CONCLUSION
« Concernant la GEMAPI, la seule manière d'obtenir de meilleurs résultats consiste à nous montrer beaucoup plus solidaires sur des périmètres plus étendus. À cet égard, l'État a un rôle déterminant à jouer, notamment pour gérer les solidarités entre l'amont et l'aval, ainsi qu'entre les villes et les campagnes. »
Thierry Burlot, Président du comité de bassin Loire-Bretagne, lors de la table ronde sur les perspectives et les défis du financement de la politique de l'eau, le 12 mars 2025 au Sénat.
Au terme des travaux de la mission, quatre grandes orientations semblent pouvoir être dégagées pour une gestion plus sereine de la compétence GEMAPI.
Il s'agit notamment de :
(1) simplifier les normes et procédures, en introduisant davantage de proportionnalité dans les exigences réglementaires ;
(2) renforcer les moyens d'ingénierie mis à disposition des autorités gémapiennes, en mobilisant les opérateurs publics tels que le Cerema ;
(3) pérenniser et rendre plus transparent le financement de la compétence, en rétablissant un budget annexe pour mieux retracer les dépenses liées à la GEMAPI, en instaurant un fonds de solidarité à l'échelle des bassins versants, et en diversifiant les ressources affectées à la GEMAPI ;
(4) clarifier les responsabilités et les périmètres d'action des différents échelons, en confortant le rôle des EPTB tout en préservant les structurations qui ont fait leur preuve à l'échelle locale.
Les recommandations de la mission ont vocation à nourrir une proposition de loi, qui sera déposée dans le prolongement du présent rapport.
À court et moyen terme, plusieurs occasions sont également données pour traduire ces orientations. Tout d'abord, la conférence nationale sur l'eau, ouverte au travers d'une circulaire du 2 mai 2025, devra être l'opportunité d'étudier les pistes pour une gouvernance et un financement solidaires du grand cycle de l'eau. Ensuite, les priorités données aux agences de l'eau à horizon 2027 doivent évoluer pour faire de la gestion de l'eau un vecteur indispensable à l'aménagement du territoire et à son développement économique.
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de sa réunion du 26 juin 2025, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.
M. Bernard Delcros, président. - Nous sommes réunis pour entendre les conclusions du rapport de la mission d'information conduite par nos collègues Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, relative à la compétence « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », dite « GEMAPI ».
Nous recevons de nombreuses remontées sur les obstacles rencontrés par les élus locaux : multiplication des études préalables, difficultés pour trouver une couverture assurantielle, ressources insuffisantes de la taxe GEMAPI.
Vos propositions nous intéressent, en particulier celles relatives aux dispositifs de solidarité entre l'amont et l'aval des bassins versants.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - La délégation nous avait initialement confié un rapport flash qui s'est transformé en mission-fleuve !
Notre travail, débuté en février 2025, a été nourri par plus de 35 auditions, trois déplacements - en Gironde, dans le Lot-et-Garonne, dans le Cher et dans les Alpes-de-Haute-Provence - et des dizaines de contributions écrites, qui continuent d'affluer, émanant d'élus de tous les horizons.
C'est donc peu dire que la mission a créé un certain engouement, mais cette mobilisation témoigne surtout de l'inquiétude que suscite la compétence GEMAPI chez les élus locaux.
Nous entendons bien prolonger notre travail au travers du dépôt, à l'automne 2025, d'une proposition de loi qui traduira les orientations du rapport.
Rappelons tout d'abord que la GEMAPI, créée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite MAPTAM, est née d'un « mariage forcé » entre la gestion des milieux aquatiques (GEMA), d'un côté, et la prévention des inondations (PI), de l'autre.
Le bloc de compétences relatif à la prévention des inondations ayant été introduit par amendement, la GEMAPI n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact.
Pour clarifier les contours de la GEMAPI - et répondre ainsi aux nombreuses interrogations des élus - les services de deux ministères ont dû unir leurs forces pour produire une foire aux questions de 176 pages. Dans les faits, nous avons pu constater que le bloc « GEMA » était globalement mieux maîtrisé que le bloc « PI », qui soulève de lourds enjeux en matière de responsabilité.
Au-delà du contenu de la compétence, c'est bien la complexité de son exercice qui nous a frappés. Nos interlocuteurs ont décrit des surcoûts de l'ordre de 5 à 10 % liés aux exigences réglementaires, ainsi que des délais d'instruction excessifs. À cela s'ajoutent des contradictions entre services de l'État - en l'absence d'un système de type « dites-le-nous une fois ».
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Je poursuivrai en abordant une série d'obstacles très concrets auxquels font face les autorités gémapiennes, dans l'exercice de la GEMAPI.
Je commencerai par évoquer les programmes d'action de prévention des inondations (PAPI) qui constituent aujourd'hui un outil incontournable, mais dont la complexité reste un frein majeur. À titre d'exemple, la communauté de communes de Montesquieu nous a fait part de grandes difficultés pour faire avancer son projet de PAPI : délais interminables, absence d'harmonisation des réponses entre les différents services instructeurs. Cette situation, hélas, n'est pas isolée.
C'est la raison pour laquelle nous préconisons - dans la lignée de la proposition de la loi « Rapin-Roux » adoptée le 6 mars 2025 par le Sénat - de simplifier et d'unifier la procédure PAPI en instituant un « guichet unique », institué par le préfet coordonnateur de bassin, chargé d'instruire les demandes d'autorisation, de financement et d'accompagnement relatives aux actions inscrites aux programmes.
Nous recommandons également d'étudier la création d'un agrément technique qui serait délivré par la DREAL, pour certaines structures gémapiennes ayant aujourd'hui des qualités d'expertise avérées afin de simplifier les procédures administratives (autorisations environnementales, études de danger).
Une autre difficulté qui nous a été signalée - et qui pénalise au demeurant l'établissement d'un diagnostic précis sur les besoins liés à la prévention des inondations - est le manque de transparence des recettes et dépenses liées à la compétence GEMAPI. Les auditions que nous avons menées nous conduisent à recommander le rétablissement du budget annexe prévu à l'article 1530 bis du code général des impôts, pour renforcer la traçabilité des flux financiers et mieux identifier celles des dépenses qui relèvent, par exemple, de la compétence GEMAPI et celles liées à la gestion du ruissellement.
Enfin, les autorités gémapiennes doivent pouvoir accéder aux ouvrages qu'elles sont censées gérer. Cela suppose un droit d'accès aux emprises, y compris pour les études préalables aux travaux des futurs ouvrages. Or, les servitudes d'utilité publique sont aujourd'hui lacunaires : les autorités gémapiennes peuvent être empêchées par des propriétaires privés d'accéder aux emprises en amont des travaux. Nous préconisons donc de permettre cet accès dès les phases d'étude.
M.
Jean-Yves Roux, rapporteur. - Je souhaite
d'abord souligner la pertinence de permettre aux autorités
gémapiennes de se substituer aux propriétaires riverains pour les
actions de gestion courante des cours d'eau, notamment l'effacement des
embâcles. Cette mesure, déjà inscrite dans la
proposition de loi que nous avons déposée avec mon
collègue
Jean-François Rapin, mérite d'être
soutenue.
J'insiste sur la nécessité de mieux organiser la solidarité entre l'avant et l'aval des bassins versants. Dans plusieurs départements, et en particulier dans les Alpes-de-Haute-Provence, où nous nous sommes rendus, nous avons pu constater que des territoires ruraux, peu peuplés, mais exposés aux crues torrentielles, peinaient à mobiliser des fonds suffisants, alors que l'aval, plus urbanisé, pouvait lever la taxe GEMAPI à un taux faible, tout en bénéficiant des ouvrages situés en amont.
L'architecture de la taxe GEMAPI perpétue de facto les disparités qui existent au sein d'un même bassin versant, puisqu'elle ne peut excéder 40 euros par foyer au sens de la « population DGF », servant de référence pour la répartition des dotations de l'État. Dès lors, les petites intercommunalités sont nécessairement pénalisées. La peine est double pour les autorités gémapiennes de montagne, qui doivent de surcroît s'adapter à un cadre juridique construit sur la base d'une approche fluviale.
C'est pourquoi les mécanismes de péréquation sont indispensables à l'échelle du bassin versant pour corriger les inégalités de capacité contributive et mieux prendre en compte la nature des risques.
Par ailleurs, dans une logique de justice interbassins, nous proposons d'étudier la piste consistant à instaurer une contribution de quelques centimes d'euros par mètre cube d'eau consommé. Cette contribution pourrait alimenter un fonds de solidarité entre bassins. L'idée mérite d'être approfondie, dans le cadre d'une réflexion plus large sur la valorisation de la ressource en eau et sa protection.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Je voudrais revenir sur la question du transfert de la gestion des digues domaniales de l'État vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) - qui sont de l'ordre de près de 700 kilomètres - prévue par la loi MAPTAM, et effectif depuis janvier 2024.
Ce transfert a été réalisé de manière précipitée, sur la base d'un décret d'application publié in extremis en novembre 2023, malgré la période transitoire de dix ans prévue par le législateur pour en préparer les modalités.
La situation s'apparente, à bien des égards, à un transfert de charges non compensé. La direction générale des collectivités locales (DGCL) continue d'affirmer que le transfert de gestion relève d'une « clarification de compétences » plutôt que d'un « transfert de compétences ».
Pourtant, les mots utilisés par les élus que nous avons rencontrés témoignent d'un malaise profond. Le transfert chaotique des digues domaniales a été, tour à tour, assimilé à un « désengagement de l'État », quand il n'était pas qualifié de « scandaleux » ou d'« inacceptable », puisque les états des lieux effectués préalablement sur le terrain étaient très insuffisants.
Nous avons rencontré les élus de plusieurs communautés de communes, notamment du Cher, qui se trouvent aujourd'hui dans une situation insoluble. Il leur a été demandé d'inscrire à l'actif de leur bilan comptable, à compter de janvier 2025, les digues domaniales dont la gestion leur a été transférée par l'État, sans que les moyens financiers ou techniques ne soient au rendez-vous pour en assurer l'entretien, la surveillance et la mise en conformité. Les trois communautés de communes dont nous avons rencontré les représentants totalisent près de 54 kilomètres de digues, pour plus de 100 millions d'euros à inscrire dans leurs budgets.
Face à ce constat sans appel, nous demandons à l'État qu'il revoie sa copie en réétudiant les conditions du transfert, lequel a été imposé plutôt que négocié. Concrètement, cela suppose a minima d'étendre jusqu'en 2035 la subvention à 80 % au titre du fonds Barnier pour les travaux réalisés sur les infrastructures transférées. Bien souvent, l'échéance fixée à 2027 ne permet même pas de compléter les dossiers de subvention et de réunir les éléments demandés. Par ailleurs, les compensations devraient être revalorisées à la lumière des charges qui n'avaient pas été identifiées au moment du transfert.
Au-delà de ces demandes de bon sens, c'est le financement même de la prévention des inondations qu'il faut repenser. Le fonds Barnier est aujourd'hui sous-doté. Comme l'avait montré notre collègue Christine Lavarde dans un rapport sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, publié en mai 2024, le montant effectivement versé au fonds est inférieur au produit de la taxe sur les contrats d'assurance censée l'alimenter. Le fonds Barnier est estimé à environ 300 millions d'euros. Sur ce montant, seuls 150 millions d'euros environ sont attribués à la prévention des inondations. Nous proposons donc d'assurer une meilleure correspondance entre les recettes issues de la taxe et les crédits effectivement disponibles. Il ne s'agit pas de créer de nouvelles taxes, mais de mobiliser efficacement celles qui existent déjà. Nous souhaiterions que l'établissement public de bassin prenne en charge de l'aval à l'amont l'ensemble de l'entretien des digues, et puisse peut-être - lorsque cela est possible - assurer le prélèvement de la taxe GEMAPI.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Comme Rémy Pointereau l'a souligné, les élus des communautés de communes sont contraints d'endosser une responsabilité qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer, ce qui conduit à des situations juridiquement intenables en matière de gestion des risques. Il est essentiel de prendre conscience de ce problème qui suscite de profondes inquiétudes parmi les élus locaux.
J'évoquerai à mon tour la nécessité d'une solidarité renforcée, à la fois entre les territoires, mais aussi à l'échelle nationale, pour soutenir la compétence GEMAPI.
Nous proposons de majorer les taux d'aides publiques pour les projets mutualisés, notamment lorsqu'ils sont portés par des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Cela inciterait les EPCI à travailler ensemble, à mutualiser leurs efforts et promouvoir une gouvernance à des échelles plus pertinentes.
En outre, lorsque des critères objectivés de vulnérabilité le justifient, nous appelons à la mobilisation de mécanismes de solidarité nationale, permettant de financer des actions en matière de GEMAPI à l'échelle interbassins. Autrement dit, les territoires les plus exposés ou les plus démunis ne doivent pas être laissés seuls face à leurs responsabilités. Cette solidarité pourrait s'appuyer sur un fonds Barnier mieux alimenté, mais aussi sur une réflexion plus large sur les circuits de financement et la prévention des risques.
Ces critères de vulnérabilité - qu'ils soient sociaux, géographiques ou climatiques - auront naturellement vocation à faire l'objet de discussions lors des débats sur la proposition de loi que nous souhaitons déposer à la suite du rapport.
Nous avons observé sur le terrain un large consensus sur la nécessité de mettre en place un fonds de solidarité à l'échelle du bassin. Bien sûr, les modalités concrètes de cette péréquation - qui collecte, redistribue et sur quels critères - sont nécessairement plus débattues. C'est pourquoi notre proposition sur ce sujet doit être vue comme une piste de travail. Nous proposons que les financements de ce fonds de péréquation soient attribués aux EPCI en fonction de critères objectifs, tels que le potentiel fiscal, le linéaire de digues, le montant des travaux inscrits au PAPI, le niveau de risques. Ce fonds serait géré par un EPTB ou, en son absence, par l'agence de l'eau concernée.
Je conclurai sur une note plus institutionnelle. Pour renforcer la transmission d'informations entre l'EPCI titulaire de la compétence GEMAPI et le syndicat mixte auquel cette compétence est déléguée, nous recommandons que les membres désignés par l'EPCI pour siéger dans ces syndicats soient nécessairement des conseillers communautaires pour éviter toute rupture dans la compréhension des enjeux.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Je voudrais insister sur la nécessité d'adapter la gestion de la GEMAPI aux réalités territoriales, dans un esprit de différenciation. Les contextes torrentiels, de montagne, présentent des spécificités hydrologiques et administratives qu'on ne peut ignorer.
La question de la bonne échelle de gestion, nous l'avons vu, se heurte parfois à une aporie : on ne parvient pas à définir un modèle universel, car les réalités sont trop différentes.
Nous proposons donc d'encourager la solidarité à l'échelle des bassins versants entre l'amont et l'aval, sans pour autant prétendre proposer un schéma unique, qui serait de toute façon illusoire. Notre rapport montre bien qu'il n'existe pas un seul modèle d'exercice de la compétence GEMAPI, mais qu'il est essentiel d'encourager des formes de regroupements cohérents à l'échelle des bassins versants, tout en conservant de la souplesse.
Nous avons rencontré des élus d'intercommunalités rurales, faiblement peuplées, parfois démunies, sans service d'ingénierie dédié. C'est pourquoi nous recommandons le développement de conventions partenariales entre le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et les autorités gémapiennes, qui ont fait leurs preuves en plusieurs circonstances. Le Cerema, qui dispose d'un savoir-faire reconnu, pourrait jouer un rôle de véritable « tiers de confiance » technique, à condition d'en avoir les moyens.
Permettez-moi, avant de conclure, d'évoquer un sujet qui a cristallisé l'inquiétude de nombreux élus : la question des assurances. Les autorités gémapiennes font face à des difficultés croissantes pour assurer les ouvrages. Afin de répondre aux inquiétudes des élus locaux, le Gouvernement a annoncé en avril 2025, lors du « Roquelaure de l'assurabilité des territoires », la création d'une cellule d'accompagnement ad hoc (Collectiv'Assur). Il conviendra de veiller à sa bonne installation, eu égard aux enjeux majeurs que la problématique emporte pour les collectivités. Dans l'attente, et en complément, nous proposons de faciliter le recours au Médiateur du crédit, en élargissant son accès aux collectivités pour qu'elles puissent plus facilement dialoguer avec les assurances.
M. Bernard Delcros, président. - J'adhère pleinement à l'idée d'instituer un mécanisme de solidarité territoriale. Pourriez-vous nous préciser les modalités de sa mise en oeuvre ?
Par ailleurs, il me semble essentiel que le critère de densité de population soit intégré dans la réflexion. En effet, plus le nombre d'habitants est réduit, plus la charge financière supportée par chacun s'alourdit. Dispose-t-on d'une estimation du montant moyen des taxes perçues selon les niveaux de densité des communes ?
Enfin, si malgré les instructions ministérielles adressées aux préfets et l'adoption de la proposition de loi par le Sénat, la problématique de l'assurance des collectivités demeurait irrésolue, il conviendrait peut-être d'envisager l'instauration d'un véritable droit à l'assurance pour ces dernières.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Il est manifeste que la taxe GEMAPI s'avère d'autant plus lourde que le territoire est faiblement peuplé. À titre d'illustration, à Orléans, une agglomération densément habitée, les travaux ont pu être menés à bien en se fondant sur une assiette fiscale plus large.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Nous avons observé que la compétence GEMAPI était fréquemment transférée à des syndicats regroupant plusieurs intercommunalités. Toutefois, certaines choisissent de ne pas instaurer la taxe GEMAPI, celle-ci n'étant pas obligatoire, ce qui empêche la mise en oeuvre d'une solidarité à l'échelle de ces structures.
Par ailleurs, les assurances n'interviennent actuellement qu'au stade de la réparation des dommages. Une réflexion mérite d'être engagée quant à leur implication plus en amont, dans des actions de prévention, en lien avec les collectivités. Certes, elles contribuent déjà via le fonds Barnier, mais nous devrions les inciter davantage à s'impliquer dans la prévention. Lors du Congrès national des assurances qui s'est tenu la semaine dernière, des pistes ont été évoquées pour mieux les intégrer à la logique de prévention des sinistres.
Il est vrai que le montant de la taxe n'est pas le même dans tous les territoires. Les métropoles devraient peut-être accompagner davantage les communautés de communes rurales et de montagne. Actuellement, dans les EPCI et EPTB dans le Sud, les métropoles ne contribuent qu'à l'intérieur de leur périmètre administratif, sans s'étendre aux zones environnantes.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous avons tendance à fonctionner à l'envers en proposant un modèle économique sans analyser au préalable la nature des besoins, ce qui complique le dialogue et la négociation politiques.
Il s'agit d'abord d'assurer un financement par socle à l'échelle des EPCI en créant des critères de solidarité internes, prenant notamment en considération la densité de population.
Ce premier niveau de solidarité interne aux EPCI établi, il convient de tenir compte de l'interdépendance des acteurs situés sur un même linéaire hydraulique, les décisions prises sur un territoire pouvant avoir des répercussions sur d'autres.
À ce socle local s'ajoute la solidarité nationale, via l'intervention du fonds Barnier.
Enfin se pose la question de la solidarité de bassin. L'agence de l'eau n'intervient actuellement que sur les études, et non sur les investissements. D'où l'idée d'introduire une cotisation - jusqu'à un centime par mètre cube d'eau - qui figurerait sur la facture d'eau afin de rendre cette contribution plus lisible pour l'usager que ne l'est actuellement la taxe GEMAPI.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. - Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), la distribution annuelle d'eau s'élève à 180 millions de mètres cubes. Un prélèvement de 0,1 centime par mètre cube permettrait ainsi de mobiliser 18 millions d'euros, contribuant à une participation de toute la région au financement de la taxe GEMAPI et, partant, aux investissements associés à la compétence.
M. Laurent Burgoa. - Ce rapport était très attendu dans nos territoires. Dans mon département du Gard, l'inondation de 1988 a dévasté Nîmes. Malgré la détermination des municipalités successives, les travaux n'ont à ce jour pu être finalisés que pour la moitié des cadereaux. Il s'agit là d'un chantier gigantesque, représentant un coût important.
Je souhaite soumettre trois observations :
- premièrement, il s'écoule en moyenne entre cinq et dix années entre la décision initiale et le début effectif des travaux, en raison d'études préalables excessivement longues. Comment simplifier ce processus ?
- deuxièmement, ces chantiers représentent une charge financière colossale, équivalente parfois à plus d'un siècle d'investissements pour certaines petites communautés de communes. Cela justifie, à mon sens, une réflexion approfondie sur le rôle et la structuration des EPTB. Il est urgent de sortir des carcans administratifs pour adopter une approche plus globale et solidaire ;
- enfin, la proposition d'une contribution proportionnelle au volume d'eau consommé me paraît judicieuse. À l'heure actuelle, seuls les propriétaires sont assujettis à la GEMAPI, alors même que le risque d'inondation concerne l'ensemble des citoyens.
M. Bernard Delcros, président. - Je pense également que la solidarité peut s'exercer à une échelle assez large, celle du bassin. Dans mon département, la compétence GEMAPI a été transférée à un syndicat regroupant plusieurs intercommunalités. Cette stratégie a néanmoins ses limites, ces territoires demeurant pauvres et peu peuplés.
M. Hervé Reynaud. - Ce rapport, qui adopte une approche globale, complète les travaux sur la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, adoptée en séance le 6 mars 2025.
Je souhaiterais revenir sur la question de la différenciation. Lors des auditions sur la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de GEMAPI, j'ai pu constater des situations totalement différentes selon les territoires - selon que les inondations se font par ruissellement ou par submersion - induisant des approches et des coûts très variables.
D'après les acteurs auditionnés dans ce cadre, la taxe GEMAPI représenterait en moyenne entre 7 et 8 euros par habitant. Le montant maximum autorisé - 40 euros par habitant - est rarement appliqué même si 70 % des intercommunalités concernées ont choisi d'instaurer cette taxe. Nous ne pouvons laisser les élus assumer seuls cette compétence tout en exposant leurs populations sans moyens suffisants. Face au risque naturel majeur que représentent les inondations, la solidarité nationale est indispensable. Comment traduire cet aspect dans une future proposition de loi ?
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Nous déplorons l'absence d'une classification des enjeux relevant de la solidarité nationale. Théoriquement, les PAPI ont vocation à remplir ce rôle, seuls les territoires ayant lancé ces programmes pouvant aujourd'hui prétendre à des aides.
Initialement, un accompagnement financier par le fonds Barnier, à hauteur de 80 % du montant des travaux de mise en conformité des digues domaniales transférées, était prévu. Mais en l'absence de PAPI, ce taux n'est plus que de 30 % à 40 %. Le reste à charge pour les collectivités demeure insoutenable sachant qu'il faut compter de l'ordre d'un million d'euros de financement par kilomètre de digue.
Il est donc impératif de réinterroger les modalités de la solidarité nationale. Le fonds Barnier génère 300 millions d'euros par an, mais seuls 150 millions sont effectivement mobilisés. Ce déséquilibre met en péril la viabilité du dispositif. Le système ne tient tout simplement pas. Nous proposons également de renforcer les moyens financiers alloués aux agences de l'eau et aux comités de bassin, pour une solidarité de bassin plus équitable et plus efficace.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Les EPTB constituent, en effet, le cadre le plus adapté pour la gestion cohérente des cours d'eau, notamment lorsqu'il s'agit de rivières domaniales. Les problématiques rencontrées diffèrent selon la nature du cours d'eau : certaines crues torrentielles emportent tout sur leur passage, tandis que d'autres, plus lentes mais plus étendues, se traduisent par une montée progressive des eaux.
En général le syndicat situé en amont réalise les travaux, tandis que plus loin, faute de moyens, rien n'est fait. Ces situations contribuent à accélérer l'arrivée de l'eau dans la vallée, compromettant ainsi l'efficacité globale du dispositif GEMAPI, voire aggravant les dommages.
La coordination est donc indispensable : il faut travailler de l'amont jusqu'à l'aval. Pour inciter les syndicats à collaborer, nous proposons un système de bonification, consistant à rehausser les taux de subvention lorsque les syndicats coopèrent, aux fins d'encourager cette collaboration.
M. Gérard Lahellec. - Si nous manquons d'eau en Bretagne, nous n'en subissons pas moins régulièrement des inondations. Au sein de notre agence de bassin Loire-Bretagne, la solidarité ne s'exprime pas de la même manière partout. À cela s'ajoutent les inégalités observées entre zones rurales et urbaines. L'objectif que vous fixez - rechercher la solidarité la plus large possible - est pertinent, mais ne sera pas facile à atteindre.
M. Hervé Gillé, rapporteur. - Je souhaite revenir sur la question des assurances. Lorsqu'un territoire s'engage résolument dans une politique de prévention des risques, il paraît légitime qu'il bénéficie d'une meilleure couverture.
Les études démontrent qu'un euro investi dans la prévention permet d'économiser entre sept et dix euros lors de la survenue d'un sinistre. Dès lors, les compagnies d'assurance doivent reconnaître et intégrer les efforts réalisés par les collectivités dans ce domaine. L'aggravation des risques confère à cette problématique une centralité croissante.
M. Bernard Delcros, président. - Je propose, pour conclure, que nous procédions à l'adoption des recommandations formulées.
Les recommandations sont adoptées.
La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.