B. UNE MULTIPLICITÉ DES SOURCES « UTILES » DE PROTÉINES
Il existe de nombreuses sources possibles de protéines dans l'alimentation, la distinction principale étant faite entre protéines d'origine animale (viande, lait, oeufs, poisson) et protéines végétales. La teneur des aliments en protéines, la composition en acides aminés des protéines, mais aussi les apports des autres macronutriments et micronutriments, diffèrent fortement d'un aliment à l'autre, si bien qu'il existe une multiplicité de manière de répondre aux besoins nutritionnels d'un individu.
1. Le match entre protéines animales et protéines végétales doit-il avoir lieu ?
a) L'enjeu de la teneur des aliments en protéines
(1) Les sources de données
En France, la base Ciqual20(*) fournit des données très complètes sur la teneur en protéines et autres nutriments présents dans les aliments. Ces données sont exprimées en g/100 grammes de produit.
Aux États-Unis, c'est le département de l'agriculture qui gère une base de données, l'USDA FoodData Central (anciennement appelée USDA National Nutrient Database for Standard Reference)21(*) qui fournit des informations détaillées sur la teneur en nutriments, y compris les protéines, pour une très large gamme d'aliments génériques et de marques commerciales américaines. Elle est l'une des bases les plus complètes au monde, avec un grand nombre d'aliments et de nutriments analysés. Elle est mise à jour régulièrement. Logiquement, elle est davantage axée sur les aliments consommés aux États-Unis.
La Food Standards Australia New Zealand (FSANZ) est une autre base de données qui fournit des informations nutritionnelles sur les aliments consommés en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle est reconnue pour sa qualité et sa rigueur scientifique, mais son champ d'application géographique est limité. De nombreux autres pays disposent de leurs propres bases de données nutritionnelles (par exemple, au Royaume-Uni, au Canada, dans les pays nordiques...), adaptées aux spécificités de leur consommation alimentaire.
À l'échelle européenne, l'EuroFIR (European Food Information Resource Network) vise à harmoniser et à améliorer la qualité et la disponibilité des données sur la composition des aliments en Europe.
Toutes les données sont compilées à l'échelle de la FAO dans le cadre du réseau international des systèmes de données sur l'alimentation (bases FAO-INFOODS)22(*) avec des déclinaisons régionales.
Il existe des nuances dans les quantifications proposées par les différentes bases de données, qui s'expliquent par la variabilité des conditions de production des aliments, notamment en fonction des zones géographiques. La teneur en protéines des farines de blé servant à faire du pain est sensible au cultivar sélectionné, aux conditions climatiques ou à la présente d'azote dans le sol. On utilisera ainsi volontiers des blés avec une teneur en protéine supérieure à 12 % pour la pâte à pain et autour de 10 % pour fabriquer des biscuits. Des blés à forte teneur en protéines auront une teneur moindre en amidon et réciproquement.
La description des protéines apportées par l'alimentation reste un exercice incomplet et évolutif. Le niveau de détail et la couverture des aliments peuvent varier considérablement d'une base de données à l'autre. Pour des analyses comparatives précises, il est préférable d'utiliser une seule base de données. La base Ciqual, qui bénéficie d'une forte reconnaissance scientifique au-delà même de la France, peut être considérée comme une source fiable et très complète.
Au-delà de la teneur en protéines des aliments, il convient aussi de quantifier les caractéristiques de celles-ci, et notamment la biodisponibilité des acides aminés contenus dans ces protéines. À travers la technique de double marquage isotopique mentionnée précédemment, la FAO et l'AIEA envisagent de mettre en place une base de données pouvant prendre en compte la biodisponibilité pour l'organisme des différentes sources de protéines23(*). Ce projet de base de référence n'a pas encore abouti.
La base Ciqual de l'Anses
La connaissance des apports en macronutriments et micronutriments des aliments consommés passe par la collecte d'informations sur les principaux produits alimentaires proposés aux ménages en magasin.
L'Anses a été chargée, à travers l'Observatoire des aliments, de collecter, d'évaluer et de rendre disponibles des données de composition nutritionnelle relatives aux aliments consommés en France.
Ces données figurent au sein de la table Ciqual, qui fournit les données pour 67 constituants. En 2020 la table Ciqual décrivait la composition de 3 185 aliments, les teneurs dans les différents constituants étant fournies pour 100 grammes de la partie comestible de l'aliment, c'est-à-dire sans les os pour la viande, sans le trognon pour la pomme...
La base Ciqual est mise à jour régulièrement pour intégrer de nouveaux aliments, de nouvelles données analytiques et tenir compte des évolutions des pratiques alimentaires et des réglementations. Des réévaluations sont effectuées sur les aliments tous les deux à quatre ans.
Cette base est publique et librement accessible pour le grand public.
Elle est reconnue comme étant une source d'information de grande qualité, mais elle a aussi ses limites. Certaines tiennent à la variabilité naturelle des aliments : leur composition nutritionnelle peut varier en fonction de nombreux facteurs tels que la variété, les conditions de culture ou d'élevage, la saison, la zone géographique. Une autre limite tient à la complexité des aliments transformés : leur composition peut varier considérablement en fonction des recettes et des procédés de fabrication.
Il peut être difficile de disposer de données exhaustives pour tous les produits disponibles sur le marché. Les modes de préparation des aliments peuvent aussi altérer les apports nutritionnels (par exemple, perte de vitamines à la cuisson).
C'est pourquoi il peut être utile de croiser les données de la base Ciqual avec celles venant d'autres bases quand elles existent, comme l'USDA FoodData Central.
(2) Des quantités de protéines très variées selon les catégories d'aliments et au sein de chaque catégorie
La viande contient entre 20 et 25 % de protéines, le lait et les oeufs entre 8 et 12 %. Le fromage a également une forte teneur en protéines, de l'ordre de 22 %, avec une forte variation selon les types de fromages et les modes de production.
La teneur en protéines des produits végétaux est globalement plus faible que celle des produits animaux. Les fruits, légumes et champignons en contiennent des quantités minimes. Les légumineuses, les fruits secs oléagineux, certaines céréales et certaines graines en sont mieux dotés sans toutefois atteindre les teneurs de la viande.
Des fourchettes peuvent être établies en se basant sur la base Ciqual :
Source alimentaire |
Quantité de protéines |
Viande de volaille |
25 grammes |
Viande de boeuf |
24 grammes |
Viande de porc |
22 grammes |
Poisson |
22 grammes |
Lait |
8 grammes |
Fromage |
22 grammes (mais forte variabilité) |
OEufs |
12 grammes |
Fruits |
1 à 3 grammes |
Légumes |
1 à 3 grammes |
Champignons |
1 à 3 grammes |
Céréales (blé, seigle, orge, avoine, riz, sorgho, maïs) |
De 3 grammes (riz) à plus de
15 grammes |
Légumineuses (soja, haricot blanc, haricot rouge, lentille, pois chiche) |
Environ 20 grammes, et parfois plus (soja : 35 grammes) |
Fruits secs (amande, noix, noisette, pistache, cacahuète) |
Jusqu'à 20 grammes |
Graines oléagineuses (lin, sésame, pignon de pin, chia) |
Jusqu'à 30 grammes |
Si les quantités de protéines présentes dans les aliments carnés sont assez homogènes selon les catégories, les apports en protéines présentent un profil plus disparate au sein de chaque catégorie d'aliments végétaux, comme le montre un document de vulgarisation du département de la Gironde déclinant les plats proposés en restauration collective :
L'intérêt nutritionnel des légumineuses
Les légumineuses sont les plantes appartenant à la famille des Fabaceae. Les fruits de ces plantes sont protégés par des gousses contenant les graines. Ce sont ces graines, matures et séchées, que nous consommons le plus souvent sous le nom de légumes secs mais parfois aussi sous forme de légumes frais.
Les légumineuses les plus courantes sont les lentilles, pois chiches, haricots secs, pois cassés, fèves, soja, lupin (consommés en légumes secs), les petits pois, haricots verts, fèves (consommés en légumes frais), les cacahuètes, ou encore le trèfle et la luzerne (consommés uniquement en alimentation animale).
Les légumineuses présentent plusieurs atouts du point de vue nutritionnel :
- elles ont une teneur en protéines plus élevée que les céréales ;
- elles sont une source importante de fibres alimentaires, solubles et insolubles, bénéfiques pour la régularité intestinale, la gestion de la glycémie et du cholestérol, et la satiété (les fibres représentent dans les lentilles environ 11 à 15 g/100 g de produit, 10 à 17 pour les pois chiches ou encore 15 à 25 g pour les haricots secs) ;
- elles sont riches en minéraux et oligo-éléments. En particulier, elles contiennent des quantités intéressantes de fer (non héminique24(*), dont l'absorption est améliorée par la vitamine C), de magnésium, de potassium, de zinc, de phosphore et de calcium ;
- elles apportent des vitamines du groupe B (notamment B9 ou folates), importantes pour le métabolisme cellulaire et la prévention de certaines malformations congénitales ;
- elles sont pauvres en lipides ;
- elles sont un index glycémique (IG) modéré à bas : grâce à leur richesse en fibres et en protéines, elles entraînent une libération plus lente du glucose dans le sang, contribuant à une meilleure gestion de la glycémie ;
- elles apportent aussi des composés bioactifs. En effet, elles renferment des antioxydants (polyphénols), des phytostérols et d'autres composés bénéfiques pour la santé et la prévention de certaines maladies chroniques.
(3) La protéine animale est-elle plus qualitative ?
Au-delà des enjeux de quantités de protéines présentes dans chaque aliment, se pose la question de la qualité des protéines qui s'apprécie à travers l'équilibre en acides aminés ou encore leur bonne digestibilité.
Là encore, les protéines d'origine animale présentent un avantage par rapport aux protéines végétales en ayant des profils équilibrés en acides aminés, avec des indices chimiques de 1 ou proches de 1 et des scores PDCAAS et DIAS élevés. On qualifie les protéines animales de « protéines complètes ».
La protéine de référence est celle de l'oeuf, qui est parfaitement équilibrée et contient tous les acides aminés dans des proportions idéales.
Mais globalement l'ensemble des protéines animales ont des valeurs biologiques élevées avec des profils en acides aminés qui couvrent les apports nutritionnels conseillés. Il en va de même des protéines issues de poissons.
En revanche, dans les protéines végétales, il y a souvent un ou plusieurs acides aminés essentiels limitants, car présents en trop faible quantité par rapport à une protéine idéale, voire absents.
La lysine est l'acide aminé le moins abondant dans les céréales. En outre, le tryptophane est lui aussi limitant dans le cas du maïs.
Ce sont les acides aminés sulfurés (méthionine et cystéine) qui constituent l'acide aminé limitant des légumineuses.
Pour la pomme de terre, les deux acides aminés limitants sont la leucine et l'histidine.
La plupart des protéines végétales sont des « protéines incomplètes » car manquant en quantité suffisante d'un ou plusieurs acides aminés essentiels.
Le tableau ci-contre indique les quantités de chaque acide aminé indispensable présent dans les différentes catégories d'aliments, qu'il faut comparer avec la protéine de référence définie par l'OMS en 2007. Les cases pour lesquelles les acides aminés présents dans les protéines de l'aliment sont en quantité inférieure à la protéine de référence sont grisées pour faciliter la lecture du tableau.
Les résultats peuvent être assez divergents selon les sources, ce qui nécessite de prendre les chiffres fournis avec prudence.
Composition en acides aminés d'une sélection d'aliments (en g/100g de protéines) |
Source |
Histidine |
Isoleucine |
Leucine |
Lysine |
Méthionine |
Phénylalanine |
Thréonine |
Tryptophane |
Valine |
Protéine de référence OMS 2007 |
d |
1,5 |
3,0 |
5,9 |
4,5 |
2,2 |
3,8 |
2,3 |
0,6 |
3,9 |
Lait entier |
d |
3,0 |
5,2 |
9,5 |
8,4 |
3,2 |
10,2 |
4,3 |
1,3 |
6,6 |
Lactosérum |
a |
1,8 |
4,9 |
11,0 |
9,1 |
2,3 |
3,2 |
6,9 |
- |
4,5 |
Caséine |
a |
2,3 |
3,2 |
8,0 |
6,3 |
2,2 |
4,3 |
3,6 |
- |
4,1 |
OEuf |
a |
1,8 |
3,1 |
7,1 |
5,3 |
2,7 |
4,5 |
3,9 |
- |
3,9 |
c |
2,4 |
6,6 |
8,8 |
5,3 |
3,2 |
5,8 |
5,0 |
1,7 |
7,2 |
|
d |
2,4 |
5,5 |
8,6 |
7,2 |
5,4 |
9,4 |
4,8 |
1,2 |
6,1 |
|
Boeuf |
b |
2,9 |
5,1 |
8,4 |
8,4 |
2,3 |
4,0 |
4,0 |
1,1 |
5,7 |
d |
3,3 |
4,4 |
7,8 |
8,3 |
3,5 |
7,0 |
3,9 |
0,5 |
4,9 |
|
Poulet |
d |
3,1 |
5,3 |
7,5 |
8,5 |
4,0 |
7,3 |
4,2 |
1,2 |
5,0 |
Poissons blancs |
d |
3,0 |
4,6 |
8,1 |
9,2 |
4,0 |
7,3 |
4,4 |
1,1 |
5,1 |
Blé |
a |
1,7 |
2,5 |
6,2 |
1,4 |
0,9 |
4,6 |
2,2 |
- |
2,8 |
d |
2,1 |
3,7 |
6,9 |
1,9 |
3,9 |
7,7 |
2,7 |
1,2 |
4,2 |
|
Riz |
a |
1,9 |
2,5 |
7,3 |
2,4 |
2,5 |
4,7 |
2,9 |
- |
3,5 |
d |
2,4 |
4,3 |
8,3 |
3,6 |
4,4 |
8,7 |
3,6 |
1,2 |
6,1 |
|
Maïs |
a |
1,7 |
2,6 |
13,5 |
1,5 |
1,7 |
5,2 |
2,8 |
- |
3,2 |
d |
2,7 |
3,9 |
10,5 |
4,1 |
2,8 |
8,2 |
3,9 |
0,7 |
5,6 |
|
Lentilles |
d |
2,8 |
4,3 |
7,6 |
7,0 |
2,2 |
7,6 |
3,6 |
0,9 |
5,0 |
Soja |
c |
2,6 |
5,3 |
7,7 |
6,4 |
1,3 |
5,0 |
4,0 |
1,4 |
5,3 |
d |
2,7 |
5,4 |
8,8 |
5,6 |
1,7 |
9,7 |
5,0 |
1,5 |
5,5 |
|
Pois chiche |
d |
2,7 |
4,3 |
7,1 |
6,7 |
2,6 |
7,8 |
3,7 |
1,0 |
4,2 |
Sources : [a] Protein content and amino acid composition of commercially available plant-based protein isolates, 2018 ( https://doi.org/10.1007/s00726-018-2640-5)
[b] Goat products: Meeting the challenges of human health and nutrition, 2010 ( https://dx.doi.org/10.5251/abjna.2010.1.6.1231.1236)
[c] Micro-algae as a source of protein, 2007 (https://doi.org/10.1016/j.biotechadv.2006.11.002)
[d] Position de l'Onav relative à l'appréciation de la qualité nutritionnelle des protéines végétales, 2022, ( https://onav.fr/wp-content/uploads/2022/06/Position-de-lOnav-relative-a-lappreciation-de-la-qualite-nutritionnelle-des-proteines-vegetales.pdf)
L'appréciation de la qualité des protéines d'origine végétale est par ailleurs pénalisée par leur moins bonne digestibilité. Alors que la digestibilité des protéines animales est de l'ordre de 90 à 99 %25(*), celle des protéines végétales est en général bien plus faible. Pour les légumineuses et le blé entier, la digestibilité de la protéine est de l'ordre de 80 %. Pour les lentilles et les haricots secs, elle est inférieure à 70 %. Pour de nombreux autres végétaux, elle se situe aux alentours de 40 %.
Ce phénomène est dû à la présence dans les végétaux de certaines molécules (tannins, lectine saponine, polyphénols, acide phytique ou des inhibiteurs de trypsine) qui limitent la digestion des protéines. Toutefois, la préparation des aliments peut améliorer leur digestibilité : ainsi, la protéine de blé est plus digeste une fois le blé transformé en farine que s'il est consommé sous forme de grain. L'assimilation de la protéine d'origine animale est donc globalement meilleure que celle de la protéine végétale.
b) Avantages et inconvénients des régimes carnés
(1) Au-delà de la quantité et de la qualité des protéines, les produits d'origine animale apportent des bénéfices nutritionnels
Les protéines animales proviennent de sources multiples : boeuf, porc, mouton, agneau, poulet, mais aussi oeufs, produits laitiers et poissons et crustacés.
La viande rouge, qui regroupe les viandes de boeuf, de mouton ou d'agneau ou encore de porc, est consommée de manière très disparate dans le monde, allant de 3 g/jour en Asie du Sud à 30 g/jour dans les pays développés, avec une moyenne mondiale autour de 17 g/jour26(*). Les catégories de viande rouge consommées varient aussi selon les régions : on consomme majoritairement de la viande de porc en Chine ou en Espagne, presque autant de porc que de boeuf aux États-Unis et majoritairement du boeuf en Amérique du Sud.
La viande rouge présente l'avantage d'être riche en vitamines et minéraux facilement absorbés par l'organisme, en particulier en fer héminique (crucial pour le transport de l'oxygène dans le sang et la prévention de l'anémie), en zinc, en sélénium, et en vitamines du groupe B, notamment la vitamine B12 ou cobalamine (essentielle au fonctionnement du système nerveux, à la formation des globules rouges et à la synthèse de l'ADN), qui n'existe pas dans les aliments d'origine végétale, mais aussi la vitamine B2 (riboflavine), la vitamine B3 (niacine) ou B6 (pyridoxine). Le porc est également riche en vitamine B1 (thiamine) et en phosphore.
La qualité nutritionnelle de la viande rouge est cependant sensible aux conditions d'élevage : ainsi la viande issue de bétail nourri à l'herbe est trois fois plus riche en oméga-3 (acides gras polyinsaturés aux effets bénéfiques pour la santé) que celle issue d'animaux nourris au grain.
La viande blanche, qui comprend principalement la volaille (poulet, dinde, canard) et le lapin, est également une source importante de minéraux comme le zinc, le sélénium ou le phosphore et de vitamines du groupe B.
Par rapport à la viande rouge, la viande blanche présente l'avantage de plus faibles teneurs en matières grasses saturées.
Rappel sur les matières grasses saturées
Les matières grasses saturées sont un type d'acide gras dont les atomes de carbones sont liés par des liaisons simples, chaque carbone de la chaîne étant lié au maximum d'atomes d'hydrogène possible. Cette structure dite « saturée » les rend plus stables et solides à température ambiante.
On trouve des matières grasses saturées dans les graisses animales, en particulier la viande rouge, la peau du poulet, les produits laitiers entiers (lait entier, beurre, crème, fromage), les huiles de coco ou de palme, et les produits transformés préparés avec des graisses saturées ou hydrogénées.
La consommation de matières grasses saturées favorise l'augmentation du taux de cholestérol LDL dans le sang, qui accroît les risques de maladies cardiovasculaires.
Les produits laitiers présentent des avantages nutritionnels différents de la viande. Comme la viande, ils sont riches en vitamines B. Mais ils sont riches également en vitamine A (importante pour les fonctions immunitaires et la croissance cellulaire). Ils contiennent aussi des quantités importantes de minéraux indispensables comme la calcium (essentiel à la santé des os et des dents, à la transmission nerveuse, à la contraction musculaire et à la coagulation sanguine), le potassium (essentiel à la régulation de la pression artérielle et à l'équilibre hydrique) ou encore le phosphore.
En outre, les protéines du lait présentent des intérêts spécifiques. Le lait comporte deux catégories de protéines : les caséines (80 % des protéines du lait) et le lactosérum (20 % des protéines du lait) :
- Les caséines, que l'on concentre dans les fromages, favorisent une digestion lente des acides aminés qui sont ainsi libérés dans le sang de manière prolongée, facilitant la récupération musculaire. Elles ont des effets antihypertensifs, antimicrobiens, antioxydants et immunomodulateurs.
- Le lactosérum (appelé aussi « petit lait »), contrairement aux caséines, est digéré et absorbé très rapidement par l'organisme, entraînant un pic rapide d'acides aminés dans le sang. Cela le rend particulièrement intéressant après l'exercice pour stimuler la synthèse des protéines musculaires et favoriser la récupération.
Les oeufs sont parfois qualifiés de « super aliment » en raison de leur richesse en vitamines A, D et E, en minéraux et de leur profil équilibré en acides aminés essentiels. L'oeuf est l'une des rares sources alimentaires naturelles de vitamine D.
L'oeuf est aussi une source importante de choline, essentielle à la fonction cérébrale et au transport des lipides dans le corps. Le fer contenu dans l'oeuf est moins bien absorbé que le fer héminique de la viande, mais il est présent dans des quantités satisfaisantes. L'oeuf contient aussi du zinc, du sélénium et de l'iode.
Il convient cependant de distinguer les apports des parties blanches et jaunes de l'oeuf. Le blanc d'oeuf est principalement composé d'eau et de protéines, notamment d'albumine. Il est faible en calories et matières grasses. C'est le jaune d'oeuf qui contient l'essentiel des vitamines et minéraux de l'oeuf ainsi que des graisses monoinsaturées et polyinsaturées, bénéfiques pour la santé cardiovasculaire, et des acides gras essentiels comme les oméga-3.
Le poisson, enfin, est une protéine animale elle aussi complète du point de vue de son profil en acides aminés, dont la consommation apporte d'importants bénéfices nutritionnels du fait des acides gras, vitamines et minéraux qu'il comporte. Les poissons sont un aliment riche en vitamines B et D et en minéraux, notamment l'iode.
Surtout, les poissons, en particulier les poissons gras (saumon, maquereau, sardine, hareng) et les fruits de mer sont des sources quasi exclusives des lipides essentiels que sont les acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC). Les poissons sont également une source importante d'acide arachidonique (ARA) qui appartient à la famille des oméga-6 à longue chaîne, mais ils n'en sont pas une source quasi exclusive puisqu'on retrouve aussi de l'ARA dans les viandes et produits laitiers, et du fait que l'organisme peut en produire en transformant l'acide linoléique (LA) présent dans de nombreuses sources végétales.
Les protéines marines, source essentielle des acides gras polyinsaturés à longue chaîne
Les poissons ne sont pas la seule source d'acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC), mais ils en sont la plus directe et la plus efficace, en particulier pour l'acide eicosapentaénoïque (EPA) et l'acide docosahexaénoïque (DHA), qui sont des acides gras de la famille des Omega et jouent un rôle protecteur de la santé cardiovasculaire (notamment en réduisant les triglycérides ou en prévenant la formation de caillots sanguins), favorisent le développement cérébral chez l'enfant et la fonction cognitive et la mémoire, et ont une fonction anti-inflammatoire.
La concentration d'EPA et de DHA est forte dans la chair des poissons, sous des formes directement utilisables par l'organisme.
Certaines huiles végétales (lin, colza, noix), graines (lin, chia, noix) et légumes à feuilles contiennent de l'acide alpha-linolénique (ALA), qui est un oméga 3 à courte chaîne, que l'organisme peut transformer en EPA et DHA. L'ALA est donc un précurseur de l'EPA et du DHA. Mais le taux de conversion est faible (inférieur à 10 %). Par ailleurs, lorsqu'elles sont chauffées, les huiles végétales se dégradent et ne peuvent plus jouer ce rôle de précurseur des AGPI-LC.
La couverture des besoins physiologiques d'apports en EPA et DHA doit donc souvent passer par la consommation de poissons, de fruits de mer ou d'algues.
(2) Les risques pour la santé de l'excès de consommation de produits issus d'animaux
Si les aliments d'origine animale présentent des atouts nutritionnels, leur surconsommation présente aussi des risques significatifs.
D'une manière générale, les aliments d'origine animale comme le beurre, le fromage ou la viande sont riches en graisses saturées. Or, une très grande consommation de ces graisses augmente le niveau de cholestérol LDL dans le sang, ce qui pourrait être un facteur aggravant du risque de maladies coronariennes.
Les risques liés à la consommation de viande rouge avaient été mis en évidence dans la note scientifique n° 26 de l'OPECST adoptée en avril 2021 sur les enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge27(*). Cette note pointait deux effets délétères sur la santé d'une consommation excessive :
- une augmentation des cas de cancers colorectaux est associée à une consommation élevée de viande rouge. La note de l'OPECST en explique le mécanisme : « Le fer héminique produit en effet, au cours de la digestion, une réaction enzymatique qui catalyse l'oxydation des lipides pour former des alcénals. Ces alcénals sont à la fois cytotoxiques et génotoxiques, c'est-à-dire qu'ils lysent les cellules coliques et provoquent des cassures de leur ADN. »
En 2018, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a décidé de classer la viande rouge comme cancérogène probable pour l'Homme (groupe 2A) et les viandes transformées (après salaison, maturation, fermentation...) comme cancérogène pour l'homme (groupe 1). Le Circ indique en effet que « les processus de transformation, comme la maturation et la fumaison peuvent aboutir à la formation de substances chimiques cancérogènes, tels que les composés N-nitrosés (CNO) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). La cuisson améliore la digestibilité et l'appétence de la viande, mais elle peut également produire des agents cancérogènes connus ou présumés, comme les amines aromatiques hétérocycliques (AAH) et les HAP. »28(*)
Pour limiter ce risque, le programme national nutrition santé (PNNS) recommande de ne pas consommer plus de 500 grammes de viande rouge par semaine. Pour la part éventuellement consommée sous forme de charcuterie, la limite maximale est fixée à 150 grammes par semaine (PNNS 2019-2023) ;
- une consommation importante de viande rouge est également associée à augmentation des risques cardiovasculaires. La note de l'OPECST rappelait ainsi qu'augmenter « de 50 g la consommation de viande transformée majore de 42 % le risque d'accident vasculaire cérébral (AVC) ».
La note précisait toutefois que certains modes de préparation de la viande rouge en boucherie (comme la marinade) pouvaient réduire les risques liés à sa consommation, en prévenant la peroxydation lipidique au cours de l'ingestion.
La consommation de viandes blanches (non grillées) ne présente pas les mêmes risques.
Pour les produits laitiers, les risques sont liés à leur teneur en matières grasses, qui varie considérablement selon les catégories (lait entier, demi-écrémé, écrémé, fromages gras, allégés). Pour les fromages, les risques pour la santé seraient plutôt liés à la présence en quantité importante de sodium. L'intolérance au lactose peut aussi limiter la capacité à consommer du lait de vache.
La consommation d'oeufs a longtemps été limitée en raison de leur teneur en cholestérol. Cependant, les études récentes montrent que pour la majorité des personnes, le cholestérol alimentaire a un impact limité sur le cholestérol sanguin.
Enfin, le risque associé à la consommation de poissons tient à la présence dans certaines espèces, en particulier le thon, de métaux lourds comme le mercure et parfois d'autres contaminants. Ces métaux lourds sont accumulés par leur alimentation. Le thon étant un grand poisson prédateur situé en haut de la chaîne alimentaire, il ingère de plus petits poissons qui ont eux-mêmes accumulé des métaux lourds.
Les poissons et crustacés suscitent par ailleurs des cas assez fréquents d'allergies, ce qui limite la consommation de protéines qui en sont issus.
c) Avantages et inconvénients des protéines végétales
(1) Les atouts des protéines végétales
Les aliments d'origine végétale apportent certes globalement moins de protéines et moins de protéines complètes que les aliments d'origine animale, à portion égale, mais l'augmentation de la part des aliments végétaux dans les repas présente des avantages.
Certes, un raisonnement trop général est difficile à mener en raison de la grande diversité des aliments d'origine végétale et de la grande diversité des habitudes de consommation et des cultures alimentaires. Mais globalement, on reconnaît plusieurs atouts aux régimes alimentaires privilégiant les protéines végétales par rapport aux protéines animales.
D'abord, ils contribuent à améliorer la santé cardiovasculaire, les aliments d'origine végétale ayant des apports bien plus faibles que les aliments d'origine animale en graisses saturées et ne contenant pas de cholestérol. À l'inverse, les protéines végétales contiennent souvent des graisses insaturées, bénéfiques pour le système cardiovasculaire.
Ensuite, ils ont un effet favorable sur la digestion et le métabolisme. Ils contiennent souvent une quantité importante de fibres, ce qui facilite la digestion. La combinaison des fibres et protéines ralentit également la digestion, favorisant une libération de l'énergie plus progressive dans le temps et un métabolisme plus efficace. En particulier, une alimentation riche en végétaux a montré des effets bénéfiques sur la sensibilité à l'insuline et la régulation de la glycémie.
Les légumineuses, les céréales complètes, les noix et graines, peuvent apporter des polyphénols, des flavonoïdes ou encore des lignanes qui sont des antioxydants. Une alimentation privilégiant les protéines végétales expose donc moins le consommateur aux substances cancérigènes.
D'autres avantages sont parfois mis en avant, comme le maintien d'un équilibre acido-basique de l'organisme, mesuré par l'indice PRAL (potential renal acid load ou « charge potentielle d'acide rénal »), favorisé par certaines protéines végétales. Mais il n'existe pas de consensus scientifique sur l'impact sur la santé lié aux différentes valeurs que prend cet indice.
(2) Les risques d'une alimentation purement végétale peuvent être maîtrisés
Si l'alimentation végétale présente des vertus, le basculement vers un régime végétarien voire végétalien, basé sur la consommation exclusive de protéines végétales, présente des risques de carences et déséquilibres, dus à une insuffisance de certains nutriments ou à des facteurs antinutritionnels qui limitent la capacité d'absorption de ceux-ci par l'organisme.
Les apports en fer peuvent être insuffisants, car le fer héminique n'est présent que dans les produits animaux. Le fer présent dans les végétaux est cinq fois moins bien assimilé par l'organisme que celui présent dans les aliments d'origine animale29(*). Selon l'Inrae, « il y a plus de fer dans 100 g de haricots rouges que dans 100 g de steak de boeuf. Seulement l'organisme assimile mieux celui de la viande (il s'agit de fer héminique, 25 % du fer est assimilable) que celui du haricot rouge, dont seulement 5 % est assimilé et peut passer dans le sang ». Or le manque de fer conduit à des anémies, qui touchent davantage les femmes.
Les phytates présentes dans les céréales complètes et les légumineuses réduisent l'absorption du zinc présent dans les produits d'origine végétale, fragilisant le système immunitaire. Les phytates et les oxalates contrarient aussi l'absorption du calcium, pourtant présent dans certains végétaux en quantité en apparence suffisante, entraînant des risques au moment du développement osseux de l'enfant et plus tard d'ostéoporose pour les sujets âgés.
Les végétaliens peuvent aussi manquer d'iode, quasi absente des aliments d'origine végétale, à l'inverse des végétariens dont les apports nutritionnels en iode peuvent être fournis par les produits laitiers.
Les apports en vitamines peuvent aussi être insuffisants. Ainsi, la vitamine A (rétinol) se trouve dans les produits animaux. Pour leur part, les végétaux contiennent du bêta-carotène, que le corps peut convertir en vitamine A, mais cette conversion peut être inefficace et conduire à des carences. La vitamine B2 et surtout la vitamine B12, que l'on retrouve principalement dans les produits animaux, peut manquer pour les végétaliens (moins pour les végétariens qui consomment du lait et des oeufs). Enfin, les aliments végétaux riches en vitamine D sont peu nombreux, ce qui peut conduire là aussi à une insuffisance des apports.
Les acides gras oméga-3 (EPA et DHA) évoqués plus haut peuvent aussi être fournis en quantité insuffisante dans le cadre d'une alimentation exclusivement végétale excluant le poisson.
Ces risques de carences ou d'insuffisance ne sont cependant pas insurmontables.
Ainsi, la recherche d'une diversité d'aliments d'origine végétale peut permettre d'améliorer la couverture des besoins quantitatifs en macro et micronutriments. Certaines associations d'aliments peuvent aussi réduire les facteurs antinutritionnels : ainsi, la prise d'aliments riches en vitamine C en même temps que d'aliments végétaux riches en fer permet d'améliorer le taux d'absorption du fer par l'organisme.
En outre, une supplémentation alimentaire est possible pour faire face aux situations où l'organisation du repas et la composition des menus laisseraient subsister des impasses ou des taux de couverture trop faibles : ainsi, les végétaliens et végétariens sont incités à compléter leur ration alimentaire en sources d'oméga-3 à longue chaîne ou en vitamine B12.
Pour disposer d'une quantité suffisante de protéines, le remplacement de protéines animales dans l'alimentation par des protéines végétales passe par la consommation de sources végétales riches en protéines. Le soja est l'une d'entre elles, mais les quantités ingérées doivent être maîtrisées pour éviter les risques sanitaires liés aux isoflavones.
Les risques sanitaires liés aux isoflavones contenues dans le soja
1. Que sont les isoflavones ?
Les molécules désignées par le terme « isoflavones » sont des composés polyphénoliques de la famille des flavonoïdes, que l'on retrouve dans de nombreuses plantes.
Ils sont présents en quantité importante dans les légumineuses, en particulier dans la graine de soja. La graine de soja contient environ 2 à 4 mg d'isoflavones par gramme de protéine30(*).
La structure chimique des isoflavones est similaire aux oestrogènes. Ils ont donc une capacité à activer chez l'humain les récepteurs aux oestrogènes, ce qui peut les conduire à jouer un rôle de perturbateur endocrinien.
2. Des risques sanitaires potentiels liés aux isoflavones conduisent l'Anses à recommander une limitation de la consommation de soja
En mars 2025, l'Anses a rendu publics les résultats d'une expertise lancée fin 2022 et portant sur l'évaluation du risque sanitaire lié à la consommation d'aliments contenant des isoflavones31(*), en se concentrant sur deux molécules de la famille des isoflavones : la génistéine et la daïdzéine.
S'appuyant sur la littérature scientifique existante, l'expertise conclut qu'il n'existe pas de toxicité aiguë des isoflavones et qu'il n'y a pas de mise en évidence claire d'une toxicité chronique. Certaines études montrent même un impact positif de la consommation de phytooestrogènes sur les risques de cancer.
Néanmoins, l'expertise de l'Anses identifie des populations sensibles chez qui la consommation d'isoflavones pourrait avoir des effets négatifs :
- les jeunes enfants, en particulier les petites filles, dont l'exposition précoce et prolongée aux isoflavones peut entraîner plus tard une puberté précoce ;
- les femmes pré-ménopausées qui sont plus sensibles à l'effet proliférateur des isoflavones sur les cellules mammaires en raison de la densité des récepteurs aux oestrogènes ;
- les femmes ayant des cellules prolifératives de la glande mammaire sensibles aux oestrogènes. Celles-ci ont un risque accru de développer un cancer du sein lié à la consommation d'isoflavones ;
- les femmes enceintes ne constituent pas une population sensible en tant que telle, mais au regard de certaines études expérimentales menées chez l'animal indiquant un effet délétère possible sur la descendance, elles peuvent être considérées comme une population sensible pour protéger les enfants à naître.
S'appuyant sur une étude évaluée par le programme national de toxicologie américain (NTP) en 2008 l'expertise de l'Anses constate que la génistéine exerce des effets reprotoxiques de type oestrogénique ou anti-androgénique dans des tests effectués sur des rats. Elle estime donc, à l'instar d'autres agences sanitaires (italienne, japonaise et norvégienne) qu'il convient de limiter les apports alimentaires en isoflavones.
Une limite maximale d'apport avait été déjà définie en 2005 par l'Afssa, prédécesseur de l'Anses, à hauteur de 1 mg/kg de poids corporel par jour. Pour limiter le potentiel risque reprotoxique lié aux isoflavones, l'expertise de l'Anses propose de définir désormais deux valeurs toxiques de référence (VTR) :
- une VTR de 0,02 mg/kg de poids corporel par jour pour la population générale ;
- une VTR de 0,01 mg/kg de poids corporel par jour pour les femmes enceintes, les femmes en âge de procréer et les enfants pré-pubères.
L'avis formulé par l'Anses sur la base de l'expertise scientifique rappelle que 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant du soja dépassent la VTR recommandée, de même que 53 % des filles de 11 à 17 ans, 47 % des hommes de 18 ans et plus ainsi que des femmes de 18 à 50 ans.
En conséquence, l'Anses recommande d'éviter de servir des aliments à base de soja en restauration collective pour éviter une consommation qui conduise à dépasser la VTR et invite les industriels à diminuer la teneur en isoflavones des aliments, ce qui est techniquement possible.
3. Une excessive prudence ?
L'Observatoire national des alimentations végétales (Onav) a produit une analyse critique de l'avis de l'Anses32(*), qui s'appuie sur plusieurs arguments :
- d'abord, l'Onav estime que les données scientifiques sur lesquelles les experts se sont fondés sont fragiles, en particulier car les estimations d'effets délétères de la consommation de phytooestrogènes sont extrapolées à partir d'études sur des animaux et non sur des humains, et ne sont pas corroborées par des études épidémiologiques. Au contraire, certaines études épidémiologiques mettent en évidence les effets positifs de la consommation de soja sur la réduction des risques de décès par cancer ou par maladie cardiovasculaire ;
- ensuite, l'Onav estime que la définition à un niveau très bas des VTR est insuffisamment étayée et qu'il est « très peu probable que les régimes alimentaires normaux à base de plantes contiennent des isoflavones en quantité suffisante pour induire des effets indésirables graves ».
On peut noter par ailleurs que les techniques de préparation alimentaire peuvent réduire la teneur en isoflavones du soja : le trempage peut constituer une solution puisque les isoflavones sont solubles dans l'eau33(*). La fourniture de produits à base de soja appauvris en isoflavones permettrait ainsi de contourner le problème lié à leur consommation en forte quantité.
Enfin, les variétés de soja utilisées et les conditions de production (ensoleillement, période de récolte) peuvent moduler significativement la teneur en isoflavones.
2. Pour une approche fine des vertus nutritionnelles des différentes sources de protéines
a) Les enjeux de quantité et de qualité des protéines sont peu dissociables
Évaluer la qualité des protéines de manière isolée est une approche étroite et peu pertinente eu égard aux enjeux d'équilibre alimentaire. Si l'évaluation de la qualité des protéines, basée sur la digestibilité et le profil en acides aminés essentiels et reposant sur les indices PDCAAS et DIAAS, est un concept biochimiquement pertinent, son application isolée pour juger de l'équilibre alimentaire global est insuffisante et de faible utilité pratique.
D'abord, dans les pays développés, les questions de qualité des protéines ne se posent pas réellement. La consommation de protéines excède les recommandations nutritionnelles. Par ailleurs, les protéines animales dominent. Elles apportent donc largement les acides aminés essentiels requis.
Pour les individus ayant un apport calorique suffisant, l'atteinte de l'apport total recommandé en protéines est le facteur le plus critique pour assurer les fonctions physiologiques (synthèse musculaire, enzymes, hormones...). La quantité de protéines apportera mécaniquement la qualité de protéines souhaitée.
Notons que l'obsession de la « qualité optimale » des protéines pourrait conduire à des recommandations alimentaires coûteuses et difficilement accessibles pour certaines populations, alors qu'un apport suffisant en protéines à travers des sources plus abordables serait plus pertinent pour la santé de l'individu.
En outre, la pertinence d'une approche par la qualité des protéines varie selon les populations et les contextes physiologiques. La recherche de protéines de qualité peut être justifiée pour des populations ayant des besoins accrus comme les sportifs ou pour des individus ayant des carences ou souffrant de diverses pathologies, ou encore pour le sujet âgé susceptible de souffrir de sarcopénie du fait d'une insuffisance des apports globaux pour le renouvellement musculaire. Mais cette approche est rarement pertinente pour la population générale.
Il faudrait en réalité juger de la qualité des apports protéiques à l'échelle individuelle plutôt qu'à celle des populations, car il existe une variabilité individuelle non négligeable dans la capacité à absorber et à digérer les protéines.
Enfin, les différentes catégories d'aliments apportant des protéines au cours d'un repas peuvent être combinées du point de vue de l'optimisation des apports protéiques. Ainsi, dans un régime alimentaire diversifié, notamment végétarien ou végétalien, la consommation de différentes sources de protéines permet de compenser les éventuels profils d'acides aminés limitants de chaque aliment considéré isolément. Cette complémentarité assure un apport suffisant de tous les acides aminés essentiels sans nécessiter une focalisation excessive sur la « qualité » intrinsèque de chaque source isolée.
b) Une réflexion qui doit prendre en compte la matrice alimentaire et la combinaison d'aliments dans les repas
Se focaliser sur les seules protéines pour juger de l'adéquation des apports alimentaires aux besoins constitue une approche restreinte et largement biaisée.
En effet, nous ne consommons pas des protéines mais des aliments. Avec les protéines, viennent dans les repas les autres nutriments : lipides, glucides, minéraux, vitamines. La qualité de la source de protéines doit être combinée à celle des autres composantes de l'alimentation consommées dans le même temps. Les conditions de préparation des aliments jouent aussi de manière significative. Bref, chaque aliment a une matrice complexe, et ne peut pas être analysé en prenant en compte ses composants de manière isolée.
Les différents nutriments présents dans un aliment ont ainsi des interactions les uns avec les autres : ils peuvent avoir des effets synergiques ou antagonistes. Par exemple, la présence de fibres peut modifier la vitesse de digestion et d'absorption des acides aminés. Notons également, à titre d'exemple, que la consommation de glucides en quantité suffisante est essentielle pour épargner la consommation de protéines à des fins énergétiques, ce qui optimise leur utilisation pour la synthèse protéique.
La prise en compte de ces paramètres permet d'expliquer les différences entre effet nutritionnel théorique (calculé à partir des nutriments isolés) et effet réel sur la santé.
La préparation des aliments, notamment leur transformation industrielle, a tendance à déstructurer les matrices alimentaires naturelles, mais peut créer des matrices alimentaires plus favorables pour la santé.
La matrice alimentaire
La matrice alimentaire désigne la structure physique et chimique d'un aliment. La manière dont les nutriments (protéines, lipides, glucides, fibres, minéraux...) sont organisés et interagissent est en effet décisive pour expliquer leur absorption par l'organisme.
Un aliment n'est en effet pas juste la somme de ses nutriments, mais un système complexe où la structure compte autant que le contenu. Doivent ainsi être pris en compte la biodisponibilité des nutriments, les mécanismes de digestion, les effets métaboliques ou encore les effets sur le microbiote intestinal.
La littérature scientifique fournit de nombreux exemples des effets de la matrice alimentaire : ainsi, à quantité et qualité égale, les lipides présents dans une noix entière ne seront pas absorbés de la même manière que les lipides extraits sous forme d'huile.
Les études épidémiologiques suggèrent que les aliments entiers ont des effets protecteurs sur la santé qui ne peuvent pas être entièrement expliqués par leurs nutriments isolés, soulignant le rôle de la matrice. Par exemple, la consommation de fruits entiers est plus bénéfique que la consommation de jus de fruits ayant une teneur en sucre similaire.
À titre d'illustration, on observe que la matrice des céréales complètes, riche en fibres, en son et en germe, a un impact sur la vitesse de digestion des glucides et la biodisponibilité des micronutriments, contrairement aux céréales raffinées pour lesquelles cette matrice est largement éliminée.
La structure physique des aliments, leur teneur en fibres et en eau, ainsi que la combinaison des macronutriments, jouent un rôle majeur dans la satiété et la régulation de l'appétit. Un aliment riche en protéines de haute qualité mais pauvre en fibres et peu rassasiant pourrait conduire à une surconsommation calorique globale et à un déséquilibre alimentaire.
Au-delà de la nature de chaque aliment, il convient donc d'évaluer la qualité des apports alimentaires de manière combinée, en prenant en compte l'ensemble des éléments du repas, voire la combinaison de repas sur une journée. Les quantités et qualités de protéines ingérées doivent ainsi se regarder en additionnant les différentes prises et en veillant à une certaine régularité de celles-ci. En particulier, les déficits de certains acides aminés dans certains aliments végétaux peuvent être compensés par la consommation d'autres aliments végétaux qui comportent ces acides aminés en quantité excédentaire, contribuant à rétablir l'équilibre des apports globaux.
c) Les régimes végétarien et végétalien sont compatibles avec la bonne santé des individus
Compte tenu de la teneur moins élevée en protéines des végétaux et de l'insuffisance d'acides aminés essentiels dans certains d'entre eux, mais également de la moindre biodisponibilité de minéraux tels le fer ou le zinc, du risque d'insuffisances en vitamines telles la vitamine B12 ou la vitamine D, ou encore en iode, les régimes végétaliens et végétariens, sans apports alimentaires de produits d'origine animale ou de chair d'animaux, font l'objet d'une attention particulière des autorités sanitaires.
Dans le contexte de la loi Égalim34(*), l'Anses avait été interrogée fin 2019 sur la possibilité d'offrir des menus végétariens suffisamment équilibrés aux enfants scolarisés en école primaire. Elle avait conclu35(*) qu'un menu végétarien hebdomadaire peut contribuer à la couverture de l'ensemble des besoins nutritionnels des enfants, dès lors qu'il est équilibré. L'Anses soulignait alors qu'il n'y avait « pas de risque d'insuffisance d'apport d'un acide aminé indispensable quand il n'y a pas d'insuffisance d'apport en protéines, car un apport protéique suffisant permet de couvrir l'ensemble des besoins en acides aminés indispensables ». L'Agence ajoutait que « si l'apport protéique est suffisant, la complémentarité des protéines dans le repas végétarien proposé dans les cantines scolaires ne devrait donc pas constituer un problème majeur. En effet, la couverture de l'ensemble des besoins en acides aminés essentiels devrait être apportée par la diversité des sources de protéines végétales. Compte tenu du très faible besoin protéique chez les enfants (7 % du besoin énergétique), de leur consommation actuelle (15 % de l'apport énergétique), et de la diversité de l'apport protéique, il est très peu probable que l'introduction de repas végétariens puisse conduire à une inadéquation d'apport en protéines et acides aminés indispensables, même en l'absence d'association entre les céréales et les légumineuses ».
En juin 2024 puis en février 2025, l'Anses a publié deux nouvelles expertises36(*) sur les régimes végétariens. L'expertise basée sur des données épidémiologiques montre que le régime végétarien est associé à un risque plus faible de développer un diabète de type 2, comparé à un régime non végétarien. Avec un niveau de preuve scientifique qu'elle qualifie elle-même de « faible », l'Anses note que « les végétariens comparés aux non végétariens ont un risque plus faible de développer certaines pathologies : cardiopathies ischémiques, troubles ovulatoires, certains cancers (prostate, estomac, sang) et certaines maladies ophtalmologiques et gastro-intestinales. En revanche, ils présentent un risque plus élevé de fractures osseuses et d'hypospadias ». Elle ajoute que « les études épidémiologiques montrent enfin que les végétariens ont un statut nutritionnel en fer, iode, vitamines B12 et D et un équilibre phosphocalcique moins favorables que les non-végétariens ».
L'expertise établissant des repères nutritionnels pour les personnes suivant un régime d'exclusion de tout ou partie des aliments d'origine animale met en évidence « les difficultés à couvrir les besoins nutritionnels en certains acides gras oméga-3 (EPA, DHA) et vitamine D pour les végétariens en général, à laquelle s'ajoute, pour les végétaliens, la difficulté à couvrir les besoins nutritionnels en vitamine B12 et en zinc chez les hommes » mais estime que ces besoins peuvent être satisfaits par une supplémentation adéquate. Elle définit en outre les quantités d'aliments qu'il convient de consommer chaque jour pour éviter les déséquilibres alimentaires :
- fruits et légumes : 700 g/j ;
- légumes secs : 75 g/j (pour les lacto-ovovégétariens) ou 120 g/j (végétaliens) ;
- féculents et pains : 170 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (lacto-ovovégétariens) - /250 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (végétaliens) ;
- oléagineux : 65 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 50 g/j (végétaliens) ;
- analogues de produits laitiers frais : 350 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 270 g/j (végétaliens) ;
- levure de bière : 10 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 15 g/j (végétaliens) ;
- lait 450 ml/j, oeufs 30 g/j, fromage 50 g/j (lacto-ovovégétariens).
Ces conclusions, qui mettent en évidence la possibilité de se passer de protéines d'origine animale, rejoignent celles d'autres agences sanitaires dans le monde. Ainsi, le comité consultatif sur les repères nutritionnels des États-Unis avait conclu, en 2015, que les trois régimes types caractérisant la population américaine, incluant un régime « végétarien équilibré », permettaient bien de répondre aux besoins nutritionnels de la population, incluant les enfants de 2 à 5 ans37(*).
CONCLUSIONS DE LA PARTIE I
Une alimentation saine, bénéfique à la santé passe par une consommation d'une quantité suffisante de protéines issues de sources variées (animales et végétales). Cette variété permet de compenser les déficits en acides aminés essentiels de chaque catégorie d'aliment considéré isolément, notamment les aliments végétaux.
La surconsommation de protéines animales peut conduire à des déséquilibres alimentaires néfastes à la santé, non pas à cause des protéines elles-mêmes mais du fait des excès d'apports d'autres nutriments.
Une approche holistique de l'alimentation est nécessaire, car l'apport total en protéines doit être mis en regard des autres besoins alimentaires, en micronutriments ou encore en fibres.
Dans ce cadre, adopter un régime végétarien voire végétalien est possible, dès lors que les consommateurs, bien informés, varient les aliments végétaux sélectionnés et veillent à maîtriser les risques potentiels de carences en micronutriments.
* 21 https://fdc.nal.usda.gov/
* 22 https://www.fao.org/infoods/infoods/fr
* 23 https://www.iaea.org/fr/newscenter/news/base-de-donnees-sur-la-qualite-des-proteines et https://openknowledge.fao.org/items/96c205a8-fe69-4ed0-9ea3-6a4e9415de36
* 24 Contrairement au fer héminique, présent exclusivement dans les aliments d'origine animale car associé à des protéines comme l'hémoglobine, le fer non héminique, présent à la fois dans les aliments végétaux et animaux, est très peu absorbé par l'organisme. Il est stocké et peut être mobilisé pour différents besoins physiologiques en association avec d'autres nutriments, notamment de la vitamine C.
* 25 https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/proteines-questions
* 26 OMS, Red and processed meat in the context of health and the environment: many shades of red and green: information brief, 10 juillet 2023 ;
https://www.who.int/publications/i/item/9789240074828
* 27 https://www.senat.fr/fileadmin/cru-1746021083/import/files/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2021_0024_note_viande_rouge.pdf
* 28 Voir aussi la monographie n° 114 du Circ : https://publications.iarc.fr/564
* 29 https://institut-agro-dijon.fr/recherche/la-recherche-a-linstitut-agro-dijon/le-fer-un-element-indispensable-mais-complexe
* 30 https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/full_html/2016/04/ocl160025-s/ocl160025-s.html
* 31 https://anses.fr/fr/content/eviter-les-isoflavones-dans-les-menus-des-restaurations-collectives
* 32 https://lonav.fr/analyse-critique-avis-anses-isoflavones-soja-restauration-collective/
* 33 https://theconversation.com/alimentation-comment-consommer-du-soja-sans-risques-pour-la-sante-152802
* 34 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
* 35 https://www.anses.fr/fr/content/menu-vegetarien-hebdomadaire-lecole-une-premiere-saisine-de-lanses-en-appui-lexperimentation
* 36 https://www.anses.fr/fr/content/regimes-vegetariens-effets-sur-la-sante-et-reperes-alimentaires
* 37 US Dietary Guidelines Advisory Committee. « Scientific Report of the 2015 Dietary Guidelines Advisory Committee », 2015. https://health.gov/sites/default/files/2019-09/Scientific-Report-of-the-2015-Dietary-Guidelines-Advisory-Committee.pdf ; « Appendix E-3.4: USDA Food Patterns--Adequacy for Young Children ». https://health.gov/sites/default/files/2019-09/Appendix-E-3.4.pdf.