III. LES MOYENS DE L'ÉTAT POUR LE LIVRE DÉPASSENT LE SEUL SOUTIEN À L'ÉCONOMIE DU LIVRE

A. LE SOUTIEN HISTORIQUE DE L'ÉTAT À LA FILIÈRE DU LIVRE PASSE POUR L'ESSENTIEL PAR LA RÉGULATION

1. Une action essentielle du ministère de la culture en matière de régulation du marché du livre

La politique publique du livre repose sur quatre piliers principaux :

- des mesures de régulation par le biais du droit de la propriété littéraire et artistique et du prix unique du livre ;

- un soutien aux bibliothèques publiques (Bibliothèque nationale de France - BNF, bibliothèque publique d'information - BPI et bibliothèques locales) ;

- une fiscalité spécifique par l'application d'un taux réduit de TVA12(*) ;

- un soutien économique direct à la chaîne du livre, notamment par le biais du CNL.

Le présent rapport est consacré pour l'essentiel aux deux derniers aspects. Pour autant, il apparaît nécessaire pour mémoire de revenir brièvement sur les autres interventions de l'État.

Le rôle de l'administration centrale du ministère de la Culture est en effet essentiellement dédié à la construction du cadre législatif et réglementaire.

L'exemple le plus emblématique de l'intervention du ministère en matière de régulation du secteur est la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui a acté le principe du prix unique du livre. Le prix unique est désormais un instrument consensuel, les dérogations étant réduites au fil du temps (le dernier exemple en date étant l'interdiction faite aux plateformes de vente en ligne de contourner le prix unique en jouant sur le coût des frais de livraison13(*)).

L'autre volet principal de régulation du secteur est celui de la régulation par le droit d'auteur, le ministère intervenant par exemple sur des sujets tels que la gestion collective du droit de prêt en bibliothèques ou encore la mise en place d'une règlementation propre aux contrats d'édition.

La régulation reste, 45 ans après la loi sur le prix unique du livre, l'instrument privilégié d'intervention de l'État sur la filière du livre. À rebours de l'idée qui ferait du financement l'alpha et l'oméga de l'action de l'État en soutien à une filière économique, l'action régulatrice de l'État est particulièrement structurante : le prix unique est un outil garantissant l'égal accès à tous au livre et favorise également le maintien d'un réseau dense de librairies de proximité.

2. Une politique de labellisation axée sur le soutien aux librairies indépendantes gérée par le CNL pour le ministère

Autre instrument de la politique économique du livre, la labellisation des librairies a des conséquences sur l'attribution d'aides publiques, mais a des objectifs plus larges.

Les librairies peuvent bénéficier de l'un ou l'autre des deux labels attribués par le ministère : le label « librairie indépendante de référence » (LIR) ou « librairie de référence » (LR) pour des librairies de groupe. S'y ajoute un troisième label pour les librairies à l'étranger, qui peuvent bénéficier d'un agrément comme « librairie francophone de référence » (LFR).

Peuvent bénéficier de ces labels des libraires menant une politique de valorisation de la diversité éditoriale et de la création. Les établissements doivent remplir plusieurs conditions : avoir une activité principale de librairie en réalisant a minima 50 % du chiffre d'affaires au travers de livres ; disposer d'un catalogue d'ouvrages variés ; proposer toute l'année une animation culturelle dont la régularité et la qualité sont jugées suffisantes par la commission compétente au regard notamment de la diversité des actions et de l'importance des publics touchés.

Ces labels sont attribués pour 3 ans par le ou la ministre de la culture mais sont gérés par le CNL, qui instruit depuis 2009 les demandes de labellisation pour le compte de son ministère de tutelle. D'après le CNL, plus de 500 librairies sont actuellement labellisées, dont environ un cinquième en Île-de-France.

Les avantages du label LIR sont multiples : reconnaissance du public ; conditions commerciales favorables de la part des fournisseurs ; possibilité de bénéficier d'une aide à la valorisation des fonds accordée par le CNL ; possibilité de bénéficier d'une exonération de contribution foncière des entreprises si la collectivité a délibéré en ce sens.

Les exonérations de contribution foncière des entreprises pour les librairies

La loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 a posé le principe d'un label de librairie indépendante de référence, ouvrant la possibilité aux collectivités locales d'exonérer de taxe professionnelle (TP) les librairies labellisées librairies indépendantes de référence (LIR) répondant aux conditions de l'article 1464 I du code général des impôts. Elle a depuis été remplacée au 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale (CET).

Depuis la loi de finances pour 2018, les librairies labellisées librairies de référence peuvent également en bénéficier, sous réserve d'une décision étendue des collectivités territoriales.

Dans la plupart des cas, la compétence « livre » a été transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En 2024, 17 % des EPCI avaient mis en place cette exonération pour les librairies labellisées LIR, et 5 % des EPCI avaient étendu l'exonération aux librairies de référence.

Proportion d'EPCI et de communes ayant mis en place une exonération
de CET en 2024

(en %)

Source : commission des finances

Source : commission des finances d'après le ministère de la culture


* 12 Article 278-0 bis, A, 3° du code général des impôts.

* 13 Loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021 visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs.

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