IV. EN DÉPIT DES BÉNÉFICES RECONNUS DE L'ACTIVITÉ PHYSIQUE SUR LA SANTÉ HUMAINE, LA CONDITION PHYSIQUE DE LA POPULATION CONTINUE DE SE DÉGRADER. AU-DELÀ DES RECHERCHES DÉJÀ ENGAGÉES, UN EFFORT PARTICULIER DOIT ÊTRE MENÉ POUR IDENTIFIER LES OBSTACLES À L'ACTIVITÉ PHYSIQUE ET METTRE EN PLACE DES INTERVENTIONS EFFICACES ET DURABLES
A. LES IMPACTS DE L'INACTIVITÉ PHYSIQUE ET DE LA SÉDENTARITÉ
1. L'inactivité physique et la sédentarité : deux notions distinctes
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l'activité physique comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requiert une dépense d'énergie ». L'activité physique désigne tous les mouvements que l'on effectue au quotidien, dans le cadre des loisirs par exemple, sur le lieu de travail, lors des tâches ménagères ainsi que pour se déplacer. L'activité physique englobe le sport mais c'est une notion plus large : monter un escalier, tailler ses rosiers, passer l'aspirateur, promener son chien sont des formes variées d'activité physique.
L'OMS a fixé des niveaux recommandés d'activité physique pour la santé en fonction des classes d'âge.
Les enfants et les jeunes de 5 à 17 ans doivent réaliser au moins 60 minutes par jour d'activité physique d'intensité modérée à soutenue.
Les adultes doivent pratiquer au moins 150 minutes d'activité d'endurance d'intensité modérée ou au moins 75 minutes d'activité d'endurance d'intensité soutenue par semaine. Pour pouvoir en retirer des bénéfices supplémentaires sur le plan de la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité d'endurance d'intensité modérée de façon à atteindre 300 minutes par semaine, ou pratiquer 150 minutes par semaine d'activité d'endurance d'intensité soutenue.
Être physiquement inactif correspond à être en deçà des recommandations faites par l'OMS.
Cette notion est à distinguer de la sédentarité, qui correspond au temps cumulé assis ou allongé, pendant la période d'éveil, au cours duquel la dépense énergétique est égale ou proche de la dépense énergétique de repos.
Activité physique et sédentarité ne sont pas incompatibles. Il est possible d'être actif physiquement tout en ayant un mode de vie sédentaire.
Ainsi, une personne peut aller courir trois fois par semaine pendant trente minutes et respecter ainsi les recommandations de l'OMS en matière d'activité physique tout en ayant un comportement sédentaire en restant assise à son bureau toute la journée. Selon l'étude INCA 3170(*), 61 % des hommes et 43 % des femmes auraient un comportement actif et sédentaire.
Néanmoins, près d'un quart des hommes et 40 % des femmes cumulent un comportement inactif et sédentaire.
En France, seuls 11,5 % des hommes et 10,6 % des femmes ont un comportement actif et non sédentaire. Or, l'inactivité physique et la sédentarité ont des conséquences délétères sur la santé.
2. Les risques liés à l'inactivité physique et à la sédentarité
a) Les risques liés à l'inactivité physique
On estime que 5,3 millions de décès sont dus à l'inactivité physique, ce qui en fait le quatrième facteur de risque de mortalité à l'échelle mondiale, avant le tabac171(*). Une étude plus récente estime que 15,7 % de la mortalité prématurée172(*) pourrait être évitée si les personnes insuffisamment actives respectaient les recommandations de l'OMS (au moins 150 minutes d'activité physique d'intensité modérée par semaine).
Comparaison au niveau mondial de l'impact
respectif
du tabagisme et du manque d'activité physique
b) La capacité physique, un puissant paramètre du risque de mortalité
La capacité physique fait référence à notre capacité à réaliser des tâches physiques.
Il a été démontré173(*) que les taux de mortalité toutes causes confondues ajustés à l'âge diminuaient en fonction des quintiles d'aptitude physique, passant de 64 décès par an pour 10 000 personnes chez les hommes les moins aptes à 18,6 décès pour 10 000 personnes chez les hommes les plus aptes.
Les valeurs correspondantes pour les femmes étaient de 39,5 décès pour 10 000 personnes pour les femmes dont les capacités physiques sont les plus faibles à 8,5 pour 10 000 personnes pour les femmes dont les capacités physiques sont les plus élevées.
Taux de mortalité en fonction de la capacité physique
Notre capacité physique est largement déterminée par nos capacités aérobies, mesurées par la consommation maximale d'oxygène (VO2max). Celle-ci dépend de la capacité de notre système respiratoire à capter l'oxygène, puis de notre système cardio-circulatoire à le transporter jusqu'au muscle où le métabolisme énergétique va permettre au muscle de se contracter. La VO2max est donc le reflet de notre santé cardiovasculaire et métabolique. C'est la raison pour laquelle elle est considérée comme un puissant paramètre du risque de mortalité, indépendamment du genre, de l'âge, des facteurs de risque cardiovasculaire ou de l'existence de pathologies174(*). Un niveau de 15 à 18 mL/kg/min est considéré comme minimum pour préserver l'indépendance fonctionnelle des sujets175(*).
Notre capacité physique est également déterminée par notre force musculaire, mesurée à travers la force de préhension de la main. À l'instar de la capacité cardio-respiratoire, la force de préhension de la main est un indicateur important du risque de mortalité. Ainsi, une étude de 2019176(*) a montré qu'entre les sujets qui ont la force la plus élevée et ceux qui ont la force la moins élevée, la survie est augmentée de 40 %, et même de 80 % lorsque l'on compare la force de malades chroniques.
c) Les risques liés à la sédentarité
La sédentarité est un facteur de risque de mortalité précoce indépendamment du niveau d'activité physique. Le risque de mortalité augmente dès que l'on passe plus de 9 heures par jour assis comme le montre le schéma suivant et il existe une relation linéaire entre la sédentarité (mesurée par accéléromètre) et la mortalité globale, avec un risque de mortalité globale augmenté de 48 % lorsque la sédentarité s'élève à 10 heures par jour et un risque de mortalité multiplié par presque 3 lorsque la sédentarité atteint 12 heures par jour.
Source : Ekelund et al., « Dose-response associations between accelerometry measured physical activity and sedentary time and all cause mortality: systematic review and harmonized meta-analysis », British Medical Journal, 366, 2019
Une étude de 2023177(*) a évalué le risque relatif de différentes pathologies associées à la sédentarité, révélant des augmentations de risques allant de 13 % pour le diabète de type 2 à 30 % pour le cancer colorectal et la démence chez les adultes ayant un comportement sédentaire excessif par rapport à ceux dont le niveau de sédentarité est plus faible.
Une étude prospective suédoise178(*) publiée en 2018 a suivi 851 adultes dont 55 % étaient des femmes pendant 15 ans. Parmi ces adultes, 57 % suivaient les recommandations de 150 minutes par semaine d'activité physique d'intensité modérée à élevée. Le temps moyen passé assis mesuré par accéléromètre s'élevait à 8 heures 09 par jour. En classant les sujets en tertiles en fonction de leur sédentarité, il est apparu que par rapport aux sujets les moins sédentaires (6,5 heures par jour), les plus sédentaires (9,8 heures par jour) ont un risque de mortalité globale multiplié par 2,7, un risque de mortalité cardiovasculaire multiplié par 5,5 et un risque de mortalité par cancer multiplié par 4,3, et ce après ajustement pour tenir compte de l'activité physique.
La sédentarité est un facteur de risque majeur pour les maladies cardiovasculaires. Des études montrent que les personnes sédentaires ont un risque accru de développer des maladies chroniques telles que l'hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires et métaboliques. Selon une méta-analyse de 2020, les personnes qui passent plus de 8 heures par jour assis ont un risque de mortalité cardiovasculaire augmenté de 17 % par rapport à celles qui sont moins sédentaires.
La sédentarité est associée à un risque accru de plusieurs types de cancers. Diverses méta-analyses ont montré que la sédentarité augmente le risque de cancer du sein de 15,5 %179(*) et le risque de cancer colorectal de 24 %180(*).
d) Les enfants et les adolescents fortement concernés par les risques sanitaires liés à l'inactivité physique et la sédentarité
Depuis plusieurs années, l'Anses181(*) alerte les pouvoirs publics sur les risques sanitaires associés à la sédentarité et à l'inactivité physique des enfants et adolescents.
L'adolescence est une période charnière au cours de laquelle les habitudes acquises ont tendance à se pérenniser, voire à s'accentuer à l'âge adulte avec des effets associés sur la santé.
Selon l'expertise menée par l'Agence en 2020, parmi les jeunes de 11 à 17 ans :
- 66 % présentent un risque sanitaire préoccupant, caractérisé par le dépassement simultané des deux seuils sanitaires : plus de 2 heures de temps d'écran et moins de 60 minutes d'activité physique par jour182(*) ;
- 49 % présentent un risque sanitaire très élevé, caractérisé par des seuils plus sévères, soit plus de 4 h 30 de temps d'écran journalier ou moins de 20 minutes d'activité physique par jour. Parmi ceux-là, 17 % sont même particulièrement exposés, cumulant des niveaux très élevés de sédentarité (plus de 4 h 30 d'écran par jour) et d'inactivité physique (moins de 20 minutes par jour).
La sédentarité est associée à un risque accru de surpoids et d'obésité chez l'enfant183(*). Or, d'après la Haute Autorité de santé, la probabilité qu'un enfant obèse le reste à l'âge adulte varie selon les études de 20 à 50 % avant la puberté, et de 50 à 70 % après la puberté. Plus le rebond d'adiposité - c'est-à-dire le moment physiologique où, après une diminution de l'indice de masse corporelle (IMC) chez l'enfant, celui-ci recommence à augmenter - est précoce, plus le risque d'obésité à l'âge adulte est élevé.
Chez les adolescents, on note une altération de certains marqueurs de santé, dont l'adiposité, dès 3-4 heures par jour passées devant un écran pour des activités de loisir.
* 170 Étude publiée par l'Anses sur les consommations et les habitudes alimentaires de la population française.
* 171 Chi Pang Weng, Xifeng Wu, « Stressing harms of physical activity to promote exercise », The Lancet, vol. 380, July 21, 2012.
* 172 Garcia et al., « Non-occupational physical activity and risk of cardiovascular disease, cancer and mortality outcomes: a dose-response meta-analysis of large prospective studies », British Journal of Sports Medicine, 57, 979-989, 2023.
* 173 Blair et al., « Physical fitness and all-cause mortality. A prospective study of healthy men and women », JAMA, November 3, 1989.
* 174 Ross et al., « Importance of Assessing cardiorespiratory fitness in clinical practice: a case for fitness as a clinical vital sign: a scientific statement from the American Heart Association », Circulation, Volume 134, Number 24, 2016.
* 175 Frédéric Costes, « Effets physiologiques de l'activité physique », Revue du rhumatisme monographies, 88, 2021.
* 176 Jochem et al., « Association between muscular strength and mortality in clinical populations: a systematic review and meta-analysis », JAMDA, 20, 2019.
* 177 Chaput et al., « Economic Burden of excessive sedentary behaviour in Canada », Canadian journal of public health, 114 (2), April 2023.
* 178 Dohrn et al., « Accelerometer-measured sedentary time and physical activitvy. A 15 year follow-up of mortality in a Swedish population-based cohort », Journal of science and medicine in sport, 21 (7), 2018.
* 179 Lee et al., « Sedentary work and breast cancer risk: A systematic review and meta-analysis », Journal of Occupational Health, 63 (1), June 23, 2021.
* 180 D. Schmid, M. F. Leitzmann, « Television viewing and time spent sedentary in relation to cancer risk: a meta-analysis », Journal of the National Cancer Institute, 106 (7), 2014.
* 181 Avis de 2016 et de 2020 relatifs à l'évaluation des risques liés aux niveaux d'activité physique et de sédentarité des enfants et des adolescents.
* 182 Il convient d'insister sur le fait que les chiffres sont anciens et que les temps d'écran ont certainement augmenté.
* 183 Cabanas-Sanchez et al., « Associations of total sedentary time, screen time and non-screen sedentary time with adiposity and physical fitness in youth: the mediating effect of physical activity », Journal of Sports Sciences, 37 (8), 2018.



