourrait être confortée, en particulier par la multiplication des exercices d'entraînements communs et, lorsque les conditions le permettent, d'opérations conjointes.
Cette position est pleinement partagée par la DGPN. Celle-ci a en particulier cité six axes d'améliorations au cours de son audition : l'ajustement de la formation afin de permettre le développement d'une acculturation mutuelle entre les forces, le renforcement des exercices communs tels que des simulations d'accident ou de plan rouge, l'intensification des retours d'expérience partagés, le développement des opérations et patrouilles conjointes, la facilitation des échanges d'information sur le terrain notamment via des réseaux radios partagés, ainsi que la co-localisation des postes de police lorsque les infrastructures s'y prêtent49(*).
Du reste, la mission d'information a constaté que de nombreuses initiatives en ce sens avaient déjà été engagées, tant au niveau local qu'étatique. À titre d'exemple, un groupe de travail rassemblant les administrations compétentes de l'État et le CNFPT a été lancé au début de l'année 2025. Selon les termes employés par la DLPAJ, l'objectif de ce dernier est un renforcement de la formation des policiers municipaux pour améliorer leur complémentarité avec les forces de l'État.
La mission d'information ne peut que saluer ces initiatives et appelle à les intensifier. En revanche, elle rappelle que les polices municipales n'ont, par principe, pas vocation à accomplir des missions de maintien de l'ordre, qui demeurent de la responsabilité exclusive des forces de sécurité intérieure. Celles-ci peuvent néanmoins, par exception et à certaines conditions, apporter un concours précieux à la police et la gendarmerie nationales dans le contexte très particulier d'émeutes urbaines.
Sur ce point, la mission d'information ne peut que renouveler les propositions formulées par la commission des lois dans son rapport d'avril 2024 intitulé « Émeutes de juin 2023 : comprendre, évaluer, réagir »50(*). Pour rappel, elle y appelait à faciliter l'emploi des polices municipales, dans leurs prérogatives, lors des périodes d'émeutes urbaines en coordination avec les forces de sécurité intérieure. La révision des conventions de coordination afin d'y intégrer des procédures spécifiques en cas d'émeutes urbaines ainsi que le déploiement renforcé, dans un tel contexte, de patrouilles mixtes, étaient notamment cités comme des pistes opérationnelles d'amélioration.
La mission d'information appelle donc à renforcer la capacité d'action des polices municipales en complément des forces de sécurité intérieure dans le contexte d'émeutes. En revanche fermement la piste consistant à confier de manière pérenne aux polices municipales des missions qui s'apparenteraient à du maintien de l'ordre doit être écartée. Si le caractère exceptionnel des émeutes urbaines de juin 2023 a justifié un engagement ponctuel des polices municipales pour sécuriser les communes touchées, il serait en effet imprudent d'aller au-delà. Cela reviendrait de facto à exposer délibérément les policiers municipaux à des situations particulièrement périlleuses, qu'ils ne sont pas formés à affronter et alors même qu'ils ne disposent pas d'équipements adéquats pour s'en extraire.
Proposition n° 3 - Renforcer la coopération opérationnelle avec les forces de sécurité intérieure, en particulier via l'organisation d'exercices d'entraînement communs et, lorsque les conditions le permettent, d'opérations conjointes.
Proposition n° 4 - Sans étendre leurs missions au maintien de l'ordre, renforcer la capacité d'action des polices municipales en complément des forces de sécurité intérieure dans le contexte d'émeutes.
2. Une extension indispensable mais nécessairement circonscrite des prérogatives administratives des policiers municipaux
La mission d'information considère ensuite que des évolutions pragmatiques et dictées par la réalité du terrain des prérogatives des policiers municipaux et des gardes champêtres sont aujourd'hui nécessaires. Il s'agirait, en matière administrative, d'étendre les prérogatives des policiers municipaux pour leur permettre, dans des conditions strictement définies, de procéder à des inspections visuelles de l'intérieur de véhicules et de coffres ainsi que de conserver des objets dangereux.
a) Une indispensable évolution de la législation sur les inspections visuelles de l'intérieur des véhicules et de leur coffre
En premier lieu, la mission d'information a été alertée sur les importantes difficultés opérationnelles résultant de l'impossibilité actuelle pour les policiers municipaux de faire ouvrir les coffres de véhicules immobilisés dans le cadre de leurs missions.
La mission ne méconnaît pas les difficultés juridiques afférentes à toute modification de la législation en la matière. Comme cela a été rappelé par la DLPAJ au cours de son audition, la fouille des véhicules constitue légalement un acte d'enquête que la loi réserve aux seuls officiers de police judiciaires. Pour rappel, les officiers de police judiciaire peuvent y procéder dans deux cas de figure : sur réquisitions écrites du procureur de la République pour la recherche et la constatation de sept catégories d'infractions51(*) et, à leur initiative, lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager du véhicule une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit flagrant.
Pour autant, il peut apparaître paradoxal que les policiers municipaux ne disposent aujourd'hui d'aucun levier légal pour obtenir l'ouverture d'un coffre, alors qu'ils peuvent d'ores et déjà, dans certaines situations, procéder à des palpations de sécurité et à des inspections visuelles de bagages. L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure les y autorise en effet lorsqu'ils sont affectés sur décision du maire à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle, à celle d'un périmètre de protection institué par le représentant de l'État dans le département ainsi que dans le cadre de la surveillance de l'accès à un bâtiment communal. Si la réalisation de palpations de sécurité et la fouille de bagages supposent le consentement de la personne concernée, tel n'est en revanche pas le cas s'agissant de l'inspection visuelle de bagages.
La mission d'information relève par ailleurs que la dernière extension des prérogatives des policiers municipaux en la matière issue de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a été validée par le Conseil constitutionnel52(*). Se prononçant sur la possibilité d'étendre à l'ensemble des manifestations sportives, récréatives ou culturelles la possibilité pour les agents de police municipale de procéder à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu'à des palpations de sécurité, celui-ci a considéré qu'une telle disposition était conforme à la Constitution, se bornant à préciser que la mise en oeuvre de telles vérifications « ne saurait s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».
De surcroît, une évolution de la législation sur ce point répondrait à une demande unanime des policiers municipaux entendus par la mission d'information. Ce point a été systématiquement cité au cours des travaux comme l'une des principales entraves à l'efficacité des policiers municipaux sur le terrain. La consultation des élus locaux opérée sur la plateforme du Sénat confirme le caractère largement partagé de cette revendication au sein de la profession. Près de 64 % des 792 répondants à la question « Seriez-favorable à une évolution des missions des policiers municipaux afin de leur permettre de réaliser des fouilles de véhicules ? » ont ainsi répondu par l'affirmative.
Compte tenu de ces éléments, la mission d'information estime qu'une évolution de la législation serait opportune. Elle appelle donc à autoriser les policiers municipaux à procéder, dans des conditions strictement définies, à des inspections visuelles de l'intérieur des véhicules et des coffres. La réalisation de seules inspections visuelles susciterait de fait de moindres difficultés juridiques que dans le cas de fouilles, qui plus est si une telle prérogative était limitée aux trois situations actuellement prévues s'agissant des bagages et des palpations de sécurité. La mission d'information relève par ailleurs qu'une disposition similaire figure à l'article 31 du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 récemment déposé sur le bureau du Sénat, au bénéfice des agents privés de sécurité.
Proposition n° 5 - Autoriser les policiers municipaux à procéder, dans des conditions strictement définies, à des inspections visuelles de l'intérieur de véhicules et de coffres.
b) La saisie d'objets dangereux, une piste à explorer
La mission d'information estime en second lieu qu'une piste prometteuse pourrait être d'autoriser les policiers municipaux voire, le cas échéant, les gardes champêtres, à conserver sous certaines conditions certains objets dangereux.
Il s'agirait concrètement, sur le modèle du nouvel article L. 2251-10 du code des transports introduit par la loi n° 2025-379 du 28 avril 2025 relative au renforcement de la sûreté dans les transports, de les autoriser à conserver, avec l'accord de l'intéressé et pour une durée limitée, des objets potentiellement dangereux découverts à l'occasion d'une palpation de sécurité réalisée dans l'une des trois situations visées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure53(*). En cas de refus, la personne pourrait se voir refuser l'accès à la manifestation sportive récréative ou culturelle, au périmètre de sécurité ou au bâtiment communal en question.
Ce dispositif ayant été expressément validé par le Conseil constitutionnel54(*), lequel a écarté tant le grief de violation du droit de propriété que de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la mission d'information estime que la proposition qu'elle formule serait conforme à l'approche du juge constitutionnel.
Du reste, la commission s'est déjà prononcée en faveur d'une évolution de la législation relative à la saisie ou à la conservation d'objets dangereux par des policiers municipaux, en matière judiciaire et dans le cadre particulier des violences urbaines. Son rapport intitulé « Émeutes de juin 2023 : comprendre, évaluer, réagir », plaidait pour « qu'en contexte émeutier les policiers municipaux puissent saisir des biens et objets dangereux, utilisés par les émeutiers à l'encontre des forces de l'ordre et pour dégrader des biens et bâtiments, tels que les mortiers d'artifice et les armes par destination ; ils pourraient ainsi, après accord du maire et formation adéquate, opérer une saisie dès lors qu'elle ne nécessite pas une fouille ou une perquisition, mais une simple inspection visuelle ; de tels comportements en ce qu'ils sont facilement identifiables et caractérisables permettraient une verbalisation et une saisie immédiate par la police municipale, sans attendre une patrouille des forces de sécurité intérieure envoyée par un officier de police judiciaire. »
Proposition n° 6 - Autoriser les policiers municipaux à procéder, dans certaines situations déterminées, à des saisies d'objets dangereux.
3. Une indispensable montée en gamme des équipements attribués aux policiers municipaux et aux gardes champêtres
La mission d'information préconise ensuite une évolution des moyens à la disposition des polices municipales et des gardes champêtres. Ses membres ont en effet été alertés tout au long de leurs travaux par les acteurs de terrain rencontrés sur l'inadéquation entre les équipements qui leur sont attribués et leurs besoins opérationnels.
Le résultat de la consultation des élus locaux opérée sur la plateforme du Sénat est sans appel sur ce point puisque près de 60 % des répondants ont répondu par la positive à la question « Jugeriez-vous utile de faire évoluer la législation et la réglementation afin d'autoriser les polices municipales à se doter de nouveaux équipements ? »55(*). Dans ce contexte, la mission d'information identifie deux axes principaux d'évolution pour améliorer les équipements des policiers municipaux et des gardes champêtres : l'armement et les dispositifs de captation d'images.
a) Autoriser l'usage de grenades lacrymogènes ou dispersantes à des fins exclusivement défensives
En matière d'armement, la mission d'information a tout d'abord constaté que les policiers municipaux pouvaient d'ores et déjà être autorisés à user d'une large gamme de matériels56(*).
Dans un contexte où ils sont de plus en plus susceptibles d'être menacés et pris à partie par des groupes d'individus, elle considère comme nécessaire de les autoriser également à faire usage, pour leur propre protection et à la condition d'avoir reçu une formation adéquate, des grenades lacrymogènes ou dispersantes.
Cette analyse rejoint celle exprimée par la DGPN au cours de son audition : « Les difficultés rencontrées sur la voie publique consistent en l'inadéquation des moyens des polices municipales avec les situations qu'elles sont amenées régulièrement à rencontrer lors de leurs missions.
« Dès lors, si la police municipale ne peut assurer des missions de maintien de l'ordre, elle est régulièrement confrontée dans le cadre de ses missions quotidiennes de tranquillité publique à des prises à partie dans les nombreux quartiers sensibles au sein desquelles elle est amenée à patrouiller, parfois en primo-intervenant et sans appui immédiat des forces de sécurité intérieure.
« Dans le cadre de la légitime défense [, telle que définie à l'article 122-5 du code de procédure pénale] et à des fins de protection [des personnels de la police municipale], afin d'être en mesure de repousser des groupes violents, de créer une distance de sécurité et de se désengager lors d'interventions dangereuses pour leur intégrité physique, une évolution serait souhaitable. Cette utilisation serait strictement distincte de missions de maintien et de rétablissement de l'ordre ».
La DGPN s'est ainsi montrée favorable à l'acquisition notamment de grenades lacrymogènes ou de désencerclement, afin de permettre aux agents d'une police municipale de s'extraire d'une situation à risque.
Du reste, de nombreuses communes demandent explicitement à ce que leurs polices municipales puissent se doter de ces deux catégories d'armes. Les résultats de la consultation des élus locaux opérée sur la plateforme du Sénat sont éloquents sur ce point. Il s'agit ainsi de la troisième réponse la plus importante à la question « Pour quels équipements jugeriez-vous utile de faire évoluer la législation afin d'autoriser les polices municipales à s'en doter ? »57(*).
La mission d'information a en revanche unanimement écarté l'hypothèse consistant à attribuer des armes de longue portée aux polices municipales. Si cette demande a ponctuellement pu être exprimée sur le terrain, elle n'en suscite pas moins nombre d'interrogations s'agissant d'armes particulièrement dangereuses et exclusivement dédiées au maintien de l'ordre. La mission d'information soutient donc sur ce point la position exprimée, notamment, par la DLPAJ au cours de son audition. Celle-ci a estimé que « les agents de police municipale doivent se concentrer sur des missions de prévention des troubles à l'ordre public, qui ne doivent pas être confondues avec celles des forces de l'ordre ; au-delà de mettre en danger la sécurité des agents eux-mêmes, leur confier de telles armes qualifiées d'armes de guerre soulèverait des difficultés en termes de responsabilité, de positionnement des agents et de formation ».
Proposition n° 7 - Étendre la gamme d'armement autorisée pour les policiers municipaux en y intégrant notamment, à des fins exclusivement défensives, l'usage de grenades lacrymogènes ou dispersantes, mais à l'exclusion des armes de longue portée.
b) Permettre un meilleur usage des technologies de captation d'images
La mission d'information estime enfin nécessaire de permettre aux polices municipales voire, le cas échéant, aux gardes champêtres de faire un meilleur usage des technologies de captation d'images, et ce dans au moins quatre domaines.
Le premier point concerne la vidéoprotection au sens large. Comme cela a été rappelé par la DGPN au cours de son audition, les normes techniques applicables à la vidéoprotection ont été fixées par un arrêté de 200758(*), qui n'a pas été mis à jour depuis, en dépit des évolutions technologiques importantes intervenues en la matière. Ces normes techniques mériteraient d'être actualisées, au bénéfice tant des polices municipales, par ailleurs largement équipées en la matière, que des forces de sécurité intérieure.
L'équipement des polices municipales en caméras connaît par ailleurs une forte augmentation. En 2023, selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur, les polices municipales pouvaient s'appuyer sur les images captées par 147 992 caméras, soit une hausse de 70 % par rapport à 2021 (87 268 caméras). On dénombrait également 1 003 communes ou EPCI dotés d'un centre de supervision urbain (CSU) en 2023, contre 680 en 2021.
Le deuxième élément a trait à la captation d'images par drones. Le législateur a déjà entendu, à l'initiative du Sénat lors des débats sur la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure autoriser à titre expérimental, l'usage de drones par les services de police municipale59(*). Cette disposition a néanmoins été déclarée contraire à la Constitution pour trois motifs60(*) : la possibilité pour les polices municipales de faire usage de drones pour la sécurisation de l'ensemble des manifestations sportives, récréatives ou culturelles sans leur adjoindre un critère d'exposition à des risques de troubles graves à l'ordre public ; l'absence de possibilité pour le représentant de l'État de mettre fin à tout moment à l'autorisation délivrée pour l'usage de ces aéronefs ; l'existence d'une procédure d'urgence permettant le déploiement des drones en dehors de toute autorisation préfectorale.
Dans ce contexte, la mission d'information ne peut que plaider pour que le législateur se saisisse à nouveau du dispositif, en prenant en compte les éléments que le Conseil constitutionnel a lui-même signalés pour garantir sa conformité à la Constitution. Du reste, la très grande majorité des acteurs auditionnés se sont montrés favorables à cette évolution du cadre légal visant à autoriser les polices municipales à utiliser des drones, y compris au niveau étatique. La DGPN a notamment indiqué au cours de son audition que « sur un plan opérationnel, l'emploi des drones dans un cadre uniquement administratif pourrait se révéler complémentaire à l'utilisation des drones par les forces de sécurité intérieure et permettre un maillage territorial plus dense ».
Le troisième point est relatif au recours aux dispositifs de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI). L'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure n'autorise actuellement que les services de la police et de la gendarmerie nationales ainsi que des douanes à utiliser ces dispositifs. La mission d'information considère en conséquence qu'il pourrait être envisagé d'étendre cette possibilité aux polices municipales, en cohérence avec leur présence particulièrement importante sur la voie publique. Elle partage ce faisant une nouvelle fois la position de la DGPN, qui a estimé au cours de son audition « qu'il pourrait être utile d'autoriser les polices municipales à exploiter elles-mêmes ces dispositifs, pour des finalités strictement en lien avec leurs domaines de compétences ».
Le dernier point concerne l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique.
L'article 10 n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions avait autorisé la mise en place, à titre expérimental, de l'usage de la vidéoprotection algorithmique dans certains cas déterminés et y compris par les polices municipales. La commission avait accueilli favorablement cette disposition lors de son examen, tout en l'assortissant de garanties supplémentaires61(*). L'évaluation du dispositif, conduite par un comité indépendant au terme de l'expérimentation, a montré que celui-ci n'avait pas fait la preuve pleine et entière de son efficacité, jugeant son bilan « limité mais réel ». Partageant ce constat, le rapport de la mission d'information conduite par Françoise Dumont et Marie-Pierre de La Gontrie au nom de la commission des lois, publié le 19 février 202562(*), avait préconisé, avant d'envisager toute pérennisation, une prolongation de l'expérimentation. Une première tentative en ce sens a été conduite dans le cadre de la récente loi relative à la sûreté dans les transports, mais a été censurée par le Conseil au titre de l'article 45 de la Constitution63(*).
Le rapport de la mission d'information précitée avait également formulé des recommandations qui concerneraient directement l'engagement des communes dans l'expérimentation :
- permettre la mise en oeuvre du dispositif, même en l'absence de grandes manifestations sportives, récréatives ou culturelles, en vue de la surveillance de zones clairement délimitées à l'aune de risques sécuritaires importants, pour des cas d'usage strictement proportionnés ;
- conférer davantage d'autonomie aux services utilisateurs, dont les communes, pour le choix et la calibration des solutions technologiques à expérimenter, dans des conditions qui resteraient rigoureusement encadrées et contrôlées par le ministère de l'intérieur ainsi que la commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- étendre le champ des agents autorisés à accéder aux signalements à des agents communaux n'appartenant pas à la police municipale, à condition que ces agents soient en nombre limité, nominativement désignés, dûment formés et habilités, et restent sous la supervision d'un policier municipal.
En effet, en réservant aux policiers municipaux l'utilisation de ces logiciels, à l'exclusion des autres agents qui utilisent habituellement ces systèmes (les ASVP), la mise en oeuvre du dispositif expérimental était susceptible d'entraîner d'importantes difficultés opérationnelles, d'autant que la vocation principale des policiers municipaux, lors de grands évènements, est d'être mobilisés sur la voie publique. Cette limitation a été identifiée comme un facteur explicatif déterminant du fait qu'une seule et unique commune, Cannes, se soit engagée dans l'expérimentation.
La mission d'information a constaté au cours de ses travaux que la reconduction de l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique constituait une demande particulièrement forte des communes, comme en attestent les résultats de la consultation des élus locaux opérée sur la plate-forme du Sénat. Il s'agit ainsi de la première réponse à la question « Pour quels équipements jugeriez-vous utile de faire évoluer la législation afin d'autoriser les polices municipales à s'en doter ? »64(*). Par conséquent, la mission d'information salue le choix du Gouvernement de réintroduire un tel dispositif à l'article 35 du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 récemment déposé sur le bureau du Sénat.
Au-delà de la question de son usage par les polices municipales, elle relève par ailleurs que son prochain examen au Sénat pourrait être l'occasion de mettre en oeuvre tout ou partie des recommandations émises par la mission d'information précitée65(*).
S'agissant enfin des recommandations spécifiques aux gardes champêtres, il apparaîtrait opportun à la mission d'information de leur conférer les mêmes facultés que les policiers municipaux en matière d'accès aux images de vidéoprotection. L'article L. 252-2 du code de la sécurité intérieure ne mentionne en effet que les agents des services de la police et de la gendarmerie nationales ainsi que des services de police municipale au rang des personnes autorisées à accéder aux images de systèmes de vidéoprotection déployés sur la voie publique.
Par ailleurs, l'article 46 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés avait autorisé, à titre expérimental et jusqu'au 24 novembre 2024, les gardes champêtres à se doter de caméras-piétons. Cette expérimentation est aujourd'hui arrivée à son terme, privant ces agents d'un outil indéniablement utiles pour l'exercice de leurs missions, alors qu'en 2023, le ministère de l'intérieur dénombrait 184 communes engagées dans l'expérimentation.
La mission d'information recommande en conséquence de pérenniser dès que possible cette possibilité.
Proposition n° 8 - Faciliter le recours aux dispositifs de vidéoprotection - notamment pour les gardes champêtres -, y compris via des drones ou des systèmes de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI).
Proposition n° 9 - Pérenniser la possibilité pour les gardes champêtres de recourir à des caméras-piétons.
* 49 Celle-ci est présentée par la DGPN comme étant de nature, d'une part, à faciliter le partage d'informations dans la limite du secret professionnel, et, d'autre part, de réduire les coûts.
* 50 Rapport d'information n° 521 (2023-2024), « Émeutes de juin 2023 : comprendre, évaluer, réagir », 9 avril 2024.
* 51 Les actes de terrorisme, les infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, d'armes, d'explosifs, de vol, de recel ainsi que les faits de trafic de stupéfiants (voir le I de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale).
* 52 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021
* 53 À savoir la sécurisation d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle ou d'un périmètre de sécurité institué par le représentant de l'État, ainsi que dans le cadre de la surveillance de l'accès à un bâtiment communal.
* 54 Conseil constitutionnel, décision n° 2025-878 DC du 24 avril 2025, cons
* 55 Soit 446 des 733 répondants à cet item (60,8 %).
* 56 Cf. 2 du B du I.
* 57 Avec 140 réponses, derrière les armes létales (175) et la vidéoprotection algorithmique (375).
* 58 Arrêté du 3 août 2007 portant définition des normes techniques des systèmes de vidéosurveillance.
* 59 Par l'adoption d'un amendement COM-24 de Françoise Gatel lors de l'examen en première lecture en commission du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
* 60 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022, cons. 35 à 37.
* 61 Voir le commentaire de l'article 8 du rapport n° 248 (2022-2023) d'Agnès Canayer sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, 18 janvier 2023.
* 62 Rapport d'information n° 374 (2024-2025) de Françoise Dumont et Marie-Pierre de la Gontrie, « Vidéoprotection algorithmique, sécurité privée : Après les JOP, jouons les prolongations », 19 février 2025.
* 63 Conseil constitutionnel, décision n° 2025-878 DC du 24 avril 2025.
* 64 Avec 377 réponses contre 175 pour la seconde (les armes létales). Nombre de répondants : 819 (réponse optionnelle).
* 65 À savoir, permettre la mise en oeuvre du dispositif, même en l'absence de grandes manifestations sportives, récréatives ou culturelles, en vue de la surveillance de zones clairement délimitées à l'aune de risques sécuritaires importants, pour des cas d'usage strictement proportionnés ; étendre le champ des agents autorisés à accéder aux signalements à des agents communaux n'appartenant pas à la police municipale ; conférer davantage d'autonomie aux services utilisateurs pour le choix et la calibration des solutions technologiques à expérimenter ; conforter le dispositif d'évaluation de l'expérimentation par un comité ad hoc et dont l'indépendance serait garantie par la loi.