EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 septembre 2025 sous la présidence de M. Pascal Savoldelli, vice-président, la commission a entendu une communication de Mme Nathalie Goulet et M. Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la délivrance des visas.

M. Pascal Savoldelli, président. - Nous poursuivons nos travaux par un contrôle budgétaire sur la délivrance des visas.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Nous avons l'honneur, avec mon collègue Rémi Féraud, de vous présenter les conclusions de notre travail annuel de contrôle de la mission « Action extérieure de l'État ». Nous avons choisi de travailler sur la délivrance des visas par les services consulaires.

Il s'agit d'un sujet récurrent pour notre commission, puisque nos anciens collègues Adrien Gouteyron, Éric Doligé et Richard Yung y avaient déjà travaillé. Cette attention particulière tient à la grande attractivité de la France, premier pays de l'espace Schengen en nombre de demandes de visa, à 2,9 millions en 2024, dont 90 % de court séjour. Notre taux de refus se situait, cette même année, à 17 %, ce qui est peu. Chacun d'entre nous a l'expérience de recours, parfois sans succès, auprès de nos services consulaires...

En premier lieu, la politique des visas fait l'objet d'un double pilotage entre le ministère de l'intérieur et celui de l'Europe et des affaires étrangères, puisqu'elle soulève des questions d'attractivité, d'une part, et sécuritaires et migratoires, d'autre part. Ainsi, la conciliation sur le terrain de ces trois dimensions est parfois complexe, et les ministères peuvent éprouver des difficultés de communication.

Il importe, en outre, de souligner la progression constante du nombre de demandes de visa au cours des dernières années. Si la crise sanitaire avait réduit leur nombre, leur volume a progressé de 289 % sur cinq ans, avec 3,4 millions de demandes. Il s'agit ainsi de la principale contrainte pesant sur les services consulaires, dont la capacité de traitement est limitée. Par exemple, au consulat général de Rabat, qu'a visité Rémi Féraud, un instructeur traite 85 dossiers par jour. L'ensemble des réformes ayant concerné la délivrance des visas a donc eu pour objectif de répondre à cette demande croissante.

D'un point de vue budgétaire, la délivrance des visas est traditionnellement présentée comme étant autofinancée. Ainsi, les frais, de 90 euros pour un visa Schengen, viendraient compenser le coût de l'instruction des demandes. Si cette analyse contredit le principe d'universalité du budget de l'État, elle n'est pas sans fondement. En effet, les recettes des frais de visas s'élevaient en 2024 à 260 millions d'euros, alors que les coûts de l'instruction représentaient moins de 70 millions d'euros. Ces derniers correspondent essentiellement aux dépenses de personnel, de l'ordre de 64 millions d'euros en 2025, auxquelles s'ajoutent des dépenses d'investissement et de fonctionnement plus difficiles à isoler au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

Pas moins de 822 équivalents temps plein (ETP) concourent à l'instruction des visas. Il s'agit à la fois d'agents titulaires ou contractuels, chargés de l'instruction au fond des dossiers, et d'agents de droit local, qui assurent une pré-instruction des demandes. Les dépenses de personnel sont d'ailleurs partiellement couvertes par un mécanisme pour le moins baroque d'attribution d'une fraction du produit des frais de visas, soit 0,75 % des recettes de l'année précédente. Nous nous sommes largement interrogés sur ce dispositif, que ce soit en matière de rectitude budgétaire ou d'efficacité, même s'il semble difficile de le supprimer ou de l'améliorer.

Pour maîtriser à la fois l'augmentation des dépenses de personnel et l'allongement des délais d'instruction, les services consulaires ont mené deux réformes organisationnelles.

D'une part, depuis 2010, le recueil des demandes de visa fait l'objet d'une externalisation auprès de prestataires de service extérieurs (PSE). Ces entreprises privées recueillent aujourd'hui 90 % des demandes et animent 147 centres avec plus de 2 000 agents pour le compte de la France. L'externalisation a permis aux services consulaires de concentrer leur activité sur le fond de l'instruction, limitant la progression des effectifs. De plus, l'accueil des demandeurs se fait dans des locaux sécurisés et accueillants. Enfin, l'externalisation est neutre pour le budget de l'État, les PSE se rémunérant par des frais additionnels facturés aux demandeurs.

D'autre part, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a organisé, dans plusieurs pays, un regroupement sur un ou plusieurs sites, afin de disposer de services d'instruction d'une taille suffisante pour répondre aux pics d'activité. Cette rationalisation permet une meilleure mobilisation du personnel instructeur à l'échelle du pays hôte, sans création de nouveaux ETP. Ainsi, au Maroc, le regroupement sur les sites de Rabat et Casablanca a permis de réduire les délais de traitement.

Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur le sujet transversal du parcours des médecins étrangers, qui concerne également les missions « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État ». Un contrôle budgétaire consolidé sur ce point serait fort intéressant. En effet, dans tous nos départements, nous sommes confrontés à des difficultés. Or nous savons que pas un seul hôpital ne fonctionne sans médecins étrangers. En conséquence, je propose que notre commission envisage de mener un travail consolidé entre les rapporteurs spéciaux sur les missions budgétaires concernées.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Les services consulaires sont confrontés au défi de traiter un nombre croissant de demandes, sans augmenter ni la durée de traitement - nous en avons mesuré l'importance au Maroc - ni le coût de l'instruction, tout en préservant les exigences de sécurité.

Au cours de nos travaux de contrôle, nous avons pu constater que lesdits services, conscients de cette contrainte, ont engagé des transformations importantes pour y répondre. Elles nous paraissent aller dans le bon sens, même s'il reste des pistes d'amélioration.

Premièrement, il faut poursuivre la modernisation, notamment numérique. Ainsi, depuis 2021, les agents travaillent sur la plateforme France-Visas. Cet outil, au prix de certaines adaptations pour le personnel, a permis de renforcer la qualité des contrôles et des échanges entre administrations.

Cependant, les procédures sont loin d'être entièrement dématérialisées : ainsi, toutes les pièces justificatives sont déposées en papier et les locaux des services consulaires sont remplis de caisses de dossiers, soulevant un enjeu de stockage et d'archivage. De plus, France-Visas n'est pas encore interopérable avec l'ensemble des systèmes d'informations utiles à l'instruction des demandes de visa, comme les plateformes Études en France ou Administration numérique pour les étrangers en France. En particulier, en matière de fraude, d'importants progrès restent possibles.

Une future plateforme commune de prise de rendez-vous pour l'ensemble des demandeurs Schengen devrait répondre à ces limites à moyen terme, mais le basculement vers ce nouveau logiciel soulève d'autres interrogations. Nous avons ainsi été surpris de constater que, si les services centraux semblent conscients de l'enjeu de cette plateforme européenne, les consulats, y compris d'autres pays européens, nous ont paru bien moins avertis.

Deuxièmement, il importe de maîtriser les externalités négatives de la progression des demandes de visa : le développement de la fraude et la massification du contentieux.

D'une part, la hausse des demandes s'est accompagnée d'une progression mécanique des comportements frauduleux, lesquels peuvent aller de la falsification la plus grossière des pièces justificatives jusqu'à des trafics plus sophistiqués impliquant des agents des PSE. De plus, l'instruction des demandes de visa est parasitée par l'activité d'officines qui, dans certains pays, captent de manière illégale les créneaux de rendez-vous. En outre, pour des catégories spécifiques de demandeurs, comme les saisonniers, le détournement de visa apparaît comme un risque structurel. J'ai pu voir, au Maroc, la manière dont les services consulaires s'organisaient pour limiter ces difficultés.

D'autre part, la contestation des refus de demandes de visa s'est imposée comme un contentieux de masse. Sur ce point, la répartition des compétences entre ministère de l'intérieur et ministère des affaires étrangères n'est pas adaptée. La communication entre l'intérieur, qui défend l'État devant la juridiction administrative à Nantes, et les affaires étrangères, qui assurent le paiement des frais de justice, n'est pas satisfaisante et conduit à d'importants retards de paiement.

Troisièmement, il faut aller au bout de la démarche d'attractivité. Les conclusions de la mission confiée à M. Hermelin, président du conseil d'administration de Capgemini, rendues en 2023, ont permis au Gouvernement d'adapter les procédures de délivrance des visas à droit constant. Dans un objectif d'attractivité, les postes consulaires doivent désormais identifier des « publics cibles » prioritaires en matière de délivrance des visas - entrepreneurs, artistes, étudiants, saisonniers - et prévoir un allègement des procédures de délivrance pour ces demandeurs. Cette approche apparaît cohérente avec la dimension migratoire de la délivrance des visas, les publics cibles présentant un risque plus faible de fraude.

Cette démarche nous paraît être la bonne et permet de s'adresser prioritairement à des publics qui contribueront au rayonnement de la France. Il convient cependant de continuer à mettre en oeuvre le rapport Hermelin. Je pense tout particulièrement aux étudiants étrangers, qui font l'objet d'une procédure dérogatoire avec une sélection sur la plateforme Études en France et une évaluation du sérieux du projet académique par les espaces Campus France. Nous avons tous les outils nécessaires pour sélectionner les étudiants les plus prometteurs et répondant à nos besoins, davantage que les autres pays européens. Il faut donc renforcer cette démarche.

Pour répondre à ces grands enjeux, nous avons formulé dix recommandations.

Nous tirons de ce contrôle l'impression que l'instruction des demandes de visa ne présente plus de difficultés majeures, comme celles qui avaient émergé après la crise sanitaire. La problématique principale pour les services consulaires sera donc, dans la durée, de transformer l'essai de la modernisation de l'instruction dans un contexte où l'augmentation de la demande se pérennise, de même que les risques de fraude.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Il y a quelques années, au moment de la crise sanitaire, nous avions souligné l'existence d'un certain nombre de carences. Certes, des difficultés d'organisation demeurent, mais le système fonctionne beaucoup mieux qu'auparavant et son financement est maîtrisé.

S'agissant de la double tutelle du ministère de l'intérieur et du ministère des affaires étrangères, quelle serait votre préférence dans l'optique d'une éventuelle simplification ?

Nos rapports d'information consistent souvent à pointer des carences. En l'occurrence, celui-ci montre surtout que nous avons eu raison de nous emparer du sujet et il souligne que les pouvoirs publics et les opérateurs privés sont parvenus à maîtriser les coûts d'un système rendu désormais plus satisfaisant, car il fonctionne dans des délais plus courts.

M. Albéric de Montgolfier. - Disposons-nous d'éléments de comparaison avec les autres pays de l'espace Schengen sur le coût des visas ainsi que sur leur fiabilisation ? Comment les Allemands ou les Italiens procèdent-ils en la matière ? Notre administration apparaît parfois très en retard par rapport à d'autres secteurs : par exemple, certaines applications bancaires semblent plus sécurisées que les visas. Qu'en est-il ?

M. Michel Canévet. - Les recommandations nos 3 et 4 mentionnent l'interconnexion de France-Visas avec les systèmes d'information pertinents et le retour d'information aux postes diplomatiques sur le suivi des décisions de délivrance de visas. Existe-t-il des fichiers informant, d'une part, de l'existence éventuelle de demandes antérieures qui auraient été traitées et, d'autre part, de décisions de justice qui auraient pu être prises en France à l'encontre de certains ressortissants ? Le système qui fonctionne aujourd'hui est-il fiable et opérationnel, ou bien tout cela reste-t-il à construire, ce qui rendrait la tâche des instructeurs plus difficile ?

De plus, le dispositif est autofinancé, puisqu'il générerait plus de 260 millions d'euros de recettes pour un peu moins de 70 millions d'euros de dépenses. Dans ce contexte, au regard de ce que font les autres pays autour de nous, est-il envisageable d'augmenter encore légèrement le coût des visas ?

M. Thierry Cozic. - Ma question porte sur le deuxième point que vous avez évoqué, c'est-à-dire l'activité autofinancée par la perception des droits de visa. Un point me paraît quelque peu baroque, à savoir l'affectation de produits, dans la limite de 0,75 % des recettes de l'année précédente, au profit du ministère des affaires étrangères. D'un point de vue budgétaire, est-il opportun de maintenir cette affectation ou ne faudrait-il pas plutôt la supprimer ?

M. Marc Laménie. - Pourriez-vous nous donner davantage d'informations sur le cheminement des dossiers et sur les délais d'instruction ? La procédure implique de fournir un certain nombre de justificatifs et semble très complexe. Quelle est la durée moyenne pour l'instruction d'une demande de visa ?

L'administration préfectorale joue aussi un rôle dans la délivrance des visas. Comment opère le lien entre les différents acteurs ?

M. Arnaud Bazin. - Vous avez mentionné les prestataires de service extérieurs, qui constituent la première étape du parcours du demandeur de visa. Or, dans certains pays, leur efficacité et leur niveau de fiabilité d'un point de vue éthique sont mis en cause. Avez-vous des préconisations complémentaires à formuler sur ces prestations ? Quel en est le coût, puisqu'il s'ajoute, si j'ai bien compris, aux 90 euros que coûte le visa ? Quel est, selon vous, l'avenir de ces prestations, même si nous avons bien compris qu'elles présentent l'avantage de soustraire une partie de la dépense du budget national ?

M. Pierre Barros. - Lors d'un récent déplacement en Palestine et à Jérusalem, nous avons été reçus de manière très professionnelle par les services du consulat de Jérusalem et, de manière plus large, je tiens à saluer le travail remarquable qu'accomplissent les consulats. Ils incarnent la présence de la France dans l'ensemble des pays et leurs agents, qui ont un parcours souvent brillant, déploient des compétences qui font honneur à l'action de la France à l'international.

Comme Arnaud Bazin, j'ai eu vent de certaines interrogations portant sur les prestataires extérieurs qui travaillent avec les consulats sur la délivrance des visas. Que ce soit en matière de coût ou de fonctionnement, leur contrôle doit être revu : comment ces opérateurs sont-ils évalués et comment rendent-ils compte de leur action ? En effet, il existe des pratiques frauduleuses : les demandeurs qui disposent de moyens importants semblent obtenir plus facilement leurs documents que ceux qui en ont un peu moins. Certes, le phénomène n'est pas généralisé, mais la tendance peut être inquiétante et ne donne pas une très bonne image de notre administration.

M. Pascal Savoldelli, président. - Que signifie exactement la recommandation n° 9 : « adapter la procédure de sélection des candidats à l'enseignement supérieur en France pour faire coïncider les délais de délivrance des visas étudiants avec les résultats d'admission sur la plateforme Études en France » ? Le sujet mérite réflexion et a fait l'objet de débats dans l'hémicycle. Selon vous, quel type d'adaptation de la procédure convient-il d'envisager ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Pour ce qui est de l'adaptation de la procédure de sélection, il existe un décalage de temps qui a pour conséquence que des étudiants admis n'obtiennent pas leur visa à temps pour la rentrée. Il faudrait donc prévoir, dans le cadre de cette procédure numérisée et déléguée, un ciblage particulier pour les étudiants, de façon à ce que leur visa arrive au moment du début de l'année scolaire et non après.

Ces étudiants représentent pour nos universités une cible d'attractivité particulière et le sujet est revenu à plusieurs reprises au cours des auditions. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu'il fasse l'objet de l'une de nos préconisations. Nous souhaitons en effet qu'il soit pris en compte dans le cadre de futurs contrôles ou discussions budgétaires portant sur l'enseignement supérieur.

Quant à la double tutelle, c'est un sujet sur lequel nous avons travaillé sans parvenir à une solution idéale. Chacun des deux ministères tient absolument à sa tutelle et nous n'avons pas trouvé la martingale. Les services communiquent et échangent. Pour l'instant, c'est le statu quo.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Nous avons comparé notre système avec ceux des autres pays européens au Maroc. Il est clairement apparu que les procédures françaises étaient meilleures. Tous les pays européens qui délivrent un grand nombre de visas font appel à des prestataires extérieurs. La question du contrôle de ces opérateurs me paraît en effet importante, car leurs pratiques sont souvent critiquées. Au Maroc, j'ai constaté que la société TLScontact avec laquelle travaillent nos services, tout comme ceux de la Belgique et de l'Allemagne, était soumise à un contrôle de grande qualité de la part des autorités consulaires françaises, beaucoup plus important que celui qui est exercé par les autres pays.

En tout état de cause, il ne serait pas possible de réinternaliser ce service, car les demandes de visa sont trop nombreuses de sorte qu'il faudrait des centaines, voire des milliers, de fonctionnaires et d'agents publics supplémentaires. Tout l'enjeu est donc dans le contrôle.

L'Espagne, me semble-t-il, lance un appel d'offres unique pour le monde entier, si bien qu'elle dépend d'un seul prestataire pour tous les pays, rendant impossible la comparaison entre opérateurs. Je crois que ce n'est pas un modèle à suivre et la France privilégie une sélection par pays ou par lot. La relation avec les prestataires est essentielle et il faut que la durée des contrats représente un équilibre entre un nécessaire renouvellement et l'importance pour les prestataires d'amortir un certain nombre d'investissements, notamment pour la création des centres d'accueil.

Pour les personnes qui demandent un visa, le recours à un prestataire extérieur représente un coût supplémentaire qui vient s'ajouter à celui des 90 euros pour la demande de visa. Le coût de 90 euros vaut pour tous les pays de l'espace Schengen, mais il faut y ajouter 45 euros, a minima, à payer aux prestataires qui proposent souvent un service « premium » en plus du service de base.

Encore une fois, l'enjeu est surtout que les services consulaires puissent contrôler les prestataires. Lors de notre déplacement au Maroc, nous avons pu constater qu'ils exerçaient ces prérogatives et avaient mis en place des procédures efficaces.

Monsieur Laménie, concernant le rôle des préfectures, il me semble que votre question porte sur les titres de séjour en France. Ce qui est certain, et nous l'avons vu par exemple sur la question des saisonniers, c'est que l'attribution de visas nécessite une relation entre les consulats, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et les préfectures. De l'avis général, la suppression des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) n'a pas aidé dans l'exercice du contrôle de la réalité du travail saisonnier, du sérieux des employeurs, etc. Pour les médecins étrangers dont parlait Nathalie Goulet, il est vrai qu'il serait intéressant de prévoir un contrôle budgétaire commun, notamment avec la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dont Florence Blatrix Contat est rapporteure. Pour l'instant, il nous semble qu'il n'y a pas de procédure efficace en place.

La perception des droits de visa, à hauteur de 0,75 % des recettes de l'année précédente, par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères correspond à une incitation mise en place il y a une dizaine d'années, sur l'initiative de Laurent Fabius, pour développer le tourisme en France. C'est tout de même du bricolage budgétaire. Toutefois, nous n'avons pas proposé de supprimer ce dispositif parce que, dans la période actuelle, cette part de 0,75 %, qui ne représente que 2 millions d'euros, permet d'embaucher des vacataires, ce qui évite que les délais ne s'allongent pour l'attribution des visas alors que les demandes sont très nombreuses. En outre, la suppression de ce dispositif aurait pu être interprétée comme une volonté de mettre les visas uniquement sous la tutelle du ministère de l'intérieur.

Sur ce sujet, monsieur le rapporteur général, il est illusoire de croire que le ministère de l'intérieur ne se mêlera plus de la question des visas compte tenu des risques migratoires ou des questions de sécurité. À l'inverse, enlever la cotutelle des affaires étrangères reviendrait à supprimer toute vision en matière d'attractivité et à réduire les enjeux à ceux qui préoccupent le ministre de l'intérieur. Ce n'est vraiment pas ce que je recommanderais.

Quant aux échanges avec les plateformes d'autres pays européens, ils existent, notamment dans le cadre de Schengen, avant l'attribution des visas. Toutefois, ce type d'échanges reste encore embryonnaire. À la suite de l'adoption du pacte « Asile et immigration », une plateforme dédiée est en cours d'élaboration à l'échelon européen. La France ne bloque pas sa mise en oeuvre mais a proposé de repousser l'intégration de France visas à 2035.

Pour ce qui est des échanges avec d'autres plateformes nationales, nos recommandations visent à ce que les agents consulaires aient davantage d'informations sur les demandeurs et à ce que celles-ci soient plus précises dès lors qu'apparaît la mention d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). L'OQTF ne doit pas être inutilement bloquante et, pour cela, il faut savoir si le demandeur a déjà fait d'autres demandes dans des pays de l'espace Schengen, s'il a été poursuivi ou s'il a respecté les délais de son précédent visa. Aujourd'hui, ces informations ne sont pas disponibles et des progrès sont possibles.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Concernant les cas de fraude, il est clair que des situations de corruption existent, qui relèvent des différents services d'inspection. Le service « premium » sert parfois à déguiser d'une élégante façon un service davantage rémunéré pour accélérer le traitement du dossier. Il existe aussi, dans un certain nombre de pays, d'autres procédures très dérogatoires voire frauduleuses pour obtenir un rendez-vous plus vite. Ces situations doivent être réglées au cas par cas.

Pour ce qui est de l'interconnexion d'un certain nombre de fichiers, la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic prévoit d'intégrer les services consulaires dans les échanges d'informations qui ont lieu dans le cadre d'un certain nombre de dispositifs, comblant ainsi un manque important. Cela pourrait d'ailleurs aussi servir aux services de la sécurité sociale. Par exemple, lorsqu'une personne demande un visa pour venir en France, elle doit apporter la preuve de sa capacité contributive, notamment du fait qu'elle bénéficie d'une assurance pour être soignée. Mais, une fois sur le territoire national, cette personne peut solliciter des aides sans que les organismes de sécurité sociale se renseignent auprès des services consulaires pour vérifier qu'elle n'a pas de moyens. La communication doit donc mieux se faire pour éviter ce type de fraude.

Les auditions ont également fait apparaître des situations problématiques où un précédent refus de visa n'avait pas été indiqué. Il y a donc des progrès à faire.

Toutefois, comme l'a dit le rapporteur général, le système fonctionne beaucoup mieux qu'auparavant. L'an dernier, notre rapport d'information Le centre de crise et de soutien : un service exceptionnel au financement hors normes a déjà montré que le fonctionnement de nos dispositifs était en nette amélioration par rapport à ceux de nos voisins. Nous n'avons pas à rougir du service de nos diplomates, qui font un travail remarquable dans des conditions qui sont parfois difficiles.

M. Pascal Savoldelli, président. - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux. Nous avons pris note de leur demande concernant l'exercice d'un contrôle budgétaire sur les médecins étrangers. Elle pourra être examinée par le bureau de notre commission lors de l'établissement de notre programme de contrôle.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leurs communications sous la forme d'un rapport d'information.

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