C. ENTRE PROTECTIONNISME ASSUMÉ ENVERS LA CHINE ET COLLABORATION AVEC LES ALLIÉS HISTORIQUES

Le Chips and Science Act revêt une dimension protectionniste particulièrement offensive à l'encontre de l'Asie. Pour cause, cette loi n'a pas une simple vocation économique, elle répond à un enjeu de sécurité nationale et d'autonomie stratégique pour les États-Unis. Qualifiées de guardrails (« garde-fou ») par l'administration Biden-Harris, un certain nombre de mesures ont été prévues par le département du commerce à l'égard des bénéficiaires des fonds fédéraux prévus par cette loi657(*).

Les dispositifs prévus appliquent une version actualisée de la doctrine du containment d'Harry Truman aux semi-conducteurs : les États-Unis endiguent la percée chinoise en matière de circuits intégrés par des mesures indirectes plus ou moins agressives.

Parmi les mesures peu offensives figure, par exemple, l'établissement d'une liste fédérale de semi-conducteurs considérés comme critiques pour la sécurité nationale, entravant leur production à l'étranger par des firmes implantés aux États-Unis. De même, les projets financés par le Chips and Science Act doivent être implantés sur le sol américain et ne peuvent financer des projets à l'étranger.

Plus frontalement, les bénéficiaires des fonds du Chips and Science Act s'engagent à ne pas étendre, durant dix ans, les capacités matérielles de production de semi-conducteurs de pointe dans les pays qualifiés de préoccupants (Chine, Corée du Nord, Iran, Russie658(*)). Est considérée comme une expansion matérielle toute augmentation de plus de 5 % de la capacité de production. Pour les installations de semi-conducteurs n'étant pas de pointe, il est interdit de construire de nouvelles lignes de production ou d'augmenter de plus de 10 % les capacités de production, sauf si ces semi-conducteurs sont, à pour au moins 85 % d'entre eux, destinés au marché domestique.

Sur le plan de la recherche, les entreprises bénéficiant des fonds ont interdiction d'engager des activités de R&D conjointes ou de transférer des technologies liées à la sécurité nationale américaine avec des entreprises étrangères préoccupantes (complexe militaro-industriel chinois, liste du bureau de l'industrie et de la sécurité, etc.).

Dans une volonté de découplage de l'économie américaine, et d'embarquement des pays occidentaux, le Chips and Science Act prévoit des collaborations sur les semi-conducteurs entre les États-Unis et d'autres États via l'International technology security and innovation fund (ITSI). Ainsi, les États-Unis ont noué un partenariat avec le Panama. En 2023, à l'initiative des Américains, un réseau informel d'échange sur les semi-conducteurs, comprenant 34 pays, a été créé au sein de l'OCDE659(*). Ce groupe a lancé une base de données sur les interdépendances et la répartition géographique des capacités de production de semi-conducteurs660(*).


* 657 U.S. Department of Commerce, « Billing Code : 3510-13. Preventing the Improper Use of CHIPS Act Funding », 25 septembre 2023.

* 658 U.S. Department of Commerce, « Commerce Department Outlines Proposed National Security Guardrails for CHIPS for America Incentives Program », 21 mars 2023.

* 659 OCDE, « Réseau informel d'échange sur les semi-conducteurs », 2023.

* 660 U.S. Department of State, « U.S. State Department and the OECD Lead Efforts at Semiconductor Network Meeting to Promote Global Supply Chain Resilience and Transparency », 2024

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