E. DES OBSTACLES PERSISTANTS
En dépit des indéniables progrès réalisés, des obstacles subsistent dans l'accompagnement scientifique des performances sportives.
1. Les contraintes administratives
· Une mise en oeuvre parfois difficile de la loi Jardé
La loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (loi « Jardé ») encadre « les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales » et vise à leur donner un cadre unique. Elle a pour objet de protéger les personnes concernées et de garantir l'éthique des recherches.
Trois types de recherches sont distingués selon le niveau de risque pour les personnes :
- les recherches interventionnelles avec risque (expérimentation de nouvelles molécules sur des personnes malades par exemple) ;
- les recherches interventionnelles « visant à évaluer les soins courants » ne comportant que des risques négligeables123(*) ;
- les recherches non interventionnelles ou observationnelles dans lesquelles les actes pratiqués et les produits utilisés le sont de manière habituelle (suivi statistique de cohortes de malades par exemple)124(*).
L'ensemble de ces recherches sont soumises à l'autorisation d'un comité de protection des personnes (CPP)125(*).
Certains scientifiques rencontrés dans le cadre de cette étude ont regretté l'hétérogénéité des pratiques et des décisions des comités de protection des personnes. Pour certains d'entre eux, ces comités dépasseraient leurs compétences en évaluant les projets de recherche avec d'autres critères que ceux prévus expressément par la loi, par exemple en expertisant la méthodologie utilisée dans le cadre du projet de recherche.
De la même façon, ils critiquent la composition des CPP qui, malgré le souci de diversité du législateur, rassemblent parfois uniquement des représentants de la recherche clinique parmi les professionnels de la recherche. Selon eux, cela nuit aux demandes d'autorisation de leurs projets de recherche du fait d'une méconnaissance des caractéristiques de la recherche en sciences du sport et de la recherche fondamentale non pathologique sur l'être humain.
La loi Jardé prévoit la désignation d'un promoteur du projet, condition préalable à l'examen du projet par un CPP. Or, plusieurs chercheurs ont regretté que certaines tutelles (notamment les universités) soient réticentes à assumer ce rôle, ce qui contribue à allonger la procédure.
À titre d'exemple, dans le cadre d'une thèse, le centre de recherche Bordeaux Population Health (Unité de recherche 1219) souhaitait lancer un projet de recherche destiné à évaluer objectivement l'intensité de la sollicitation physique en kinésithérapie libérale des personnes post-AVC en phase chronique. Ce projet de recherche nécessitait l'autorisation d'un CPP et, par conséquent, la nomination d'un promoteur. Or, le centre de recherche à l'origine du projet n'a pu compter ni sur l'université de Bordeaux (qui estimait ne pas disposer des moyens humains nécessaires pour accompagner le projet auprès du CPP) ni sur un CHU (qui exigeait une contrepartie financière) pour remplir le rôle de promoteur. C'est finalement l'association Handisport qui a assumé ce rôle afin que le projet puisse être lancé, mais la recherche d'un promoteur a retardé les travaux de recherche de plusieurs mois.
· Les difficultés rencontrées par les entreprises pour bénéficier de la prise en charge transitoire pour dispositif innovant
Le décret du 23 février 2021 introduit la possibilité d'une prise en charge transitoire de certains produits et prestations préalablement à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR).
La prise en charge transitoire est un dispositif de prise en charge des produits de santé susceptibles d'être innovants ayant une finalité thérapeutique ou de compensation du handicap et relevant du champ de la LPPR. Il permet leur remboursement pendant un an en attendant la prise en charge classique via la LPPR.
Trois prérequis ont été définis pour qu'un dispositif soit éligible à cette prise en charge transitoire :
- le dispositif médical doit disposer du marquage CE ;
- il ne doit pas être déjà pris en charge dans le cadre des prestations d'hospitalisation ;
- l'industriel a déposé ou s'engage à déposer une demande d'inscription de ce dispositif médical sur la LPPR dans un délai de 12 mois à compter de sa demande de prise en charge transitoire.
Lorsque ces conditions sont remplies, le processus d'évaluation des dossiers devant la CNEDiMTS126(*) (Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé) est accéléré : la CNEDiMTS doit évaluer les dossiers dans un délai de 60 jours après l'accusé de réception du dossier complet et rendre un avis sur les sept critères d'éligibilité définis par le décret du 23 février 2021127(*) permettant d'apprécier, pour chaque indication médicale couverte par le dispositif médical, le potentiel de la technologie :
- entrer dans la prise en charge d'une maladie grave ou rare ou compenser un handicap ;
- ne pas avoir de comparateur pertinent, autrement dit intervenir sur un besoin médical non ou mal couvert ;
- être susceptible d'apporter une amélioration significative de l'état de santé ou de la compensation du handicap du patient ;
- être susceptible d'être innovant, notamment parce qu'il présente un caractère de nouveauté autre qu'une simple évolution technique au regard des technologies de santé utilisées dans l'indication revendiquée ;
- être susceptible, au vu des résultats des études cliniques, de présenter une efficacité cliniquement pertinente et un effet important au regard desquels ses effets indésirables potentiels sont acceptables ;
- faire l'objet d'études en cours de nature à apporter, dans un délai de 12 mois à compter de la demande, des données suffisantes pour que la CNEDiMTS soit en mesure de rendre un avis relatif à la demande d'inscription à la LPPR ;
- ne pas être un dispositif médical numérique présentant une visée thérapeutique ou utilisé dans le cadre des activités de télésurveillance médicales.
La société Proteor, leader français de la conception et la fabrication d'orthèses et de prothèses, a développé la première prothèse au monde128(*) composée d'une pièce unique pour remplacer le genou, la cheville et le pied amputés et permettre de retrouver une marche fluide.
Dix ans de recherche et développement ont été nécessaires pour la mise au point de ce procédé permettant la coordination simultanée du mouvement de la cheville et du genou en prolongement de la hanche. Le lancement industriel de la prothèse a débuté en 2022 aux États-Unis.
En revanche, il a fallu attendre 2025 pour que l'assurance maladie française prenne en charge son remboursement129(*) alors même que la société Proteor avait déposé un dossier pour une prise en charge transitoire compte tenu du caractère innovant de cette prothèse.
Selon Nicolas Piponniau, responsable du développement de nouveaux produits chez Proteor : « À la suite du dépôt de notre dossier, nous avons été sollicités par les services de la direction de la sécurité sociale pour fournir des informations complémentaires, ce que nous avons fait. Malheureusement, nous n'avons plus eu de nouvelles de l'avancement de notre dossier malgré plusieurs tentatives de prise de contact via les services de la sécurité sociale ou via l'Agence de l'innovation en santé. En tant que fabricant, nous avons regretté ne pas pouvoir bénéficier de ce dispositif de prise en charge transitoire pour dispositif innovant. En effet, développer de telles solutions engendre des coûts de développement de plusieurs millions d'euros et une prise de risque en attendant le succès commercial. C'est dans ce cadre que le temps compte, notamment pour les PME et les ETI comme Proteor. La prise en charge transitoire nous aurait permis d'avancer le lancement en France entre neuf mois et un an. Ce temps d'attente a un impact direct sur notre pilotage R&D, nous incitant à temporiser les développements autour du produit et faisant donc peser un risque de retard technologique par rapport à nos concurrents. »
2. Les contraintes culturelles
Un nombre croissant de fédérations reconnaît le rôle de la science et des technologies dans l'amélioration des performances. Toutefois la sensibilisation des sportifs, des entraîneurs et des dirigeants à l'apport de la science et des technologies à l'amélioration des performances est très variable.
Les entraîneurs et les staffs techniques sont souvent issus de leur filière de pratique sportive et n'ont pas forcément de formation scientifique universitaire ou académique. Selon une enquête récente130(*), 55 % d'entre eux ont passé une licence, majoritairement Staps, mais seuls 0,7 % d'entre eux possèdent un doctorat. Par ailleurs, certains entraîneurs peuvent percevoir l'accompagnement scientifique à la performance comme une remise en cause de leur compétence et de leur autorité.
Du côté des scientifiques, une attitude « prescriptive » peut créer des tensions avec les entraîneurs et les sportifs qui ont une connaissance approfondie et pratique de leur sport au moins aussi valable que les connaissances théoriques des scientifiques. À cet égard, plusieurs d'entre eux ont souligné que leurs recherches conduisent souvent à valider a posteriori des méthodes d'entraînement ou des dispositifs utilisés de manière empirique par les entraîneurs et les sportifs et à leur donner une base scientifique.
Les scientifiques peuvent proposer des projets de recherche, mais ils doivent prendre en compte les besoins et les problématiques sportives formulés par l'encadrement sportif. Cela implique une phase d'observation et d'échanges pour comprendre les caractéristiques de la discipline sportive, les interactions entre le sportif, le matériel, l'environnement physique mais également les avancées scientifiques déjà réalisées au sein des fédérations qui n'ont pas forcément fait l'objet de publications. Bien que la performance sportive soit multifactorielle, les recherches scientifiques restent majoritairement mono-disciplinaires, sans vision holistique. L'interdisciplinarité et la multidisciplinarité doivent être encouragées afin de démultiplier l'impact concret de la recherche sur les performances sportives et proposer des publications inédites dans les grands journaux scientifiques.
Par ailleurs, les scientifiques et les sportifs ont des temporalités différentes, guidées par des objectifs distincts que sont les attendus académiques pour les premiers et les résultats sportifs pour les seconds. Le temps de la recherche est souvent relativement long au regard des besoins des sportifs et aboutit généralement dans le cadre d'une thèse de trois ans à une publication sur une problématique scientifique revue par les pairs. Au contraire, les sportifs ont des échéances plus courtes, rythmées par la planification des phases d'entraînement et de compétition. La collaboration avec les scientifiques doit apporter une plus-value adaptée aux différentes échéances temporelles du sportif et permettre la transformation des pratiques et l'optimisation des performances sans délai par rapport aux concurrents. Les staffs sont également peu enclins à diffuser les résultats qui contribuent à donner un avantage concurrentiel aux athlètes qu'ils suivent.
Pour les fédérations dont les disciplines sont représentées aux jeux Olympiques et Paralympiques, les projets de performance sont rythmés par les olympiades. L'intégration du projet de recherche dans le programme de performance de la fédération doit être privilégiée afin de faire correspondre la stratégie sportive fédérale avec des objectifs scientifiques formalisés.
Enfin, les sportifs ont un emploi du temps particulièrement chargé entre les entraînements, les stages et les compétitions, dont certains nécessitent de longs déplacements sur plusieurs continents. Ce nomadisme et cette disponibilité épisodique doivent être pris en considération par les scientifiques.
3. Les limites liées à la formation
· Des emplois du temps chargés qui compliquent la formation continue
Les emplois du temps des entraîneurs des sportifs de haut niveau sont très chargés, notamment en raison des multiples déplacements (120 jours par an pour au moins 56 % d'entre eux131(*)). Le temps à consacrer à l'actualisation des savoirs et à la formation, notamment dans leurs dimensions scientifiques et technologiques, doit donc être adapté à ces contraintes.
De nombreux acteurs impliqués dans des actions de formation et d'information des entraîneurs de haut niveau (Insep, réseau Grand Insep, École des cadres du sport) s'efforcent de prendre en compte ces contraintes. Ainsi, le pôle formation de l'Insep propose différents modules de formation professionnelle continue pour la montée en compétence des entraîneurs comme chef de projet ou analyste de la performance. Un master Staps EOPS « Accompagnement scientifique de la performance » a été développé en partenariat avec l'Université Paris Cité dans ce but. Enfin, dans une approche plus générale, diverses universités proposent des formations licence-master-doctorat et des diplômes universitaires dans le champ du sport adaptés aux spécificités des staffs sportifs.
· Des limites inhérentes à la fragilité du statut des référents scientifiques
L'établissement de liens durables entre les chercheurs et les staffs des équipes de France peut être compromis par le renouvellement des personnels encadrants au sein des fédérations à la fin de chaque olympiade. L'arrivée d'un nouveau directeur technique national (DTN) et de nouveaux entraîneurs exige souvent de reconstruire le lien de confiance qui avait été tissé avec l'équipe sortante.
Toutefois, la mise en place depuis 2017 de référents scientifiques dans chaque fédération et chaque établissement du réseau Grand Insep a vocation à structurer l'accompagnement et la recherche scientifiques, faciliter le dialogue entre les scientifiques et les sportifs et diffuser les résultats scientifiques auprès des personnels chargés de la performance et des entraîneurs.
Néanmoins, le rôle et la légitimité des référents scientifiques restent encore fragiles selon les fédérations. L'hétérogénéité des profils des référents scientifiques au sein des fédérations et des établissements du réseau Grand Insep ainsi que la multiplicité des fonctions qu'ils ont souvent à remplir en sus de leur métier de référent scientifique ne leur permettent pas d'exercer un suivi scientifique quotidien de manière satisfaisante.
Confrontés à des emplois du temps chargés, leur implication en tant que référent scientifique dépend largement de la manière dont ils peuvent imposer leur rôle et faire valoir l'utilité de la recherche dans l'amélioration des performances. Comme les autres, ils n'échappent pas au renouvellement des postes à la suite de chaque élection des instances fédérales et leur positionnement peut être fragilisé en cas de changement de stratégie des instances dirigeantes alors qu'ils devraient incarner une certaine stabilité en matière d'accompagnement scientifique de la performance.
La reconnaissance des métiers de responsables scientifiques, d'accompagnateurs et d'intervenants scientifiques et technologiques dans les fédérations et les établissements nationaux devrait donc être une priorité. Elle devrait s'accompagner d'une harmonisation des terminologies, d'un positionnement clair dans l'organigramme et de fiches métiers appropriées, par exemple à travers un rattachement à la direction technique nationale. En outre, le travail des référents scientifiques doit s'inscrire dans la durée pour être efficace. À l'instar du médecin fédéral qui accompagne les sportifs sur le long terme, le référent scientifique devrait bénéficier d'un statut faisant de lui un élément structurel dans l'accompagnement scientifique des athlètes à la performance.
Parallèlement, le métier de référent scientifique mériterait d'être mieux connu et valorisé dans les formations universitaires, notamment dans les masters EOPS. Il serait également pertinent de développer des dispositifs pour accueillir dans les fédérations et les établissements nationaux des chercheurs et enseignants-chercheurs à travers des mises à disposition par exemple sur la période d'une olympiade132(*).
Cette expérience doit être valorisée dans la carrière et l'évaluation de l'enseignant-chercheur auprès des différentes parties prenantes (DTN, chefs d'établissement, présidents d'université, responsables des organismes nationaux de recherche, directeurs de laboratoire, etc.).
4. Les limites financières et organisationnelles
L'accompagnement scientifique de la performance se heurte à des obstacles financiers et varie fortement en fonction de l'aisance financière des fédérations et des orientations prioritaires de la direction technique nationale.
Ainsi, la Fédération française de rugby attache depuis plusieurs décennies une importance particulière à l'accompagnement scientifique à la performance. Au fur et à mesure des avancées scientifiques et technologiques, elle a peu à peu étoffé son département d'accompagnement à la performance. Actuellement, onze personnes salariées ou prestataires intervenant auprès des équipes de France sont titulaires d'un doctorat de sciences et quatre sont actuellement doctorants. Par ailleurs, un chef de projet R&D est titulaire d'un diplôme d'ingénieur Ensta.
La Fédération française de football dispose depuis 2022 d'un centre de recherche à Clairefontaine au sein de la DTN. Cette cellule est dédiée à l'accompagnement et à la recherche avec un lien fort avec la formation. Elle a notamment permis d'intégrer dans les programmes de formation des savoirs issus des dernières avancées scientifiques et technologiques en matière d'entraînement et de gestion des athlètes et des entraîneurs.
La Fédération française de natation est très avancée en matière d'analyse vidéo et d'élaboration de données au service des entraîneurs.
En revanche, certaines « petites » fédérations comme celles du surf ou du hockey sur gazon ne disposent pas de structure d'accompagnement scientifique à la performance.
Disposer d'un budget consacré à l'accompagnement scientifique de la performance est une condition nécessaire, mais ce n'est pas une condition suffisante. Il importe que le président et le directeur technique national de la fédération soient convaincus de l'utilité du référent scientifique. Il arrive à l'inverse que certaines fédérations aux moyens limités attachent une importance particulière à l'accompagnement scientifique.
Avec 315 000 licenciés, la Fédération française d'athlétisme a créé en 2022 une cellule d'optimisation de la performance avec notamment un nutritionniste, une préparatrice mentale, un sport scientist et une data analyst.
La Fédération française de badminton compte 225 000 licenciés et a lancée une stratégie ambitieuse d'utilisation des données pour améliorer la performance de ses sportifs de haut niveau et repérer les nouveaux potentiels.
La satisfaction des besoins à court terme des athlètes et des entraîneurs peut se faire au détriment des référents scientifiques : entre le recrutement d'un préparateur physique ou d'un référent scientifique, le choix se fera la plupart du temps en faveur du premier.
Au-delà des moyens propres des fédérations, des incertitudes ont pesé pendant un an sur la poursuite du financement de la recherche pour le sport de haut niveau. Le PPR Sport de très haute performance a fortement accéléré la mise en place d'un écosystème autour de l'accompagnement scientifique de la haute performance.
Jusqu'à l'annonce faite le 4 juillet 2025133(*) par la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, aucun nouveau financement n'avait été décidé pour l'accompagnement scientifique des athlètes aux jeux Olympiques de Brisbane de 2032.
Les fédérations concernées par les Jeux de 2028 sont en train de définir leurs plans de performance afin de pouvoir intégrer un volet recherche et développement dans l'attente de plus de visibilité sur les financements134(*).
Faute de visibilité suffisante sur les futurs financements, les coopérations développées entre organismes de recherche et fédérations sont parfois remises en cause, les chercheurs étant contraints d'investir d'autres domaines de recherche pour obtenir des financements, ce qui pourrait entraîner des pertes de compétences dans les laboratoires. Pourtant, des solutions existent avant le lancement des nouveaux appels à projets du PPR pour la haute performance sportive et l'innovation. Ainsi, la prise en compte et l'inscription du sport dans les thématiques transversales des appels à projets génériques annuels de l'ANR permettraient de financer des projets de recherche en lien avec la performance sportive. Par ailleurs, les fédérations et établissements appartenant au réseau du Grand Insep135(*) pourraient être déclarées éligibles aux financements ANR au même titre que les entreprises et associations.
Il convient de noter que les fédérations concernées par les jeux Olympiques d'hiver de 2026 n'ont pas bénéficié du PPR Sport de très haute performance, voire ont été pénalisées à l'instar de la Fédération française de ski qui, faute de financement, a dû réduire sa cellule de recherche à une seule personne. Pourtant, l'organisation par la France des jeux Olympiques d'hiver de 2030 nécessiterait la définition dès à présent d'un plan ambitieux sur la dimension scientifique et technologique de l'accompagnement des disciplines sportives concernées.
Le réseau national des référents scientifiques sous l'égide de l'Insep a également vu ses effectifs et son budget réduits : alors qu'il était composé de trois équivalents temps plein en 2024, une seule personne est désormais chargée de son animation avec un budget réduit.
De nombreuses personnes auditionnées se sont interrogées sur l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Toutes ont reconnu que les Jeux avaient resserré les liens entre la recherche et le sport de haut niveau. Toutefois, des relations structurelles exigent un financement à long terme de cette coopération, à l'instar de ce qu'ont entrepris les Britanniques ou les Japonais qui ont profité de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques dans leur pays pour mettre en place une politique à long terme d'accompagnement scientifique du sport de haut niveau.
Les fédérations doivent être encouragées à mettre en place de façon durable des cellules recherche, en lien direct avec les acteurs de la performance, avec des personnels formés sur le plan scientifique capables de discuter avec les chercheurs. C'est à cette seule condition que pourra être assurée une politique d'accompagnement à la performance sur le long terme.
De même, la diffusion des résultats scientifiques auprès des staffs et des entraîneurs et leur prise en compte nécessitent une transformation des mentalités et des compétences spécifiques dans les fédérations, ce qui prend du temps et nécessite des moyens financiers. Les projets de performance des fédérations ont vocation à asseoir cette dynamique, mais non seulement les ressources de l'Agence nationale du sport ont été réduites136(*) depuis la fin des jeux Olympiques de Paris alors que de nouvelles olympiades s'annoncent, mais la légitimité de l'agence elle-même est contestée137(*). En cinq ans d'existence, elle a pourtant mis en place à travers son pôle haute performance des bases solides pour l'accompagnement scientifique du sport de très haute performance français.
* 123 Il s'agit par exemple de prélèvements de sang ou d'échantillons biologiques (biopsies cutanées, écouvillonnages, etc.), de la collecte de données physiologiques au moyen de capteurs ou d'imagerie, ou encore de stimulations externes mécaniques, électriques ou magnétiques.
* 124 Il s'agit par exemple du recueil de salive, d'urines, de sueur, du recueil de données par capteurs extracorporels non invasifs (EEG, ECG, pression artérielle), d'enregistrements vidéo, de photos, de questionnaires.
* 125 Organismes mis en place pour encadrer les recherches biomédicales par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
* 126 Le passage devant cette commission est indispensable puisque c'est elle qui formule un avis pour le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux.
* 127 Décret modifié par le d écret n° 2023-232 du 30 mars 2023 relatif à la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique et des activités de télésurveillance médicale par l'assurance maladie au titre de l'article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale.
* 128 Cf. infra III. B. 1.
* 129 La prothèse synsys coûte 86 000 euros.
* 130 F. Burlot, M. Delalandre, H. Joncheray, J. Demeslay, M. Julla-Marcy, A. Heiligenstein et F. Bignet, Les conditions de travail des entraîneurs des jeux Olympiques de Tokyo : des carrières au travail quotidien, Doctoral dissertation, Insep, 2002.
* 131 F. Burlot, M. Delalandre, H. Joncheray, J. Demeslay, M. Julla-Marcy et A. Heiligenstein, 2023. Article précité.
* 132 À cet égard, certaines fédérations et établissements nationaux ont un rôle précurseur. Ainsi, le nouveau référent scientifique de la Fédération française de voile est un chercheur de l'Ifremer détaché à 50 % de son temps. De même, le référent scientifique de la Fédération française de gymnastique est un enseignant-chercheur de l'université de Besançon détaché à 100 %. Le Creps de Toulouse bénéficie d'une mise à disposition à 50 % d'une enseignante-chercheuse qui est déchargée de ses enseignements pour mener des actions d'accompagnement avec les sportifs en complément de son activité de recherche.
* 133 Le vendredi 4 juillet 2025, la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, Marie Barsacq a annoncé le lancement d'un nouveau programme de recherche dédié à la haute performance sportive. Ce programme fera l'objet d'un investissement de 20 millions d'euros dans le cadre de France 2030, et des appels à projets sont prévus à l'horizon janvier 2026.
Ce programme sera structuré autour de huit axes prioritaires :
1. Biomécanique et sciences de l'entraînement : perfectionner les gestes techniques et s'adapter à des environnements extrêmes ;
2. Technologie sportive et équipements : optimiser le matériel et rechercher des gains marginaux (textiles, parasport) ;
3. Intelligence artificielle : traitement et exploitation des données massives ;
4. Préparation mentale et physiologie : prévention des blessures, gestion du stress ;
5. Santé globale de l'athlète : lutte contre le burn-out et accompagnement à la reconversion ;
6. Facteurs environnementaux et sociétaux : impacts du sommeil et des sollicitations médiatiques ;
7. Facteurs humains : prise en compte du genre, des sciences de l'apprentissage dans la performance ;
8. Approche intégrative : recours à l'IA prédictive pour la récupération et la prévention des blessures.
* 134 L'appel à projets qui résultera de ce nouveau programme prioritaire de recherche pour la haute performance sportive et l'innovation ne sera lancé qu'en janvier 2026, soit deux ans seulement avant les jeux Olympiques de Brisbane. L'accompagnement scientifique à la performance en France présentera donc un retard de 3 à 4 ans par rapport aux pays anglo-saxons. Quant aux Australiens, les soutiens supplémentaires aux programmes scientifiques au service des jeux Olympiques à Brisbane ont commencé en 2022, traduisant une vision à long terme ambitieuse et structurante sur 10 ans.
* 135 Les établissements du réseau Grand Insep concentrent sur les territoires de nombreuses interactions entre les différentes communautés scientifiques et sportives pour la haute performance. Certains Creps (Montpellier et son antenne à Font-Romeu, Toulouse, Poitiers, Bordeaux, Nantes, Vichy, etc.) emploient plusieurs responsable et accompagnateurs scientifiques titulaire d'un doctorat et menant avec les universités locales de nombreux projets de recherche. Il existe également des laboratoires communs comme à Poitiers ou à Vichy avec deux laboratoires de l'université de Clermont.
* 136 Le budget de l'Agence nationale du sport est passé de 461 millions d'euros en 2024 à 415,2 millions d'euros en 2025, même si, selon le manager général de la haute performance de l'Agence nationale du sport, cette réduction des crédits n'a pas eu d'impact pour le sport de haut niveau dont les crédits sont restés stables à 114 millions d'euros.
* 137 La commission d'enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État a rendu son rapport le 3 juillet 2025 dans lequel elle préconise la suppression de l'ANS.