D. LE RELATIF ÉCHEC DES POLITIQUES PUBLIQUES EN FAVEUR DE L'ACTIVITÉ PHYSIQUE ET DE LA LUTTE CONTRE LA SÉDENTARITÉ

1. 25 ans d'efforts pour rendre la population française plus active et moins sédentaire

Les bénéfices associés à l'activité physique sur la santé sont aujourd'hui largement démontrés tant en prévention primaire que dans le champ du soin, à tous les âges de la vie. Cependant, une trop faible proportion de la population française respecte les recommandations en matière d'activité physique et la sédentarité se généralise à toutes les classes d'âge. Au début des années 2000, une dynamique autour de la promotion de l'activité physique bénéfique pour la santé a émergé en France et de nombreuses politiques publiques se sont succédé depuis 25 ans pour essayer d'encourager l'adoption d'un mode de vie physiquement actif.

Dans le champ de la nutrition, le Programme national nutrition santé (PNNS) est le principal plan offrant un cadre général à la promotion de l'activité physique. Le PNNS 2001-2005 définissait neuf objectifs prioritaires en termes de santé publique. Le dernier d'entre eux visait à « augmenter l'activité physique quotidienne par une amélioration de 25 % du pourcentage des sujets faisant l'équivalent d'au moins 1/2 h de marche rapide par jour ». Il était également précisé que « la sédentarité étant un facteur de risque de maladies chroniques, [elle] doit être combattue chez l'enfant » sans que des mesures concrètes ou des objectifs chiffrés soient fixés.

Le PNNS 2006-2010 fixait comme objectif « une amélioration de 25 % du pourcentage des personnes, tous âges confondus, faisant l'équivalent d'au moins une demi-heure d'activité physique d'intensité modérée, au moins cinq fois par semaine (soit 75 % des hommes et 50 % des femmes) ».

Le PNNS 2011-2016 élargissait aux enfants ses recommandations en matière d'activité physique, tout en reconnaissant la difficulté de faire changer les mentalités : « Un grand nombre d'initiatives ont déjà été développées [...] Cependant, il est nécessaire de renforcer la politique de promotion et d'éducation à la santé. » Il fixait comme objectif d'augmenter la proportion d'adultes situés dans la classe d'activité physique élevée respectivement de 20 % et 25 % chez les hommes et les femmes, et d'augmenter la proportion d'adultes situés dans la classe d'activité physique moyenne de 20 % au moins. En ce qui concerne les enfants, l'objectif du PNNS 3 était d'inciter au moins 50 % des jeunes de 3 à 17 ans à avoir une activité physique d'intensité élevée trois fois par semaine pendant au moins une heure. Le temps passé devant les écrans constituait déjà une préoccupation dans le troisième PNNS, qui fixait comme objectif de le réduire de 10 % pour la tranche d'âge des 3 à 17 ans.

Parallèlement, le conseil des ministres du 10 octobre 2012 a décidé le lancement du premier Plan national de santé publique dédié à l'activité physique, à la nutrition et à l'alimentation. Décliné au niveau régional, il reposait sur quatre priorités : promouvoir et développer la pratique de l'activité physique et sportive ; généraliser et professionnaliser l'activité physique et sportive en Ehpad ; renforcer la prise en compte de la promotion de l'activité physique et sportive comme facteur de santé ; initier de nouveaux partenariats publics-privés.

Le quatrième PNNS (2019-2023), prolongé jusqu'en 2024, affichait la volonté que 80 % de la population adulte atteigne un niveau d'activité physique au moins modéré. Il souhaitait également réduire de 20 % le nombre d'adultes passant plus de trois heures par jour devant un écran en dehors de leur activité professionnelle.

Il a été complété par la Stratégie nationale sport santé (2019-2024) visant à améliorer l'état de santé de la population en favorisant l'activité physique et sportive de chacun, au quotidien, avec ou sans pathologie, à tous les moments de la vie. Cette stratégie, copilotée par le ministère chargé des sports et le ministère chargé de la santé, s'articulait autour de quatre axes : la promotion de la santé et du bien-être par l'activité physique et sportive ; le développement et le recours à l'activité physique adaptée à visée thérapeutique ; la protection de la santé des sportifs et le renforcement de la sécurité des pratiquants ; le renforcement et la diffusion des connaissances. C'est dans le cadre de cette stratégie que les maisons sport-santé ont été créées en 2019. Elles ont pour objectif d'accompagner les personnes souhaitant pratiquer une activité physique et sportive à des fins de santé, de bien-être ou thérapeutiques.

Le cinquième Programme national nutrition santé devrait être présenté à l'automne 2025. La deuxième Stratégie nationale sport santé 2025-2030 (SNSS 2) a été rendue publique le 5 septembre 2025. Elle fixe une feuille de route articulée autour de douze mesures pour lever les freins à la pratique sportive et accompagner chaque Français quels que soient son âge, son état de santé ou ses conditions de vie.

Les douze mesures de la Stratégie nationale Sport Santé 2025-2030
organisées en 5 objectifs

 Objectif 1 : mettre en place les conditions d'une pratique physique accessible à tous

Action 1 : instaurer le mois de l'activité physique et sportive

Action 2 : faciliter l'accès à une offre de sport-santé

Action 3 : faciliter l'accès aux équipements sportifs pour la pratique du sport-santé

Action 4 : renforcer les maisons sport-santé et les positionner comme pivot du sport-santé sur le territoire

 Objectif 2 : augmenter le niveau d'activité physique des jeunes à l'école et à l'université

Action 5 : poursuivre la généralisation des 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école élémentaire et en établissements sociaux et médico-sociaux

Action 6 : développer l'activité physique des collégiens et lycéen éloignés d'une pratique régulière

Action 7 : généraliser le déploiement d'initiatives sport-santé et de maisons sport-santé dans les établissements d'enseignement supérieur

 Objectif 3 : sensibiliser les acteurs et développer l'activité physique dans le monde professionnel

Action 8 : inciter les entreprises à proposer des dispositifs de promotion de l'activité physique et de lutte contre la sédentarité à leurs employés

Action 9 : renforcer la place de l'activité physique et sportive dans les trois versants de la fonction publique

 Objectif 4 : prévenir la perte d'autonomie des personnes avançant en âge par le sport-santé

Action 10 : faire de la pratique de l'activité physique une priorité du premier mandat de la conférence nationale de l'autonomie afin de prévenir la perte d'autonomie des personnes âgées

 Objectif 5 : développer le recours à l'activité physique adaptée à des fins thérapeutiques

Action 11 : prendre en charge l'activité physique adaptée pour le traitement des principales maladies chroniques

Action 12 : former les professionnels du sport-santé, effecteurs et prescripteurs, à l'activité physique à visée de santé pour faciliter l'orientation des patients

Dans le champ des maladies chroniques, plusieurs plans ont intégré la dimension activité physique, tels que le plan d'actions national Accidents vasculaires cérébraux 2010-2014, le plan Obésité 2010-2013, les différents plans Cancer lancés depuis 2003 ainsi que le plan d'action pour les maladies chroniques lancé en 2023.

L'activité physique joue également un rôle important dans tous les plans lancés dans le champ du vieillissement, qu'il s'agisse des plans nationaux successifs « Bien vieillir » lancés depuis 2003, du Plan national d'action de prévention de la perte d'autonomie de 2015 ou encore du plan « Vieillir en bonne santé » de 2020.

La place de l'activité physique dans les politiques de santé a été confirmée dans plusieurs lois.

La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a mis en avant l'importance de l'activité physique comme moyen de prévention des maladies et d'amélioration de la santé. Elle a fixé des objectifs en matière de réduction de la sédentarité et d'augmentation de la pratique régulière d'activité physique.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de la santé a intégré l'activité physique adaptée dans le parcours de soins des patients atteints d'affection de longue durée. Désormais, les médecins traitants peuvent prescrire une activité physique adaptée aux patients atteints d'affections de longue durée. Les professionnels de santé tels que les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et les psychomotriciens ainsi que les enseignants en activité physique adaptée sont autorisés à dispenser ces activités.

La loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a entendu favoriser l'accès à la pratique sportive pour tous les Français, quels que soient leur âge, leur condition physique ou leur lieu de vie. Pour y parvenir, plusieurs mesures ont été prévues, comme le développement des équipements sportifs de proximité, « une pratique quotidienne minimale d'activités physiques et sportives au sein des écoles primaires », en plus des programmes d'EPS et l'instauration d'un « pass'sport » de 50 euros par enfant pour financer une adhésion dans un club.

Cette loi a également introduit plusieurs évolutions pour renforcer le sport santé. Elle a étendu les possibilités de prescription médicale d'activité physique adaptée aux patients atteints de maladie chronique et aux personnes présentant des facteurs de risques ou en perte d'autonomie. Elle a également donné une légitimité aux maisons sport-santé en créant un chapitre les concernant dans le code de santé publique.

En 2024, il a été décidé que la promotion de l'activité physique et sportive (APS) serait une grande cause nationale. L'objectif était de mettre en avant le sport et de replacer l'activité physique au coeur de la vie des Français avec un mot d'ordre : « Bouger 30 minutes par jour ». Cette initiative a permis de favoriser l'activité physique chez les jeunes par la généralisation des 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école primaire et d'ajouter deux heures d'EPS par semaine au collège. En outre, le pass'sport peut désormais être utilisé pour l'inscription dans une structure de loisir sportif marchand (une salle de sport par exemple).

Par ailleurs, dans le cadre du deuxième plan « Génération 2024 », 300 millions d'euros ont été débloqués sur trois ans pour déployer les infrastructures sportives à proximité des établissements scolaires, des tests d'aptitudes physiques ont été mis en place dès la 6e pour évaluer l'évolution de la condition physique chez les jeunes, en particulier les capacités cardiovasculaires, et le nombre de places en classes de sport étude a été augmenté, pour passer de 10 000 à 25 000 d'ici 2026.

Enfin, à la rentrée 2025, une évaluation systématique des qualités physiques des élèves de 6e a été mise en place afin de positionner les performances des élèves par rapport à la moyenne de leur groupe d'âge et d'adapter les enseignements aux besoins identifiés.

2. De nombreux obstacles à la mise en place des politiques publiques de lutte contre la sédentarité

En dépit des mesures prises par les pouvoirs publics, la sédentarité a fortement progressé en France, notamment chez les enfants, et le niveau d'activité physique reste faible.

Les causes du relatif échec des politiques françaises en matière d'incitation à l'activité physique sont plurielles. Leur analyse dépasse largement l'objet du présent rapport qui se limite à présenter l'apport de la science dans la lutte contre l'inactivité physique et la sédentarité.

Le développement de l'inactivité physique et de la sédentarité est un phénomène mondial auquel un nombre croissant de pays est confronté et tous peinent à inverser cette tendance.

La France a lancé un certain nombre de dispositifs intéressants mais leur mise en place se heurte à des obstacles qui réduisent leur efficacité218(*).

L'activité physique est désormais considérée comme une thérapeutique non médicamenteuse et peut être prescrite par ordonnance depuis 2016. Néanmoins, ce dispositif serait peu utilisé car les séances d'activité physique adaptée ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie. Par ailleurs, la médecine en France reste essentiellement curative plutôt que préventive. Les thérapies non médicamenteuses pourtant validées scientifiquement ont du mal à s'imposer. La formation initiale et continue des professionnels médicaux et paramédicaux sur l'impact de l'activité physique sur la santé reste insuffisante. Or, seul un médecin convaincu et convaincant peut entraîner une meilleure adhésion et observance thérapeutique chez son patient.

La Haute Autorité de santé a élaboré des référentiels d'aide à la prescription de l'activité physique adaptée par pathologie ou état de santé, mais ils sont trop mal connus des médecins. L'activité physique adaptée pâtit d'un manque d'information sur les filières et sur les dispositifs de sport-santé sur ordonnance. Par ailleurs, les formations et le métier des enseignants en activité physique adaptée et des éducateurs sportifs formés susceptibles de prendre en charge les patients manquent de lisibilité et de crédibilité auprès des médecins.

Le choix du sport comme grande cause nationale pour 2024 a permis d'organiser 3 159 événements et projets toute l'année avec 98 partenaires. Selon un sondage réalisé par OpinionWay en novembre 2024, 90 % des Français disent que l'opération « Bouger 30 minutes chaque jour » est bonne pour la santé et la forme, et 73 % des Français ont entendu parler de cette opération, même s'ils ne sont que 43 % à savoir que le sport a été déclaré grande cause nationale pour 2024 et qu'aucune des personnes interrogées n'est capable de rattacher le programme « 30 minutes par jour » aux actions menées dans le cadre de la grande cause nationale de 2024.

Un rapport du Sénat219(*) de 2024 réalisé par Béatrice Gosselin et Laure Darcos s'est intéressé au dispositif de 30 minutes d'activité physique par jour mis en place à l'école primaire et a souligné « une mise en oeuvre parcellaire ». En effet, selon l'enquête DGESCO auprès des directeurs d'école parue en janvier 2024, « le taux de 91,5 % de ceux indiquant observer une mise en oeuvre des 30 minutes d'activité physique quotidienne ne représente que 55 % de l'ensemble des écoles. Par ailleurs, sur les écoles indiquant mettre en oeuvre cette mesure, 22 % indiquent qu'elle concerne moins de la moitié des classes de l'école. » Le rapport sénatorial s'interroge donc sur l'impact réel du dispositif en matière de lutte contre la sédentarité. Il souligne également un manque de temps, d'espace adapté et de formation pour l'application efficace de cette mesure. Ainsi, seule une école sur quatre indique avoir été accompagnée à l'occasion de la mise en oeuvre des 30 minutes d'activité physique quotidienne.

Comme le rappelle la mission flash de l'Assemblée nationale menée par Frédérique Meunier et Christophe Proença220(*), l'éducation physique et sportive est un apprentissage à part entière dont les objectifs excèdent largement la seule acquisition de compétences physiques ou motrices puisque les enfants apprennent également à coopérer, à s'exprimer en utilisant leur corps, à s'approprier des méthodes et des outils (chronométrage, tableaux de suivi, etc.), à partager des règles, des rôles et des responsabilités. Enfin, l'EPS doit apprendre aux élèves « à entretenir leur santé par une activité physique régulière », un objectif que l'on retrouve dans les programmes de l'ensemble des cycles.

Ces compétences, à la fois motrices, cognitives et psychosociales, sont absolument décisives pour pouvoir s'intégrer et évoluer en société de façon autonome et responsable, tout en préservant sa santé physique et mentale. Elles devraient donc être appréhendées comme des savoirs fondamentaux et l'EPS, comme une matière centrale.

Pourtant, la mission flash a estimé que c'était loin d'être le cas, en particulier dans le premier degré, alors que c'est précisément entre 6 et 11 ans que se joue en grande partie la capacité d'une personne à s'engager dans l'activité physique221(*) pour le reste de sa vie : ce que les spécialistes nomment « la littératie physique ». La mission flash a estimé que l'EPS reste trop négligée dans le premier degré, où elle constitue souvent une variable d'ajustement. Elle a calculé que si les programmes officiels prévoient trois heures hebdomadaires d'EPS obligatoire pendant toute l'école primaire, le temps moyen effectif consacré à cette matière n'est en réalité que d'une heure 45 minutes par semaine et que dans certaines écoles, les cours d'EPS ne sont pas du tout dispensés.

La mission flash a avancé plusieurs facteurs pour expliquer la relative marginalisation de l'EPS dans le premier degré : le niveau très variable d'appétence et de compétence des enseignants, qui restent mal formés à l'enseignement de l'EPS222(*), et le fait que les postes de conseillers pédagogiques en EPS ne sont pas tous pourvus, alors qu'ils constituent des ressources importantes pour les enseignants du premier degré.

La mission flash a également regretté que le volume hebdomadaire d'EPS fixé à quatre heures en 6e soit ensuite réduit à trois heures dans les classes de 5e, 4e et 3e, alors que c'est dans ces tranches d'âge que beaucoup d'adolescents délaissent la pratique sportive et augmentent leur sédentarité à travers l'usage du téléphone portable.

La difficile mise en oeuvre d'une culture de l'activité physique dépasse largement le cadre scolaire et touche l'ensemble de la société française, notamment le milieu professionnel.

Dans une interview donnée à France Assos santé223(*), Pierre Rondeau224(*), économiste et codirecteur de l'Observatoire du sport à la Fondation Jean-Jaurès, a fait remarquer que les bénéfices d'une activité sportive ou d'une activité physique régulière en termes de santé sont connus mais se heurtent à la représentation que se fait notre société du sport. Que ce soit à l'école, à l'université ou au travail, il n'est nulle part valorisé.

Ainsi, moins d'une entreprise sur cinq proposerait du sport à ses collaborateurs. Selon lui, le coût de la sédentarité s'élève à 17 milliards d'euros en prenant en compte l'absentéisme, les soins liés aux maladies, la perte d'autonomie, les risques sociaux. Neuf milliards d'euros225(*) seraient nécessaires pour permettre à l'ensemble de la population française d'accéder à une activité physique ou sportive et prévenir les risques sanitaires évoqués précédemment. Pourtant, les décideurs politiques ne seraient pas prêts à réaliser cet investissement de neuf milliards alors même qu'il conduirait à une économie nette de huit milliards d'euros.

Le manque de reconnaissance dont souffrent le sport et l'activité physique en France a été souligné par plusieurs intervenants au cours des auditions menées dans le cadre de cette étude.

Audrey Bergouignan226(*) a ainsi fait remarquer que la France a une culture du sport moins développée que beaucoup d'autres pays, et ne peut pas être considérée comme une nation sportive. Elle a illustré ses propos en expliquant qu'en France, l'athlète est souvent perçu comme une personne qui a échoué dans ses études, alors que toutes les universités américaines considèrent le sport comme un élément clé de notoriété et de réputation et s'efforcent d'attirer les étudiants ayant les meilleures performances sportives.

Vincent Nougier227(*) a également constaté que si la France est attachée à ses sportifs de haut niveau (SHN) en termes de communication, de résultats sportifs et de grands champions, elle n'a pas pour autant une culture de l'activité physique pratiquée quotidiennement par la population.

3. Un héritage des Jeux de 2024 trop limité

À l'occasion de l'accueil des grands événements sportifs, il est souvent fait état de « l'effet de démonstration » qu'ils peuvent susciter pour les populations hôtes qui se sentiraient inspirées par les réussites et exploits sportifs au point de s'engager elles-mêmes dans des pratiques physiques.

Les organisateurs des jeux Olympiques de Paris 2024 ont souligné l'occasion unique que ces Jeux devaient représenter pour construire une « Nation sportive »228(*). De nombreux équipements sportifs construits pour les Jeux ont été légués aux habitants des territoires d'accueil comme le rappelle le député Benjamin Dirx dans son rapport d'information229(*).

Extrait du rapport d'information de l'Assemblée nationale sur l'impact budgétaire et l'héritage des Jeux

La plupart des infrastructures sportives construites ou rénovées pour les JOP sont destinées à être léguées aux habitants des territoires d'accueil. Ainsi, depuis le 1er novembre 2024, date à laquelle le COJOP a remis les clés des ouvrages olympiques, la Solideo a entamé sa phase d'héritage, centrée sur la reconversion des équipements sportifs utilisés lors des Jeux. Plusieurs de ces équipements ont déjà été livrés, parmi lesquels :

- la marina du Roucas Blanc à Marseille, inaugurée en janvier 2025 ;

- le pôle d'activité multisport (Prisme) à Bobigny, inauguré le 1er février 2025 ;

- le complexe sportif Pablo Neruda, ouvert depuis le 9 avril 2025 à Saint-Ouen ;

- les pistes de vélo tout terrain (VTT) de la colline d'Élancourt, ouvertes le 17 mai 2025 ;

- le Centre aquatique olympique à Saint-Denis, accessible au grand public depuis le 2 juin 2025 ;

- la piscine de la ville de Colombes, qui a ouvert le 28 juin 2025.

D'autres équipements sportifs sont en cours de reconversion avant leur ouverture au public, tels que :

- le parc des sports du Bourget ;

- la réimplantation des 18 bassins de natation temporaires du Centre aquatique olympique et de Paris La Défense Aréna dans le département de la Seine-Saint-Denis, avec des travaux prévus tout au long de l'année 2025 ;

- la réutilisation des installations de sports urbains, notamment le skatepark street à La Courneuve et la zone de warm-up à Noisy-le-Sec, dont les travaux se poursuivent jusqu'à mi-2026.

Les équipements sportifs représentent un héritage direct des JOP pour les territoires d'accueil, contribuant à favoriser la pratique sportive de leurs habitants. Les opérations de reconversion menées par la Solideo visent à transformer ces infrastructures, initialement conçues pour des pratiques sportives de haut niveau, en équipements adaptés à tous les profils de licenciés et de pratiquants. Par exemple, sur la colline d'Élancourt, des pistes VTT moins techniques ont été aménagées afin de développer la pratique de loisir.

En Seine-Saint-Denis, département où la pratique de la natation reste encore peu répandue, le volet aquatique revêt une importance particulière, avec la construction de quatre nouvelles piscines et la rénovation de quatre autres. Associés au programme « 1, 2, 3 Nagez ! », ces équipements ont notamment permis aux enfants de Saint-Denis de rejoindre la moyenne nationale en ce qui concerne leur compétence en matière de natation. Une étude évaluant l'impact des Jeux sur les capacités en natation des enfants du département, sous l'égide du DIJOP, est prévue pour publication fin 2025.

Le « ruissellement » des événements sportifs sur la participation sportive de masse est très débattu, les effets identifiés par la littérature se révélant très inégaux au gré des circonstances et des contextes comme en témoigne un article scientifique récent230(*) qui a recensé les études sur cette question.

Les effets limités des grands événements sportifs sur la pratique sportive amateur
(extrait de l'article d'Hugo Bourbillères et Mathieu Djaballah sur les impacts des grands événements sportifs internationaux)

Les études qui se sont penchées sur la question identifient généralement des augmentations temporaires et assez localisées. Par exemple, Perks (2015) montre que les jeux Olympiques de 2010 à Vancouver n'ont eu presque aucun impact sur les niveaux de participation sportive au plan national, mais la région de Vancouver a connu une hausse modeste et assez ponctuelle immédiatement après l'événement. La Coupe du monde de rugby 2007 a engendré une augmentation des effectifs dans les clubs, notamment dans les régions où il est traditionnellement peu pratiqué (Barget et Gouguet, 2010). Lors du départ du Tour de France 2015 aux Pays-Bas, 24 % des spectateurs déclaraient que le fait d'assister à l'événement les incitait à devenir plus actifs (Van Bottenburg et al., 2016), mais il ne s'agissait que de données déclaratives. Une autre étude montre que les Jeux du Commonwealth à Glasgow en 2014 ont eu une certaine influence sur la participation sportive, mais principalement sur les populations préalablement engagées dans des activités physiques (Cleland et al., 2019).

Au-delà de ces quelques cas plutôt positifs, il existe bien plus d'exemples de l'absence d'effet d'encouragement. Feng et Hong (2013) n'ont par exemple trouvé aucune relation entre la participation sportive dans les villes en Chine et les Jeux de 2008 à Pékin. Il est par ailleurs intéressant d'analyser les jeux Olympiques de 2012 à Londres. En effet, aucune édition antérieure n'avait fait de l'héritage en termes d'augmentation des pratiques sportives un objectif aussi proactivement poursuivi (Weed, 2014 ; Manzenreiter, 2014). L'expression “inspirer une génération” résumait cette ambition, qui visait à faire en sorte qu'un million de personnes supplémentaires pratiquent un sport d'ici la fin des Jeux. L'un des enjeux majeurs était de répondre à la problématique de l'obésité au Royaume-Uni. Les résultats, cependant, ne sont pas très positifs. Selon l'enquête Active People de Sport England, la participation sportive nationale (au moins une fois par semaine) a légèrement augmenté (de 34,6 % à 36,9 %) pendant la période précédant les Jeux (2005-2012), mais elle a diminué dès l'année suivant l'événement.

Il est donc difficile de valider l'existence d'un effet incitatif des grands événements sportifs sur les pratiques physiques de masse. Cet effet est, au mieux, modeste et vaut essentiellement pour les personnes déjà actives (Frawley, 2013). Déclencher une hausse de la participation sportive des personnes sédentaires (séniors, personnes en difficultés sociales) reste une véritable gageure. Pour ce faire, il semble falloir ne pas se contenter d'effets spontanés, mais mettre en oeuvre des politiques volontaristes au sein du territoire d'accueil, permettant notamment de réduire l'inégalité d'accès aux pratiques. Il faut donc non seulement agir sur les comportements individuels, mais également sur l'offre de pratiques physiques à tous les niveaux (Girginov et Hills, 2009).

Un rapport de l'Injep231(*), publié en janvier 2025 révèle que le nombre de licences annuelles délivrées par quarante-cinq des principales fédérations sportives a augmenté d'environ 5 % à la rentrée 2024-2025. Il s'agit d'une hausse modérée, qui touche peu les fédérations sportives ayant le plus de licenciés (football, tennis, équitation, basket-ball et rugby), généralement peu sensibles à l'impact des jeux Olympiques. Toutefois, les jeux Olympiques de Paris ont permis de mettre en lumière de nombreux sports moins reconnus. En ce sens, certaines fédérations enregistrent une hausse notable de leurs licenciés, comme le tennis de table (+ 23 %), le badminton (+ 19 %), l'escrime (+ 19 %), le tir à l'arc (+ 15 %) ou encore le taekwondo (+ 13 %).

Comme le souligne le rapport, l'enjeu pour ces fédérations est de parvenir à faire perdurer cet engouement et à conserver leurs licenciés. La Fédération française handisport se révèle également être grande gagnante des jeux, avec une hausse de 21 % de ses licenciés. Cette hausse soudaine est probablement due au rayonnement de ces sports grâce aux médaillés français et à la mise en lumière de nouvelles célébrités inspirantes dans ces disciplines.


* 218 Dominique Delandre, rapport de la mission interministérielle sport-santé. Travaux conduits de novembre 2022 à 2023. Remis le 7 avril 2025.

* 219 Sénat, Redonner du souffle aux « 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école » pour améliorer la santé des élèves, rapport d'information n° 774 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 ; https://www.senat.fr/rap/r23-774/r23-774.html

* 220 Assemblée nationale, mission flash sur l'activité physique et sportive et la prévention de l'obésité en milieu scolaire, 19 mars 2025 ;

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/documents/sportsco/l17n27177607_document.pdf

* 221 Cette capacité correspond à la littératie physique, définie par la motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension qu'une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l'activité physique pour toute sa vie.

* 222 L'EPS est l'une des matières de la formation initiale des futurs professeurs des écoles, mais sa place a reculé depuis les années 2000. Dans les maquettes de Master MEEF (Métiers de l'Enseignement, de l'Éducation et de la Formation), les horaires dédiés à l'EPS sont réduits, passant en quelques années de 100 heures à 50 heures, parfois même à 24 heures dans certains instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) (Créteil, Clermont, Lille).

* 223  https://www.france-assos-sante.org/2025/03/24/en-termes-de-sante-publique-il-faut-mener-une-politique-de-valorisation-du-sport/

* 224 Coauteur avec Louise Le Borgne du livre Les Français et le sport. Bâtir une nation sportive, le défi français (Le Cherche-Midi, 2024).

* 225 Les investissements viseraient notamment la prise en charge de la prescription d'activité physique adaptée, la rénovation des infrastructures et le recrutement d'enseignants d'EPS.

* 226 Directrice de recherche CNRS, responsable du groupement de recherche Sports et activités physiques, audition du 24 octobre 2024.

* 227 Professeur à l'UFR Staps de l'université Grenoble Alpes, audition du 7 novembre 2024.

* 228 Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, Des jeux responsables et utiles. Pour un héritage durable, août 2024.

* 229 Rapport d'information déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur l'impact budgétaire et l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (M. Benjamin Dirx), n° 1667.

* 230 Hugo Bourbillères, Mathieu Djaballah, « Impacts des grands événements sportifs internationaux : points de repères et controverses », Management & organisations du sport, 6, 2024.

* 231 Injep, Les licences sportives annuelles au sortir des Jeux de Paris 2024, janvier 2025.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page