- EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 22 OCTOBRE 2025

M. Pierre-Antoine Levi. - Notre mission d'information est née de la volonté de comprendre les raisons du décalage observé, lors des derniers débats budgétaires, entre l'appréciation portée respectivement par le gouvernement et les universités sur la situation financière de ces dernières, notamment sur l'évaluation de leur trésorerie.

Dès le début de nos travaux, il y a un peu plus de six mois, nous avons compris que la source des difficultés dépassait la simple évaluation comptable. Ce diagnostic non partagé constitue en réalité un indicateur avancé de la défiance qui s'est installée entre les universités et les ministères chargés de leur pilotage, et plus généralement de l'insuffisante structuration de la stratégie de notre pays pour ses universités.

Alors que la commission des finances avait dans le même temps lancé un contrôle budgétaire relatif au financement à la performance des établissements, nous avons donc décidé, en accord avec les présidents Laurent Lafon et Claude Raynal, de travailler sur le cadre plus général des relations stratégiques entre l'État et les universités.

Pour mener à bien cette réflexion, nous avons souhaité partir de la parole des acteurs universitaires. Nous avons ainsi conduit trois tables rondes et quatre déplacements, qui nous ont permis de recueillir l'appréciation des présidents, vice-présidents et responsables administratifs de 25 universités de toute taille et aux situations financières très différentes.

M. David Ros. - Ces échanges nous ont permis de mettre en évidence la carence générale de l'État dans la définition de la politique universitaire de notre pays.

Cette carence est d'abord celle du législateur. Les objectifs et les missions confiés par la loi aux universités ont en effet été progressivement sédimentés dans pas moins de 12 articles du code de l'éducation. Si chacun d'entre eux peut apparaître justifié, leur accumulation aboutit aujourd'hui à un ensemble disparate d'items de portée inégale, non priorisés, parfois inconciliables et manifestement inapplicables dans leur entièreté. Cette loi bavarde alimente la confusion des acteurs universitaires, et fait courir le risque de la dilution de leur action - particulièrement en période de contrainte budgétaire.

Cette carence est également celle du gouvernement, qui ne respecte plus, depuis 2020, son obligation de définir tous les cinq ans une stratégie nationale concertée de l'enseignement supérieur, ou Stranes, telle que voulue par le législateur en 2013.

Cette lacune n'est pas compensée par la montée en puissance des contrats passés avec les établissements, sur lesquels le ministère nous indique reporter son travail stratégique. Les faibles financements associés aux actuels contrats d'objectifs, de moyens et de performance (ou Comp) ne leur confèrent pas la portée adéquate. Leur redimensionnement annoncé sous la forme des

« Comp à 100 % », dont les contours restent largement à clarifier, intégrera des priorités définies par le seul ministère, sans cohérence d'ensemble entre des instruments par nature multiples.

Notre constat est donc clair : notre pays ne dispose actuellement d'aucun cap actualisé et concerté à l'échelle nationale pour son université. Il en découle un pilotage erratique, marqué par de nombreux impensés stratégiques, et dont les établissements sont contraints d'absorber les conséquences.

Mme Laurence Garnier. - Cette absence de boussole est notamment visible dans la régulation des activités de formation. Les établissements se trouvent en effet fortement contraints par la massification de leurs effectifs, qui résulte en partie de l'évolution de la fonction du baccalauréat : sous l'effet de l'augmentation du taux de réussite, il n'agit plus comme un filtre à l'entrée du supérieur. En pratique, les universités accueillent aujourd'hui 1,6 millions d'étudiants, soit 54 % des effectifs du supérieur, qui ont été multipliés par 9 depuis 1960.

Nous avons cherché à comprendre comment la procédure d'entrée dans le supérieur issue de la loi « Orientation et réussite des étudiants » de 2018, mise en application via Parcoursup, permettait d'assurer l'appariement entre les profils des bacheliers et les attendus des formations. Notre conclusion est que cet appariement ne se fait pas, ou trop peu, pour un grand nombre de candidats. La fixation des capacités d'accueil universitaires, qui est de la compétence des rectorats, est en effet effectuée de manière à permettre l'accès de tous les bacheliers qui le demandent au premier cycle universitaire. L'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction est ainsi mise en oeuvre sous la forme d'un droit d'accès à l'université.

Cette situation est fortement préjudiciable à tout l'écosystème universitaire. Elle est d'abord source de désillusion pour les étudiants, qui se trouvent confrontés à de forts mécanismes de sélection dans la suite de leur cursus et à l'entrée dans la vie active. 36 % seulement des étudiants obtiennent leur licence en trois ans et 47 % en trois ou quatre ans : il existe donc bien une régulation des parcours universitaires. Elle se fait cependant de la plus insatisfaisante des manières, c'est-à-dire a posteriori et par l'échec.

Cette absence de sélection est regrettée par la plupart des présidents d'université que nous avons rencontrés. L'inscription d'étudiants n'ayant que très peu de chances de réussite fait peser une forte contrainte sur leur capacité à encadrer et à accompagner les étudiants, et dégrade globalement la qualité de leur formation. De nombreux établissements développent d'ailleurs des formations sélectives leur permettant de contourner cette difficulté, avec des doubles licences ou des diplômes d'établissement. Les étudiants et leurs familles se tournent quant à eux plus volontiers vers les parcours universitaires sélectifs, notamment les instituts universitaires de technologie (IUT) et le réseau Polytech.

Le coût de cet échec massif est enfin loin d'être neutre pour les finances publiques, puisqu'il est estimé par la Cour des comptes à 534 millions d'euros par cohorte d'étudiants.

M. Pierre-Antoine Levi. - Nous constatons ensuite que les universités ne sont pas seulement en manque de stratégie, mais également en manque de pilotage. La tutelle exercée par le ministère apparaît en effet lointaine, voire absente, tandis que l'accompagnement exercé par les rectorats s'apparente davantage à un ergotage administratif qu'à un pilotage stratégique.

Ces difficultés cumulées fondent enfin un manque de reconnaissance de l'université, qui constitue à la fois leur cause et leur conséquence.

Il se traduit d'abord par le déficit d'influence de l'université auprès des décideurs publics, qui sont principalement recrutés parmi les diplômés de grandes écoles, tandis que le doctorat reste peu valorisé.

En dépit de ses réussites objectives, l'université pâtit en outre d'une mauvaise image persistante auprès du grand public et des entreprises. Son activité de formation est vue comme peu exigeante et professionnalisante : un sondage Ipsos de 2023 classe à cet égard l'université en dernière position sur la plupart des items testés, derrière les grandes écoles, les BTS et les IUT.

Nous avons constaté avec surprise que cette perception se doublait d'un « signal prix » négatif : la modicité des tarifs universitaires semble avoir, de manière paradoxale, un effet négatif sur l'attractivité de certaines filières, notamment pour certains étudiants étrangers. La faiblesse des droits d'inscription ne reflète évidemment pas le coût de la formation universitaire : si le tarif de l'inscription en licence est actuellement fixé à 178 euros, la dépense annuelle moyenne de l'État pour un étudiant à l'université s'élève à 12 250 euros.

Ce manque de reconnaissance est à mettre en lien avec un manque de connaissance tout court du modèle universitaire. Reste cependant que face à l'essor des formations privées, le positionnement de l'université dans l'offre d'enseignement supérieur tend à se dégrader. Depuis 2018, les inscriptions dans le supérieur privé ont crû de 34 %, alors que les inscriptions à l'université ne progressent plus. Cette évolution doit constituer pour nous un signal d'alerte : la formation universitaire, qui constitue l'offre d'enseignement

supérieur la plus accessible, indépendamment de l'origine sociale et du niveau de ressource, doit demeurer une référence de qualité pour nos concitoyens.

M. David Ros. - J'en viens à un deuxième ensemble de constats, qui concerne les effets de la carence stratégique sur le paysage universitaire. Nous relevons que les transformations impulsées par la puissance publique au cours des deux dernières décennies, qui ont visé à la différenciation des établissements ainsi qu'à leur autonomisation, se sont faites de manière fragmentée, sans vision d'ensemble, et avec de nombreux effets de bord.

Le processus de différenciation mis en oeuvre depuis 2010 a atteint l'objectif de structurer des universités « intensives en recherche » internationalement compétitives ; il a eu cependant eu des effets mal régulés au-delà de ces seuls établissements. La généralisation des financements sélectifs a favorisé la concentration des moyens sur ce seul type d'universités, tout en créant une mise en concurrence généralisée des établissements. Si l'on y ajoute la diversification des cadres de fonctionnement dérogatoires, au travers notamment du statut d'établissement public expérimental, on aboutit à une hétérogénéité croissante des établissements, qui fait courir le risque d'un éclatement de la notion même d'université.

Cette politique a en outre fait des « perdants ». Il s'agit principalement des établissements ayant une forte activité de formation pluridisciplinaire, avec un poids important du premier cycle et des filières de sciences humaines, et qui permettent l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur dans les territoires. Pour autant, toutes les petites universités ne sont pas en difficulté : en témoigne l'exemple de l'université de La Rochelle, qui a spécialisé ses activités de formation et de recherche autour des questions de littoral ; elle est ainsi devenue une référence sur ces sujets, ce qui lui permet de mobiliser des financements compétitifs importants.

Dans l'ensemble, nous constatons cependant que le pilotage au cas par cas déployé par le ministère ne permet pas la régulation d'ensemble nécessaire au fonctionnement d'un service public de qualité sur l'ensemble du territoire.

Nous regrettons ensuite que les universités ne disposent pas des moyens opérationnels nécessaires au déploiement d'une vision stratégique - ce qui témoigne par ailleurs d'une autonomisation limitée au regard des objectifs fixés en 2007.

Cette difficulté se traduit d'abord par le sous-calibrage des fonctions support des établissements, alors que leur fonctionnement appelle des compétences de plus en plus spécialisées.

Elle se traduit ensuite par le pilotage hésitant du processus de dévolution du patrimoine immobilier, qui a obéré son attractivité et n'a pas permis sa généralisation. Le financement de ce dispositif a en effet été réévalué en cours d'application, de sorte que seuls ses premiers bénéficiaires ont aujourd'hui la garantie de disposer des moyens permettant d'assurer la

gestion du patrimoine transféré. Les montants en jeu sont considérables, puisque ces universités pionnières ont bénéficié d'une dotation totale de 546 millions d'euros sur 25 ans - contrairement à celles qui ont suivi, qui doivent s'appuyer sur les dotations de droit commun des contrats de plan État-région (CPER).

Mme Laurence Garnier. - Nous nous sommes ensuite plus spécifiquement intéressés aux conditions du pilotage financier des établissements, qui fonde à juste titre leur mécontentement.

L'absence de boussole du gouvernement se traduit en effet dans les errements de la subvention de leurs coûts fixes, qui nous est apparue à la fois illisible, inéquitable, imprévisible, court-termiste et sous-calibrée.

Il s'agit d'un enjeu majeur dans la mesure où les établissements restent très dépendants de leur subvention pour charges de service public, ou SCSP, qui représentait les trois quarts de leurs ressources en 2023. La progression des ressources propres a certes été importante au cours des quinze dernières années, notamment sous l'effet de la généralisation du financement par appels à projets. Néanmoins, leur dynamisme tend à s'essouffler, et leur caractère aléatoire ne garantit pas à ce jour la couverture des activités fondamentales de formation et de recherche, qui se déploient dans le temps long.

Or, pour répartir cette SCSP, la direction générale de l'enseignement supérieur, la Dgesip, travaille depuis 2016 sans modèle de répartition. Le processus d'allocation des moyens budgétaires se fait donc principalement sur la base d'équilibres historiques, et aboutit à de fortes disparités dans la subvention allouée à chaque établissement au regard de sa population étudiante. Cette situation nourrit un sentiment d'iniquité et d'opacité chez les établissements, que l'on ne peut que partager.

Le soutien budgétaire de l'État se traduit ensuite par son imprévisibilité dans la couverture des dépenses mises à la charge des établissements. Notre rapporteur budgétaire Stéphane Piednoir a mis en évidence, dans le cadre des trois dernières discussions sur le PLF, la non-compensation répétée par l'État de dépenses salariales décidées par lui, à laquelle s'ajoute le non- respect des « marches » de crédits prévues par la loi pour la programmation de la recherche (LPR). Ces arbitrages font peser la menace annuelle d'une augmentation exogène des dépenses des universités, ce qui déstabilise bien évidemment leurs budgets et les empêche de se projeter à l'échelle pluriannuelle.

L'État manque enfin de fiabilité dans le versement des dotations, créant en outre une incertitude financière à l'échelle infra-annuelle.

M. Pierre-Antoine Levi. Le pilotage financier des établissements se caractérise en deuxième lieu par l'absence de diagnostic partagé, entre les universités et l'État, sur la situation financière de ces dernières.

Cette divergence résulte en partie de la faible lisibilité de l'état des lieux disponible, et des insuffisances de la comptabilité des établissements, qui est ce jour peu fiable et non analytique.

Elle est surtout à mettre en lien avec la défiance marquée et réciproque qui s'est installée entre les acteurs du triptyque constitué par les établissements, la Dgesip et la direction du Budget du ministère de l'économie et des finances. Nous avons pu en prendre toute la mesure au cours de nos auditions, ainsi qu'au travers des réponses écrites de la Dgesip, formulées en des termes inhabituellement sévères. Nous avons ainsi été surpris de voir que le ministère n'hésitait pas à mettre en cause la « posture » de certains présidents d'université, qui selon lui se sentiraient « extérieurs à la sphère État ».

Nous considérons pour notre part, en suivant ici la Cour des comptes, que la situation financière des universités est indubitablement préoccupante. Si les situations individuelles des établissements sont évidemment très diverses, on note cependant une nette dynamique de dégradation depuis quatre ans : le résultat consolidé des établissements est devenu déficitaire en 2024, tandis que leur capacité d'investissement s'est réduite des deux tiers depuis 2021.

M. David Ros. - Dans ce contexte, les débats que nous avons en loi de finances se focalisent sur le montant très élevé de la trésorerie agrégée des établissements, qui constitue le seul indicateur positif de leur situation financière. Tandis que le gouvernement estime que ce montant, qu'il évalue à 5,7 milliards d'euros en 2023, permet aux universités d'absorber des mesures d'économies, celles-ci font valoir que l'essentiel de ce montant est fléché vers des dépenses programmées dans le cadre des contrats d'appel à projets, et doit donc être considéré comme indisponible.

Nous avons procédé en plusieurs étapes pour éclaircir ce débat très technique.

Nous avons tout d'abord constaté que la hausse de la trésorerie des universités résulte du cycle d'encaissement de leurs recettes, les dotations des appels à projets étant souvent versés en une ou deux fois pour des décaissements programmés sur plusieurs années. Ces quelque 6 milliards d'euros ne sont donc pas à mettre en lien avec un excès d'épargne, mais avec les modalités d'encaissement des financements sélectifs.

Nous estimons ensuite que la notion de trésorerie « fléchée » - dont, contrairement à ce qu'avance le gouvernement, aucune évaluation fiable n'est à ce jour disponible - ne constitue pas un outil de gestion pertinent. Nous ne contestons pas que les fonds issus des appels à projets soient affectés, sur le plan juridique, au financement d'activités programmées par contrat. Cela signifie que lorsque ces activités ont lieu, les établissements doivent pouvoir décaisser les montants nécessaires à leur financement. Cela ne signifie cependant pas, sur le plan comptable, qu'il soit impossible pour les

établissements de disposer de la trésorerie correspondante en attendant - sauf à remettre en cause le principe d'unité de caisse.

Sur la base de ce raisonnement, le gouvernement souhaite inciter les établissements à basculer vers une « gestion dynamique » de leur trésorerie, c'est-à-dire utiliser ces abondantes disponibilités pour financer certaines dépenses de fonctionnement ou d'investissement, ou absorber des mesures d'économie.

Nous estimons que les conditions de cette évolution ne sont pas réunies à ce jour. Elle impliquerait en effet une réduction des marges de sécurité financière des établissements, et donc une certaine confiance dans la garantie apportée par l'État en cas de besoin de décaissement urgent ; au regard des éléments que nous vous avons exposés, cela nous paraît hasardeux. Le caractère erratique et insuffisamment articulé de l'allocation budgétaire aujourd'hui assurée par l'État, conjugué aux insuffisances du pilotage assuré par les établissements, ferait selon nous courir le risque de compromettre gravement la soutenabilité financière des universités au profit d'un gain budgétaire de court terme.

Mme Laurence Garnier. - Sur la base de ces constats, nous avons formulé 12 recommandations déclinées en 5 axes - dont le dernier est présenté à titre exploratoire, et qui feront l'objet d'un vote distinct. Ces recommandations sont irriguées par l'objectif de recréer les conditions de la confiance entre les acteurs, qui constitue selon nous un préalable et un élément indispensables à l'amélioration du pilotage stratégique des universités.

Le premier axe vise à créer un cadre stratégique à trois niveaux : la loi, qui doit définir de manière claire et intelligible les missions et les objectifs assignés aux universités ; la concertation entre les acteurs, qui doivent se prononcer tous les cinq ans sur les grandes lignes de la politique universitaire ainsi que sur une programmation budgétaire pluriannuelle ; le contrat, en l'occurrence les Comp, qui doivent garantir l'articulation entre ces priorités et les orientations stratégiques de chaque établissement.

C'est l'objet de nos recommandations n° 1 et n° 2.

M. Pierre-Antoine Levi. - Le deuxième axe vise à améliorer la connaissance de l'université par les décideurs publics et les citoyens.

Nous souhaitons à ce titre renforcer l'information sur les caractéristiques du modèle universitaire, ainsi que sur l'investissement que réalise l'État pour sa jeunesse en prenant en charge l'essentiel du coût des formations à l'université ; c'est l'objet de notre recommandation n° 3.

Nous appelons également, par notre recommandation n° 4, à renforcer les passerelles entre l'administration d'État et le monde universitaire, afin de favoriser leur connaissance mutuelle.

M. David Ros. - Le troisième axe vise à garantir la transparence et la prévisibilité de l'allocation de leurs moyens budgétaires aux universités.

Cela suppose selon nous de rebâtir les paramètres d'allocation de la SCSP, en précisant les critères pris en compte, en affirmant le principe de la prise en charge par l'État des mesures salariales nationales, et en tenant compte des engagements de dépenses pris par les établissements dans le cadre des appels à projets avant de décider de toute mesure d'économie : ce sont les orientations de notre recommandation n° 5.

Notre recommandation n° 6 vise à ne plus accroître la part des financements sélectifs dans les budgets des établissements, afin d'aboutir à moyen terme à un renforcement de leurs ressources budgétaires.

Par notre recommandation n° 7, nous souhaitons enfin généraliser la dévolution du patrimoine immobilier pour les établissements volontaires, en faisant évoluer la dotation d'accompagnement pour garantir son attractivité et sa soutenabilité.

Mme Laurence Garnier. - Le quatrième axe vise à moderniser la fonction financière des établissements, ce qui passe selon nous par la généralisation de la comptabilité analytique (c'est notre recommandation n° 8) et la montée en compétence des services support (c'est notre recommandation n° 9).

Nous souhaitons également développer de nouvelles possibilités d'expérimentation financière, dans le but principal de financer les investissements nécessaires à la réhabilitation énergétique du bâti universitaire. Comme nous le proposons dans notre recommandation n° 11, cela peut passer par un élargissement du recours à l'emprunt, de manière très encadrée dans le contexte budgétaire, ainsi que par une expérimentation de la gestion dynamique de la trésorerie.

Nous souhaitons dans le même temps affirmer clairement, comme vient de vous l'exposer David Ros, que la mise en oeuvre généralisée de ce régime de gestion n'est pas à l'ordre du jour : tel est l'objet de notre recommandation n° 10.

M. Pierre-Antoine Levi. - L'axe n° 5, enfin, vise à ouvrir une réflexion nationale sur l'orientation étudiante et les tarifs universitaires.

Nous avons constaté tout au long de nos travaux que ces deux marqueurs très forts du modèle universitaire suscitaient des débats, en raison de certains effets négatifs pour les étudiants, les familles, les établissements et, à travers l'enjeu de finances publiques, l'ensemble des citoyens.

La manière de répondre aux questions soulevées n'a cependant fait l'objet d'un consensus ni entre les acteurs entendus, ni entre les rapporteurs. La concertation stratégique prévue par la première recommandation constituera dès lors le cadre idéal pour explorer ces sujets : c'est notre recommandation n° 12.

Permettez-moi quelques mots pour cadrer les échanges qui se déploieront à cette occasion - et sans doute dans notre salle de commission dans quelques instants.

Le débat sur la régulation de l'entrée dans le premier cycle universitaire doit viser à mettre fin à la régulation par l'échec qui existe aujourd'hui. Il devra inclure une réflexion sur la fonction du baccalauréat et l'organisation du continuum entre le lycée et le premier cycle universitaire. Nous soulignons en outre que la notion de sélection à l'université se distingue nécessairement du régime de la sélection par le concours : il s'agit avant tout d'éviter l'accueil d'étudiants dont la probabilité de réussite est très faible et n'est pas susceptible d'être augmentée par un dispositif d'accompagnement ;

Selon nous, la réflexion sur les tarifs n'est pas liée à un enjeu d'augmentation des ressources universitaires - qui ne pourrait être que limitée au regard de la modicité des tarifs actuels. Elle doit porter sur la pertinence de la prise en charge par le budget de l'État du coût de la formation des étudiants, indépendamment du niveau de ressources des familles.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux constats issus de cette mission très riche. Nous en avons tiré d'importantes leçons pour l'examen prochain de la loi de finances. Nos échanges avec les présidents d'université ont en outre permis d'approfondir les liens que nous avions commencé à tisser dans le cadre de nos travaux sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Nous avons enfin ouvert de nombreuses pistes de réflexion, qui pourront sans doute alimenter les travaux futurs de notre commission.

M. Yan Chantrel. - Je tiens à saluer le travail remarquable accompli par les rapporteurs. Ce rapport traduit clairement une réalité que nous connaissons tous : des universités fragilisées par l'absence de stratégie nationale, le manque de cohérence dans le pilotage et l'insuffisance des moyens. L'université fait face à des défis structurels avec des effectifs en hausse de 15 % en vingt ans, sans recrutements ni capacités d'accueil correspondants, tout en devant absorber des surcoûts et des mesures salariales non compensés par l'État. La notion de confiance figure au coeur des préoccupations.

Nous partageons les constats et recommandations du premier axe, concernant la nécessaire clarification des missions et l'instauration d'une conférence stratégique quinquennale. Nous approuvons également le deuxième axe, qui vise à améliorer l'image et la reconnaissance de l'université française. Cette prise de conscience nous réjouit particulièrement, à l'heure où l'on entend encore trop souvent, y compris au Parlement, des propos caricaturaux à l'encontre de nos universités. Nous soutenons les propositions visant à mieux valoriser l'investissement national consenti dans l'enseignement supérieur et à favoriser les passerelles entre la haute fonction publique et le monde universitaire. Nous apportons également notre soutien aux axes n° 3 et n° 4. En matière de financement, nous approuvons la

refondation d'un modèle de répartition plus clair et plus équitable, la prise en charge intégrale des mesures salariales par l'État, ainsi que le nécessaire rééquilibrage entre financement récurrent et appels à projets.

En revanche, nous nous opposerons fermement à l'axe n° 5, relatif à la sélection à l'entrée du premier cycle et au rehaussement des droits d'inscription. Il n'est pas question de transiger sur le principe d'égal accès à l'instruction, à la formation et à la culture, inscrit au coeur de notre bloc constitutionnel. L'université française doit demeurer ouverte à tous, sans barrière sociale déguisée. La quasi-gratuité des études ne constitue pas une anomalie, mais un choix républicain fondamental. Les effets délétères de la marchandisation du savoir, observés dans l'enseignement supérieur privé, doivent nous inciter à éviter cet écueil.

Nous rappelons en outre qu'une hausse des frais d'inscription n'apporterait qu'une recette marginale au regard des besoins réels des universités. C'est pourquoi, si l'axe n° 5 devait être adopté par la commission, nous serions contraints de nous opposer à l'ensemble des conclusions du rapport.

M. Stéphane Piednoir. - Je félicite les trois rapporteurs pour ce travail approfondi. Cette mission répond aux nombreux signaux d'alerte exprimés dans nos territoires. La situation budgétaire des universités se dégrade, avec des budgets désormais déficitaires de manière chronique, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années. Les trésoreries disponibles sont, pour la plupart, déjà fléchées vers des investissements engagés, limitant les marges de manoeuvre financière des établissements.

Les universités réclament de la clarté dans les règles qui s'appliquent à elles. Contrairement à celles des collectivités locales, leurs dotations budgétaires reposent sur un héritage historique dépourvu de cadre explicite. L'attribution de ces moyens est aléatoire et insuffisamment transparente ; cette situation est devenue intolérable. Les présidents d'université ne revendiquent pas un strict égalitarisme : ils demandent davantage de lisibilité dans la répartition de leurs ressources.

Face aux défis conjoints de la massification du nombre d'étudiants accueillis, de la rénovation énergétique de son patrimoine immobilier et de la modernisation des pratiques pédagogiques, notamment sous l'effet de l'intelligence artificielle, l'université connaît de profondes mutations, sans bénéficier d'une véritable impulsion nationale. Je soutiens pleinement la recommandation relative à la dévolution, pour les établissements qui le souhaitent, ainsi que la possibilité d'un recours encadré à l'emprunt, afin de répondre aux besoins d'investissement croissants.

La plus grande vigilance doit être maintenue sur le déploiement des contrats d'objectifs et de moyens. Il importe, parallèlement, de reconnaître aux universités un véritable droit d'initiative, notamment en matière de

différenciation des droits d'inscription - en menant également une réforme globale du système de bourses.

Cette mission invite à une réflexion plus large sur la place et le rôle de l'université publique dans notre société, ainsi que sur le renforcement de son efficience. Nous nous heurtons aux paradoxes de la non-sélection et de l'ouverture à tous les bacheliers, lesquels revendiquent un droit à la poursuite d'études sans considérer l'impérieuse nécessité de leur insertion professionnelle. Faire des études ne saurait constituer une fin en soi : elles doivent permettre d'acquérir un savoir et des compétences ouvrant sur une insertion réussie. Nous avons aujourd'hui des générations de diplômés de master confrontés au chômage ou au sous-emploi. La sélection s'opère finalement par l'échec, soit au cours du parcours universitaire, soit au moment de l'entrée sur le marché du travail.

Je ne peux passer sous silence certaines dérives observées sur quelques campus, notamment récemment à Paris 8, où des actions à caractère antisémite ont été rapportées. Je salue le travail mené par Pierre-Antoine Levi sur cette question.

Nous devons collectivement redonner à l'université publique une image positive et restaurer la confiance. L'enjeu consiste à faire correspondre les profils des étudiants aux formations proposées, plutôt que d'adapter les formations à la demande immédiate, afin de construire une université utile à tous et pleinement au service de la société.

M. Pierre Ouzoulias. - Je me réjouis qu'il soit enfin possible de poser cette question fondamentale : quel rôle l'enseignement supérieur doit-il jouer pour notre société et pour la France ? J'ai toujours regretté que le classement de Shanghai soit érigé en unique référence, occultant la véritable mission de l'université. Celle-ci constitue avant tout un service public, au service de l'aménagement du territoire et de la promotion des générations futures, au bénéfice de l'économie de la connaissance. Dans ce domaine, un constat s'impose : l'Europe souffre d'un sous-investissement chronique, et la France ne fait pas exception. Nous risquons aujourd'hui d'être dépassés, faute de moyens suffisants alloués à la recherche et à la formation.

Le taux d'insertion professionnelle des étudiants demeure élevé - environ 85 % - et progresse avec le niveau de diplôme. Néanmoins, la France manque cruellement de places dans les écoles d'ingénieurs : notre pays devrait en former deux fois plus pour répondre aux besoins économiques et technologiques. Par ailleurs, de nombreux bacheliers professionnels se dirigent vers l'université, faute de places disponibles dans les IUT, qui recrutent majoritairement des bacheliers généraux.

J'attire votre attention sur la complexité inhérente à la détermination des capacités d'accueil. Nous avons adopté lundi une loi prévoyant que, pour les formations en santé, ces capacités doivent être fixées en fonction des besoins médicaux des territoires. Pour d'autres formations universitaires, cela

me paraît plus ardu, alors que l'évolution du marché de l'emploi demeure largement imprévisible, en raison notamment des effets mal mesurés de l'intelligence artificielle. Face à la transformation rapide des métiers, je considère pour ma part qu'il convient de privilégier des formations généralistes, seules à même de préparer durablement les étudiants aux mutations à venir.

S'agissant enfin des droits d'inscription, je réaffirme mon attachement au principe d'universalité du service public : chacun doit contribuer à la même hauteur. La régulation tenant compte des ressources doit être opérée par l'impôt, et non par une différenciation des frais d'accès à l'enseignement supérieur.

M. Jean Hingray. - Les travaux de nos collègues rapporteurs mettent en évidence les tensions persistantes entre l'autonomie des universités et les contraintes liées à l'encadrement budgétaire. Le récent débat sur la loi de finances a illustré l'absence de diagnostic partagé sur les marges de manoeuvre réelles des établissements, avec une focalisation des discussions sur leur trésorerie et l'absence de compensation de certaines mesures salariales. Il est essentiel de clarifier les responsabilités de l'État dans le financement des missions fondamentales de l'enseignement supérieur, tout en instaurant un dialogue stratégique fondé sur la transparence et l'équité.

La recherche de ressources propres, si elle constitue une dynamique positive pour certains pôles d'excellence, ne doit pas fragiliser les universités qui assurent un maillage territorial indispensable et garantissent l'accès à une offre de formation de proximité. Le rapport formule des recommandations ambitieuses et ouvre un débat de fond, notamment à travers la recommandation n° 12.

Avec les membres du groupe centriste, nous exprimons notre soutien à l'ensemble des préconisations formulées dans ce rapport.

Mme Laure Darcos. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité et la richesse de leur travail. Nombre de collègues de mon groupe se montrent favorables à la recommandation relative à une hausse des frais d'inscription, naturellement corrélée aux ressources des familles, car plusieurs présidents d'université nous confient qu'il sera difficile de trouver une autre voie de financement pérenne. J'y souscris également, à condition qu'elle ne s'accompagne d'aucun désengagement financier de l'État.

S'agissant de la sélection, le terme me semble particulièrement inapproprié. Dans les universités de province, une telle logique risquerait de conduire à la fermeture de certaines filières. Beaucoup de jeunes choisissent leur université avant tout pour sa proximité géographique, et n'envisagent pas d'intégrer un établissement parisien.

Le véritable enjeu, à mon sens, réside dans l'orientation, sans doute insuffisamment abordée dans votre rapport. Une orientation plus effective dès la fin du collège permettrait d'orienter davantage d'élèves vers des IUT

professionnalisants et des filières concrètes. D'ailleurs, lorsque les universités remplissent pleinement leur mission, elles assurent elles-mêmes cette fonction d'orientation en première ou deuxième année.

Enfin, la baisse démographique annoncée dans les deux à trois prochaines années ne doit pas servir de prétexte à la fermeture de filières. Au contraire, elle pourrait offrir l'occasion d'améliorer les conditions d'étude et de réduire la surcharge des amphithéâtres. Je préfère ainsi parler de

« régulation » plutôt que de « sélection », et j'aurais souhaité que la question de l'orientation soit explicitement intégrée aux recommandations du rapport.

Mme Mathilde Ollivier. - Je vous remercie pour cette mission d'information, qui intervient à un moment charnière pour l'enseignement supérieur. Les universités traversent aujourd'hui une crise de confiance avec l'État, marquée par des tensions budgétaires récurrentes et un manque de visibilité stratégique. Ces constats, nombreux et préoccupants, nourriront utilement nos débats budgétaires dans les semaines à venir.

Malgré les discours réaffirmant la priorité donnée à la jeunesse, les moyens alloués par étudiant diminuent depuis une décennie. Les établissements se trouvent fragilisés par un désengagement structurel de l'État, une succession de réformes et une absence de lisibilité financière. À la fin de l'année 2024, cinquante-huit universités sur soixante-quinze ont adopté un budget déficitaire.

Nous adhérons pleinement aux quatre premiers axes du rapport, qui appellent à une clarification des missions, à l'instauration d'une stratégie quinquennale partagée, ainsi qu'à la revalorisation du rôle et de l'image de l'université dans le débat public. Nous saluons également la volonté de renforcer la transparence dans l'allocation des moyens, notamment concernant la SCSP, et de clarifier la gestion des trésoreries issues des appels à projets.

En revanche, le cinquième axe suscite de profondes réserves. L'augmentation des frais d'inscription et la mise en place d'une sélection à l'entrée du premier cycle constituent, à nos yeux, une ligne rouge. Ces orientations s'éloignent de la vocation républicaine de l'université française, fondée sur l'égalité d'accès au savoir.

Toute hausse des frais, même progressive, romprait avec le principe - déjà relatif - de quasi-gratuité et accentuerait les inégalités sociales. Alors que la précarité étudiante ne cesse de s'aggraver, il serait irresponsable d'alourdir encore la charge financière des familles. Certaines situations extrêmes, comme celle de jeunes femmes confrontées à du marchandage sexuel pour accéder à un logement, rappellent l'urgence de renforcer la protection et le soutien aux étudiants.

La restauration de la confiance entre l'État et les universités passe par un engagement renouvelé de la puissance publique, non par une privatisation rampante du financement. La revalorisation des bourses, longtemps

annoncée, demeure une priorité absolue. L'enseignement supérieur public doit être reconnu comme un investissement stratégique pour l'avenir du pays et le rayonnement de ses universités.

Pour ces raisons, nous voterons en faveur des quatre premiers axes du rapport, mais nous nous opposerons fermement au cinquième.

M. Bernard Fialaire. - Je tiens tout d'abord à féliciter les trois rapporteurs pour la qualité et la clarté de ce rapport. Nous avons en effet un besoin urgent d'éclaircissements sur la SCSP. Dans nos échanges avec les universités de nos territoires, nous observons des disparités considérables : par exemple, l'université de Lyon perçoit un tiers de moins par étudiant que celle de Toulouse. Cette situation crée des inégalités majeures entre établissements et souligne l'absence de critères d'attribution transparents, ce qui limite notre capacité à exercer pleinement notre mission de contrôle.

S'agissant de l'axe n° 5, la gratuité de l'enseignement supérieur a été instaurée par Édouard Herriot, qui fut mon prédécesseur en tant que sénateur du Rhône. Il n'est pas envisageable de revenir sur ce principe fondateur, ni d'introduire une sélection par l'argent, inefficace sur le plan budgétaire et profondément discriminante pour de nombreuses familles.

Il convient également de rappeler qu'un examen universitaire ne constitue pas un critère d'embauche. Certaines filières courtes, comme les IUT, se distinguent par leur efficacité et permettent, le cas échéant, des reprises d'études ultérieures. Nous devons préserver ces passerelles, essentielles à la mobilité et à la réussite des étudiants.

L'université n'a pas seulement pour vocation de délivrer des diplômes : elle transmet un savoir qui nourrit la réflexion, l'esprit critique et l'épanouissement de la jeunesse, richesse première de notre pays. C'est pourquoi je voterai en faveur des quatre premiers axes du rapport, mais je ne pourrai approuver le cinquième.

M. Max Brisson. - Je remercie nos collègues pour la qualité et l'exhaustivité de leur travail, qui ouvre une réflexion essentielle sur les relations entre l'État et les universités.

Depuis la loi LRU de 2007, l'autonomie demeure largement théorique, voire illusoire : les universités sont juridiquement autonomes, mais financièrement dépendantes, ce qui les empêche de bâtir une stratégie de long terme. Il est temps d'engager un second acte de la réforme de 2007 afin de leur garantir une autonomie financière réelle.

Le rapport formule des propositions pertinentes : repositionner l'État en stratège plutôt qu'en simple financeur, stabiliser le cadre budgétaire et diversifier les ressources. La recommandation n° 5 me semble décisive pour redonner des marges de manoeuvre aux établissements.

La refonte du système d'admission qui pourrait découler de la recommandation n° 12 apparaît également nécessaire. Parcoursup affecte

aujourd'hui des bacheliers vers des formations peu attractives, poussant les universités à multiplier des cursus sans débouchés pour préserver leurs financements. Nous avons créé un droit à la poursuite d'études, sans droit à l'emploi, trompant ainsi une partie de la jeunesse.

Une régulation plus claire de l'accès au premier cycle, accompagnée d'une harmonisation des droits d'inscription et d'une réforme des bourses, s'impose pour redonner sens à notre enseignement supérieur. Les commissaires du groupe Les Républicains voteront en faveur de l'ensemble des recommandations et du rapport.

Mme Karine Daniel. - Je partage les constats présentés dans ce rapport, mais je souhaite insister sur la situation des étudiants en licence sans débouchés ou interrompant leur parcours. Lorsqu'on évoque le coût de ces formations inachevées, il convient également de considérer le coût d'opportunité : où seraient ces étudiants s'ils n'étaient pas à l'université ? Dans des formations plus onéreuses pour la collectivité ? Ou au chômage, avec un coût social bien supérieur ? L'université demeure l'option la moins coûteuse et la plus inclusive pour la société.

Je rejoins l'analyse de Bernard Fialaire : ces étudiants apprennent malgré tout, se réorientent, préparent des concours ou rejoignent d'autres filières. Leur parcours, même interrompu, participe à la construction de leur avenir. Une lecture plus fine de ces trajectoires s'impose, au-delà des 500 millions d'euros évoqués.

S'agissant des frais d'inscription, je reste attachée au principe d'universalité de l'accès à l'enseignement supérieur. Une différenciation selon les revenus familiaux serait particulièrement problématique pour les étudiants en transition entre dépendance et autonomie. L'augmentation des droits d'inscription poserait en outre un risque majeur pour la mixité sociale : elle rapprocherait le coût de l'université publique de celui du privé, créant une rupture d'égalité.

Enfin, concernant la trésorerie des universités, les travaux que je mène pour le Conseil de surveillance des investissements d'avenir (CSIA) montrent que les établissements, contraints de multiplier les appels à projets, voient parallèlement leurs moyens de fonctionnement se réduire. On leur reproche ensuite de disposer d'une trésorerie fléchée pour justifier ce désengagement de l'État. Cette situation paradoxale appelle une analyse approfondie et des réponses structurelles.

M. Jacques Grosperrin. - Je vous remercie pour ce rapport à la fois précis et éclairant. Le dernier débat budgétaire a mis en lumière la fragilité financière croissante des universités. À titre d'exemple, l'Université de Franche-Comté a dû assumer plus de 9 millions d'euros de charges non compensées.

Deux questions se posent dès lors : alors que les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées pour pallier les insuffisances de la

SCSP, ne conviendrait-il pas de repenser en profondeur le mode de financement de l'enseignement supérieur ? Par ailleurs, concernant le rôle des rectorats, la rénovation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance permet-elle de mieux articuler priorités nationales et spécificités locales ?

Enfin, s'agissant de l'autonomie universitaire instaurée par la loi de 2007, le mode d'élection des présidents par leurs pairs nous interpelle. Valérie Pécresse avait, à l'époque, proposé un système de nomination par l'État ou d'élection par un comité indépendant. Si cette réforme avait abouti, nous aurions sans doute progressé plus rapidement sur la dévolution patrimoniale et la consolidation du modèle économique des universités. Il est temps, me semble-t-il, de dépasser les positions figées pour offrir à nos établissements les moyens de leur réussite.

Mme Annick Billon. - Je félicite les trois rapporteurs pour ce travail transpartisan, présentant un diagnostic lucide et des recommandations nécessaires. L'état des lieux qu'ils présentent est préoccupant. Leurs préconisations visent à renforcer la visibilité stratégique des universités, à leur assurer des financements pérennes, à consolider leur pilotage financier et à généraliser la comptabilité analytique -- ce qui devrait, à ce stade, constituer un socle de base pour tout établissement public d'enseignement supérieur. Il y a également urgence sur la réussite des étudiants.

Je souhaite insister sur l'axe n° 5, qui a suscité de nombreux échanges. À ceux qui s'opposent à une orientation plus sélective, j'aimerais poser une question simple : que propose-t-on aux 64 % d'étudiants qui n'obtiennent pas leur licence en trois ans ? Cette réalité témoigne d'une sélection déjà à l'oeuvre, mais par l'échec, avec un coût humain et financier considérable, tant pour les étudiants que pour les établissements.

L'approche préconisée par les rapporteurs ne relève pas d'une logique punitive, mais d'une recherche d'efficacité : mieux orienter, mieux accompagner, créer des passerelles entre les filières pour éviter que l'université ne devienne un lieu de désillusion. Une telle orientation sélective, fondée sur l'adéquation entre les profils et les parcours, constitue une condition indispensable à la réussite des étudiants. Déconnecter l'université du monde du travail reviendrait à l'affaiblir durablement.

M. Adel Ziane. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail et pour l'attention portée au terrain, notamment à travers les échanges menés avec les présidents d'université, qui attendaient depuis longtemps d'être entendus sur leurs préoccupations.

S'agissant de la trésorerie, je me félicite que ce rapport ait mis en lumière que les fonds détenus par les universités ne constituent pas une thésaurisation à long terme, mais bien des ressources affectées que l'on voudrait mobiliser pour compenser des déficits structurels. Les exemples de Lille ou de Paris 8 en témoignent clairement, révélant les difficultés

persistantes de l'État à honorer pleinement ses obligations financières envers les établissements.

Sur la question des frais d'inscription, je souhaite rappeler que l'université joue un rôle fondamental dans l'accompagnement des publics les plus fragiles, conformément à l'engagement républicain que nous portons en tant que sénatrices et sénateurs. Nous devons répondre à l'enjeu d'équité territoriale, particulièrement sensible dans certaines régions.

Enfin, de nombreux présidents d'université s'interrogent sur les critères appliqués par la tutelle dans la répartition des dotations. Pourquoi certains établissements bénéficient-ils de moyens plus conséquents sans justification claire ? En outre, le recours croissant aux appels à projets perturbe la trésorerie et la comptabilité analytique, fausse les trajectoires budgétaires pluriannuelles et donne une image déformée de la gestion des établissements. Il devient indispensable de restaurer transparence et cohérence dans la répartition des moyens.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je me réjouis de constater, à travers vos nombreuses interventions, l'intérêt marqué des sénateurs pour la question universitaire. Permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte relatifs à notre mission. Initialement centrée sur les relations financières entre l'État et les universités, notre démarche a dû être réorientée après le lancement, par la commission des finances, d'une mission parallèle sur le financement à la performance des établissements. Après concertation entre les présidents et rapporteurs des deux commissions, nous avons élargi notre périmètre aux relations stratégiques entre l'État et les universités, découvrant ainsi d'autres problématiques exprimées par de nombreux présidents d'université. Le rapport que nous présentons en restitue fidèlement la teneur. La marque de fabrique du Sénat repose sur la sincérité de ses travaux.

S'agissant de l'axe n° 5, nous avons volontairement adopté une approche mesurée. Le rapport ne formule pas de position normative, mais propose d'ouvrir une réflexion nationale sur l'orientation étudiante et sur les tarifs universitaires, sans remettre en cause le principe constitutionnel de l'égal accès à l'enseignement supérieur.

Enfin, je tiens à souligner la qualité du travail collectif mené, qui a permis d'aboutir à un rapport dense et exigeant avant l'ouverture des discussions budgétaires. Nos conclusions permettront d'enrichir nos débats sur le projet de loi de finances.

Mme Laurence Garnier. - S'agissant du vocabulaire employé

-- sélection, régulation, orientation --, l'enjeu central réside dans l'optimisation de l'adéquation entre les formations et les profils d'étudiants, dans leur intérêt premier, mais aussi dans celui des établissements et de la Nation. L'université a pour mission fondamentale de préparer la jeunesse à une économie de la connaissance tout en favorisant son insertion dans le monde du travail.

C'est pourquoi nous avons délibérément retenu, dans l'intitulé de l'axe n° 5, le terme d'« orientation » plutôt que celui de sélection, qui ne doit en aucun cas être perçu comme un mécanisme d'exclusion. Notre démarche s'inscrit dans une logique d'accompagnement vers la réussite. Il s'agit avant tout d'un enjeu d'orientation éclairée et d'égalité des chances.

Seuls 36 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans, 47 % en quatre ans, et près de la moitié échouent encore après cinq ans. De nombreux établissements, à l'image d'Aix-Marseille Université, ont mis en place des dispositifs adaptés pour accompagner les profils les plus fragiles : ce sont des initiatives qu'il convient de saluer. Néanmoins, ces résultats interrogent quant à la bonne utilisation des fonds publics : cinq années d'études à un coût annuel de 12 250 euros pour un échec final appellent à une réflexion sur l'efficacité du système.

Les présidents d'université accueillent trop souvent des étudiants dont ils savent dès l'origine que le profil ne correspond pas à la formation choisie. Il nous faut les écouter pour éviter de former des générations d'étudiants exposés à l'échec et à la désillusion.

Concernant les droits d'inscription, leur augmentation ne constituerait pas une réponse structurelle au sous-financement des universités, puisqu'ils ne représentent aujourd'hui que 2,7 % de leurs budgets. La réflexion pourrait en revanche porter sur une modulation selon les revenus, accompagnée d'une refonte du système de bourses, sans effet d'aubaine pour l'État. Rappelons que l'étudiant s'acquitte de 178 euros pour une formation dont le coût réel pour la collectivité atteint 12 250 euros par an.

La précarité étudiante et la question du logement demeurent des enjeux majeurs, aggravés par l'élargissement des possibilités offertes par Parcoursup, qui favorise la mobilité géographique, mais accentue les contraintes résidentielles. La dévolution du patrimoine immobilier universitaire pourrait constituer une piste prometteuse, permettant aux établissements propriétaires d'engager directement des programmes de construction de logements étudiants.

Enfin, les présidents d'université ont souligné leurs difficultés à recruter des profils spécialisés, notamment en gestion de projets et en ingénierie immobilière. L'état très dégradé du bâti universitaire, que nous avons pu constater à Paris 8, pèse à la fois sur les conditions d'étude et sur l'attractivité des établissements.

L'objectif fondamental de notre mission reste la restauration de l'excellence universitaire française. Aujourd'hui, l'université n'attire plus que 54 % des effectifs de l'enseignement supérieur, de plus en plus d'étudiants se tournant vers le privé. Les propositions formulées visent toutes à réaffirmer l'excellence académique et le rayonnement de l'université publique.

M. David Ros. - Je remercie mes collègues pour l'intérêt manifesté à travers leurs questions. L'université représente l'avenir de notre jeunesse et de notre pays.

Les axes n° 1 à n° 4, consacrés aux moyens et à la stratégie, constituent le coeur de notre mission. Pour les territoires, le maillage des formations universitaires constitue un enjeu majeur. Les CPER ont été structurants, mais les contraintes budgétaires exigent une vision stratégique claire de l'État, au-delà des Comp et de leurs 850 indicateurs. Une vision quinquennale associant tous les acteurs s'impose.

Concernant l'axe n° 5 et sa proposition n° 12, je constate que le temps consacré à ce point dans notre débat préfigure l'attention médiatique qu'il recevra. Mon groupe a demandé le retrait de cet axe. Je trouve regrettable de compromettre l'unanimité du vote pour une simple proposition d'ouverture de débat qui aurait pu figurer dans le rapport sans constituer une recommandation. Si cet axe n° 5 est maintenu, le groupe socialiste votera contre ce rapport, et je me retirerai par cohérence et solidarité politiques.

M. Pierre Ouzoulias. - L'axe n° 5 justifierait à lui seul une mission d'information spécifique. La question ne se limite pas aux bourses, mais concerne également le logement étudiant. Les universités demandent d'ailleurs à récupérer certaines compétences du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), ce qui constitue un enjeu majeur méritant un traitement approfondi.

Dans cette perspective, il serait plus cohérent et plus prudent de mettre cet axe en réserve afin d'en faire le cadre d'une future mission d'information dédiée, plus complète et mieux articulée. Au nom de mon groupe, je considère donc préférable que cet axe n° 5 soit retiré du rapport.

M. Laurent Lafon, président. - Les missions d'information sont arrêtées en bureau en début d'année ; il ne m'appartient donc pas d'anticiper les travaux à venir. Il me semble par ailleurs difficile, pour cette mission comme pour d'autres, de différer l'examen des points de divergence. Il convient au contraire de les assumer et de les acter clairement.

M. Max Brisson. - Nos rapporteurs envisagent avant tout d'ouvrir la réflexion sur ces questions, sans prétendre apporter de réponses définitives.

Mme Sylvie Robert. - L'axe n° 5 dépasse le périmètre initial de la mission d'information. Je propose de retenir les quatre premiers, et de mentionner en conclusion qu'une réflexion complémentaire pourra être engagée sur les sujets abordés dans l'axe n° 5.

Mme Mathilde Ollivier. - L'axe n° 5 formule plusieurs constats que nous ne partageons pas, notamment sur la sélectivité des formations et la gratuité des frais de scolarité. Ces sujets méritent une réflexion approfondie et autonome, qui ne saurait être traitée incidemment dans une mission

initialement consacrée aux relations entre l'État et les universités. Je rejoins pleinement les positions exprimées par Sylvie Robert et Pierre Ouzoulias.

M. Stéphane Piednoir. - Ouvrir un débat sur une éventuelle régulation de l'entrée dans le premier cycle universitaire relève pleinement des relations stratégiques entre l'État et les universités. Il apparaît légitime que ce sujet figure dans le rapport. L'axe n° 5 ne parle pas de sélection, mais bien d'une réflexion sur l'orientation et la régulation.

De même, la question d'un éventuel ajustement des droits d'inscription s'inscrit dans une réflexion plus large sur la réforme des bourses, explicitement mentionnée dans la recommandation n° 12. Écarter cet axe reviendrait à écarter ce chantier. Ces propositions n'ont pas valeur de décision, mais visent à ouvrir un débat, susceptible d'être approfondi dans un travail ultérieur.

Mme Annick Billon. - Je suis favorable au maintien de l'axe n° 5.

Il est procédé au vote.

Les recommandations n° 1 à n° 11 sont adoptées à l'unanimité. La recommandation n° 12 est adoptée à la majorité.

M. Laurent Lafon, président. - Deux options sont envisageables : soit les groupes ayant émis une position défavorable sur la recommandation n° 12 s'opposent à l'ensemble du rapport et, si j'ai bien compris ce qui a été exprimé, notre collègue David Ros se retire comme rapporteur, soit ils votent en faveur de son adoption, avec la mention explicite que l'axe n° 5 n'a pas recueilli l'approbation de l'ensemble des groupes, accompagnée le cas échéant d'une contribution du rapporteur qui porte cette position.

Mme Sylvie Robert. - Nous retenons la première option et annonçons notre retrait.

M. Laurent Lafon, président. - Entendu.

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