VIII. EN REVANCHE, LE SUIVI ET L'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES SONT DÉFAILLANTS
A. ÉVALUER : UNE TÂCHE IMPOSSIBLE ?
La commission d'enquête ne méconnaît pas les difficultés inhérentes à toute évaluation. Un évaluateur doit en effet :
- disposer de données fiables et homogènes ;
- s'appuyer sur un contrefactuel, c'est-à-dire un groupe d'entreprises n'ayant pas bénéficié de l'aide en question (ce qui est impossible quand une mesure s'applique à toutes les entreprises) ;
- déterminer ce que les économistes appellent des « externalités » positives ou négatives, toujours délicates à identifier ;
- ne pas confondre « corrélation » et « causalité » ;
- identifier les autres facteurs entrant en ligne de compte dans un résultat, ainsi que les effets conjugués de ces facteurs.
Ces difficultés sont toutefois bien connues des économistes, et peuvent en partie être surmontées. En tout état de cause, une évaluation, même peu concluante et assortie de nombreuses précautions méthodologiques, est toujours préférable à l'absence d'évaluation, ne serait-ce qu'en raison des données rendues publiques sur le suivi du dispositif (nombre de bénéficiaires, montant moyen, localisation, taux de recours et de refus...).
B. LES AIDES EMBLÉMATIQUES FINANCÉES PAR L'ÉTAT SONT EN GÉNÉRAL ÉVALUÉES
Ces dernières années, les évaluations des aides publiques emblématiques versées par l'État aux entreprises se sont multipliées.
Ainsi, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) le 1er janvier 2013 s'est accompagnée de l'instauration dès le 25 juillet suivant d'un comité de suivi, qui a rendu des rapports annuels sur l'évaluation de ce dispositif. France Stratégie a poursuivi ce travail d'évaluation afin de produire un rapport de synthèse.
Le comité d'évaluation du plan France Relance, adossé à France Stratégie, a rendu deux rapports intermédiaires en octobre 2021 puis en décembre 2022, avant de rendre un rapport final en janvier 2024.
Première dépense fiscale, le crédit d'impôt recherche a fait l'objet de plusieurs évaluations, notamment de la part de la Commission nationale d'évaluation des politiques publiques d'innovation (Cnepi) en 2019 et 2021. Se fondant sur une revue de dépenses réalisée par l'Inspection générale des finances en mars 2024, la commission des finances du Sénat a modifié plusieurs règles du CIR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.
Les aides à l'apprentissage, profondément remaniées dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ont été évaluées par la Cour des comptes en juillet 2023, conduisant le Gouvernement à resserrer le dispositif cette année.