C. UN PLAN PROTECTIONNISTE AU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES IMPLANTÉES AUX ÉTATS-UNIS

Indirectement, l'Infrastructure Investment and Jobs Act agit comme des aides d'État massives aux entreprises qui seront chargées de réaliser les constructions ou rénovations d'infrastructures. Selon le bureau d'analyse économique du département américain au commerce, pour 1 milliard de dollars investis dans la construction, 10 293 emplois sont créés directement et indirectement642(*). Les mesures protectionnistes incluses dans l'Infrastructure Investment and Jobs Act vise à accroître l'effet levier de cet investissement sur l'économie américaine.

Le titre IX de la loi, intitulé « Build America, Buy America », prévoit un renforcement des clauses de contenu local, habituellement implémentés dans les plans d'investissements dans les infrastructures de transports et d'eau643(*). L'Infrastructure Investment and Jobs Act étend le Buy America à tous les projets d'infrastructures financés par des fonds fédéraux (haut-débit, infrastructures électriques, transmissions, biens immobiliers, etc.). Les clauses du Buy America, initialement centrées sur l'acier et le fer entièrement produits sur le sol américain, sont désormais étendues à une large gamme de matériaux, dont les matériaux de construction et non ferreux (verre, plastique, bois, etc.). Pour être considéré comme « made in the USA », un produit manufacturé doit contenir plus de 55 % de contenu domestique et être fabriqué sur le territoire américain, tandis que pour les matériaux de construction, l'acier, le fer et les produits non ferreux, l'ensemble du processus de production doit avoir eu lieu aux États-Unis.

Des dérogations sont prévues en cas d'atteinte à l'intérêt public, d'indisponibilité en quantité ou qualité suffisantes des produits ou matériaux ou de surcoût excessif. À ce titre, un executive order de Joe Biden prévoit la création du Made in America Office dont le rôle est d'examiner toutes les demandes de dérogation au Buy America afin de centraliser les demandes, quand elles étaient auparavant gérées par chaque agence fédérale pour ses bénéficiaires644(*).

D. DES EFFETS SUR L'EMPLOI ET LA CROISSANCE DIFFICILES À MESURER

L'effet sur l'emploi de l'Infrastructure Investment and Jobs Act est difficile à évaluer. La Maison Blanche estimait en 2021 que l'Infrastructure Investment and Jobs Act créerait 2,4 millions emplois annuels sur dix ans. Toutefois, il convient de relever que la définition d'emploi annuel signifie qu'une personne ayant trouvé un travail pour deux ans compte pour deux emplois645(*). Selon Moody's, si l'investissement public a un rendement inférieur à l'investissement privé, en raison de considérations sociales, réglementaires et environnementales prises en compte par les pouvoirs publics, le contexte de taux d'intérêt bas améliore le rendement du plan d'investissements dont les bénéfices seront très supérieurs au coût. Ainsi, l'Infrastructure Investment and Jobs Act générerait jusqu'à 871 700 emplois au cours du dernier trimestre 2025, avant de voir son effet sur l'emploi progressivement diminuer jusqu'à 104 300 en 2031646(*).

Une étude micro et macroéconomique de 2025 estime que l'Infrastructure Investment and Jobs Act équivaut à une hausse de 2,55 % de l'ensemble des dépenses publiques orientées vers le secteur de la construction et des infrastructures. Un tel stimulus générerait, à court terme, à une hausse de 0,2 % du PIB par an et à la création de 600 000 à 680 000 emplois. Une fois les infrastructures fonctionnelles, cet investissement initial conduirait à une augmentation de 1,39 % du PIB et de 3,94 % des salaires réels647(*).

En 2023, deux ans après le déploiement de l'Infrastructure Investment and Jobs Act, le taux de chômage dans le secteur des transports et des infrastructures de service public (eau, électricité, etc.) se situait respectivement à 4 % et 2,5 %648(*). La capacité des États-Unis à disposer de suffisamment d'actifs qualifiés dans le secteur de la construction et des infrastructures n'est pas assurée, l'Inflation Reduction Act renforçant encore davantage les investissements en la matière.

Concernant la qualité des infrastructures, l'American Society of Civil Engineers a relevé la note américaine à C, la meilleure note obtenue par le pays depuis la création de ce rapport en 1998. L'association relève une amélioration de la qualité des infrastructures grâce aux investissements réalisés dans le cadre l'IIJA. Pour la première fois, aucune catégorie d'infrastructures n'était classée D-. Cependant, ces investissements restent insuffisants pour remettre les infrastructures américaines à niveau, un investissement de 3 700 milliards de dollars supplémentaires serait nécessaire649(*).


* 642 U.S. Department of commerce. Bureau of Economic Analysis, « Measuring Infrastructure in BEA's national economic accounts », 2021.

* 643 U.S. Congressional Research Service, « Congress Expands Buy America Requirements in the Infrastructure Investment and Jobs Act », 2021.

* 644 Joe Biden, « Executive Order No. 14005, Ensuring the Future Is Made in All of America by All of America's Workers », Washington D.C. : The White House, 25 janvier 2021.

* 645 Fact Check, « White House Uses `Job-Years,' Not Jobs, to Tout Infrastructure Law », 18 novembre 2021.

* 646 Moody's Analytics, « Macroeconomic Consequences of the Infrastructure Investment and Jobs Act & Build Back Better Framework », 2021.

* 647 David Suárez-Cuesta et al., « Macro and microeconomic effects of the Infrastructure Investment and Jobs Act and how financing strategy matter », 2024.

* 648 Brookings Institute, « At its two-year anniversary, the bipartisan infrastructure law continues to rebuild all of America », 2023.

* 649 Americain Society of Civil Engineers, « America's Infrastructure Scores a C », 2025.

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