PREMIÈRE PARTIE
LA DÉLIVRANCE DES VISAS,
UNE ACTIVITÉ AU PILOTAGE BICÉPHALE
SOUS PRESSION DE LA HAUSSE DES DEMANDES

I. UN CADRE JURIDIQUE LARGEMENT CONTRAINT PAR LE DROIT EUROPÉEN

Le visa peut être défini comme une vignette apposée par un État sur le passeport d'un ressortissant étranger et permettant l'entrée et le séjour sur son territoire pour une durée déterminée. Comme le relève le professeur Emmanuel Aubin, le visa « évoque d'emblée l'idée d'un contrôle par l'État (ou un groupe d'États au sein d'une organisation internationale intégrée comme l'Union européenne) des personnes étrangères souhaitant séjourner sur son territoire ou sur un territoire donné (à l'image de l'espace Schengen). »1(*)

L'essentiel des visas délivrés par les services consulaires s'inscrit dans deux catégories principales, distinguées selon un critère de durée de séjour : d'une part, les visas de court séjour, qui constituent l'écrasante majorité des demandes de visas et, d'autre part, les visas de long séjour. L'encadrement de ces documents relève de deux ordres juridiques : du droit de l'Union européenne, dès lors qu'ils permettent la circulation au sein de l'espace Schengen et du droit interne, dans la mesure où l'installation et le séjour sont des compétences des États. À noter que le visa ne confère pas à son détenteur un droit d'entrée irrévocable : l'administration peut toujours opposer un refus d'entrée sur le territoire, sur le fondement d'une menace à l'ordre public notamment2(*).

A. LES VISAS DE COURT SÉJOUR : UN ENCADREMENT PAR LE DROIT EUROPÉEN

Les visas de court séjour, ou visas « Schengen », sont régis par le droit de l'Union européenne, dans le code communautaire des visas3(*). Valables sur le territoire de l'espace Schengen, ils visent donc des séjours de courte durée, inférieurs à trois mois. Ils sont délivrés par les 29 États membres de l'espace Schengen, soit 25 des 27 États membres de l'Union européenne4(*) auxquels s'ajoutent l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Trois catégories de visas de court séjour peuvent être distinguées selon leur objectif.

Tout d'abord, les visas de court séjour permettent aux ressortissants étrangers d'entrer et de séjourner dans l'espace Schengen pour une durée maximale de trois mois (renouvelables après une durée de six mois). Ce type de visa peut être sollicité pour différents motifs5(*).

Ensuite, les visas de transit aéroportuaire visent à autoriser le transit des ressortissants étrangers dans une zone internationale aéroportuaire de l'espace Schengen. Ils ne permettent pas l'entrée sur le territoire.

Enfin, certains visas ont une validité territoriale limitée à un ou plusieurs États membres de l'UE. Aux termes de l'article 5 du code frontières Schengen, il s'agit de visas subsidiaires, intervenant lorsque les conditions requises pour un visa de court séjour ne sont pas remplies ou lorsqu'un État membre ne reconnait pas le document de voyage du demandeur. Ce document est délivré « pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales. »

Cependant, l'accord et la convention de Schengen permettent la conclusion, avec des pays tiers, d'accords d'exemption de l'obligation de possession d'un visa de court séjour pour le franchissement des frontières extérieures. Les pays dont les ressortissants bénéficient d'une telle exemption sont énumérés par le règlement (EU) n°2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 20186(*). Dans ce cadre, sous réserve de réciprocité, les ressortissants de ces États tiers peuvent entrer sur le territoire de l'espace Schengen pour un court séjour sans visa.

En l'état du droit, l'Union européenne est liée par un régime d'exemption avec 61 États tiers, deux régions administratives spéciales de la République populaire de Chine7(*) et une autorité territoriale non reconnue comme État par au moins un État membre de l'UE (Taïwan). Au total, sont notamment dispensés de visas de court séjour les ressortissants des pays d'Amérique du Nord, d'une grande partie des pays d'Amérique du Sud, de la Corée, du Japon, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, ou encore des Émirats arabes unis.

De plus, l'Union a conclu des accords de facilitation de la délivrance de visas de court séjour avec d'autres pays tiers qui prévoient une simplification des procédures (simplification des pièces justificatives, frais de visas réduits, délais de traitement raccourcis, etc.). Cinq accords de facilitation sont actuellement en vigueur, dont deux font l'objet d'une suspension totale (Russie) ou partielle (Biélorussie).

Le règlement (UE) 2018/1806 permet également aux États membres, à son article 6, d'accorder des exceptions à l'obligation de visa à certaines catégories de personnes, notamment les titulaires de passeports officiels. Au niveau de l'Union européenne, 67 accords avec des États tiers prévoient une telle exemption, tandis que la France dispose de 28 accords bilatéraux.


* 1 Emmanuel Aubin, « L'européanisation de la politique des visas : les nouvelles frontières du droit des étrangers », RFDA, 2017, p. 914.

* 2 Article L. 311-2 du Ceseda.

* 3 Règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), entré en vigueur le 5 avril 2010 et modifié par le règlement UE 2019/1155 du 20 juin 2019.

* 4 L'Irlande, non membre de l'espace Schengen, et Chypre où les contrôles aux frontières intérieures n'ont pas encore été levés, délivrent uniquement des visas nationaux.

* 5 Tourisme, études, concours, visites familiales ou privées, ascendant d'un ressortissant français ou de son conjoint étranger, voyages d'affaires, activité professionnelle en France, soins médicaux.

* 6 Règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation.

* 7 Hong Kong et Macao.

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