D. LA CONDITIONNALITÉ DES FINANCEMENTS AURA-T-ELLE VRAIMENT LIEU ?

1. Un cadre de suivi insuffisamment formalisé
a) Des modalités de reprise inconnues

La rupture des COMP résidait dans la possibilité théorique pour le ministère de « reprendre » des financements en cas de non-atteinte des objectifs chiffrés figurant dans les contrats. Cependant, le ministère ne semble pas s'être pleinement donné les moyens de mettre en place une conditionnalité effective des financements. Rien n'a été précisé sur les conditions pratiques de cette reprise lors du lancement des COMP.

Il n'est pas encore clair pour tous les établissements si ces crédits seront versés la dernière année du contrat ou à l'échéance de celui-ci. Plusieurs établissements indiquent, dans leurs réponses, que les montants pouvant être repris équivalent à la dernière tranche de versement des crédits, soit 20 %. Cela correspond en effet à ce qu'indiquait la circulaire de la première vague.

Or, les réponses du ministère semblent laisser croire que la conditionnalité sera en réalité assurée par le biais d'une reprise sur le contrat suivant, dès lors que la DGESIP indique que le bilan final des contrats ne pourra être réalisé qu'à l'issue des trois années. La Cour des comptes soulignait le « risque réel de non effectivité » de cette option. Le rapporteur spécial partage d'autant plus cette crainte que les prochains COMP n'auront pas le même périmètre que la première génération, et que rien n'est indiqué pour l'instant sur l'articulation entre les deux contrats.

Ainsi, alors que la première vague des COMP doit théoriquement prendre fin dans quelques mois, établissements comme rectorats ne disposent pas d'une vision sur le calendrier ou le mode de reprise des financements. Les réponses du ministère se contentent de préciser « qu'il n'est pas encore possible d'indiquer si les cibles ont été atteintes et [que] le montant des crédits non alloués ne peut être déterminé à ce stade du processus ».

Les questions sur la méthode de reprise des financements sont nombreuses. Dès lors que les contrats ne flèchent pas les financements sur la réussite de certaines actions et que les financements sont attribués par objectif et non par action, il est impossible de savoir comment serait répartie la reprise des crédits à l'issue du contrat.

b) Un dialogue de suivi qui ne devrait déboucher sur aucune conséquence concrète

Le ministère indique qu'une campagne de bilans intermédiaires des COMP est réalisée chaque année par les rectorats pour s'assurer du suivi des actions mises en place et le cas échéant, faire remonter des alertes. Ce point d'étape doit permettre d'échanger sur l'avancée des actions mises en oeuvre au titre du COMP et le degré d'avancement des indicateurs et des cibles.

Un bilan intermédiaire a bien eu lieu pour la première vague. Pour autant, les dates des bilans intermédiaires de la vague 2 ne sont pourtant pas encore connues, alors même que la deuxième année de ces contrats est déjà bien avancée.

Ce bilan dépasse le seul cadre du COMP, et doit également permettre de balayer les objectifs du contrat quinquennal, l'achèvement des projets antérieurement financés par le DSG et plus largement, dresser un « bilan des politiques publiques » au niveau de chaque établissement. Si, sur le principe, il est souhaitable que l'ensemble de ces sujets soient abordés entre les établissements et les rectorats, les sujets relevant strictement du COMP ne doivent pas être noyés dans les différents enjeux abordés au cours des échanges.

Là encore, la temporalité très contrainte du COMP implique que, si l'établissement n'a pas lancé ses projets en amont, la réalisation est trop peu avancée pour permettre un bilan intermédiaire pertinent sur les projets et leurs indicateurs.

Par ailleurs, il est difficile de déterminer l'impact concret de ce dialogue de suivi. Ce dernier s'effectue sur la base de tableaux fournis par la DGESIP et renseignés par les établissements. Il s'agit donc uniquement de déclaratif que, suivant leurs propres mots, les rectorats n'ont pas les moyens de contrôler finement.

D'après la circulaire sur le suivi adressée aux recteurs en avril 2024, ces échanges peuvent donner lieu à des « ajustements » en cas d'éléments extérieurs imprévus limitant la capacité de l'établissement à avoir atteint ses objectifs. Le rapporteur spécial n'a pas connaissance de cas où le dialogue de suivi aurait réellement donné lieu à une renégociation partielle du contrat.

Par ailleurs, le ministère n'a pas relié le bilan effectué à la moitié de la première vague, qui a conduit à une analyse et un avis des recteurs, avec le versement suivant : comme l'indique un rectorat, « le bilan intermédiaire permet cependant un temps d'échange entre le recteur et l'établissement, mais n'a aucun impact sur les financements du COMP ».

Ces bilans intermédiaires permettent néanmoins aux établissements de mettre à jour l'atteinte des cibles figurant dans leurs contrats. Les établissements semblent quant à eux avoir pour la plupart déployé une comitologie et des outils de suivi spécifiques.

2. Des doutes sur l'effectivité de la reprise des crédits en cas de non-atteinte des cibles

En l'état actuel des contrats, et au vu de la faiblesse des taux d'exécution et du décalage dans le temps des projets, le faible taux de suivi ne constitue pas nécessairement un indice fiable de la réalisation finale des contrats.

Pour autant, les facteurs qui rendent peu crédible la conditionnalité des financements sont nombreux et ont pour la plupart été déjà abordés : inadaptation des indicateurs et des cibles ; temporalité trop courte des contrats ; absence de système formalisé de suivi des indicateurs ; moyens trop limités des rectorats. S'y ajoutent les incertitudes sur l'articulation des COMP avec la prochaine génération de contrats, qui seront développées plus bas.

Dès lors, si le ministère dément avoir renoncé à l'idée de conditionnalité, il est probable que celle-ci se limitera dans le meilleur des cas à un contrôle de l'erreur manifeste. Les établissements comme les rectorats l'admettent d'ailleurs : « la conditionnalité des financements sera difficilement applicable. Elle pourra être appliquée que si l'établissement s'est beaucoup trop éloigné des attendus ou n'a pas lancé la réalisation des projets »22(*).


* 22 Réponses d'un rectorat délégué au questionnaire du rapporteur spécial.

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