C. LES FINANCEMENTS PRIVÉS : PIÈGE OU AUBAINE ?
1. Le recours aux financements privés, relativement marginal, tend à se développer
S'il n'est pas possible de déterminer avec précision le montant des dons des particuliers et des entreprises contribuant à financer les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, le nombre de femmes et des filles ciblées et l'impact social de ces investissements, il est bien connu que plusieurs associations nationales du champ de l'égalité entre les femmes et les hommes bénéficient de financements privés.
En 2023, les financements privés représentent ainsi 21,5 % des ressources de la Fédération nationale des centres d'information des droits des femmes et des familles (FN-CIDFF) ; la même année, les dons des entreprises (mécénat) et des particuliers dont a bénéficié la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) qui gère la plateforme téléphonique 3919, s'est élevé à 1 064 710 euros.
La recherche de co-financements, y compris via des fonds privés, est même encouragé par l'État de manière assumée. Ainsi, la DGCS a indiqué qu'au niveau local, « les crédits du programme 137 ont vocation à impulser les actions et dispositifs innovants, dans une dynamique partenariale et de co-financement systématique avec d'autres acteurs publics (autres ministères, collectivités territoriales...), ainsi qu'avec les structures privées (fondations, entreprises) », dans une logique « d'effet levier ».
Aux fins de mieux mobiliser les financements privés, le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 prévoyait une mesure fiscale visant à inciter les dons des particuliers aux entreprises. Cette mesure, adoptée dans la loi de finances pour 202460(*), a étendu le droit à réduction d'impôt de 66 % pour les dons des particuliers effectués au profit des organismes d'intérêt général concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes. Après quoi la doctrine concernant le régime du mécénat d'entreprise à été mise à jour dans le même sens par l'administration fiscale61(*). Cette mesure renforce ainsi l'incitation fiscale à soutenir les associations oeuvrant dans le champ des droits des femmes.
2. Développer le recours aux financements privés sans les substituer aux fonds publics
La collecte de fonds privés peut également constituer une solution de financement complémentaire, en particulier à l'heure où la pression sur les finances publiques fait peser des risques importants sur les associations. Toutefois, celle-ci exige en elle-même des moyens pour les associations, et ces financements ne sont, par nature, pas garantis62(*).
Deux pratiques inspirantes permettent toutefois de limiter ces risques.
D'abord, les rapporteurs spéciaux souhaitent mettre en avant la pratique de la Fondation des Femmes qui, sous égide de la Fondation de France, collecte des fonds auprès des particuliers ou de fondations privées et reverse les dons collectés aux associations de terrain. Ces reversements ont permis, aux dires des associations entendues, d'apporter un soutien crucial à d'autres associations qui rencontraient des difficultés faut d'avoir pu recevoir leurs subventions.
En outre, les rapporteurs spéciaux relèvent que plusieurs associations proposent des prestations de formation dans le secteur public ou privé, et qu'elles peuvent bénéficier de rémunérations à ce titre. Bien sûr, ces rémunérations doivent également couvrir les coûts de ces prestations, mais elles présentent en outre l'intérêt de promouvoir directement l'égalité auprès des bénéficiaires des formations.
Les rapporteurs spéciaux appellent donc au développement de ces solutions de financement, à condition qu'elles n'aient pas d'effet d'éviction sur les financements publics.
Recommandation : En compléments de financements publics, encourager le développement de solutions de financement sur fonds privés, en s'inspirant des pratiques de collecte de fonds de la Fondation des femmes ou en recourant à la vente de prestations de formation à l'égalité et à la lutte contre les violences
* 60 Article 16 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 61 Bofip, mise à jour du 24 avril 2024.
* 62 « Conventions entre l'État et les associations : des relations à rééquilibrer », rapport d'information fait par MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, n° 757 (session 2022-2023) - 21 juin 2023.