B. LE « MIRACLE » DU MILIEU DES ANNÉES 2000 A PERMIS DE CONTENIR, MAIS SEULEMENT POUR UN TEMPS, LA CROISSANCE DES FRAIS DE JUSTICE

Avant la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), effective à compter du budget relatif à l'exercice 2006, les crédits des frais de justice, comme ceux de l'aide juridictionnelle, étaient « évaluatifs », qualité accordée « à la dette publique, à la dette viagère, aux frais de justice et aux réparations civiles, aux remboursements, aux dégrèvements et aux restitutions, ainsi qu'aux dépenses imputables sur les chapitres dont l'énumération figure à un état spécial annexé à la loi de finances »20(*).

En conséquence, les montants faisant l'objet de l'autorisation parlementaire en loi de finances initiale n'étaient qu'indicatifs et les dépenses relatives à ces chapitres pouvaient les excéder en cas de besoin.

L'article 10 de la LOLF ne reconnaît comme crédits évaluatifs que ceux relatifs « aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État ». Les autres dépenses du budget général, dont les frais de justice, sont par conséquent limitatives.

Le passage des frais de justice en crédits limitatifs, en imposant soudainement une contrainte stricte à ces dépenses, a révélé, selon le mot du rapporteur spécial de la commission des finances, Roland du Luart, l'existence d'une « crise des frais de justice »21(*), la dépense ayant doublé entre 2001 (262 millions d'euros) et 2005 (487 millions d'euros).

Or cette crise a rapidement laissé la place à ce que Jean-Charles Asselain a qualifié de « miracle des frais de justice »22(*), car la mise en place des crédits limitatifs, loin de causer des difficultés dans les paiements, s'est au contraire accompagnée d'une décrue subite de la dépense. Alors que les frais de justice avaient augmenté de 10,7 % en 2002, 17,7 % en 2003 et 22,9 % en 200423(*), l'année 2006 est marquée par une diminution de 22,1 % de la dépense en frais de justice pénale par rapport à 200524(*).

Une partie de cette amélioration était liée à des changements de nomenclature25(*), mais elle résulte d'abord de mesures fortes engagées par le ministère.

Une mission « frais de justice » a été créée en 2005 dans le ministère et a visité l'ensemble des cours d'appel. Des actions de sensibilisation et de formation ont été conduites à l'égard des magistrats et chaque cour d'appel ou tribunal de grande instance a été invitée à désigner un « référent frais de justice ».

S'agissant par exemple des interceptions téléphoniques, la progression des frais de justice, avant la mise en oeuvre de la LOLF, résultait notamment de la hausse du coût des réquisitions aux opérateurs de communication électronique (OCE), pour fournir des données relatives aux connexions26(*) et pour intercepter les communications. Entre 2006 et 2009, la mise en place d'une tarification pour ces prestations, ainsi que d'une « mini-plateforme » d'interception des SMS et de recueil des données de connexion pour les officiers de police judiciaire, a permis de réduire la dépense27(*).

De même, la mise en concurrence permet de réduire les coûts des analyses génétiques. Le ministère obtient même un rabais de 4 % sur les frais postaux28(*).

Cette amélioration n'est toutefois que temporaire et la hausse reprend au bout de quelques années pour s'accentuer au cours des années 2010.

Évolution des frais de justice depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des rapports annuels de performance et des données transmises par la direction du budget


* 20 Article 9 de l' ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

* 21 Roland du Luart, Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise, Rapport d'information n° 216 (2005-2006), fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 22 février 2006.

* 22 Jean-Charles Asselain, L'argent de la justice, presses Universitaires de Bordeaux, 2009, p. 500 et suivantes, citant Roland du Luart, annexe 15 au rapport général n° 99 (2005-2006), tome III, relatif aux crédits de la mission « Justice », fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 23 Roland du Luart, La Lolf dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion, rapport d'information n° 478 (2004-2005), fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2005.

* 24 Rapport annuel de performances de la mission « Justice » annexé au projet de loi de règlement pour 2005.

* 25 Le rapport annuel de performances de la mission « Justice » annexé au projet de loi de règlement pour 2005 précise ainsi que des frais postaux, en matière civile, étaient désormais imputés sur une action distincte du programme 166 « Justice judiciaire », alors qu'ils étaient auparavant imputés sur le chapitre des frais de justice.

* 26 Identification d'abonnés à partir de leur numéro d'appel, détail des appels, géolocalisations...

* 27 Rapport annuel de performances de la mission « Justice », annexée au projet de loi de règlement pour 2011.

* 28 Jean-Charles Asselain, ouvrage cité.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page