B. LE SOUTIEN À LA FILIÈRE NE REPRÉSENTE QU'UNE FAIBLE PART DES MOYENS CONSACRÉS PAR L'ÉTAT AU LIVRE ET À LA LECTURE

1. Les moyens budgétaires consacrés par l'État s'élèvent à 500 millions d'euros, dont la majorité n'est pas consacrée à l'économie du livre

Le montant total consacré par l'État au livre et à la lecture s'élevait en 2024 à 1,1 milliard d'euros. Ce volume élevé doit être analysé avec précaution : les deux-tiers de ce montant ne recouvrent en réalité pas une dépense budgétaire mais une perte de recettes pour l'État. La dépense budgétaire de l'État en faveur du livre et de la lecture représente 500 millions d'euros. Ces montants restent inférieurs au 1,7 milliard consacré par les collectivités à la politique de la lecture publique.

Le volet budgétaire de l'action de l'État en faveur du livre repose en grande partie par l'action 01 - Livre et lecture du programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Celle-ci s'élevait en exécution 2024 à 310 millions d'euros en AE et 317,4 millions d'euros en CP. Le reste de la dépense budgétaire découle pour une part de transferts de l'État aux collectivités territoriales (concours pour les bibliothèques locales sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ») et d'autre part du Pass culture, dont une grande partie subventionne l'achats de livres (pour un montant de 89 millions d'euros en 2024).

L'ensemble de ces 500 millions d'euros ne finance pas le soutien à l'économie du livre. La politique économique du livre proprement dite est financée par la sous-action 04 du programme 334, qui s'élève en 2024 à 50,7 millions d'euros, soit seulement 6,8 % des crédits consacrés au livre et à la lecture.

Montants consacrés par l'État au soutien au livre et à la lecture en 2024

(en millions d'euros et en %)

Dépense budgétaire ou incidence fiscale

Montant

Proportion du soutien total accordé par l'État

Mission Médias, livre et industries culturelles

Programme 334 - Action 01 livre et lecture

Bibliothèque nationale de France

243,0

22,07 %

Politique économique du livre

50,7

6,85 %

dont Centre national du livre

28,5

2,52 %

Développement de la lecture et des collections

23,7

2,15 %

dont Bibliothèque publique d'investissement

10,1

0,92 %

Total

317,4

28,83 %

Mission Culture

Achats de livres sur les crédits du Pass Culture (part individuelle)

89

8,09 %

Compensation partielle par l'État d'exonération de cotisation d'assurance vieillesse pour les artistes auteurs

nc14(*)

 

Mission relations avec les collectivités territoriales

Concours particulier relatif aux bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD)

94,4

8,58 %

Taux réduit de TVA sur le livre

600

54,51 %

Total

1 100,8

100,00 %

Total hors lecture publique et archives

740

67,22 %

Total dépenses budgétaires

500,8

45,5 %

Total dépenses budgétaires hors lecture publique et archives

139,7

12,69%

Source : commission des finances

La très grande majorité des crédits budgétaires est donc consacrée à la politique de la lecture publique, essentiellement de soutien aux bibliothèques. Environ 260 millions d'euros sur les 317 millions d'euros du programme 334 consacrés au livre financent les grandes bibliothèques publiques (bibliothèque nationale de France - BnF et bibliothèque publique d'information - BPI). La dotation de la BnF est ainsi 10 fois supérieure à celle du Centre national du livre.

Évolution des crédits dédiés aux opérateurs du programme 334 « Livre et lecture »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les crédits de l'action 01 « Livre et lecture » du programme 334 « Livre et industries culturelles », ces derniers ont augmenté de 15 % en AE et 21 % en CP entre 2020 et 2025. Là encore, une grande part de cette dynamique est imputable au soutien aux bibliothèques. Les crédits dédiés à la seule BnF sont en forte hausse au cours des dernières années du fait d'un besoin de gros investissements (+ 28 millions d'euros entre 2022 et 2025).

2. Des crédits dédiés au soutien économique à la filière du livre limités à 50 millions d'euros en 2024
a) Une relative stabilité des crédits dédiés à l'économie du livre depuis 2021

Le taux réduit de TVA pour le livre a un coût estimé à 600 millions d'euros en 2025 par le ministère des comptes publics. Cela représente 80 % du soutien direct de l'État à l'économie du livre. Les crédits de la mission « Médias et industries culturelles » représentent 7 % du soutien de l'État à la filière, soit une proportion inférieure au poids des crédits de la mission « Culture » (12 %).

Ventilation des dépenses fiscales et budgétaires consacrées à la politique économique du livre

(en %)

Source : commission des finances

Les crédits dédiés à l'économie du livre proprement dite s'élèvent en 2024 à 50,7 millions d'euros, soit une progression de 7 millions d'euros (+15 %) entre 2021 et 2024.

Évolution de la sous-action Économie du livre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Hors inflation, sur la période 2021-2024, les crédits dédiés à l'économie du livre n'augmentent que de 3,1 %.

Évolution de la sous-action Économie du livre en euros constants

(en millions d'euros)

 

2021

2022

2023

2024

Montant en valeur

43,71

46,99

48,91

50,70

Évolution en valeur (en euros courants)

 

7,50%

4,10%

3,70%

Évolution en volume (en euros constants)

 

2,00%

-0,70%

1,80%

Montant en euros 2025

49,85

50,87

50,51

51,41

Source : commission des finances

L'évolution à plus long terme des crédits budgétaires en faveur de la filière du livre depuis 2015 est difficile, du fait de forts changements de périmètre ; et en premier lieu la budgétisation des ressources du CNL en 2019 après la suppression des taxes affectées qu'il percevait antérieurement. En outre, l'évolution pluriannuelle est marquée par un fort soutien à la filière du livre dans le cadre des plans d'urgence et de relance pendant la crise sanitaire, thématique qui sera développée plus bas.

b) La situation financière du Centre national du livre : des recettes publiques en légère hausse et des dépenses maîtrisées, mais une trésorerie à un niveau particulièrement élevé

Le financement du CNL a été entièrement modifié en 2019. Auparavant, la quasi-totalité de ses ressources provenait du produit de deux taxes affectées : la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie et celle sur les appareils de reprographie et d'impression. Le rendement de ces deux taxes était en diminution, notamment du fait du caractère partiellement obsolète de la seconde (27 % entre 2015 et 2019). Dans le cadre plus large de volonté du ministère de l'économie et des finances de réduire les taxes affectées dont le montant était faible, leur suppression a été actée en loi de finances pour 201915(*).

Depuis le 1er janvier 2019, le financement du CNL a donc été budgétisé : l'opérateur perçoit désormais une subvention pour charges de service public (SCSP) sur le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission » Médias, livre et industries culturelles ». Cette SCSP représentait 28,45 millions d'euros en 2025.

Le montant de la SCSP reste inférieur à celui des taxes affectées pendant la décennie 2010, là encore pour des raisons de périmètre : le montant de fiscalité affectée comprenait les subventions versées par le CNL destinées à la Bibliothèque nationale de France (BnF), au Bureau international de l'édition française (BIEF), et à la Maison des écrivains et de la littérature (MEL).

La dotation pour charges de service public du Centre national du livre a augmenté de 4,5 millions d'euros depuis 2020 (+21 %). Une part de cette augmentation en 2023 et 2024 est liée à la compensation de la hausse de l'inflation et de la revalorisation des personnels. Une autre part de cette hausse a été consacrée à des actions liées à l'année de la lecture « grande cause nationale » en 2022.

Elle a en revanche légèrement diminué entre 2024 et 2025 (de 440 000 euros), dans un contexte de contraction de la dépense publique.

Évolution des crédits accordés au CNL

(en millions d'euros en AE=CP)

Source : commission des finances d'après les données du CNL

En 2024, la SCSP représentait 96 % des recettes du CNL. Pour autant, les recettes de l'établissement ont été diversifiées pendant la crise sanitaire, en particulier grâce aux versements de crédits exceptionnels (+ 30,1 millions d'euros en 2020 ; + 12,2 millions d'euros en 2021 et + 3 millions d'euros en 2022, cf. infra).

Évolution et ventilation des recettes du CNL

(en millions d'euros en AE=CP)

Source : commission des finances d'après les données du CNL

Le CNL voit ses recettes propres augmenter, mais celles-ci restent très réduites (2 % de recettes propres seulement en 2024). Elles sont aujourd'hui essentiellement constituées par le remboursement des prêts consentis par le CNL, des masterclass d'auteurs, financés la part collective du Pass culture et de l'organisation des manifestations nationales portées par le CNL. Comme pour nombre d'opérateurs du ministère de la culture, le développement des ressources propres doit représenter un axe d'amélioration au cours des prochaines années.

Il est d'ailleurs notable que le contrat d'objectifs et de performance du CNL pour 2022-2026 ne comporte pas d'indicateur dédié à la diversification de ses recettes16(*). Le seul indicateur de l'axe 4 du COP - adapter la gouvernance du CNL aux nouveaux enjeux concerne la réduction des dépenses de personnel. Le prochain COP doit être l'occasion pour la tutelle d'encourager le CNL à développer ses ressources propres en mettant en place un indicateur spécifique.

Recommandation n°2 : introduire dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens du CNL un objectif de développement des ressources propres de l'établissement

Deux-tiers des crédits versés au CNL par le ministère de la culture sont directement reversés à la filière du livre par des aides directes. Les dépenses de personnel constituent le deuxième poste de dépense (5,6 millions d'euros). Les frais de fonctionnement du CNL s'élèvent à 1,4 million d'euros.

Ventilation des dépenses du CNL en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du CNL

Les dépenses du CNL sont globalement maîtrisées : elles ont diminué de 7 % au cours des dix dernières années et s'élèvent en 2024 à 30,6 millions d'euros.

Les dépenses de personnel sont celles qui ont davantage augmenté en proportion, de 3,5 millions d'euros en 2015 à 5,7 millions d'euros en 2024. La croissance de la masse salariale n'est pas liée à des recrutements (diminution d'un ETPT depuis 2015, le plafond d'emplois du CNL étant stable à 65 ETPT depuis 2019). Une part de cette augmentation découle du transfert en 2022 de la gestion des agents fonctionnaires (14 ETPT) sur le budget du CNL, qui a entraîné une hausse des dépenses d'environ 0,9 million d'euros. Les hausses successives du point d'indice en 2022 et 2023 se sont traduites par une progression de 5 % des dépenses de personnel.

Évolution des dépenses du CNL

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du CNL

S'agissant de l'évolution des indicateurs financiers du CNL, la trésorerie et le fonds de roulement ont augmenté légèrement entre 2015 à 2019, (+ 2 % en 4 ans pour la trésorerie ; + 9 % pour le fonds de roulement). La crise sanitaire a entraîné un gonflement de l'une comme de l'autre sous le double effet de la hausse de recettes grâce aux abondements prévus dans le cadre des plans d'urgence et de relance et du décalage entre ces recettes et les dépenses correspondantes. En conséquence, en 2020, la trésorerie du CNL a augmenté de 55 % et le fonds de roulement de 54 %.

Les niveaux du fonds de roulement et de la trésorerie se sont relativement normalisés au cours des années suivantes, à la fois grâce au décaissement progressif des dépenses liées à la crise sanitaire et à des prélèvements ciblés sur le fonds de roulement. L'année de la lecture - grande cause nationale en 2022 a été financée par un prélèvement sur le fonds de roulement du CNL à hauteur de 1,5 million d'euros en 2022, prolongée en 2023 à hauteur de 500 000 euros et en 2024 de 400 000 euros. Des prélèvements sur le fonds de roulement ont également été mis en oeuvre pour financer des travaux de rénovation énergétique et le plan de soutien pour la transition écologique des acteurs de la chaine du livre (pour un montant de 400 000 euros par an).

Le fonds de roulement comme la trésorerie restent néanmoins aujourd'hui à un niveau largement supérieur à celui d'avant crise (+ 24 % par rapport à 2015), et au montant élevé, représentant près d'une année de budget. En conséquence, le CNL devrait mobiliser davantage son fonds de roulement afin de financer ses dépenses, dans un contexte de baisse potentielle des recettes publiques.

Évolution de la trésorerie et du fonds de roulement du CNL

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du CNL

c) Les crédits du ministère

Les crédits de la sous-action « Politique économique du livre » s'élevaient en 2024 à 50,7 millions d'euros, dont les deux-tiers couvrent la SCSP du Centre national du livre. Le ministère disposait donc en 2024 de 22 millions d'euros, dont un tiers de crédits déconcentrés.

Répartition des crédits de la politique économique du livre

(en %)

Source : commission des finances d'après les données du ministère de la culture

Les crédits centraux s'élèvent en 2024 à 10,5 millions d'euros, essentiellement consacrés au financement de deux organismes, la Centrale de l'édition et le bureau international de l'édition française (BIEF). La première, qui a reçu 5 millions d'euros du ministère en 2024, est un groupement d'intérêt économique chargé à la fois de favoriser l'exportation à l'étranger des livres en langue française et de permettre l'application dans les territoires ultramarins de la loi de 1981 sur le prix du livre. Le second, recevant 2,8 millions d'euros en 2024, est chargé de faciliter et d'encourager les exportations et les échanges de droits à l'international. Le ministère verse également des subventions aux associations représentatives des auteurs, des éditeurs et des libraires (cf. infra).

S'ajoutent aux crédits centraux les montants versés par le ministère de la culture au titre du droit de prêt en bibliothèque, soit 9,8 millions d'euros en 2024. Ces derniers évoluent relativement peu selon les années (9,1 millions d'euros en 2023, 9,7 millions d'euros en 2022).

Le droit de prêt en bibliothèque et les régimes de retraites des auteurs

Le droit de prêt en bibliothèque constitue l'un des principaux dispositifs de l'action en faveur de l'économie du livre.

La loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs a mis en place une rémunération des auteurs et des éditeurs pour le prêt de leurs livres en bibliothèques. Cette rémunération est financée par l'État, sur la base d'un forfait par lecteur inscrit, et par les bibliothèques de prêt, sous la forme d'un versement de 6 % du prix des livres achetés par ces dernières.

Ce dispositif permet également le financement d'un régime de retraite complémentaire au profit des écrivains et traducteurs, ainsi qu'aux illustrateurs de livres depuis le 1er janvier 201017(*).

Ce dispositif complémentaire s'ajoute aux compensations versées par l'État au titre de la prise en charge partielle des cotisations au régime général de l'Assurance retraite pour les artistes auteurs (cf. infra).

Source : ministère de la culture

Les crédits déconcentrés représentent un tiers des montants accordés à la lecture et à l'économie du livre directement par le ministère de la culture. Toutefois, les crédits déconcentrés spécifiquement en faveur de la filière économique du livre sont d'un montant réduit, soit 4,8 millions d'euros en 2024.

Ce niveau correspond pour autant à un doublement par rapport à la période antérieure à la crise sanitaire (2,2 millions d'euros en moyenne sur la période 2015-2019). Une partie de cette hausse découle de financements de manifestations littéraires et du dispositif Jeunes en librairie (pour un total de + 1,3 million d'euros en 2023 et + 600 000 euros en 2024).

S'agissant de la destination des financements du ministère, ils contribuent pour l'essentiel au financement des librairies et dans une moindre mesure de l'édition et des manifestations littéraires. Une analyse plus précise des aides attribuées par les DRAC figure en deuxième partie du présent rapport.

Évolution des crédits de la sous-action 4 du programme 334 - hors subvention
du Centre national du livre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère de la culture


* 14 Le coût total de la compensation partielle par l'État d'exonération de cotisation d'assurance vieillesse pour les artistes auteurs s'élevait à 21 millions d'euros sur la mission Culture en LFI pour 2025. Toutefois, les documents budgétaires ne permettent pas de retracer quelle part de ces compensations est liée à des exonérations d'auteurs de livres et non d'autres oeuvres intellectuelles (musique, oeuvres audiovisuelles, etc.).

* 15 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 16 La liste des indicateurs du COP 2022-2026 du CNL et de leur atteinte figure en annexe du présent rapport.

* 17 Article 45 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

Partager cette page