N° 807
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Rapport remis à M. le Président du Sénat le 1er juillet 2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission d'enquête (1) sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État,
Président
M. Pierre BARROS,
Rapporteur
Mme Christine
LAVARDE,
Sénateurs
Tome I - Rapport et annexes
(1) Cette commission est composée de : M. Pierre Barros, président ; Mme Christine Lavarde, rapporteur ; Mme Pauline Martin, MM. Cédric Vial, Pierre-Alain Roiron, Michaël Weber, Ludovic Haye, Hervé Maurey, Emmanuel Capus, Mme Solanges Nadille, M. Christian Bilhac, Mme Ghislaine Senée, vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Di Folco, MM. Sébastien Fagnen, Pierre-Antoine Levi, Alain Milon, Mme Anne-Sophie Patru, MM. Hervé Reynaud, Bruno Rojouan, Jean-Marc Vayssouze-Faure.
AVANT-PROPOS
103 agences, 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs, 1 200 organismes publics nationaux... Ces chiffres, souvent diffusés dans le débat public, traduisent moins un simple démembrement de l'État qu'un véritable émiettement de l'action publique. Pourtant, ils restent rarement explicités, alimentant un sentiment de confusion générale.
C'est pourquoi le Sénat, à la demande du groupe Les Républicains dans le cadre de son « droit de tirage » annuel, a décidé de constituer une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Son président était Pierre Barros (groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky) et son rapporteur Christine Lavarde (groupe Les Républicains).
Face à l'immensité de cette tâche, la commission a dû, dès ses premières réunions, circonscrire son périmètre. Elle a notamment décidé d'exclure les universités et les centres de recherche de son champ d'enquête, considérant que ces organismes ont des missions bien déterminées et, par nature, ne concourent pas au sentiment d'illisibilité de l'action publique.
La méthodologie a reposé sur une série d'auditions transversales, d'experts, de hauts fonctionnaires, d'acteurs économiques et d'associations d'élus locaux, puis sur des auditions thématiques par grands domaines de politiques publiques. La commission a ainsi conduit 41 auditions plénières, recevant 91 personnes au total. Deux déplacements dans les départements du Val-d'Oise et du Loiret ont permis d'apprécier le fonctionnement de ces organismes sur le terrain, en lien avec les préfets, les services déconcentrés, les collectivités, les entreprises et les représentants des opérateurs territoriaux. En parallèle, 25 auditions spécifiques en format « rapporteur », ouvertes aux membres de la commission, ont permis d'approfondir l'analyse.
La commission a commandé une étude de législation comparée qui a enrichi ses travaux d'une vision du phénomène d'« agenciarisation » dans quatre autres pays. De manière générale, la commission s'est appuyée sur des dizaines, voire des centaines de rapports, publics ou confidentiels, relatifs aux agences de l'État, ainsi que sur les documents publiés par ces organismes eux-mêmes.
Ce travail, inédit par son périmètre incluant les agences, les opérateurs et les instances consultatives, permet de dresser un paysage contrasté. Certains agences jouent un rôle structurant, au point d'apparaître comme de véritables « États dans l'État », tandis que des centaines de structures, de taille plus modeste souvent à portée locale, ne présentent pas le même enjeu pour l'amélioration de l'action publique.
Plusieurs défis et problématiques clés ont été identifiés de manière récurrente :
- complexité et manque de lisibilité de l'action publique : l'enchevêtrement des structures rend difficile l'identification d'un interlocuteur unique pour les citoyens, les élus locaux et les entreprises ;
- doublons et chevauchements de compétences : de nombreux exemples ont été mis en évidence, que ce soit entre les agences et les administrations centrales ou entre les agences elles-mêmes ;
- transparence et contrôle : un manque de données financières complètes et agrégées pour de nombreux organismes a été constaté, rendant difficile un contrôle parlementaire efficace et un pilotage budgétaire rigoureux.
La commission d'enquête a également examiné l'impact des agences sur la gestion du personnel, compte tenu des différences de statut et de rémunération, ainsi que les difficultés de reclassification en cas de retour dans l'administration.
Les réformes structurelles ont été abordés avec lucidité : si certaines fusions permettent de réaliser des économies d'échelle et d'intégrer des cultures différentes de travail, d'autres sont longues et complexes, sans apporter les gains attendus, voire en entraînant des surcoûts temporaires ou définitifs.
Les relations entre les agences et les collectivités territoriales ont fait l'objet d'une attention particulière. Le préfet et ses services restent, malgré la diminution de leurs moyens, un point d'ancrage essentiel des territoires. La demande d'une ingénierie de proximité pour les petites collectivités est forte et la réponse apportée par les agences n'est pas suffisante.
Enfin, la commission s'est intéressée aux comités consultatifs ou « comités Théodule ». Derrière des coûts directs - tels que comptabilisés par l'administration - souvent limités, ces structures génèrent en réalité une charge administrative importante et ajoutent des délais, interrogeant sur leur utilité réelle.
Au total, la commission d'enquête s'est efforcée de fournir des préconisations cohérentes, argumentées et étayées. S'opposant à toute politique de la « tronçonneuse », coûteuse à court terme du fait des conséquences immédiates sur le tissu économique et social, mais aussi inefficace à long terme, elle a cherché à poser les bases d'une nouvelle méthode pour l'organisation administrative, afin que l'argent public soit utilisé de la manière la plus efficiente possible au service des Français, en rendant l'État plus proche, plus agile et plus responsable.
La commission s'inscrit dans une dynamique de transformation durable de l'action publique, consciente que les décisions prises aujourd'hui auront des conséquences sur le long terme pour la qualité du service public sur l'ensemble du territoire national. Ce rapport n'a ainsi pas pour vocation d'imposer des coupes budgétaires spectaculaires, mais de proposer une méthode de réforme cohérente et soutenable. Il s'agit de remettre l'État, sous toutes ses formes, au service des citoyens.