EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 1ER OCTOBRE 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je vous propose à présent d'examiner le rapport d'information sur l'exécution des peines. Je laisse la parole à nos trois rapporteures.

Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Mes chers collègues, le premier constat que la mission d'information a pu dresser à l'issue de ses travaux a été, sans surprise, hélas ! celui de l'insuffisance des données disponibles. Les applicatifs du ministère de la justice, obsolètes, ont laissé subsister des angles morts autour desquels nous n'avons pu que tourner : le délai d'exécution des peines alternatives à la prison ou encore la durée des peines effectivement exécutées par les détenus libérés après 2020 nous sont ainsi restés inconnus. Notre rapport sera donc, une nouvelle fois, l'occasion d'appeler la Chancellerie à établir enfin des données fiables, complètes, à jour et exploitables : ce manque de transparence, même involontaire, n'a que trop duré.

Notre deuxième observation porte sur l'éclatement des acteurs de l'exécution des peines, par ailleurs entravés, pour certains d'entre eux, par un manque criant de moyens. Les juges du fond sont désormais pleinement investis de la mission d'aménagement des peines, ce qui alourdit les audiences correctionnelles et marginalise d'autant le rôle, pourtant essentiel, du juge de l'application des peines (JAP). Les services d'insertion et de probation (Spip) restent surchargés : malgré des renforts successifs en effectifs qui ont permis de nettes améliorations, nous n'avons pas encore réussi à nous conformer au standard européen de soixante dossiers par conseiller. Enfin, les forces de sécurité intérieure ne sont pas, faute de temps, suffisamment mobilisées sur les missions qui leur incombent en matière d'exécution des peines.

Notre troisième constat a été celui de l'incapacité des lois récemment adoptées à concilier deux impératifs opposés : d'une part, la demande croissante de fermeté qui émane de la société à l'heure où les sondages, les uns après les autres, montrent combien la justice est perçue comme « laxiste » ; d'autre part, la nécessité de juguler une surpopulation carcérale devenue hors de contrôle et qui fait aujourd'hui dormir plus de 5 000 détenus sur des matelas, à même le sol.

Ainsi que notre collègue Stéphane Le Rudulier l'a rappelé l'été dernier à l'occasion de nos travaux sur la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, la logique de « gestion des flux » qui prévaut à ce jour n'est pas une solution : elle n'a fait qu'aggraver le mal qui ronge nos prisons. La généralisation des aménagements ab initio pour les peines de moins d'un an a poussé les juges correctionnels à prononcer des sanctions plus lourdes afin d'obtenir l'incarcération effective des délinquants qu'ils jugent dangereux ; quant à la libération sous contrainte de plein droit, qui a été unanimement décriée lors de nos auditions, elle a favorisé les « sorties sèches » et rendu la fin de peine moins prévisible, sans pour autant que ses effets suffisent à compenser la suppression des crédits de réduction de peine automatiques qui lui préexistaient. Nos prisons sont au bord du précipice, et cette situation ne saurait être plus longtemps tolérée : la lutte contre la surpopulation carcérale est, à nos yeux, la mère de toutes les batailles.

Le quatrième point saillant de nos travaux porte, justement, sur les modalités d'exécution des peines de prison ferme. Il y aurait beaucoup à dire, mais, compte tenu du temps qui m'est imparti, je me contenterai de quelques constats. Tout d'abord, le raisonnement capacitaire est mis en échec par la gravité de la situation : le « plan 15 000 », qui vise à mettre en service autant de nouvelles places de détention, est déjà obsolète. En effet, ce sont non pas 15 000, mais 20 000 places qui manquent désormais. Par ailleurs, les tentatives de régulation carcérale « souple » n'ont pas produit d'effets tangibles au-delà du court terme. Ensuite, la surpopulation carcérale aggrave les difficultés que rencontre l'administration pénitentiaire depuis de nombreuses années : le suivi des détenus est famélique, ce qui pose la question de la réinsertion des condamnés et de leur préparation au retour dans la société ; l'accès à l'emploi ou à la formation est plus que restreint ; l'accès aux soins, notamment en santé mentale, est très largement inférieur aux besoins. « Nous enfermons des fous », disait le ministre de la justice lors d'une récente audition ; nous ajouterons, à la lumière de nos travaux, que nous les enfermons en prenant le risque de les rendre plus malades encore, puisque nous ne les soignons pas. En somme, la peine de prison ferme a perdu tout son sens pour les condamnés comme pour la société : des magistrats nous ont ainsi déclaré que la seule certitude qu'ils avaient lorsqu'ils prononcent une peine de prison ferme est qu'elle ne sera pas exécutée telle qu'elle a été prononcée, car la loi l'interdit...

Le cinquième constat, guère plus rassurant que ceux qui précèdent, porte sur les peines dites « alternatives » à la prison. Celles-ci nous sont apparues comme le parent pauvre de la sanction. Je serai là encore très synthétique et me bornerai à indiquer que ces alternatives, en dépit d'une grande diversité qui devait en faire un levier d'individualisation des sanctions, ne sont que peu mobilisées par les magistrats : les juges préfèrent aménager une peine de prison ferme plutôt que d'opter pour une sanction alternative, car l'aménagement les assure de l'incarcération immédiate du condamné en cas de non-respect de ses obligations. De plus, ces peines ne semblent pas exécutées assez rapidement : nous ne disposons de statistiques que pour les travaux d'intérêt général (Tig), dont le délai moyen d'exécution est extrêmement élevé : 16,7 mois ! Enfin, le suivi de l'exécution des peines alternatives présente d'importantes lacunes, relevées par toutes les personnes qui ont été auditionnées : les alarmes émises en cas de non-respect des horaires lors d'un placement en détention à domicile sous surveillance électronique

sont si filtrées que ce n'est qu'après un nombre considérable de retards que le condamné est réellement convoqué par le Spip. La sanction ne saurait être crédible dans de telles conditions.

Dernier point, et non des moindres : la situation particulière des mineurs condamnés. Je ne reviendrai pas sur les spécificités du droit pénal des mineurs, que notre commission a eu l'occasion d'évoquer, mais je formulerai trois observations.

La première concerne l'insuffisance de la prise en charge des mineurs en milieu fermé, en matière d'accès aux soins comme d'enseignement : cette défaillance est grave, car elle signifie que nous ne traitons pas les mineurs condamnés comme ce qu'ils sont, c'est-à-dire de futurs adultes dont il faut prévenir l'ancrage dans la délinquance.

Ma deuxième observation porte sur les mineurs placés en centre éducatif fermé (CEF). Des études, certes anciennes, montrent que le placement en CEF favorise la récidive s'il est inférieur à quatre mois alors qu'il la prévient, à l'inverse, s'il est supérieur à six mois ; or la durée moyenne de placement est tombée à quatre mois, ce qui veut dire, concrètement, que dans de trop nombreux cas les CEF ne jouent plus leur rôle de réinsertion.

Ma troisième observation porte sur les mineurs incarcérés : non seulement la prise en charge est très différente selon l'affectation - le coût moyen est de 600 euros par jour en établissement pénitentiaire pour mineurs contre 150 euros en quartier « mineurs » -, mais, surtout, cette différence de traitement ne repose sur aucun critère objectif : les mineurs sont orientés indifféremment dans l'une ou l'autre de ces structures sans qu'il soit tenu compte de leur profil.

Je laisse à présent mes collègues rapporteures vous présenter les propositions de la mission d'information. Dans De l'Esprit des lois, Montesquieu rappelait que la cause de tous les relâchements était non pas la modération des peines, mais l'impunité des crimes : cet adage a inspiré nos recommandations.

Mme Laurence Harribey, rapporteure. - Mes chers collègues, à partir de ce constat, vous comprendrez que nos recommandations se concentrent en premier lieu sur le sens de la peine : une peine qui n'est pas exécutée, ou qui l'est sans correspondre au jugement prononcé, perd de son sens et suscite de fait l'impression d'une justice laxiste. Il est aujourd'hui nécessaire, après plusieurs années, voire des décennies d'érosion, de redonner du sens à la peine. Nombreux sont aujourd'hui nos concitoyens qui ne font plus confiance à la justice et, au-delà, qui ne comprennent plus les décisions rendues. Redonner du sens à la peine, c'est non seulement garantir la bonne exécution des sanctions pénales, mais c'est aussi restaurer la légitimité même du système pénal français.

Nos travaux ont montré qu'une incohérence s'était progressivement installée entre la peine encourue, la peine prononcée et la peine exécutée. Cette situation nuit tant à l'effectivité qu'à la lisibilité des peines pénales. Nous préconisons donc d'évaluer les causes de ces écarts afin de les corriger et, ce faisant, de rétablir la crédibilité de la sanction, son exécution et son sens. L'analyse de ces écarts est aujourd'hui quasiment impossible en raison des lacunes statistiques de la Chancellerie, qui sont régulièrement rappelées par la commission des lois.

Tous les acteurs de la chaîne pénale s'accordent par exemple sur un fait : le droit de l'exécution des peines se complexifie de réforme en réforme, notamment parce que les textes visent souvent des objectifs contradictoires. A été pointé notamment, lors des auditions, l'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement. L'instauration de seuils contraignants a eu l'effet pervers d'inciter les magistrats à alourdir les peines prononcées afin de les contourner, contribuant ainsi à la surpopulation carcérale. C'est la raison pour laquelle nous recommandons de supprimer le caractère obligatoire des aménagements de peine ab initio pour les peines de moins d'un an et d'écarter les exigences de motivation spéciale qui s'imposent aux juges du fond s'ils souhaitent voir la peine appliquée telle qu'ils l'ont prononcée. L'observation d'Elsa Schalck est tout à fait juste : souvent, les magistrats optent pour l'incarcération de préférence aux peines alternatives, lesquelles souffrent d'un manque de moyens et sont insuffisamment connues, et dont, par ailleurs, l'effectivité n'est pas garantie par un suivi régulier. Voilà qui alimente la surpopulation carcérale tout autant que l'incompréhension à l'égard du système.

Conformément aux choix qu'a faits notre commission dans un passé récent, nous proposons également de rendre aménageables toutes les peines de moins de deux ans. Ni nos auditions, dans leur quasi-totalité, ni les statistiques - sur ce point, elles existent ! - n'ont montré un quelconque laxisme : la durée moyenne des incarcérations augmente très nettement en France. Elle s'élève à 11,3 mois, contre 4,6 mois, par exemple, en Allemagne : plus du double ! Pour améliorer l'efficacité de la réponse pénale, nous suggérons de rétablir la possibilité, pour les magistrats, de prononcer des peines d'emprisonnement de moins d'un mois, mais uniquement dans des conditions très précises et pour une population ciblée, à savoir les condamnés qui ne sont pas ancrés dans la délinquance et notamment les plus jeunes d'entre eux. Il faudrait veiller, bien entendu, à ce que ces personnes ne présentent pas de fragilité face à l'incarcération. L'idée est aussi que ces peines soient effectuées dans des établissements spécifiques : de l'avis de tous, une incarcération dans les conditions actuelles ne servirait strictement à rien.

Je le souligne à mon tour : la surpopulation carcérale est le noeud du problème, si nous voulons redonner efficacement du sens à la peine. En particulier, il importe de différencier les courtes peines, dont la durée est comprise entre un et six mois et qui sont largement décrites comme « désocialisantes », des très courtes peines qui, sans employer le terme de « choc carcéral », peuvent conduire les primodélinquants à une prise de conscience : il s'agit d'éviter la récidive et de ne pas entrer dans l'engrenage de la délinquance.

La logique plus générale qui sous-tend cette mesure est la nécessité d'améliorer l'individualisation des peines. Aussi, nous recommandons de réunir tous les acteurs de la chaîne pénale au sein d'un plateau technique pluridisciplinaire qui serait chargé d'évaluer la personnalité des accusés. La mission des Spip, selon leur référentiel professionnel, consiste essentiellement à mesurer le risque de récidive. Or c'est impossible si ce travail en amont n'est pas fait. Cette démarche d'échange et de connaissance mutuelle entre les différents acteurs de l'exécution des peines devrait être poursuivie par la clarification de leurs rôles respectifs : nous avons trop souvent constaté que les fonctions des Spip étaient mal connues et mal intégrées au processus. Enfin, l'individualisation des peines suppose des moyens matériels. Nous insistons donc sur la nécessité de garantir l'adéquation entre la nature des établissements d'incarcération et la personnalité des détenus, sans quoi ce travail d'amélioration de la connaissance des accusés et des acteurs de l'exécution des peines ne porterait pas ses fruits.

J'en viens au deuxième axe directeur de nos recommandations : la nécessité de placer la réinsertion au coeur de la peine pour lutter efficacement contre la récidive. Cet objectif se décline en deux volets principaux.

En premier lieu, il convient d'écarter les obstacles à la réinsertion qui existent aujourd'hui en prison. Nous avons constaté tout au long de nos travaux que les moyens manquaient pour assurer un véritable suivi des détenus. Or ce suivi est nécessaire pour préparer la fin de peine et asseoir les conditions d'une vie nouvelle. Nous suggérons donc d'augmenter les effectifs des Spip pour qu'ils puissent exercer pleinement leurs fonctions et investir le champ pré-sentenciel. Il s'agit là de la seule proposition capacitaire de notre rapport : nous connaissons la situation budgétaire et nos autres propositions pourront être mises en oeuvre à moyens constants.

En second lieu, il apparaît nécessaire de donner un véritable contenu aux peines alternatives existantes. Si leur grande diversité - stages, travaux d'intérêt général, surveillance électronique - est a priori favorable à l'individualisation des peines et donc à la réinsertion, leur portée demeure en effet limitée. Ainsi, les peines alternatives représentent moins de 20 % des peines prononcées, leur mise en oeuvre étant jugée lente et leur contenu léger. Le recours à ces peines, en particulier à la surveillance électronique, est en outre souvent dévoyé. Nos travaux ont montré que les peines alternatives et les aménagements de peine étaient utilisés non pas comme des outils visant à individualiser la peine et à lui donner du sens, mais comme des outils de régulation carcérale. Cela pose problème.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je tiens tout d'abord à remercier mes deux corapporteures pour la qualité de nos travaux. L'ambiance dans laquelle nous les avons menés a été particulièrement plaisante : il est agréable de travailler ainsi et de trouver des points d'accord aussi facilement au sein d'une équipe pourtant transpartisane.

Si notre mission a mis en lumière l'illisibilité de notre droit de l'exécution des peines, elle a surtout révélé une urgence : celle de restaurer la crédibilité de la sanction pénale, et de lui redonner toute sa force protectrice et réparatrice. Or, comme l'a rappelé Elsa Schalck, cet objectif restera hors d'atteinte tant que ne sera pas résolu le problème de la surpopulation carcérale. Alors que les prisons françaises affichent un taux d'occupation de près de 135 %, la surpopulation carcérale n'est plus un simple dysfonctionnement ; elle est devenue un scandale national qui fragilise à la fois les détenus, les personnels et, en définitive, la société tout entière. On ne répare pas bien dans ce contexte.

Nous avons voulu le dire avec clarté : la logique de « gestion des flux » a échoué. Les mécanismes automatiques, qu'ils soient d'aménagement ou de libération sous contrainte, ont brouillé la lisibilité de la peine sans résoudre la crise. Il faut rompre avec cette approche comptable pour refonder une politique pénale lisible, crédible et ferme. Cela suppose, bien sûr, de tenir enfin nos engagements en matière de construction de places de prison. Le « plan 15 000 », lancé en 2017, doit enfin aboutir. Nous savons toutefois qu'il ne suffira pas. Il faut aller plus loin : diversifier les établissements, différencier les parcours et, surtout, créer une véritable peine de probation. Diversifier les établissements peut permettre d'aller plus vite. S'il est nécessaire de prévoir une protection renforcée pour détenus très dangereux, tous ne sont pas susceptibles de s'évader en hélicoptère. Aussi, nous devons réfléchir à la construction de prisons plus légères, moins coûteuses et plus rapides à mettre en oeuvre.

Il faut donc, j'y insiste, diversifier les établissements, différencier les parcours et, surtout, créer une véritable peine de probation, ainsi que le propose le Sénat depuis 2018. Le ministre démissionnaire de la justice a repris récemment cette idée. Même s'il a fallu attendre sept ans, nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir été enfin entendus. La peine de probation permettra un suivi étroit, exigeant, mais aussi réactif, via la possibilité d'incarcérer immédiatement la personne en cas de manquement. Susceptible d'intervenir en complément d'une peine de prison ferme ou d'être prononcée seule, elle reposera sur une large palette de mesures contraignantes. C'est ainsi et seulement ainsi que nous pourrons réduire durablement la surpopulation tout en rendant crédible la réponse pénale.

Cette exigence de crédibilité suppose également que les peines soient exécutées rapidement et effectivement. Trop souvent, les condamnations restent lettre morte ou interviennent après un délai tel qu'elles perdent leur sens. Comment accepter qu'aujourd'hui encore plus d'un cinquième des jugements correctionnels soient rendus dans le silence de l'absence du prévenu ? Cette carence n'est pas seulement regrettable, elle mine l'autorité de la justice elle-même, étant établi que les décisions prononcées en l'absence de l'intéressé connaissent des taux d'exécution significativement plus faibles. Là encore, des solutions existent : généraliser les rappels automatiques et dématérialisés de convocation ou encore donner à certaines décisions d'emprisonnement ferme la valeur d'un véritable ordre de recherche et d'arrestation. De telles mesures impliquent non pas des révolutions juridiques, mais une volonté politique claire : celle de faire comprendre que, dans notre République, une peine prononcée doit être une peine exécutée.

L'exécution ne vaut toutefois que par le contrôle. Si les magistrats continuent de recourir si largement à la peine d'emprisonnement, c'est aussi parce qu'ils demeurent profondément sceptiques quant à l'effectivité réelle des sanctions exécutées en milieu ouvert. Cette défiance affaiblit la crédibilité même des alternatives à l'incarcération. Nous devons donc lever ce doute en renforçant les contrôles, en imaginant une véritable police de la probation ou, à défaut, en spécialisant certains agents des Spip. Il s'agit tout simplement de s'assurer que la probation est perçue non comme une formalité, mais bien comme une sanction à part entière, assortie d'obligations précises et vérifiées. Là encore, la crédibilité de la justice est en jeu.

Enfin, je dirai un mot des mineurs condamnés. C'est peut-être là en effet que se joue l'avenir. La délinquance des jeunes se durcit, se rajeunit, et nos réponses ne sont pas toujours à la hauteur. Les centres éducatifs fermés, conçus pour les multirécidivistes, sont devenus un outil par défaut, au détriment de la diversité des prises en charge. Il nous faut les recentrer sur leur mission première et redonner souffle aux alternatives éducatives. Il nous faut aussi rééquilibrer les moyens entre quartiers mineurs et établissements pénitentiaires pour mineurs, dont les coûts et les pratiques divergent sans justification. Et, surtout, il nous faut investir dans l'accompagnement éducatif et psychologique : garantir la présence de psychologues, respecter les normes de scolarisation, offrir à ces jeunes autre chose qu'une simple privation de liberté. C'est ainsi que nous éviterons la récidive et que nous leur donnerons une chance réelle de réinsertion.

Mes chers collègues, au terme de cette mission, nous n'avons pas seulement formulé des constats. Nous avons voulu tracer une perspective. Il ne s'agit pas de choisir entre sévérité et réinsertion, entre protection de la société et dignité des condamnés. Il s'agit de tenir ensemble ces exigences, car elles sont indissociables. Redonner sens et force à la peine, c'est restaurer la confiance des citoyens dans leur justice. Et c'est, au fond, rendre à la République l'un de ses fondements les plus précieux : la certitude que la loi s'applique à tous, avec clarté, avec fermeté, mais aussi avec humanité.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci beaucoup, mesdames les rapporteures, pour ce travail de qualité.

Mme Sophie Briante Guillemont. - Mesdames les rapporteures, je vous remercie pour ce rapport aussi accablant qu'éclairant. Il nous indique des pistes à suivre, même si l'aspect budgétaire reste à considérer. Le délai d'exécution des travaux d'intérêt général - 16,7 mois - dépend-il des tribunaux ou des communes ? Quelle a été son évolution ? Par ailleurs, pourriez-vous nous présenter rapidement le modèle hollandais, que vous avez étudié et qui est souvent cité en exemple s'agissant de « vider les prisons » ?

M. Louis Vogel. - Je félicite à mon tour les trois rapporteures, qui ont formulé des propositions nombreuses et concrètes. Leur constat est évidemment partagé et le Sénat a rappelé plusieurs fois au Gouvernement qu'il était temps de prendre des mesures. Cette situation ne peut plus durer. Pour avoir visité de nombreuses prisons, je peux vous dire que l'on sent la température monter : il faut trouver des solutions.

L'une des difficultés qui obèrent la mise en oeuvre des peines alternatives réside dans la mentalité des magistrats : pour eux, la peine de prison reste la reine des peines. De surcroît, elle est plus simple. Il faut donc imaginer des façons d'inciter les magistrats à passer à autre chose. Ils ne le feront - vous l'avez dit vous-mêmes - que si l'on prévoit un encadrement des peines alternatives, lesquelles exigent par ailleurs - je songe au travail d'intérêt général - un énorme travail d'organisation préalable, notamment dans les collectivités locales, et sont très difficiles à mettre en place. Si l'on veut que de telles peines soient prononcées, il faut les avoir préparées. Des problèmes pratiques expliquent donc la situation actuelle. Les peines alternatives sont pourtant une voie à emprunter pour résoudre le problème de la surpopulation.

Par ailleurs, comment imaginez-vous concrètement le plateau technique qui a été évoqué ? Quelles seraient sa composition et ses modalités de travail ?

M. Alain Marc. - Je félicite à mon tour les trois coauteures de ce rapport.

En tant qu'ancien rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire, je savais qu'il serait impossible de construire 15 000 nouvelles places de prison. Nous avons tous rencontré des maires, dans les communes rurales notamment, qui se disent prêts, une fois les élections municipales passées, à accueillir des prisons sur leur territoire. Lorsque j'avais évoqué cette question avec le directeur de l'administration pénitentiaire, il m'avait expliqué qu'il fallait toujours construire les prisons à proximité des lieux de délinquance, afin notamment de permettre aux familles de visiter les détenus. Cela pose de nombreuses difficultés - pétitions de riverains, difficultés d'accès à l'immobilier en raison de son coût - qui, cumulées, entraînent des retards qui ne satisfont personne. Je souhaite que nous atteignions un jour l'objectif des 20 000 places supplémentaires, mais cela sera extrêmement difficile.

Dans ce contexte, la philosophie qui consiste à vouloir absolument construire des prisons à proximité des lieux de délinquance n'est-elle pas quelque peu dépassée ? Alors que la délinquance augmente, ne serait-il pas judicieux d'écouter les maires volontaires pour accueillir une prison sur leur territoire ? Certes, les familles ne pourraient pas visiter leur proche immédiatement. Mais n'est-ce pas aussi cela le sens de la peine ? Ayons certes de l'humanité, mais gardons-nous des excès. Il y a là, me semble-t-il, une voie d'avenir à creuser.

Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Comme indiqué dans notre rapport, les délais d'exécution des travaux d'intérêt général - plus de seize mois en moyenne - stagnent. Si les offres sont de plus en plus nombreuses, grâce notamment aux partenariats qui sont noués avec les communes, un long travail de fond est en effet nécessaire pour que ces peines puissent être prononcées Or, les travaux d'intérêt général sont une partie de la solution : d'où notre recommandation de donner de la consistance aux peines alternatives et aux aménagements de peine.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous nous sommes rendues aux Pays-Bas, car les courtes peines y sont nombreuses ; elles sont censées permettre un turnover plus important, donc des fermetures de prisons. À cette occasion, nous n'avons pas obtenu les réponses que nous espérions : en réalité, cet État en revient aux peines longues, notamment pour faire face à son problème endémique de narcotrafic.

Néanmoins, l'accompagnement des prisonniers y est bien plus prononcé que dans notre pays. Il est nécessaire si l'on veut que la prison ait un sens.

Mme Laurence Harribey, rapporteure. - Nos interlocuteurs nous ont assuré que le taux de récidive chez les condamnés à de très courtes peines ne différait pas fondamentalement de celui qui est observé après un travail d'intérêt général.

Selon eux, les très courtes peines, pour avoir un intérêt, doivent être destinées à un public spécifique et ne pas s'appliquer dans les conditions de la détention carcérale traditionnelle. Aux Pays-Bas, les primodélinquants suivent en quelque sorte un stage de citoyenneté renforcé, destiné à favoriser les prises de conscience et à éviter le cycle infernal de la récidive, celui qui fait parfois de la prison une simple préparation au devenir-caïd...

Les peines d'un à six mois sont celles qui posent problème dans ce cas d'espèce : elles sont désocialisantes et ne permettent ni évaluation ni réinsertion. L'accompagnement des détenus, dans ce cadre, est pratiquement abandonné : on estime que cela n'en vaut pas la peine, la durée étant trop courte et la sanction susceptible d'aménagement. À rebours de l'objectif, cet état de fait favorise, comme la libération sous contrainte de plein droit, les sorties sèches. Les très courtes peines doivent donc s'inscrire dans un cadre précis. Nous indiquons dans le rapport que leur rôle est limité.

La création d'un plateau technique pluridisciplinaire, qui permettrait d'évaluer les personnes mises en cause, figure parmi les recommandations du rapport de la mission d'urgence relative à l'exécution des peines. L'idée provient donc de l'inspection générale de la justice (IGJ), qui commence à considérer la régulation carcérale comme le noeud du problème. Nous avons repris cette préconisation.

Concrètement, les Spip interviendraient durant la période pré-sentencielle, ce qui induirait une collaboration plus intégrée entre ces services et les magistrats : assistant social, agent de probation, avocat... L'interdisciplinarité permettrait d'évaluer le risque de récidive et d'individualiser la peine. Je suis un peu éberluée quand, à l'occasion d'une autre mission, dans un milieu fermé consacré aux mineurs, quelqu'un me dit : « Je ne sais pas ce que devient celui-ci, parce que ce n'est plus mon problème... » Cela me paraît effarant !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La prison pour femmes de Rennes est située au pied de la gare TGV. Il est logique que l'on dispose d'un noeud ferroviaire pour accéder aux prisons dédiées aux longues peines.

Toutefois, des établissements un peu différents, prévus pour de très courtes peines, pourraient être situés dans d'autres endroits. Je sais que le Gouvernement et la Chancellerie y réfléchissent. Rechercher en province des lieux offrant un accès via les transports en commun ne me paraît pas forcément logique : d'une part, les déplacements s'y font surtout en voiture, d'autre part, une visite familiale n'est pas forcément nécessaire quand les peines sont aussi courtes. Il faut réfléchir à mieux mailler le territoire afin de ne pas obliger les personnes vivant dans les territoires ruraux à aller purger leur peine à la ville sous prétexte qu'il s'y trouve une desserte ferroviaire.

Mme Marie Mercier. - Comment empêcher la récidive ? Au cours de nos travaux d'information sur l'évaluation des Spip et la lutte contre la récidive, Laurence Harribey et moi-même avons constaté combien le personnel pénitentiaire est investi dans sa mission, mais aussi combien l'information circule difficilement. Celle-ci est cloisonnée : les agents ne sont pas concernés par l'après.

Depuis le drame d'Incarville, une bascule s'est produite. Les détenus sont de plus en plus violents. Les agents de l'administration pénitentiaire se trouvent aussi confrontés à de nouvelles règles qui leur sont imposées. Ainsi, le personnel chargé du ménage, faute de savoir qu'il se trouve dans une cellule dans laquelle est prévue une trousse de prévention destinée aux usagers de drogues, risque de se piquer au contact d'une telle « Stéribox ».

Mesdames les rapporteures, avez-vous auditionné M. Berger, pédopsychiatre, au sujet des peines très courtes pour les mineurs ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce travail transpartisan contient des propositions pragmatiques, mais il ne faut pas croire en ses rêves : ces recommandations sont malheureusement aussi équilibrées qu'un peu irréalistes... Et leur traduction dépendra essentiellement des arbitrages budgétaires. Les agents des Spip n'ont déjà pas le temps d'accomplir leur travail : comment imaginer de leur confier une autre tâche ?

Par ailleurs, ce rapport est totalement orthogonal aux positions que la majorité sénatoriale exprime en général dans l'hémicycle. Je le garde donc en mémoire dans la perspective des prochains débats ! En effet, sur les moyens à mettre en oeuvre pour faire face à la délinquance, il s'écarte d'une vision que l'on peut parfois qualifier de binaire.

Je remercie Laurence Harribey d'avoir précisé la proposition n° 4, « Rétablir la possibilité, pour le juge du fond, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois ». Sans la suite de la phrase - « ces très courtes peines étant destinées aux condamnés bien insérés et non encore ancrés dans la délinquance, mineurs comme majeurs, et exécutées dans des établissements spécialisés » -, j'y serais totalement défavorable, car une telle mesure serait désocialisante.

Nous avons tous reçu l'avant-projet de loi du garde des sceaux pour une sanction utile, rapide et effective (Sure). Peut-être le gouvernement à venir présentera-t-il ce texte relatif au choc carcéral et aux très courtes peines ? Quoi qu'il en soit, les établissements spécialisés dédiés à ces peines-là n'existent pas et n'existeront jamais, faute des moyens et de l'état d'esprit nécessaires. Laurence Harribey a raison de préciser que la Chancellerie évoque à présent, dans ses travaux internes, la question de la régulation. Nous avons elle et moi déposé une proposition de loi visant à instaurer un mécanisme contraignant de régulation carcérale, car nous savons qu'il n'y aura pas d'autre solution.

Nous ne mentionnons pas l'éléphant dans la pièce : personne, ce matin, n'aborde la question de l'exécution provisoire. Vu les débats depuis quelques jours, il est presque gênant que nous n'en parlions pas, d'autant que le président du Sénat, de manière assez imprudente et sortant de son rôle, s'est exprimé sur le sujet. C'est la deuxième fois, après l'épisode de la condamnation de Marine Le Pen, que cette question surgit dans le débat public. Madame la présidente, peut-être serait-il utile de communiquer aux collègues des chiffres à ce sujet, car l'exécution provisoire est devenue, dans la majorité des cas, le corollaire des peines de prison de première instance. Plus la peine est lourde, plus l'exécution provisoire est prononcée. Dans 89 % des cas, une peine de prison ferme de plus de vingt-quatre mois se traduit par une incarcération immédiate.

Ce débat n'est pas indigne, car l'exécution provisoire percute non pas tant la présomption d'innocence que le principe du double degré de juridiction. Cela dit, aborder le sujet de la manière dont il a été traité dans le débat public depuis quelques jours me semble dangereux : cette façon de


faire heurte notre conception de l'État de droit. Par ailleurs, sans faire d'ironie excessive, supprimer l'exécution provisoire réglerait le problème de la surpopulation carcérale !

Mme Patricia Schillinger. - Dans le département où je suis élue, nous avons depuis 2021 une nouvelle prison : Mulhouse-Lutterbach. J'observe, ces dix dernières années, que la population carcérale évolue : certaines personnes emprisonnées le sont pour des faits très lourds. Lorsque j'étais maire, j'ai accueilli à plusieurs reprises des détenus pour des travaux d'intérêt général : je conseille la démarche aux élus.

Le problème est le suivant : quand un établissement est conçu pour 500 personnes et que 700 y sont incarcérées, l'effectif de l'administration pénitentiaire reste pourtant le même. Au mois de mars dernier, deux agents ont été condamnés à des peines d'emprisonnement, car, en raison de la fatigue, ils ont commis des violences sur des détenus - que je n'excuse nullement. La situation du personnel contribue donc à la multiplication des mauvais traitements dans les prisons. Par conséquent, il est indispensable d'envisager une augmentation des effectifs pénitentiaires.

Mme Lauriane Josende. - Pour rendre la justice et l'exécution des peines efficaces, l'essentiel est de simplifier les procédures. Ce matin, un rapport de contrôle budgétaire sur les frais de justice était présenté devant la commission des finances : l'objectif de simplification ne doit jamais être perdu de vue. En effet, les juges, les agents de probation ou les agents pénitentiaires affirment tous que le moindre sujet à traiter implique pour eux des difficultés administratives, lesquelles polluent leur quotidien et les démotivent. Avocate de métier, je sais bien que les procédures protègent les droits, mais il faut trouver un juste milieu.

La simplification s'impose notamment dans la construction des prisons. Les Pyrénées-Orientales en attendent une depuis dix ans ! Même quand les maires donnent leur accord, entre le ZAN, les compensations environnementales et tout le reste, on n'en voit jamais le bout ! Il faut faire en sorte de construire plus rapidement.

M. David Margueritte. - Je me sens pleinement en phase avec le rapport. Exécution des peines, sortie de prison... : rien d'« orthogonal » avec nos orientations habituelles. En outre, la formation professionnelle en prison me semble donner du sens à la peine. Cette compétence a été transférée aux régions en 2014, dans des conditions extrêmement minimalistes. Comme j'ai pu l'expérimenter en Normandie, cet outil fonctionne. Il s'agit souvent de formations d'initiation aux métiers du bâtiment. Le détenu, qui a consenti à cet apprentissage, en ressort souvent transformé.

La question de la formation a-t-elle été abordée lors des auditions ? Le transfert de compétence a-t-il été évalué ? L'ensemble fonctionne, mais le budget est extrêmement limité. Le ratio en Normandie était le suivant : 1,4 million d'euros de dépenses pour un budget de formation de 127 millions d'euros.

Mme Elsa Schalck, rapporteure. - La complexité des procédures est l'un des constats que nous mettons en lumière dans le rapport et que nous devons avoir à l'esprit en tant que législateurs. Le droit de l'exécution des peines est devenu illisible, du fait notamment de réformes parfois contradictoires. Nous l'avons bien vu avec le « bloc peine » issu de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : ce texte a eu pour objet la mise en place d'aménagements plus importants alors même que la demande de répression est plus forte. Il convient donc de s'interroger sur notre propre responsabilité.

Le constat a été unanime lors des auditions : il faut marquer une pause dans les mesures. Pourtant, nous les enchaînons, sans obtenir de résultat. Dans leur rapport d'information fait en 2018 au nom de la commission des lois et intitulé Nature, efficacité et mise en oeuvre des peines : en finir avec les illusions !, nos anciens collègues François-Noël Buffet et Jacques Bigot faisaient déjà le constat d'un décalage de plus en plus fort entre les peines encourues, les peines prononcées et les peines effectivement exécutées. Le quantum des peines est systématiquement accru dans les textes, quand bien même nous savons bien qu'in fine la sanction ne sera jamais appliquée telle quelle.

Je rappelle un chiffre édifiant : le taux de commission d'une nouvelle infraction est de 60 % dans les cinq ans qui suivent la sortie de prison. Redonner du sens à la peine est donc un enjeu majeur. Même en période de restriction budgétaire, l'État doit assumer cette mission régalienne : résoudre le problème de la surpopulation carcérale et allouer des moyens humains aux Spip. Les mesures que nous préconisons convergent toutes dans cette direction.

Par ailleurs, Maurice Berger a bel et bien contribué à notre rapport, lui dont nous connaissons les travaux et l'expertise sur les mineurs délinquants. Nous avons suivi sa recommandation d'instaurer des peines d'emprisonnement de moins d'un mois, pour les majeurs comme pour les mineurs.

Mme Laurence Harribey, rapporteure. - Il ne faut pas, en augmentant le nombre de postes indéfiniment, participer à l'inflation de l'incarcération. Pourvoir ceux qui sont ouverts serait déjà une bonne chose, car les taux de vacance dans les établissements pénitentiaires sont assez effrayants. Par conséquent, la question est moins celle du nombre de postes existants que celle du nombre de postes effectivement occupés.

Le recrutement pose problème en raison d'un manque d'attractivité. J'étais la semaine dernière à Draguignan pour une cérémonie d'hommage aux agents pénitentiaires gravement blessés ou décédés dans l'exercice de leurs fonctions : l'ensemble du personnel m'a confirmé que la situation était tendue, entre absentéisme et vacances de postes dues au non-recrutement. Il en va de même pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : 80 % des éducateurs d'une promotion sont reçus sur les postes ouverts, mais, à la fin de la formation, il n'en reste plus que 50 %. Mieux vaut travailler à améliorer ce point que d'opter pour des solutions artificielles en augmentant des lignes budgétaires qui ne résolvent pas tout !

Concernant la complexification, nous recommandons de supprimer les motivations spéciales.

Il est véritablement problématique que seuls 20 % des détenus travaillent. La formation professionnelle est donc fondamentale. Pourtant, lorsqu'elle est mise en place, elle est hachée. Comme nous l'avons constaté lors de précédents déplacements à Marseille et à Avignon, hors du cadre de la présente mission d'information, les mineurs peuvent bien suivre un cursus, mais, au moment de passer les examens, il arrive fréquemment qu'ils aient changé d'endroit : tout leur parcours s'en trouve interrompu. Je note toutefois qu'à la maison centrale de Poissy nous avons rencontré un détenu qui avait passé sa licence de droit !

L'une des faiblesses de notre travail est peut-être que nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupées de l'évaluation du transfert aux régions de la compétence relative à la formation professionnelle des détenus.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Objectivement, simplifier permet d'agir sur la surpopulation carcérale, même sans argent supplémentaire. En effet, nous nous sommes rendu compte que l'exigence de motivation spéciale qui s'impose au juge pour les peines inférieures à un an de prison avait pour conséquence le prononcé par les magistrats de peines de plus d'un an, visant à s'assurer de l'exécution de la sanction. Tel n'était évidemment pas l'effet attendu.

Le « plan 15 000 » prévoyait déjà la création de différentes sortes de structures. Les établissements spécifiques pour les peines inférieures à quinze jours pourraient y être inclus, d'autant qu'ils coûteraient moins cher que les prisons traditionnelles : le risque d'évasion par hélicoptère est assez faible quand la peine dure aussi peu !

L'exécution provisoire ne fait pas partie des sujets que nous avons étudiés. Toutes les peines supérieures à deux ans de prison qui sont prononcées sont immédiatement exécutoires. Par ailleurs, 77 % des prévenus condamnés en première instance à des peines d'au moins cinq ans de prison et immédiatement incarcérés étaient déjà placés en détention provisoire


au moment du prononcé. Il faut aussi s'interroger sur la délinquance en col blanc : pourquoi voler de l'argent ne serait-il pas sanctionné par une peine de prison, comme c'est le cas pour le vol de biens matériels ?

Mme Muriel Jourda, présidente. - Le rapport a porté sur les difficultés révélées par les auditions ; comme personne ne s'est jamais plaint d'une exécution trop rapide d'une décision de justice, l'exécution provisoire n'a pas été en discussion.

Il faut distinguer l'exécution provisoire qui est liée par définition au mandat de dépôt et celle qui est induite par d'autres outils. Tout reste à la discrétion du juge, à condition qu'il motive sa décision en fonction de l'infraction et de la personnalité de la personne condamnée, conformément au droit commun en matière pénale.

J'ai eu hier soir une conversation avec un ancien magistrat de la Cour de cassation à propos d'un éventuel alignement du pénal sur le civil : au civil, l'exécution provisoire peut être suspendue par un magistrat de la cour d'appel saisi de la question. Nous pourrions peut-être réfléchir à ce type de recours, qui passerait, par exemple, par une saisine du président de la chambre de l'instruction. Quoi qu'il en soit, ce sujet n'a été soulevé par aucune des personnes auditionnées : la question n'a absolument pas été perçue comme l'éléphant dans la pièce.

Avant de procéder au vote des recommandations, je vous informe que le titre proposé pour le rapport est le suivant : L'exécution à la peine - 20 propositions pour mieux exécuter et donner du sens aux sanctions pénales.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

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