B. L'AUTONOMIE STRATÉGIQUE, NOUVEL ENJEU PRIMORDIAL DE L'ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Au cours d'un déplacement auprès des institutions de l'UE, les rapporteurs, après avoir échangé avec la Commission européenne, la Représentation permanente de la France auprès de l'UE et des ONG européennes, ont pu constater l'importance de l'économie circulaire pour assurer une autonomie stratégique, enjeu particulièrement pris en compte à l'échelle européenne.

Les différents interlocuteurs rencontrés ont ainsi souligné la spécificité de l'économie circulaire par rapport aux autres volets de la politique environnementale : alors que le Pacte vert pour l'Europe semble, en 2025, à l'arrêt, l'économie circulaire est le seul objectif pour lequel une dynamique persiste, avec l'adoption de nombreuses réglementations sectorielles durant ces dernières années (règlement « Emballages » de 202520(*), règlement « Écoconception » de 202421(*), règlement « Batteries » de 202322(*), projet de révision de la directive-cadre déchets...). Un projet plus global de réglementation, l'acte européen sur l'économie circulaire, devrait d'ailleurs être présenté en 2026.

L'acte européen sur l'économie circulaire

La Commission européenne a annoncé qu'elle présenterait d'ici 2026 un « acte » européen sur l'économie circulaire qui vise à renforcer l'économie circulaire en Europe grâce à une série de mesures structurantes, avec un accent sur l'optimisation de la gestion des déchets, l'amélioration du recyclage des équipements électroniques et la création d'un cadre incitatif pour soutenir les entreprises et les acteurs publics dans cette transformation.

L'objectif principal de la Commission européenne est de réduire la dépendance aux ressources vierges, d'améliorer la gestion des déchets et d'optimiser l'utilisation des matières premières dans un cadre plus durable, en multipliant par deux d'ici 2030 le taux de circularité23(*).

Cette spécificité s'explique, selon la Commission européenne et selon la Représentation permanente de la France auprès de l'UE (RPFUE), par une prise de conscience de l'importance de la rétention de matière sur le continent européen. Le cabinet de la commissaire européenne Jessika Roswell, chargée de l'environnement, de la résilience en matière d'eau et d'une économie circulaire compétitive, évoque ainsi une menace, depuis la crise de l'énergie consécutive à la guerre en Ukraine, d'une « crise de la matière », qui serait également liée à une dépendance européenne aux importations.

En France, l'économie circulaire est un levier pour assurer l'autonomie stratégique nationale en réduisant la dépendance aux importations de ressources critiques. Elle apparaît, à ce stade, insuffisamment prise en considération.

Au contraire, certaines politiques mises en oeuvre dans le cadre de l'économie circulaire en France ont paradoxalement augmenté la dépendance aux importations plutôt qu'à la réduire dans certains secteurs. Au cours de son audition, l'Alliance du commerce a ainsi déploré une insuffisante prise en compte de la dépendance aux importations dans les obligations d'incorporation de plastique recyclé propres à la filière REP Textiles qui a conduit, dans un premier temps, à importer de la matière recyclée plutôt qu'à la recycler en France. De même, durant son audition, la Fédération nationale du bois (FNB) a déploré l'export de déchets de bois-construction engendré par la création en 2023 de la filière REP PMCB, en raison de l'insuffisance en France des capacités de recyclage.

Les politiques d'économie circulaire permettent pourtant de mobiliser un gisement de ressources matières considérables. Les déchets générés annuellement en France représentent potentiellement plus de 40 % des besoins annuels de matière pour la consommation24(*), et constituent donc une opportunité de réduction de la dépendance aux importations. Selon le Medef, il convient ainsi « de s'interroger sur la manière dont l'État prend en compte les enjeux relatifs aux ressources qui sont des enjeux de souveraineté majeurs. Or, ce sujet pourtant central est quasiment absent du fonctionnement du système REP. »

Ces mêmes politiques, en plus de réduire la dépendance aux importations, constituent aussi un potentiel frein aux délocalisations. Comme le souligne par exemple le Réseau Vrac et Réemploi au cours de son audition, la mise en oeuvre du réemploi d'emballages consignés rend difficile la délocalisation de la production : pour que ce mode d'emballage soit économiquement soutenable, les lieux de production et de distribution ne doivent pas être éloignés de plus de 200 kilomètres.

Les rapporteurs appellent à une prise de conscience collective au niveau national de notre vulnérabilité en termes d'approvisionnement en matières premières, et à assurer la prise en compte de l'impératif d'autonomie stratégique dans l'ensemble des politiques d'économie circulaire, en favorisant une vision interministérielle de ces politiques.


* 20  Règlement (UE) 2025/40 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2024 relatif aux emballages et aux déchets d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE.

* 21  Règlement (UE) 2024/1781 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE.

* 22  Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE.

* 23  Le taux de circularité mesure la part des matières premières secondaires (recyclées ou réutilisées) dans l'ensemble des matières utilisées dans une économie, reflétant ainsi son niveau de circularité.

* 24  Source : réponse du Medef au questionnaire des rapporteurs.

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