II. LA DIPLOMATIE FÉMINISTE FRANÇAISE, UN LEVIER POUR DÉFENDRE LES DROITS DES FEMMES À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE

La présence d'une importante délégation française à la CSW - l'une des plus importantes délégations nationales - témoigne de l'engagement de la France dans la défense des droits des femmes à l'échelle internationale. Cet engagement se manifeste par l'adoption et la mise en oeuvre d'une « diplomatie féministe » et par un soutien, à la fois financier et logistique, aux organisations féministes qui interviennent dans de nombreux pays du monde.

La délégation se félicite de cette orientation de la diplomatie française, dont elle appelait déjà à un renforcement des ambitions, notamment dans le cadre de l'aide publique au développement, dans son rapport d'information intitulé « L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale », publié en 202113(*).

A. UNE DIPLOMATIE FÉMINISTE DE MIEUX EN MIEUX STRUCTURÉE

1. La France, quatrième pays au monde à adopter une diplomatie féministe en 2019

La France a été le quatrième pays à adopter une diplomatie féministe en 2019, après la Suède, le Canada et le Luxembourg. Ces pays ont en commun d'avoir fait des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes une des priorités de leurs politiques étrangères et de leur politique d'aide au développement.

Dans ce cadre, la France a notamment coprésidé, avec le Mexique et en partenariat avec la société civile et la jeunesse, le Forum Génération Égalité, qui s'est tenu à Paris en juin 2021. Ce fut le rassemblement mondial féministe le plus important depuis la Conférence de Beijing en 1995. Une somme historique de 40 milliards de dollars sur cinq ans en faveur des droits des femmes a alors été levée.

Delphine O, Ambassadrice, secrétaire générale du Forum Génération Égalité, continue à faire vivre les engagements pris lors de ce Forum et, plus largement, à porter sur le plan international la voix de la France sur les questions de droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. De même, en tant qu'Ambassadrice pour les droits de l'homme, Isabelle Rome porte elle aussi l'engagement international de la France en faveur des droits des femmes et contre les violences.

2. Une stratégie internationale pour la diplomatie féministe française publiée en mars 2025

La France s'est dotée de plusieurs stratégies internationales pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La quatrième édition de la stratégie internationale (2025-2030) a été présentée en mars 2025 et vise à définir une « stratégie pour une diplomatie féministe ».

Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, définit la diplomatie féministe en ces termes : « une diplomatie d'action au service des droits des femmes »14(*).

Le document stratégique 2025-2030 apporte les précisions suivantes : « Un État ayant adopté une diplomatie féministe place les droits des femmes et des filles et l'égalité de genre au coeur de sa politique étrangère [...] Toutes les modalités de l'action diplomatique, bilatérale et multilatérale, ainsi que l'activité consulaire, sont concernées. ».

Cinq piliers sont définis :

défendre les droits et libertés des femmes et des filles, en particulier les droits et la santé sexuels et reproductifs, « pierre angulaire de la diplomatie féministe portée par la France » ;

favoriser la participation et la représentation des femmes dans toutes les dimensions de la vie politique, sociale et économique, et dans tous les processus de décision, y compris dans les processus de prévention, de gestion et de règlement des conflits ;

lutter contre toutes les formes d'inégalités et de violences fondées sur le genre, dans tous les contextes y compris dans l'environnement numérique et dans les situations de crises et de conflits armés ;

mobiliser des financements pour avancer vers l'égalité de genre, notamment en prenant en compte systématiquement l'égalité de genre dans les financements bilatéraux et multilatéraux ;

adopter et promouvoir une méthodologie féministe (transversalité et cohérence de l'action ; partenariats et coalitions ; formation et expertise ; réalisations concrètes et redevabilité).

La stratégie 2025-2030 met également l'accent sur le rôle des consulats, amenés à intervenir en soutien aux Françaises établies hors de France et aux Françaises de passage qui seraient victimes de violences physiques ou sexuelles. Elle fixe pour objectif de renforcer l'action du réseau diplomatique et consulaire pour assurer la protection des ressortissantes victimes de violences à l'étranger, sécuriser les victimes, les accompagner dans leurs démarches et les orienter vers les structures et les services adaptés, aussi bien localement qu'en France.

La délégation est particulièrement attachée au soutien aux femmes françaises victimes de violences, quel que soit leur lieu de résidence. Elle a pu échanger sur l'action consulaire en la matière avec Myriam Gil, consule générale adjointe, et Camille Boyer, cheffe du service social du consulat général de France à New-York, qui ont détaillé plusieurs partenariats noués avec des associations locales. Il apparaît cependant que le rôle des consulats en la matière est encore peu connu et peu développé.

Dans ce contexte, la délégation se réjouit de la signature, en mars 2025, d'une convention tripartite entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le ministère et la plateforme « Save You ». Cette plateforme téléphonique, accessible gratuitement partout dans le monde, propose une écoute et un accompagnement juridique, psychologique et social aux femmes établies hors de France victimes de violences intrafamiliales, en lien avec les institutions et associations compétentes.

Un autre dispositif innovant a été porté à la connaissance de la délégation : une permanence de consultations juridiques gratuites, de droit français et de droit singapourien, à destination de femmes françaises établies à Singapour et victimes de violences dans le cadre privé ou professionnel. Ce projet, porté par Chloé Viallard, avocate établie à Singapour, est le fruit d'un partenariat entre la Law Society of Singapore, le Barreau de Paris et l'Ambassade de France à Singapour15(*). Au-delà des conseils juridiques, fournis par des avocats bénévoles français et singapouriens, les femmes bénéficient également d'informations pratiques et peuvent être orientées vers d'autres formes de soutien (écoute, soutien psychologique, recrutement, hébergement...). Des discussions semblent en cours entre la Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire et le Barreau de Paris afin d'envisager de dupliquer cette initiative dans d'autres pays.

De nombreux autres projets et initiatives s'inscrivent dans le cadre de la diplomatie féministe française. Parmi eux, le Prix Simone Veil de la République française pour l'égalité femmes-hommes distingue, chaque année depuis 2019, une personne ou un collectif, sans considération de nationalité, qui oeuvre en faveur des droits des femmes.

L'édition 2025, qui avait pour thème « la lutte contre les violences faites aux femmes dans l'environnement numérique », a récompensé le travail du collectif argentin Organizacion género y TIC (Gentic). La principale réussite de Gentic est sa mobilisation dans la rédaction et l'adoption, en 2023, de la loi Olimpia, qui reconnaît pour la première fois en Argentine la spécificité des violences numériques à l'égard des femmes. La délégation a pu s'entretenir, le 13 mai 2025, avec Maria Florencia Zerda, avocate et fondatrice de Gentic, dont l'implication dans la lutte contre les violences numériques rejoint les préoccupations de ses membres.

La délégation se félicite d'une telle initiative qui donne de la visibilité aux personnalités et structures qui agissent en faveur des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes dans le monde, comme elle le fait elle-même avec le Prix annuel de la délégation aux droits des femmes du Sénat.

Au-delà de ces initiatives et projets portés par les acteurs gouvernementaux, et principalement par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, la réflexion sur l'engagement de la France dans une diplomatie féministe s'étend à la fois aux parlementaires et aux collectivités territoriales. Ainsi, s'est tenu au Sénat, le 23 mai dernier, sous le haut patronage du Président, Gérard Larcher, et à l'initiative de Loïc Hervé, vice-président du Sénat et membre de la délégation, un colloque ayant pour thème « Quel rôle pour les diplomaties en faveur des droits des femmes dans un contexte de multiplication des crises ? »16(*) qui a permis d'aborder, au cours de trois séquences :

· l'exacerbation des inégalités de genre en situations de crise ;

· la mobilisation du Sénat en faveur des droits des femmes et la diplomatie féministe mise en oeuvre par l'État ;

· la diplomatie féministe portée par les collectivités territoriales dans un monde en tension.

La délégation appelle de ses voeux un renforcement de la dimension féministe de la diplomatie parlementaire, à travers une mobilisation continue en faveur des droits des femmes dans le monde, une participation régulière aux conférences internationales dans ce domaine et des échanges renforcés avec des partenaires étrangers - à la fois parlementaires et organisations de la société civile - investis sur ces problématiques. Elle souhaite également que les parlementaires puissent être davantage associés aux actions menées par le Gouvernement, en particulier par la mise en place d'un volet parlementaire lors d'événements consacrés à la diplomatie féministe.

3. Un groupe des politiques étrangères féministes (FFP+), qui réunit aujourd'hui dix-sept États

Dix-sept États font aujourd'hui partie du groupe des politiques étrangères féministes (FFP+) et des discussions sont en cours afin que d'autres États s'engagent dans cette démarche.

Trois conférences des politiques étrangères féministes, rassemblant États et représentants de la société civile, se sont tenues, en Allemagne (2022), aux Pays-Bas (2023) et au Mexique (2024), et la France accueillera la prochaine conférence, à l'automne 2025. La délégation appelle le Gouvernement à associer les parlementaires à cette conférence, via une séquence parlementaire dédiée.


* 13Rapport d'information n° 550 (2020-2021) de Mme Claudine LEPAGE : https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-550-notice.html

* 14 https://www.vie-publique.fr/discours/297690-jean-noel-barrot-08032025-diplomatie-feministe

* 15 https://sg.ambafrance.org/Femmes-victimes-de-violences-numeros-d-appel

* 16 https://videos.senat.fr/video.5420062_682f3ddef0c0f.les-diplomaties-en-faveur-des-droits-des-femmes-

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