D. L'ACTION DOIT ÊTRE MENÉE AU NIVEAU INTERMINISTÉRIEL, EN CONCERTATION AVEC LA POLICE ET LA GENDARMERIE NATIONALES

1. S'il paraît complexe, à l'heure actuelle, de définir un schéma exhaustif de refacturation au ministère de l'intérieur des frais engagés par le ministère de la justice...

Le rapporteur spécial s'est posé la question de la possibilité, dans un objectif de meilleure compréhension des coûts, de revoir l'imputation du montant des frais de justice entre les ministères de la justice et de l'intérieur, dans la mesure où plus de 50 % des prescripteurs sont des officiers de police judiciaire, qui relèvent de la police ou de la gendarmerie nationales.

Plusieurs arguments s'opposent toutefois à la mise en place d'un schéma de refacturation du coût de chaque acte au ministère de l'intérieur.

Le premier est un argument de principe : les officiers de police judiciaire, comme leur qualification l'indique, sont réputés agir « sous la direction du procureur de la République », « sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l'instruction »55(*).

La Cour des comptes nuançait certes cet argument en 201456(*) : une partie des prescriptions sont réalisées sans contrôle préalable du magistrat, notamment en cas de flagrant délit, et certaines prescriptions ont lieu en dehors de toute procédure ouverte, comme l'indemnisation des interprètes et des honoraires des médecins désignés par l'officier de police judiciaire pour les étrangers faisant l'objet d'une vérification de leur droit de circulation ou de séjour sur le territoire français57(*). Ces cas ne semblent toutefois concerner qu'une part minoritaire des frais de justice.

En second lieu, le ministère de l'intérieur supporte lui-même des coûts dont une partie relèvent de prescriptions de l'autorité judiciaire. Certains sont refacturés au ministère de la justice, comme on l'a vu dans le cas des analyses génétiques et toxicologiques réalisées par les laboratoires publics de la police et de la gendarmerie nationales sur ordonnance de commission d'expert.

Toutefois, il a été indiqué au rapporteur spécial que le SNPS ne facture pas au ministère de la justice la conservation des scellés biologiques, qui nécessite des équipements (congélateurs, réfrigérateurs) dont ne disposent pas les greffes58(*). D'une manière générale, il serait extrêmement complexe de faire la part des frais supportés par les programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » et qui pourraient être rattachés au segment des frais de justice.

Un mécanisme d'imputation des frais de justice sur chaque ministère serait d'autant plus complexe, voire illusoire, à mettre en place que les coûts réels et complets des prestations ne sont pas toujours connus, comme il a été constaté supra, et que l'absence d'identifiant de dossier judicaire s'oppose au rattachement des frais de chaque acte à une affaire donnée. Un tel mécanisme supposerait de mettre en place un circuit de saisie et de validation entre les deux ministères, source de complexité et de temps passé pour les personnels.

Il ne paraît donc pas réaliste, à l'heure actuelle, de chercher à mettre en place un mécanisme de facturation systématique et exhaustif entre deux ministères qui, en dernière analyse, font tous deux partie du budget général de l'État.

2. ... le pilotage des frais de justice devrait associer d'une manière plus approfondie les deux ministères

Le pilotage des frais de justice étant assuré par le ministère de la justice, il est naturel que les instructions soient diffusées de manière plus aisée à l'intérieur de ce ministère, par l'intermédiaire des chefs de cour d'appel.

Si des chargés de mission et des contrôleurs de gestion, en cours de déploiement, assurent le contrôle et la coordination de cette action dans le ministère de la justice, le lien paraît plus distant avec le ministère de l'intérieur, et en particulier avec les enquêteurs sur le terrain, malgré la volonté clairement affirmée au niveau des directions des deux ministères.

Le dialogue entamé au niveau des comités stratégiques entre les directions des deux ministères devrait donc se décliner au niveau des juridictions et des services de police judiciaire. Un moyen d'y parvenir serait de mettre en place des référents frais de justice dans les services de la police judicaire, aussi bien au sein de la police nationale que de la gendarmerie nationale, au même niveau géographique que les juridictions (département, région).

Ces référents, en lien direct avec la juridiction, seraient destinataires des instructions, diffusées par leur direction nationale, mais aussi des informations et analyses conduites par les juridictions. Leur rôle serait de les diffuser auprès des enquêteurs et des services locaux, mais aussi de leur apporter des réponses. Face aux juridictions, ils pourraient aider à analyser l'évolution des coûts sur certains segments.

Recommandation : mettre en place un réseau de référents « frais de justice » dans les services de police judiciaire, chargés de faire le lien entre les informations apportées par le ministère de la justice, les instructions émanant du ministère de l'intérieur et les enquêteurs.


* 55 Articles 12 et 13 du code de procédure pénale.

* 56 Cour des comptes, Les frais de justice depuis 2011, communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, septembre 2014.

* 57 Article L. 813-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 58 Ce coût est toutefois limité, puisque le SNPS l'estime à 131 500 euros par an pour les cinq laboratoires du SNPS.

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