AVANT-PROPOS

Origine de la mission

La mission d'information du Sénat sur les relations stratégiques entre l'État et les universités est née de la volonté de comprendre les raisons du décalage observé, au cours des derniers débats budgétaires, entre l'appréciation respectivement portée par les autorités ministérielles et les établissements universitaires sur la situation financière de ces derniers. Cette divergence a donné lieu, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2025, à de fortes crispations sur l'évaluation de la trésorerie des établissements.

Les travaux menés par les rapporteurs Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi ont rapidement permis de constater que la source des difficultés dépassait la simple question de l'évaluation comptable. Ce diagnostic non partagé constitue un indicateur avancé du climat de défiance qui s'est installé de longue date entre les universités et les autorités ministérielles chargées de leur pilotage, et plus généralement de l'insuffisante structuration de la stratégie de notre pays pour son université.

Ce sont en conséquence le cadre, les modalités d'organisation concrètes et les nombreux impensés du pilotage des universités qui ont fait l'objet des travaux de la mission. Le rapport qui en est issu est publié dans un contexte de forte actualité sur ce sujet, alors qu'une nouvelle vague de déconcentration ainsi que l'élargissement de la portée des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) viennent d'être annoncés par le ministère chargé de l'enseignement supérieur. Ces travaux s'articulent par ailleurs avec ceux de la commission des finances du Sénat sur les conditions et les limites du financement à la performance des universités1(*).

Méthode

Afin d'objectiver leur constat, les rapporteurs ont souhaité partir de la parole des acteurs universitaires. Ils ont ainsi conduit trois tables rondes et quatre déplacements à l'Université Paris 8, à l'Université Angers, à Aix-Marseille Université et à l'Université Paris Cité, qui leur ont permis de recueillir l'appréciation des représentants de 25 universités de toute taille et aux situations financières très différentes, mais également de leurs responsables administratifs et financiers.

Ils ont également recueilli l'éclairage d'une grande diversité d'acteurs contribuant au pilotage des universités et à la réflexion sur celui-ci.

Constats généraux

Alors que les débats budgétaires tendent à mettre l'accent sur les marges d'amélioration des universités en matière de gestion interne, la mission d'information a permis de mettre en évidence la carence générale de l'État dans la définition de la politique universitaire de notre pays. Il en découle un pilotage erratique aux multiples impensés, dont les établissements sont depuis longtemps contraints d'absorber les conséquences.

Cette carence résulte avant tout de l'absence de définition actualisée, au niveau national et de manière concertée, des objectifs et des missions assignés aux universités.

Cette lacune a favorisé le déploiement d'un pilotage fragmenté et sans vision d'ensemble du paysage universitaire. Au cours des dernières décennies, de profondes évolutions ont ainsi été impulsées par la puissance publique sans qu'une régulation de leurs effets sur l'ensemble des établissements y soit associée. La montée en puissance du financement compétitif, en particulier, a permis la structuration d'établissements intensifs en recherche extrêmement performants, mais a durablement déstabilisé le mode d'allocation de leurs ressources aux universités.

Cette absence de boussole a par ailleurs de multiples effets sur la cohérence du paysage universitaire, qui apparaît de plus en plus fragmenté, sur le financement du service public de l'enseignement supérieur, dont la soutenabilité à moyen terme apparaît compromise, ainsi que sur la capacité de la communauté universitaire à se projeter dans l'avenir, qui constitue pourtant une condition fondamentale de toute activité de recherche.

Face à la concurrence accrue du secteur privé, la carence des pouvoirs publics a également des effets sur le positionnement de l'université dans l'offre globale d'enseignement supérieur. Dans le contexte de pénurie de moyens, l'absence de régulation des effectifs étudiants du premier cycle, associée à l'absence de progressivité des droits d'inscription, tend à dégrader la qualité perçue de la formation universitaire et à lui associer l'image d'une solution d'orientation par défaut. Ce manque de reconnaissance résulte également de la méconnaissance globale, par les décideurs publics comme par nos concitoyens, de l'originalité du modèle universitaire.

Contraintes d'évolution

Devant ce tableau, la tâche des pouvoirs publics n'est certes pas aisée.

La régulation de l'université doit en effet prendre en compte, dans une perspective à la fois territoriale et internationale, de multiples principes (les exigences du service public et l'émulation nécessaire à performance des activités de formation et de recherche), une pluralité d'acteurs (de la communauté universitaire aux collectivités territoriales et aux entreprises privées), des processus d'évolution contradictoires (entre l'approche descendante de l'État et les orientations émanant d'établissements autonomes) et des défis croissants (la contrainte de la démographie étudiante, la réhabilitation d'un parc immobilier vieillissant, l'intégration des nouvelles technologies dans le fonctionnement des établissements ainsi que la préservation de leur fonction de promotion sociale).

Une stratégie et un pilotage efficaces supposent d'assurer la combinaison de ces différents enjeux.

Recommandations

Au terme de ses travaux, la mission d'information a défini cinq axes de recommandations visant à améliorer le pilotage stratégique des universités, en tenant compte de la contrainte du nécessaire redressement des comptes publics.

L'ensemble de ces préconisations sont guidées par la préoccupation de recréer les conditions d'une relation de confiance entre l'ensemble des acteurs du monde universitaire et contribuant à son fonctionnement - et, au-delà, avec tous les citoyens, l'université étant un bien public dont la préservation constitue un impératif pour l'ensemble de la société.

Elles se déploient à la fois sur le long terme, au travers de la clarification du rôle que notre pays assigne à ses universités, et sur le court terme, par l'indispensable stabilisation des conditions de financement des établissements.

Ainsi que l'a récemment rappelé le Conseil d'État dans son étude annuelle pour 2025, la science constitue, aux côtés du droit, l'un des deux piliers de la démocratie. L'enjeu d'une restauration de la confiance dans l'institution universitaire ne se limite donc pas à l'amélioration de l'accompagnement de la jeunesse et de la performance de la recherche et de l'innovation : elle constitue une condition fondamentale de la préservation de notre modèle démocratique.


* 1 Rapport d'information n° 723 (2024-2025) du 11 juin 2025 sur la contractualisation à la performance dans l'enseignement supérieur, fait au nom de la commission des finances du Sénat par Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteure.

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