B. LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES PRÉSENTENT UN CARACTÈRE SYSTÉMIQUE, FONDÉ SUR LE SEXISME

Les travaux académiques, institutionnels ou associatifs ont depuis longtemps montré que les violences faites aux femmes s'intégraient dans un système fondé sur le sexisme.

Le sexisme selon le Haut conseil à l'égalité (HCE)

Le sexisme est un tout : il procède d'une représentation du monde fondée sur l'inégalité entre les femmes et les hommes, considérée comme naturelle. Il est la source de tous les stéréotypes de genre. Le sexisme engendre, non seulement des inégalités, mais aussi des violences sexistes et sexuelles. Il est à l'origine d'un continuum des violences, des plus anodines en apparence aux plus graves.

Source : HCE (2025)

Le sexisme comme fondateur d'un continuum de violences renvoie aux travaux de recherches féministes des années 1970, notamment à travers l'article séminal de Liz Kelly précisément intitulé « Le continuum de la violences sexuelle »14(*). Ce continuum s'étend des violences imperceptibles, parfois dissimulé sous les atours de l'élégance, jusqu'aux violences les plus abjectes comme les féminicides.

Ainsi Erving Goffman, dans L'Arrangement des sexes15(*) - ouvrage qui par ailleurs n'est guère féministe16(*) - entendait montrer comment la domination masculine s'inscrit dans les actes les plus quotidiens et exposer les dispositifs employés inconsciemment par les hommes pour dominer les femmes, tels que la galanterie.

Plus haut sur ce continuum, la prégnance des stéréotypes sexistes peut être saisie par le biais d'enquêtes d'opinion. Ainsi, dans son rapport de 2024 sur l'état des lieux du sexisme en France17(*), le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) notait la progression des stéréotypes de genre : 70 % des hommes considèrent ainsi qu'il leur revenait de prendre soin financièrement de leur famille pour être respectés dans la société, 28 % considèrent que les hommes sont davantage faits pour être patrons, et 26 % que la contraception est une affaire de femmes.

Dans le même rapport, le HCE relevait que les femmes sont « toujours autant nombreuses à déclarer avoir déjà personnellement vécu une situation sexiste : c'est le cas de quasiment 9 femmes sur 10 (86 %) ». Ces stéréotypes sont intégrés par les individus dès l'enfance, au cours de leur socialisation18(*) : cette acculturation commence dans le cadre familial, mais se poursuit à l'école jusqu'à l'intégration de stéréotypes professionnels - les femmes étant classiquement associés aux métiers du « care », moins rémunérateurs. Enfin, le numérique joue un rôle clé dans le renforcement des stéréotypes sexistes19(*).

Plus inquiétant encore est le « backlash » ou « retour de bâton » identifié par le Haut conseil à l'égalité en réaction aux avancées contre le sexisme et les violences faites aux femmes : le HCE relève en effet que « le masculinisme gagne du terrain » et constate un essor d'une certaine hostilité à l'émancipation des femmes dans la société : 37 % des hommes considèrent ainsi que le féminisme menace leur place et leur rôle.

Au plus haut du spectre des violences dues au sexisme se trouvent, bien évidemment, les violences sexuelles. Leur caractère systémique et profondément sexiste apparaît clairement lorsqu'on se penche sur le profil des victimes : il s'agit en très grande majorité de femmes, et celles-ci ne représentent jamais moins de 95 % des victimes.

Part des femmes et des hommes parmi les victimes de violences sexuelles en 2023

Source : commission des finances, d'après l'Observatoire national des violences faites aux femmes

Bien sûr, certains hommes sont également victimes de violences sexuelles, mais cela ne signifie pas que les auteurs de ces violences soient des femmes. La comparaison avec les violences physiques volontaires, pour lesquelles les femmes ne représentent « que » 84 % des victimes, confirme le caractère éminemment sexiste des violences sexuelles.


* 14 Liz Kelly, « Le continuum de la violence sexuelle », traduit de l'anglais par Marion Tillous, Cahiers du genre 2019/1, n° 66, pages 17 à 36.

* 15 Erving Goffman, « The Arrangement of the Sexes », Theory and Society, 1977.

* 16 Janet M. Wedel, « Ladies, We've been Framed ! Observation on Erving Goffman's The Arrangement of the Sexes », Theory and Society, 1978.

* 17 HCE, Rapport annuel n° 2024-01-22-STER-61 2024 sur l'état des lieux du sexisme en France, 22 janvier 2024.

* 18 France Stratégie, Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d'ici à 2023 ?, mai 2025.

* 19 HCE, Rapport annuel n°2024-01-22-STER-61 2024 sur l'état des lieux du sexisme en France, 22 janvier 2024.

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