C. LE POIDS DE LA SCIENCE ET DES TECHNOLOGIES DANS LA PRÉPARATION DES ATHLÈTES

1. L'apport de la science à la préparation des athlètes

La préparation des athlètes est indispensable pour améliorer leurs performances, réduire les risques de blessure et maintenir leur niveau dans la durée. Elle s'appuie sur des connaissances en biomécanique et en physiologie de la motricité.

La biomécanique fournit les principes scientifiques pour comprendre comment les mouvements sont générés et optimisés. Elle s'intéresse à l'étude des mouvements (cinématique), aux forces internes et externes qui agissent sur le corps, au travail mécanique effectué par les muscles et la puissance générée, etc.

La physiologie de l'exercice étudie les adaptations de l'organisme humain à l'effort physique et s'intéresse particulièrement au système cardiovasculaire, au système respiratoire, au système musculaire ou encore au métabolisme énergétique.

La motricité et les neurosciences sont étroitement liées, car le mouvement est contrôlé par le système nerveux central, qui comprend le cerveau et la moelle épinière. À travers des recherches sur le contrôle moteur, la plasticité cérébrale, la proprioception ou encore l'apprentissage moteur, les neurosciences contribuent à appréhender la complexité de la motricité. Elles jouent un rôle croissant dans l'optimisation de la performance à travers l'entraînement cognitif ou encore la gestion du stress.

D'autres sciences jouent un rôle important dans la préparation des sportifs comme la psychologie qui constitue le fondement scientifique de la préparation mentale, mais également la sociologie, qui permet de mieux comprendre les facteurs sociaux et culturels de la performance.

Les sciences jouent donc un rôle clé dans tous les aspects de la préparation des athlètes : physique, psychologique, technique et tactique.

2. Une préparation physique qui ne laisse rien au hasard
a) La construction scientifique des entraînements

· La caractérisation de la discipline

La préparation physique des athlètes dépend de la discipline sportive, chaque sport ayant des exigences physiques spécifiques. Par exemple, un marathonien aura besoin d'une grande endurance cardiovasculaire et musculaire, tandis qu'un haltérophile devra développer une force maximale. La préparation physique doit donc s'appuyer au préalable sur une caractérisation fine de la discipline et une évaluation des qualités requises pour exceller dans le sport concerné.

Une même discipline peut exiger des compétences différentes selon les positions. Au rugby, des études GPS et d'analyse de mouvement ont mesuré le temps moyen passé dans les différentes allures26(*) selon les positions. Il a été constaté que les ailiers et arrières passaient presque 2,5 fois plus de temps dans la catégorie « course d'intensité élevée » que les piliers et 2e ligne, alors que les piliers, 2e et 3e lignes passaient 7 fois plus de temps que les arrières dans la catégorie « efforts statiques ». Ces chiffres mettent en exergue des exigences très différentes, qui doivent être prises en compte lors de l'élaboration d'un entraînement.

· L'analyse des capacités physiques de l'athlète

Afin de proposer un entraînement adapté aux besoins de l'athlète, il est indispensable d'évaluer au préalable ses capacités physiques telles que l'endurance, la vitesse, la force et la puissance.

Plusieurs biomarqueurs permettent d'obtenir des informations sur les caractéristiques physiques et physiologiques de l'athlète :

l'activité musculaire qui permet notamment d'identifier les muscles les plus actifs pendant un mouvement spécifique ;

la consommation d'oxygène maximale (VO2max) qui reflète la capacité maximale de transport et d'utilisation d'oxygène et permet de déduire leur capacité d'endurance ;

les paramètres cinématiques qui décrivent les positions du corps osseux et permettent de mesurer la vitesse, les accélérations et les décélérations ainsi que la distance parcourue ;

les paramètres cinétiques qui portent sur les forces impliquées dans le mouvement.

Plusieurs technologies ont été développées pour mesurer les biomarqueurs du mouvement humain.

Les ergomètres mesurent avec précision les différentes grandeurs physiques liées à l'exercice d'une activité physique, par exemple la puissance développée (mesurée en watts) et le travail fourni (mesuré en joules ou en calories). Il existe différents types d'ergomètres, adaptés à diverses activités : l'ergocyle (vélo-ergomètre) pour le cyclisme, l'ergomètre rameur pour mesurer l'effort fourni lors de la pratique de l'aviron, le tapis-ergomètre pour la marche et la course ; l'ergomètre à bras pour les exercices des membres supérieurs. Selon la nature de l'effort réalisé (durée, intensité, protocole), ces appareils permettent d'évaluer des capacités telles que l'endurance ou la force maximale. L'énergie dépensée est généralement estimée à partir de ces mesures ou mesurée séparément, à l'aide d'un calorimètre.

Les ergomètres sont souvent équipés d'instruments complémentaires pour mesurer d'autres grandeurs comme la fréquence cardiaque (à l'aide d'un cardiofréquencemètre), la consommation d'oxygène et la production de dioxyde de carbone (à l'aide d'un pneumotachomètre couplé à un capillaire de prélèvement des gaz expirés).

Les plateformes de force mesurent la force et la puissance générées par les athlètes lors de sauts, de sprints et d'autres mouvements explosifs. Elles permettent également d'évaluer l'équilibre et la stabilité des athlètes, ce qui est crucial dans de nombreux sports.

Les dispositifs GPS donnent de nombreuses indications sur les déplacements des joueurs (distance parcourue, vitesse, accélérations, changements de direction). Selon le dispositif utilisé, il est également possible d'enregistrer la fréquence cardiaque des athlètes grâce au cardiofréquencemètre qui peut y être inclus. Ils permettent de quantifier la charge de travail des joueurs (c'est-à-dire l'effort physique total ainsi que sa durée et son intensité). Ils ont l'avantage de pouvoir être utilisés en dehors des laboratoires dans des conditions qui reflètent la réalité de la pratique sportive.

· L'individualisation et le suivi de la préparation physique

La préparation physique se concentre essentiellement sur deux composantes : le travail musculaire et le travail cardiovasculaire. Elle vise à générer des adaptations physiologiques pour améliorer les performances des sportifs. Concomitamment, d'autres facteurs doivent être surveillés tels que la fatigue et le besoin de récupération pour éviter que l'entraînement soit contreproductif et limiter le risque de blessure.

Les programmes d'entraînement sont donc individualisés afin de tenir compte des caractéristiques, des besoins spécifiques et des objectifs de chaque sportif. Cela passe par une planification personnalisée qui prend en considération les forces et les faiblesses des individus mais également leur ressenti quotidien.

Ainsi, chaque matin, la plupart des sportifs de haut niveau remplissent un questionnaire sur leur quantité de sommeil et sa qualité, leur humeur, leur niveau de fatigue, la présence de courbatures, de blessures ou de douleurs chroniques. À partir de ces informations, le programme d'entraînement peut être ajusté pour s'assurer qu'il reste efficace et adapté aux besoins du sportif.

b) L'adaptation aux facteurs environnementaux

L'environnement externe peut avoir un impact non négligeable non seulement sur la performance, mais également sur la santé des sportifs. Ainsi, la chaleur peut provoquer une déshydratation, une augmentation de la température corporelle, un stress cardiovasculaire et une altération des fonctions cognitives. L'altitude va réduire l'oxygène disponible, altérer la performance aérobie et augmenter les fréquences respiratoire et cardiaque.

Afin de s'adapter à ces facteurs environnementaux, les sportifs vont s'entraîner dans des conditions de chaleur ou d'altitude simulées.

Les chambres à hypoxie offrent un environnement contrôlé dans lequel le niveau d'oxygène est réduit pour simuler des conditions d'altitude élevée. Les chambres climatiques permettent de contrôler la température et l'humidité pour stimuler des conditions de chaleur. Avec certaines chambres spécifiques, il est possible de moduler la température, l'humidité et le niveau d'oxygène.

La plateforme scientifique HIPE (Health Improvement Through Physical Exercise) de Marseille dispose d'une chambre environnementale dans laquelle la température, l'humidité, l'altitude, le rayonnement solaire, mais également les polluants et les allergènes peuvent être contrôlés pour placer les sportifs dans les conditions les plus représentatives de leur compétition.

L'acclimatation à la chaleur

Comme tous les mammifères, l'homme est un animal à sang chaud. Il doit maintenir une température centrale constante autour de 37 degrés pour que son organisme fonctionne de manière optimale. Au-delà de la production de chaleur métabolique, la principale source de chaleur produite par l'homme est liée à son activité musculaire. Lors d'un exercice physique, les muscles se contractent et 75 % de l'énergie est transformée en chaleur tandis que 25 % sert à se déplacer. Cette chaleur doit être évacuée pour éviter une augmentation de la température corporelle. Pour réguler sa température, l'homme utilise la transpiration. Des milliers de glandes sudoripares sont présentes au niveau de la surface cutanée. Le passage de l'eau de l'état liquide à l'état gazeux au niveau de la peau « arrache » de l'énergie et permet de stabiliser la température centrale de manière très efficace. Néanmoins, lorsque la température externe augmente, le corps doit augmenter la production de sueur pour favoriser la perte de chaleur par évaporation. En outre, l'efficacité de la transpiration varie selon le taux d'humidité ambiante dans la mesure où celle-ci limite considérablement la quantité de vapeur d'eau susceptible d'être évaporée par la peau : dans une ambiance chaude et sèche, l'évaporation sera beaucoup plus facile que dans une ambiance chaude et humide.

La température a des impacts contrastés sur la performance sportive27(*). Dans les épreuves de sprint (de 100 mètres à 400 mètres), courir à plus de 25 degrés a un impact positif sur la performance. Sur les épreuves de demi-fond (de 800 mètres à 10 000 mètres), on commence à observer un effet délétère, qui n'est pas important, mais qui peut aller jusqu'à une chute des performances de 1,5 % pour le 10 000 mètres. Sur le marathon et la marche, la chaleur entraîne des pertes de performance qui peuvent aller jusqu'à 3 %.

La recherche s'intéresse depuis longtemps à la manière la plus efficace de préparer les athlètes à la chaleur. Elle préconise d'augmenter l'entraînement en endurance car ce type d'entraînement permet, par l'élévation de la température corporelle qu'il produit à chaque séance, ainsi que par la sudation qu'il déclenche, de simuler une exposition à la chaleur. Chaque séance d'entraînement en endurance permet ainsi une acclimatation partielle à la chaleur.

Néanmoins, la meilleure préparation pour la pratique du sport en environnement chaud est l'acclimatation à la chaleur au moins une semaine avant (et idéalement entre deux et trois semaines avant) la compétition. L'objectif est de provoquer les adaptations physiologiques nécessaires en confrontant l'organisme aux températures et à l'humidité qu'il subira pendant l'épreuve. Le débit sudoral va gagner en efficacité en étant plus précoce et plus intense, le volume plasmatique va augmenter, permettant de maintenir la pression artérielle et d'améliorer la circulation sanguine, la perte de sodium et d'électrolytes va être plus limitée, la température cutanée et la température centrale vont diminuer, ce qui réduira le risque de coup de chaleur. Avec le temps, le coeur devient plus efficace pour pomper le sang, ce qui va entraîner une diminution de la fréquence cardiaque et favoriser la performance. In fine, l'adaptation permet que le débit cardiaque soit moins mobilisé pour évacuer la chaleur et plus utilisé pour l'endurance et la performance.

À défaut de pouvoir s'effectuer dans les contraintes environnementales du terrain, l'entraînement peut être réalisé dans une chambre climatique pour faciliter l'acclimatation.

3. La gestion de la fatigue
a) Les impacts de la fatigue

La fatigue physique est une réponse naturelle et inévitable à l'activité physique. Elle provoque au niveau physiologique une diminution de la capacité des muscles à produire une force, une augmentation de la dépense énergétique, une accumulation de lactate, une déshydratation, un épuisement des réserves de glycogène et des microdéchirures dans les fibres musculaires.

La fatigue mentale altère également les performances physiques. Cette fatigue résulte de l'engagement prolongé dans des tâches mentales exigeantes, telles que des tâches réalisées pendant une longue période sur un ordinateur. Une étude de 200928(*) a montré que la fatigue mentale diminue de 15 % la performance d'endurance en raison d'une augmentation de la perception de l'effort qui conduit à un désengagement prématuré de la tâche. De même, la performance psychomotrice est affectée : les gestes techniques et les décisions sont moins performants.

Lors de son audition29(*), Mathias Pessiglione, directeur de recherche, co-responsable de l'équipe « Motivation, cerveau et comportement » de l'Institut du cerveau, a expliqué que les décisions devenaient plus impulsives en présence de fatigue mentale. Une étude réalisée par l'Institut du cerveau en collaboration avec l'Insep et l'Agence française de lutte contre le dopage a montré qu'un entraînement sportif trop intensif pouvait être assimilé à un travail intellectuel excessif, entraînant les mêmes effets impulsifs lors des prises de décision. Cela pourrait expliquer le recours à des produits dopants par certains athlètes qui n'arrivent plus à « performer » et cherchent à récupérer leur performance à court terme.

Compte tenu des impacts délétères de la fatigue sur la performance et l'état de santé de l'athlète, des stratégies sont mises en place pour la mesurer et la gérer.

b) La mesure de la fatigue

La fatigue peut faire l'objet d'évaluations subjectives, au moyen d'échelles visuelles analogiques30(*) et de questionnaires.

Elle peut également être mesurée de manière objective par électroencéphalographie, oculométrie, imagerie par résonance magnétique (IRM) ou électromyographie. Toutefois, ces techniques nécessitent un appareillage sophistiqué. Elle peut aussi être estimée31(*) objectivement et directement par le sportif grâce à un cardiofréquencemètre qui évalue la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC). La VFC est la fluctuation de l'intervalle de temps qui sépare deux battements cardiaques consécutifs.

Cette variabilité a une relation étroite avec l'activité du système nerveux autonome, qui reflète l'interaction complexe entre les influences parasympathiques et sympathiques. Grâce à des mesures faites dans des conditions standardisées (le matin et à jeun), on peut déterminer la branche la plus influente du système nerveux autonome. La VFC doit être mesurée quatre à sept fois par semaine pour obtenir des résultats significatifs.

Un niveau de VFC élevé témoigne d'un bon niveau de santé physique et psychologique. En revanche, une baisse de VFC observée chez un sportif peut être associée à des niveaux de fatigue ou de stress trop élevés et alerter sur le risque de basculement de l'athlète vers de la fatigue chronique.

Est-ce que la fatigue varie selon le sexe des athlètes ?

À un niveau d'intensité relatif (entre 30 % de la VO2 max et 50 % de la VO2 max), il y a une moindre fatigabilité chez les femmes. Les résultats sont différents en cas de niveau d'intensité absolu.

Les femmes, pour chaque niveau d'intensité, ont une fatigue musculaire périphérique atténuée due aux spécificités musculaires des femmes chez lesquelles la surface occupée par les fibres lentes est plus importante en pourcentage que chez les hommes.

D'autres facteurs interviennent, comme le métabolisme musculaire : les femmes consommant plus de lipides à l'effort, la glycolyse est atténuée. L'activation du système nerveux sympathique varie selon le sexe et conduit à une vasodilatation plus importante chez les femmes, qui facilite la clairance des métabolites et l'apport en oxygène.

En termes de force relative, les femmes ont un niveau de force plus faible, ce qui entraîne une compression mécanique plus réduite. Cette moindre résistance au flux sanguin améliore la perfusion et limite l'accumulation de métabolites.

Une analyse statistique s'appuyant sur 38 000 courses et 5 millions de résultats a été utilisée pour vérifier si les femmes ont une meilleure endurance lorsque la distance augmente. 7 251 paires d'hommes et de femmes ont été constituées, qui ont couru la même année une course courte et une course longue. Il a été constaté en moyenne que, pour chaque paire, l'écart entre les hommes et les femmes diminuait lorsque la distance augmentait, ce qui confirme leur meilleure endurance par rapport aux hommes.

c) La gestion de la fatigue

L'entraînement guidé par VFC est une nouvelle approche de l'entraînement dans le sport de haut niveau : les entraîneurs établissent des protocoles d'entraînement qui peuvent être adaptés en fonction de l'évolution de la VFC.

D'autres stratégies sont mises en place pour lutter contre la fatigue32(*).

Certaines sont plutôt conjoncturelles, comme celle de l'affûtage, qui vise à diminuer la fatigue résiduelle engendrée par l'entraînement tout en maximisant les adaptations physiologiques et, en conséquence, la performance. L'affûtage repose sur le fait que chaque entraînement a deux effets : un effet « fatigue », mais également un effet « amélioration de la condition physique » à travers les adaptations physiologiques, neurophysiologiques et neuromusculaires33(*) qu'il va provoquer et qui vont contribuer à augmenter la performance du sportif.

Concrètement, lorsqu'un sportif s'entraîne très intensément, il va ressentir un niveau de fatigue très élevé, mais son niveau de condition physique sera également très haut34(*).

À l'approche d'une compétition, l'enjeu pour le sportif est donc d'identifier les modalités qui permettent de diminuer au maximum ce niveau de fatigue cumulée sans modifier le niveau de condition physique. L'affûtage va influencer les paramètres d'entraînement dans les deux à trois semaines qui précèdent les grands événements sportifs. Une méta-analyse35(*) de 2007 montrait que la stratégie optimale chez les athlètes de haut niveau consistait à réduire de moitié (41 à 60 %) le volume d'entraînement pendant les deux semaines précédant la compétition, tout en maintenant l'intensité et la fréquence. Ce type de stratégie permet d'avoir un gain de performance de l'ordre de 2 %.

L'affûtage, selon les stratégies d'entraînement, peut prendre deux formes : un entraînement normal suivi d'un affûtage, ou un entraînement avec surcharge suivi d'un affûtage.

Lorsque l'affûtage est précédé d'une surcharge d'entraînement, le gain de performance est supérieur à 2 %. Cependant, le sportif peut être exposé à un risque de fatigue excessive et de blessure si le temps de récupération est insuffisant.

En pratique, l'efficacité de l'affûtage se heurte à une grande variabilité interindividuelle, certains athlètes progressant beaucoup, tandis que d'autres ne progressent pas du tout. L'enjeu est donc d'adapter l'affûtage en fonction du niveau de fatigue cumulée. Si celui-ci est élevé, il faut diminuer davantage le volume d'entraînement. S'il est faible, il n'est pas nécessaire de le diminuer dans les proportions fixées par les recommandations.

La récupération joue structurellement un rôle fondamental pour lutter contre la fatigue36(*), qu'il s'agisse de la récupération à court terme à la suite de l'entraînement ou de la récupération à long terme dans le cadre de la périodisation de l'entraînement. La charge de travail imposée par une séance d'entraînement peut être appréhendée sous l'angle du stress physiologique qu'elle génère. L'homéostasie des cellules musculaires est déstabilisée. Des ajustements homéostatiques se produisent alors pour rétablir l'équilibre interne du corps pendant l'exercice, notamment par le biais d'augmentations de la fréquence cardiaque, du rythme de la ventilation et de la température corporelle, ou au moyen d'un changement du flux métabolique. Lorsque le corps est soumis de manière répétitive à un stress physiologique, il réagit par des adaptations d'ordre morphologique, métabolique ou neuromusculaire. Les adaptations à l'entraînement à long terme sont le résultat des effets cumulés de chaque entraînement à court terme.

Le déséquilibre de l'homéostasie tend à diminuer dès l'arrêt de l'entraînement. Pour autant, cette période apparemment passive est importante pour les adaptations ultérieures. Par exemple, l'expression de l'ARN messager de plusieurs enzymes oxydatives apparaît toujours élevée jusqu'à 24 heures après l'entraînement, témoignant d'une action importante associée aux adaptations à l'entraînement longtemps après la disparition de ses effets aigus.

Une récupération inadéquate entre les séances d'entraînement provoque donc de mauvaises adaptations accompagnées de symptômes de fatigue et d'une altération des fonctions musculaires. Elle ne permet pas à l'athlète de s'entraîner avec l'intensité requise ou avec la bonne charge lors de la séance suivante.

Pour favoriser le processus de récupération, les athlètes ont donc recours à des stratégies de récupération proactive comme le massage, la cryothérapie, l'immersion (notamment contrastée, en alternant des bains chauds et des bains froids pour stimuler la circulation sanguine) ou encore les étirements. Ces techniques ont pour but de faire pencher la balance stress/récupération du côté de la récupération, afin de permettre à l'athlète de tolérer des volumes d'entraînement supérieurs ou de favoriser les effets positifs de la charge d'entraînement.

Par ailleurs, la périodisation de l'entraînement consiste à planifier un programme d'entraînement à court et à long terme avec des charges variables et des périodes de repos et de récupération adéquates. La périodisation offre donc un cadre permettant de contrôler la fatigue de l'athlète par une gestion fine du stress et de la récupération.

D'autres facteurs influencent la récupération comme la nutrition et le sommeil.

La pratique sportive de haut niveau se traduit par une importante augmentation des besoins en énergie et l'équilibre de la balance énergétique nécessite alors une augmentation des apports alimentaires. L'adéquation de l'apport alimentaire aux dépenses énergétiques est un facteur clé de la récupération nutritionnelle. Différentes modifications métaboliques sont en effet constatées durant l'exercice : des pertes hydroélectrolytiques, des pertes protéiques ainsi qu'une baisse des réserves en glycogène et une mobilisation des réserves lipidiques. La phase de récupération devra donc permettre de compenser les pertes consécutives à l'effort physique fourni pendant l'entraînement ou la compétition, en adaptant l'alimentation à ces périodes avant, pendant et après l'effort.

Le sommeil joue un rôle crucial dans la récupération des sportifs. Pendant le sommeil, le corps répare les tissus musculaires endommagés, notamment à travers la libération de l'hormone de croissance qui atteint son pic pendant le sommeil profond. Le sommeil permet également au système nerveux central de récupérer, ce qui est indispensable pour les performances cognitives et la coordination motrice. Le sommeil joue un rôle important dans la consolidation de la mémoire et l'apprentissage des compétences motrices. Il aide à réguler les hormones liées au stress. Enfin, un manque de sommeil peut augmenter le risque de blessure en affectant le temps de réaction, la prise de décision et la précision des mouvements.

Selon une étude récente37(*), entre 49 % et 64 % des sportifs de haut niveau souffrent de troubles du sommeil. Les causes sont multiples : stress lié à la pression pour maintenir ou augmenter leurs performances, entraînements intensifs dont les horaires peuvent affecter les cycles de sommeil, voyages fréquents pour les compétitions accompagnés souvent de décalages horaires, horaires de compétition qui retardent l'heure du coucher et réduisent la durée du sommeil.

Le projet de recherche D-Day financé dans le cadre du programme prioritaire de recherche « Sport de très haute performance » s'est intéressé aux méthodes de récupération ayant un impact sur la qualité et la quantité de sommeil.

Plusieurs stratégies ont été retenues telles que la cryostimulation38(*), les bains froids, les bains chauds ou encore les matelas thermorégulateurs, mais également l'éducation au sommeil39(*). Les chercheurs se sont attachés à intégrer ces stratégies dans la routine des athlètes. Cela a impliqué d'interroger les athlètes sur leurs habitudes et leurs croyances en matière de récupération, d'identifier les déterminants psychologiques leur permettant d'adopter de nouveaux comportements et d'évaluer leurs préférences parmi les différentes méthodes proposées.

d) Vers un traitement contre la fatigue mentale ?

Au cours de son audition, Mathias Pessiglione40(*) a expliqué que des recherches étaient en cours pour essayer d'expliquer le phénomène de la fatigue mentale par la biologie du cerveau. La mobilisation du cortex latéral préfrontal pour un travail cognitif exigeant de longue durée entraînerait l'accumulation dans cette zone du cerveau de métabolites potentiellement toxiques. La fatigue pourrait ainsi correspondre à l'envoi par le cerveau d'un signal préconisant de s'arrêter pour éviter l'accumulation de substances toxiques. La spectroscopie par IRM permet de voir une dérive métabolite spécifique du cortex latéral préfrontal en cas de travail exigeant. D'autres travaux montrent un effondrement de l'activité du cortex latéral préfrontal en cas de surentraînement.

Actuellement, les préconisations pour se remettre d'un surentraînement sont le repos, la consultation d'un psychologue, le changement d'environnement. Néanmoins, les recherches en cours laissent espérer qu'il sera un jour possible d'identifier des cibles métaboliques dans le cerveau à l'origine de la fatigue cérébrale, et ainsi de prévoir des interventions médicamenteuses pour ce genre de syndrome.

L'usage du smartphone favorise-t-il la fatigue mentale ?

Plusieurs études ont mesuré l'impact du smartphone sur la fatigue mentale.

Un utilisateur passe aujourd'hui en moyenne 3,3 heures par jour sur son téléphone, dont 1 h 30 sur les réseaux sociaux, 1 h 20 à jouer et 40 minutes à téléphoner. Il vérifie son smartphone environ 250 fois par jour.

Ces chiffres traduisent une dépendance quotidienne, dont les effets commencent seulement à être compris. L'utilisation répétée et prolongée du smartphone peut influer sur la capacité de mémoire de travail (faire des calculs) et l'intelligence fluide (reconnaissance de figures) : dès que le téléphone est près de nous, il affecte notre capacité de concentration et notre rendement au travail, parfois même quand on ne le regarde pas.

Une utilisation aiguë du smartphone, dès 30 à 45 minutes, peut avoir des effets sur la performance cognitive. Cela peut altérer l'attention, la vigilance, l'inhibition, ou encore la prise de décision. Par exemple, à partir de tests de vigilance (PVT), une étude41(*) a mis en évidence une augmentation des temps de réaction après 45 minutes d'utilisation du smartphone, ainsi qu'une baisse de l'efficacité dans les tâches nécessitant une inhibition motrice. Ces altérations surviennent le plus souvent sans que l'utilisateur en ait forcément conscience.

Selon cette même étude, les régions cérébrales sollicitées lors d'une utilisation prolongée du smartphone (le cortex dorsolatéral préfrontal et le cortex cingulaire antérieur) sont également mobilisées lors d'états de fatigue mentale. Cet argument est mis en avant pour affirmer que l'utilisation prolongée du téléphone portable induit une fatigue mentale.

Toutefois, aucune altération des performances physiques (la force ou l'endurance) n'a été observée jusqu'à présent. Les marqueurs physiologiques classiques de la fatigue mentale (comme l'activité cérébrale, la fréquence cardiaque ou les pupilles) ne varient pas significativement après l'usage du smartphone.

Si les tests de détente verticale et d'endurance ont montré qu'il n'y avait pas d'effet sur la performance physique, la prise de décision est néanmoins altérée dans la mesure où l'entraînement ne permet pas de l'améliorer. Cela pose donc la question de l'utilisation du téléphone juste avant l'entraînement.

D'autres études montrent que l'effet du téléphone portable, de manière aiguë, entre 30 et 45 minutes, altère les performances, par exemple en football, en natation, en boxe, ou même dans les exercices de musculation. Une étude de 201742(*) a montré que dans le football, les performances diminuent lorsqu'on demande à des joueurs de tirer sur une cible et de faire un parcours sous forme de rectangle.

Ont également été montrées une altération des capacités visuomotrices chez les joueurs de volley-ball43(*), une altération de la prise de décision chez les boxeurs44(*) ainsi qu'une augmentation du temps nécessaire pour parcourir 50 mètres chez les nageurs45(*).

Ces travaux montrent que l'utilisation des smartphones devrait être déconseillée 45 minutes avant le début d'une compétition afin de ne pas altérer les performances des sportifs. La dose d'utilisation du smartphone reste toujours à définir, mais son implication dans les performances et dans la fatigue mentale n'est pas à négliger.

Plus généralement, de nombreuses études46(*) ont montré l'effet délétère sur le sommeil de l'utilisation du smartphone au moment du coucher et ses répercussions sur l'état de fatigue, en particulier chez les adolescents47(*).

4. La prévention des blessures

L'analyse des capacités physiques des athlètes avec les ergomètres ou les centrales inertielles en début de saison permet d'identifier les facteurs de risque de blessure.

En athlétisme, les lésions musculaires des ischio-jambiers sont très fréquentes chez les sprinters. L'évaluation isocinétique permet de mesurer plusieurs paramètres tels que la force maximale, la puissance musculaire, l'endurance musculaire et le ratio entre les muscles agonistes et antagonistes (par exemple le ratio quadriceps/ischio-jambiers). Ces données permettent d'analyser les performances musculaires des membres inférieurs, et également d'identifier des déséquilibres musculaires ou des faiblesses spécifiques susceptibles d'entraîner des risques de blessure. Ainsi, la faiblesse musculaire des ischio-jambiers relative à la force du quadriceps48(*) (mise en évidence par le ratio ischio-jambiers/quadriceps) est un facteur prédictif de lésion des ischio-jambiers.

La prévention des blessures passe également par une analyse de la symétrie entre les côtés gauche et droit du corps qui peut révéler des déséquilibres ou des compensations dus à des blessures.

L'intelligence artificielle a vocation à participer à l'anticipation des risques de blessures chez les sportifs. Utilisée dans l'analyse des mouvements et la biomécanique des athlètes, elle peut anticiper les risques liés à la fatigue musculaire, aux déséquilibres posturaux ou à des charges d'entraînement excessives. Les algorithmes d'apprentissage automatique peuvent également détecter les signes de fatigue ou de surmenage chez les athlètes, ce qui permet de prévenir les blessures en ajustant les programmes d'entraînement.

Les outils numériques permettent d'améliorer le suivi et la prise en charge des risques de blessure. Ainsi, le badminton est un sport à spécialisation précoce, ce qui peut entraîner le développement de certaines pathologies très spécifiques du fait de l'intensité et du volume d'entraînement à des âges où le corps humain change. L'une des pathologies les plus courantes au badminton est le conflit fémoro-acétabulaire qui peut à terme nécessiter une intervention chirurgicale à l'âge de 20 ans. La collecte des données dès le début de carrière de l'athlète sur l'articulation de la hanche pourrait permettre de détecter plus tôt les premiers signes de douleurs chroniques et de proposer une prise en charge adaptée et individuelle pour prévenir ces blessures.

5. Le rôle croissant de la préparation mentale

Il existe trois déterminants biologiques de la performance :

- les facteurs constitutionnels inhérents à l'organisme tels que l'âge, la taille, la composition corporelle et l'héritage génétique ;

- les facteurs liés à la condition physique développée par l'entraînement physique ;

- les facteurs cognitifs qui peuvent être améliorés par la préparation mentale, tels que l'intelligence de jeu ou l'intelligence de course, ainsi que les facteurs liés à l'estime de soi et à la confiance en soi, la motivation et la concentration.

Longtemps sous-estimée, la préparation mentale joue un rôle croissant dans la préparation des athlètes car elle peut influer de manière significative sur leurs performances.

Au cours de son audition, Yann Cucherat49(*), manager général de la haute performance à l'Agence nationale du sport, a expliqué que le taux de conversion des médaillés mondiaux en médaillés olympiques était de 50 % pour la France contre 100 % pour d'autres nations. Tout en rappelant qu'en matière de très haute performance, les résultats sont très aléatoires et que le plus dur était de « rééditer l'exploit », il a néanmoins expliqué que la sous-optimisation de la préparation mentale des athlètes français par rapport à certains athlètes étrangers pouvait expliquer en partie cet écart.

L'implication des sciences humaines et sociales dans la quête de performance sportive de haut niveau a permis de donner des bases scientifiques solides à la préparation mentale des athlètes, qu'elle soit individuelle ou collective.

a) La préparation mentale individuelle

· La gestion des pensées et des émotions

La préparation mentale individuelle vise à développer des habiletés mentales chez l'athlète pour réguler ses pensées, ses émotions et ses comportements. Elles sont regroupées en cinq grandes catégories :

la connaissance de soi, préliminaire indispensable à tout programme d'entraînement mental. Il s'agit pour le sportif d'être lucide sur ses pensées, ses sensations et ses émotions ;

la motivation et la fixation d'objectifs. Les deux formes principales de motivation chez le sportif de haut niveau sont le plaisir de la pratique et l'envie de gagner. Elles sont complémentaires : le plaisir va permettre de ressentir des sensations et d'apprendre des techniques mais il est insuffisant pour être performant en compétition. L'envie de gagner est un moteur puissant pour développer le niveau d'exigence et de compétence du sportif et renforcer sa confiance en lui lorsqu'il atteint cet objectif. Néanmoins, si l'athlète ne s'entraîne que pour gagner, cela va générer une anxiété importante. La fixation d'objectifs50(*) (un niveau de performance ou de compétence spécifique pour atteindre un résultat particulier) permet d'augmenter la motivation du sportif à réussir ainsi que sa satisfaction et sa confiance dans ses performances, de tirer le meilleur parti de ses entraînements, d'améliorer ses compétences et ses performances, d'éviter l'ennui en rendant l'entraînement plus stimulant et de développer une « philosophie de la performance » en l'incitant à faire de son mieux et à réaliser son potentiel ;

la gestion des émotions, comme le stress, mais également la frustration ou la colère qui peuvent conduire à un soulagement de très court terme mais s'accompagnent de conséquences néfastes durables51(*) ;

la concentration : tous les athlètes reconnaissent avoir des difficultés à se concentrer pendant la durée d'une performance ou à des moments précis. Les difficultés de concentration sont généralement dues à des distractions à la fois internes (pensées, inquiétudes, préoccupations) et externes (distracteurs visuels tels que le public, les concurrents, les caméras, et distracteurs auditifs tels que des rires, des cris, des moqueries ou des sifflets). Comme la force et la vitesse, la concentration doit être entraînée et un certain nombre de stratégies et d'exercices permettent de l'améliorer52(*).

S'il existe un consensus scientifique sur l'importance des habiletés mentales décrites précédemment, deux modèles coexistent pour la gestion des émotions.

Les approches « traditionnelles » visent à modifier le contenu des pensées et des émotions grâce à différentes techniques :

- le discours interne positif implique l'utilisation de phrases ou de mots positifs pour renforcer la confiance en soi et maintenir une attitude optimiste. L'idée est de remplacer les idées négatives ou limitantes par des affirmations positives qui encouragent et motivent ;

- la relaxation est utilisée pour réduire le stress et l'anxiété ;

- la visualisation positive consiste à imaginer des scénarios de réussite et à se voir accomplir ses objectifs avec succès. Elle aide à préparer mentalement le sportif à faire face à des situations réelles en renforçant sa confiance et en réduisant son anxiété.

Grâce à ces techniques, les sportifs sont censés atteindre un état optimal (le flow) leur permettant de réaliser la meilleure performance.

Néanmoins, ces approches demandent aux athlètes de produire un effort supplémentaire et peuvent augmenter la charge cognitive ressentie. Dans certains cas, ces efforts peuvent même s'avérer vains dans la mesure où plus les athlètes vont essayer d'éviter de penser à quelque chose, plus ils vont y penser.

En outre, les sportifs peuvent être dans un état mental sous-optimal tout en restant performants.

De nouvelles approches de la préparation mentale53(*) ont donc été développées qui reposent également sur les habiletés mentales de base mais envisagent une nouvelle relation avec les sensations, les pensées et les émotions. Plutôt que de les voir comme des dysfonctionnements ou des problèmes à résoudre, les approches fondées sur la pleine conscience reposent sur l'acceptation de ces états. L'objectif est de prendre de la distance vis-à-vis des ressentis, en les considérant comme des événements passagers. En fournissant moins d'efforts pour « lutter contre », les athlètes vont diriger davantage leur attention sur les éléments pertinents pour leur performance.

Trois mécanismes principaux sont à l'oeuvre dans les approches fondées sur la pleine conscience :

la lucidité : le sportif doit être conscient des émotions et des pensées qui surgissent ;

l'acceptation : le sportif doit « faire avec » ses pensées, ses émotions et ses sensations sans les juger, ni chercher à les modifier ou les supprimer ;

la re-concentration : le sportif doit être capable de ramener son attention sur les éléments essentiels de sa performance après une perturbation ou une distraction.

· Les apprentissages par l'imagerie mentale

Si l'entraînement physique reste indispensable dans l'apprentissage du geste technique, le développement des neurosciences a mis en avant l'importance de l'imagerie mentale. Elle s'appuie sur la neuroplasticité du cerveau, c'est-à-dire sa capacité à se restructurer et à s'adapter en réponse à de nouvelles expériences et à l'apprentissage. L'imagerie mentale aide les athlètes à perfectionner leurs compétences motrices et à améliorer leurs performances grâce à un entraînement répétitif et ciblé, notamment dans les sports demandant une gestuelle millimétrée avec un temps de réaction rapide et une répétition rigoureuse des mouvements (sport automobile, golf, danse). Elle favorise l'automatisation et les performances des gestuelles aussi bien en force qu'en précision. Lorsque les sportifs s'entraînent à imaginer une situation ou un geste, ils sont encouragés à impliquer tous leurs sens afin de créer une expérience plus immersive et renforcer l'efficacité de l'imagerie mentale.

· L'entraînement des capacités cognitives grâce à NeuroTracker

Le NeuroTracker est un système d'entraînement cognitif qui s'appuie sur une technologie de suivi oculaire et des exercices de réalité virtuelle.

Concrètement, un jeu de huit balles colorées et numérotées se déplace en trois dimensions sur un écran. Lorsque le numéro des balles disparaît, il faut suivre des yeux le plus de balles possible et donner leur numéro lorsqu'elles s'arrêtent. Le niveau de difficulté dépend de la vitesse de déplacement des balles et de leurs mouvements (rebonds et collisions).

Cet outil est largement utilisé notamment par les rugbymen pour évaluer et entraîner leurs capacités cognitives liées à la perception visuelle (capacité à traiter rapidement et avec précision des informations visuelles, ce qui est crucial pour anticiper les mouvements des adversaires et des coéquipiers), à l'attention et la concentration (capacité à se concentrer sur des éléments pertinents dans un environnement complexe et dynamique comme un match de rugby), à la prise de décision rapide et sous pression, à la mémoire de travail (capacité à retenir et manipuler des informations à court terme, ce qui aide à planifier et exécuter des stratégies de jeu).

· L'entraînement à l'endurance mentale

Si la fatigue physique a un impact direct sur les performances de l'athlète, la fatigue mentale ne doit pas être négligée. L'entraînement à l'endurance mentale se caractérise par l'ajout de tâches cognitives induisant de la fatigue mentale à un entraînement standard physique ou technique. Cela peut inclure des tâches de mémoire, des calculs mathématiques ou des jeux de réflexion. L'objectif est d'augmenter la capacité du cerveau à gérer la fatigue et le stress pendant des efforts prolongés, ce qui peut être utile pour des athlètes d'endurance54(*) comme les coureurs de marathon, les cyclistes et les triathlètes.

Une étude récente a été consacrée aux manifestations objectives (fatigabilité de la performance neuromusculaire) et subjectives (fatigue perçue, effort et charge de travail) de la fatigue chez des escrimeurs d'élite à la suite d'une compétition simulée en cinq reprises55(*). Il est apparu que la fatigue mentale et les efforts perçus étaient plus importants que la fatigue musculaire, incitant les auteurs de l'étude à conclure que les escrimeurs d'élite devaient augmenter l'allocation de ressources mentales à la tâche plutôt que de ressources physiques pour contrebalancer l'effet délétère de la fatigue sur la performance.

Une autre étude conduite dans le cadre du projet de recherche TrainYourBrain s'est également intéressée au phénomène de fatigue (physique et mentale) en escrime56(*). Ses résultats ont montré que même à la fin de la compétition, les altérations physiques constatées n'étaient que modérées. En revanche, les perceptions de fatigue mentale ont augmenté au cours des cinq matchs et étaient très élevées à la fin de la compétition.

Une méthode d'entraînement visant à améliorer la résistance à la fatigue mentale a alors été testée auprès de 24 épéistes des équipes de France Jeunes en s'inspirant des principes de l'entraînement à l'endurance mentale57(*). Le protocole d'entraînement d'endurance mentale comprenait quatre séances hebdomadaires, trois séances de « double tâche » et une séance intégrée à l'entraînement, pendant cinq semaines. Les séances dites de « double tâche » de 30 minutes consistaient en une tâche de pédalage couplée à un exercice cognitif réalisé sur tablette numérique. Les exercices cognitifs visaient à solliciter l'attention et le contrôle inhibiteur des athlètes pour générer une charge mentale importante.

Les séances intégrées à l'entraînement visaient quant à elles à augmenter la charge de travail cognitive lors d'une séance d'assaut en escrime. Des tâches cognitives brèves étaient réalisées à la place des temps de récupération, qui variaient de 1 à 5 minutes.

Les résultats de ce travail ont montré que les athlètes qui ont suivi cet entraînement ont une perception plus faible de leur fatigue pour une même tâche et maintiennent mieux leur niveau de performance en condition de fatigue. Leurs résultats aux tests cognitifs réalisés après la période d'entraînement ont mis en évidence une meilleure capacité à maintenir leur attention. Ils ont également montré une perception de performance plus élevée associée à un moindre niveau de frustration.

Toutefois, la charge cognitive provoquée par cet entraînement est importante. Certaines précautions doivent donc être prises au regard des risques causés par une surcharge cognitive excessive (épuisement, irritabilité, baisse de motivation...). Les auteurs du projet de recherche insistent sur la nécessité de planifier ce type d'entraînement sur une durée limitée, en évitant les périodes de compétitions intensives, ainsi que les périodes où les sollicitations scolaires, professionnelles ou personnelles peuvent être importantes pour les athlètes.

b) La préparation mentale collective

La psychologie sociale a largement investi le champ de la préparation mentale collective dans le sport.

· L'identification à l'équipe

L'identification à l'équipe constitue un pilier essentiel de la performance en sport collectif. Elle favorise la cohésion d'équipe, une meilleure communication, une compréhension mutuelle et une bonne coordination sur le terrain. Elle peut également renforcer la motivation des joueurs, développer la confiance ainsi que le soutien mutuel et aider les joueurs à surmonter les défis et les échecs.

Pour autant, l'identification à l'équipe n'est pas un phénomène statique et ne peut être encouragée que par une compréhension approfondie des mécanismes psychologiques et sociaux sous-jacents58(*).

Le projet de recherche Team Sports59(*) s'est intéressé aux facteurs qui participent à l'identification d'un joueur ou d'une joueuse à son équipe.

Il a identifié les facteurs situationnels qui, dans le cadre de vie comme dans le cadre de jeu, influencent l'identification à l'équipe. Les résultats confortent le ressenti que les éléments qui ont trait à l'équipe ou à l'engagement pour le groupe sont ceux qui favorisent le plus le fait de se sentir membre du groupe. En particulier, le sens du « Nous » s'intensifierait au gré des vécus partagés d'expériences intenses. Par conséquent, si les matchs concourent naturellement à de telles expériences, il est important d'en provoquer d'autres lors des entraînements et même au sein du cadre de vie.

En revanche, des défaites successives, des relations socio-affectives hétérogènes entre les joueurs et l'entraîneur, des contre-performances individuelles favorisent le repli sur soi. Ces constats mettent en lumière l'importance du soutien social au sein du collectif.

Les relations entraîneur/sportif et le climat motivationnel d'entraînement jouent également un rôle crucial dans la construction de l'identité à l'équipe.

· Les adaptations collectives

La recherche en psychologie du sport s'intéresse à la manière dont les joueurs s'orientent vers une stratégie collective pour faire face à des événements. Une adaptation collective particulièrement étudiée porte sur la gestion du stress60(*) pour faire face aux émotions et aux facteurs de stress communs rencontrés pendant les compétitions (rythme de jeu, niveau de l'opposition, erreurs d'arbitrage, conflits dans l'équipe, etc.).

Il apparaît que plus les individus ont des relations harmonieuses au sein du collectif, plus ils sont capables de s'adapter et de s'organiser facilement en développant une intelligence collective. La fonction des leaders est étudiée de manière approfondie car ils peuvent jouer un rôle clé dans l'initiation et la mise en oeuvre de la gestion collective du stress, mais également s'avérer de « mauvais » leaders lorsqu'ils sont soumis à un stress intense. Les études montrent que les leaders influent considérablement sur l'émotion du groupe. S'ils s'effondrent, tout le reste du groupe est affecté sur le plan psychoaffectif. L'autorégulation émotionnelle est donc une compétence clé d'un leader pour éviter la « contamination émotionnelle » de tout le groupe.

Plus généralement, la représentation traditionnelle du capitaine seul leader de son équipe sur le terrain est largement battue en brèche. Des chercheurs ont découvert que 66 % des joueurs ayant été désignés en tant que leaders n'ont pas d'influence réelle sur leur équipe61(*). Les équipes sportives les plus performantes se caractérisent par un leadership partagé entre l'entraîneur, le capitaine et les joueurs. Certains membres de l'équipe joueront avant tout un rôle motivationnel, d'autres fourniront une expertise technique ; certains s'assureront de maintenir la cohésion et l'esprit d'équipe, tandis que d'autres veilleront à établir des relations harmonieuses parmi les coéquipiers entre les matchs. Cette forme de leadership met l'accent sur le rôle des pairs comme complément important au leadership formel62(*).

La préparation au stress vise à apprendre à anticiper la réaction face au stress et à former les joueurs à certaines compétences qui vont favoriser une réponse collective efficace, notamment pour les compétences émotionnelles et relationnelles. En effet, pendant les matchs, les possibilités et la nature des interventions des entraîneurs sont très limitées. Des programmes d'entraînement mental sont ainsi développés pour amener les équipes à réfléchir aux stratégies collectives qu'elles utilisent et à celles qu'elles pourraient mobiliser pour gérer collectivement leur stress telles que l'analyse et la planification de l'action, le partage d'informations, la régulation émotionnelle interpersonnelle ou encore la re-concentration.

· Le développement de technologies au service de la psychologie sociale

Dans le cadre du projet de recherche Team Sports, plusieurs technologies ont été développées afin d'induire des états psychoaffectifs dans l'entraînement des joueurs et de mesurer en direct et de manière objective les ressentis individuels et collectifs.

Un outil utilisant la réalité virtuelle a été conçu permettant de renforcer ou de diminuer le sentiment de connexion avec l'équipe, provoquant ainsi différents états affectifs chez l'utilisateur. L'objectif est d'induire des états émotionnels pour optimiser les effets de l'entraînement mental, mais également se familiariser avec des contextes de jeu particuliers (championnats du monde, jeux Olympiques).

Une technologie de tracking vidéo mobilisant de l'intelligence artificielle a été développée pour capturer les états émotionnels des équipes. Elle permet de suivre automatiquement les indicateurs comportementaux liés à la dynamique de groupe spécifique à chaque sport, comme le langage corporel individuel et collectif des joueurs de rugby pendant un match ou la vitesse de repli défensif en handball.

Un autre instrument a été mis au point pour enregistrer le niveau de stress collectif au travers de situations de jeu comme le poids de l'essai d'un adversaire ou d'une perte de balle. À partir de modèles statistiques, l'algorithme permet de mesurer la dynamique du rapport de force psychologique sur le terrain ainsi que de comprendre et de mieux anticiper les phénomènes de contagion émotionnelle.

· Le rôle précurseur de la Fédération française de rugby en matière de préparation mentale collective

La Fédération française de rugby fait figure de précurseur pour la prise en compte de la préparation mentale collective comme facteur de performance à part entière. Depuis 2016, elle a élaboré un modèle « systémique » de la performance qui englobe la dimension mentale et dans lequel les émotions, la confiance, le leadership, la cohésion, l'identité, etc. viennent mobiliser et optimiser les facteurs de base de la performance du sportif.

Parmi les quatre pôles du département d'accompagnement à la performance mis en place par cette fédération figure le pôle « préparation mentale et accompagnement des staffs » composé d'une quinzaine de personnes avec cinq missions :

- structurer la préparation mentale au sein du rugby français ;

- former et accompagner les différents staffs des équipes de France ;

- mettre à disposition des compétences et des ressources humaines liées aux différentes expertises associées à l'accompagnement mental et à la performance (recherche, accompagnement scientifique, accompagnement des collectifs, préparation mentale, formation) ;

- développer, tester et mettre en place des méthodologies et des outils de travail ;

- améliorer les connaissances dans le domaine des sciences humaines et sociales appliquées au rugby.

Dans ce cadre, une étude scientifique a été menée sur les émotions du groupe qui a fait apparaître que les émotions collectives (manière dont chaque joueur perçoit l'émotion de l'équipe en tant qu'entité) ont plus d'effets sur les performances individuelles et collectives que les émotions individuelles des joueurs.

Des normes d'expression émotionnelle ont été établies avec la collaboration des entraîneurs nationaux afin d'optimiser chez les joueurs la façon d'exprimer leurs émotions sur le terrain. Des formations visant à renforcer l'intelligence émotionnelle ont été intégrées aux programmes des rassemblements internationaux, favorisant le développement de compétences adaptatives et de stratégies collectives de régulation émotionnelle. Il s'agit de travaux en groupes pour développer les principales compétences émotionnelles (expression, reconnaissance, régulation, etc.) sur le plan individuel ainsi que surtout collectif. L'objet est de maîtriser les phénomènes de contagion émotionnelle à l'origine des « craquages sous pression ».

Une étude approfondie des temps non joués (temps de match pendant lesquels les joueurs qui sont sur le terrain ne sont pas impliqués directement dans l'action)63(*) a été réalisée. Ces temps non joués représentent 54 % du temps d'un match international. Ils revêtent une importance cruciale dans l'optimisation de la performance collective, en permettant notamment au groupe de discuter et d'ajuster la stratégie et la tactique, de partager l'information, de réguler les émotions, de rester concentré sur les objectifs immédiats et d'affirmer la maîtrise par chacun de la situation (comme lors du rassemblement des joueurs après la marque d'un essai).

6. La préparation technique et tactique

L'intégration de la technologie, depuis les dispositifs portables jusqu'aux analyses avancées grâce à l'intelligence artificielle, a révolutionné la préparation tactique et technique des athlètes.

a) Les technologies au service de l'optimisation du mouvement

· Les techniques d'analyse du mouvement

La biomécanique permet d'améliorer la performance des athlètes en identifiant les schémas de mouvement les plus efficaces. Une meilleure conscience corporelle et un ajustement précis des gestes permettent de réduire la fatigue musculaire et d'améliorer l'efficacité du mouvement64(*). L'optimisation du mouvement repose sur plusieurs principes : l'économie d'énergie, la réduction des forces inutiles et l'amélioration de l'alignement postural.

Plusieurs systèmes de capture de mouvement ont été développés pour permettre aux athlètes d'analyser leurs mouvements et d'ajuster leurs postures pour une meilleure efficacité motrice.

Les systèmes de capture optique de mouvement65(*) offrent une grande précision même pour des mouvements complexes et fournissent des données détaillées sur la position, la vitesse et l'accélération des différentes parties du corps. Ils présentent néanmoins certains inconvénients. Ils ne peuvent pas être utilisés en situation réelle : non seulement l'environnement doit être contrôlé avec des caméras calibrées66(*), mais les sportifs sont bardés de capteurs qui les empêchent d'accomplir des mouvements qui créeraient des obstructions entre les marqueurs et les caméras67(*). Par ailleurs, ces systèmes sont souvent coûteux.

D'autres systèmes de capture de mouvement sont fondés sur les technologies inertielles. Généralement portables et faciles à installer, ils occasionnent une gêne limitée pour les athlètes au cours de l'entraînement et peuvent être utilisés dans divers environnements pour des applications en direct. Ils sont également moins chers que les systèmes optiques.

L'analyse des services au volleyball à partir de capteurs inertiels

L'objectif des travaux réalisés conjointement par la plateforme CARTIGEN (CHU de Montpellier) et le Centre national de volleyball était de comprendre le geste sportif pour l'optimiser.

Ces travaux ont porté sur l'analyse de la performance au service d'une vingtaine de sportifs âgés de 17 à 21 ans. Pour chacun des joueurs, il a été demandé de réaliser 20 services avec au minimum 30 secondes de récupération entre chaque service. Pour chacun des gestes, la capture du mouvement a été réalisée à l'aide de capteurs inertiels, la vitesse des services a été mesurée avec un radar, la qualité du service a été donnée par l'entraîneur (très bien, bien, moyen, mauvais) et la position du ballon dans le terrain a été enregistrée dans un fichier Excel.

Les résultats préliminaires ont montré que les vitesses articulaires de l'épaule et du coude n'avaient que très peu d'impact sur la vitesse du ballon mais que l'essentiel de l'énergie transmise au ballon provenait du mouvement de flexion du bassin et du tronc. Ces premiers résultats ont permis aux entraîneurs d'identifier avec précision l'apport de chacune des articulations dans la production de vitesse du ballon.

Source : Gilles Dufour et al., Les capteurs inertiels dans le sport de haut niveau : application au volleyball, ACAPS 2023. Les environnements de l'activité physique et sportive, octobre 2023

Néanmoins, les centrales inertielles peuvent connaître des dérives68(*) et les erreurs peuvent s'accumuler au fil du temps. Elles nécessitent une calibration régulière pour conserver leur précision.

D'autres systèmes utilisant l'intelligence artificielle sont en train d'être développés pour générer des données sur les sportifs sans avoir besoin de les équiper de capteurs.

La start-up Chiron IT69(*) a ainsi mis au point un système d'analyse du mouvement par caméra à base d'IA et de vision par ordinateur. Au démarrage, l'utilisateur se place face à la caméra et reste statique pendant deux secondes. Lorsque l'utilisateur effectue des mouvements, le suivi précis des points articulaires du corps est réalisé par une image qui est ensuite traitée afin de recomposer le squelette humain de l'utilisateur en deux ou trois dimensions.

Dans un entretien récent70(*), Gaël Guilhem, directeur du laboratoire Sport expertise performance de l'Insep, a évoqué des outils d'intelligence artificielle permettant, à partir de vidéos et de données d'imagerie médicale d'une personne donnée, de fournir des informations sur sa vitesse de déplacement ainsi que sur les vitesses de rotation de ses bras et de ses jambes.

La vision assistée par ordinateur offre également des perspectives très prometteuses en supprimant le port de capteurs par les sportifs et en permettant d'obtenir des données individuelles et collectives pour les membres d'une équipe et leurs adversaires (cf. infra).

· La réalité virtuelle

La réalité virtuelle joue un rôle de plus en plus important dans l'optimisation des mouvements. Elle permet de capturer et d'analyser les mouvements en temps réel, offrant aux sportifs des retours immédiats pour améliorer la technique et l'efficacité des mouvements.

Elle offre un environnement sûr pour simuler des situations réelles, ce qui permet aux utilisateurs de pratiquer et de perfectionner leurs mouvements sans risque. Elle est ainsi largement utilisée par les pilotes de course pour simuler des circuits et améliorer leur temps de réaction et leurs trajectoires sans risque d'accident mais également par les skieurs pour simuler une compétition de saut à ski dans une soufflerie.

Plus récemment, le projet de recherche REVEA71(*) a développé, en coopération avec les fédérations françaises de boxe, d'athlétisme et de gymnastique, des outils d'entraînement virtuel dans ces trois disciplines.

· L'intelligence artificielle

L'IA a transformé profondément la préparation technique des sportifs car elle offre des capacités inédites pour analyser des données hétérogènes et complexes afin de personnaliser les entraînements et d'anticiper les risques de blessure.

Par exemple, dans le domaine de la course à pied, des capteurs intégrés aux chaussures peuvent enregistrer des données sur la foulée, la cadence, la force de poussée ou l'équilibre. Ces données sont ensuite analysées par un algorithme d'IA qui identifie les points d'amélioration, comme une répartition de poids inégale pouvant causer des blessures. Sur cette base, des recommandations précises sont fournies à l'athlète pour corriger sa posture et améliorer sa performance.

b) Les technologies au service de la préparation des rencontres sportives

· Les dispositifs GPS et LPS pour le suivi de la performance des joueurs et l'analyse tactique

Les dispositifs GPS (Global Positioning System) et LPS (Local Positioning System) offrent des informations relatives aux déplacement des joueurs, telles que la distance parcourue, la vitesse, l'accélération et les changements de direction. Ces données aident les entraîneurs à évaluer la performance individuelle et collective de leurs joueurs, mais également à les comparer à celle des adversaires lorsqu'ils disposent de ces données. Les données GPS et LPS peuvent également être utilisées pour analyser les schémas de mouvement des joueurs et des équipes. Cela permet aux entraîneurs de développer des tactiques plus efficaces et d'identifier des domaines à améliorer.

· L'analyse vidéo

L'analyse vidéo, surtout lorsqu'elle est associée à l'intelligence artificielle, est devenue un outil indispensable dans la préparation des matchs et des compétitions. Comme l'a fait remarquer le médecin du Racing 92, Sylvain Blanchard, lors de son audition72(*) : « Un joueur de rugby passe plus de temps en travail vidéo tactique qu'en temps d'entraînement sur le terrain ou en salle de musculation. »

En amont des matchs, l'analyse vidéo permet de comprendre les tactiques utilisées par les équipes adverses. Elle offre aux entraîneurs la possibilité de décrypter leurs schémas de jeu, d'identifier leurs forces et leurs faiblesses et d'anticiper leur stratégie. La bonne appréhension du jeu de l'adversaire est cruciale pour développer des tactiques de contre-jeu efficaces.

Au niveau individuel, l'analyse vidéo permet de déduire les métriques des joueurs adverses et aide à comprendre leurs habitudes, leurs compétences et leurs points faibles. Cette connaissance permet d'adapter l'entraînement pour préparer spécifiquement les athlètes à affronter leurs opposants directs, en mettant l'accent sur les techniques et les stratégies qui maximiseront leurs chances de succès.

La vidéo joue également un rôle clé dans la préparation mentale et tactique du collectif. En visualisant et en comprenant en détail le jeu adverse, les joueurs peuvent se préparer mentalement à ce qu'ils affronteront sur le terrain, ce qui peut augmenter la confiance et la cohésion de l'équipe.

Pendant les matchs, les analyses vidéo associées à des systèmes d'IA peuvent fournir des recommandations en matière de stratégie. Grâce à l'analyse des séquences de jeu et des mesures de performance, l'IA peut identifier des schémas et des tendances qui ne sont pas forcément visibles à l'oeil nu et aider les entraîneurs et les joueurs à prendre des décisions stratégiques et à ajuster le jeu.

Une fois le match terminé, l'analyse vidéo permet de revoir les performances des joueurs pour identifier les forces et les faiblesses. Cela inclut l'analyse des mouvements, des techniques et des décisions prises pendant le match. Les entraîneurs peuvent ainsi fournir un retour individuel aux joueurs en utilisant des séquences vidéo pour illustrer des points spécifiques. Cela aide les joueurs à visualiser ce qu'ils ont bien fait et ce qu'ils doivent améliorer. Les erreurs tactiques commises pendant le match peuvent être analysées en détail pour comprendre ce qui a mal tourné et comment les éviter à l'avenir.

L'analyse vidéo ne concerne pas uniquement les sports collectifs. Dans le cadre du projet « Très haute performance en cyclisme et aviron », le laboratoire de physique de l'ENS de Lyon a développé un outil de tracking vidéo portable permettant d'accéder à la vitesse instantanée de tous les cyclistes et de calculer la puissance fournie par tous les coureurs, notamment celle des adversaires de l'équipe de France. Il a ainsi été constaté que la puissance fournie par les athlètes français était 100 à 110 watts inférieure de celle fournie par leurs concurrents hollandais.

En partenariat avec la Fédération française de tennis de table, l'école Centrale Lyon a développé à partir de vidéos filmées pendant les compétitions et grâce à l'intelligence artificielle un dispositif d'analyse automatisée des matchs permettant de détecter les événements de jeu (type de coup effectué, effet donné à la balle, zone de rebond sur la table, position du joueur, etc.) et d'identifier les schémas de jeu (enchaînements de coups). L'objectif était de fournir des données sur les adversaires des sportifs français pour comprendre leurs points forts et leurs points faibles (fautes en coup droit, en revers, types de service) et d'essayer d'identifier des schémas de jeu gagnants et perdants extraits de l'analyse de précédentes rencontres des futurs adversaires des pongistes français.

7. L'attention accrue portée par la recherche à la santé mentale des sportifs de haut niveau

La santé mentale des athlètes a longtemps été un tabou et reste un sujet sensible en dépit des prises de parole médiatiques de certains sportifs de haut niveau et des efforts entrepris par les organisations sportives internationales pour déstigmatiser les troubles psychiques.

Entre 2013 et 2020, treize positions de consensus scientifique sur la santé mentale dans le sport ont été publiées73(*), et de nombreuses recherches scientifiques s'intéressent aux facteurs socio-environnementaux les plus déterminants pour la santé mentale des athlètes. La situation socioprofessionnelle joue en particulier un rôle primordial74(*). La santé mentale des athlètes est particulièrement vulnérable à certaines périodes charnières comme le départ de la maison pour entrer dans une structure d'entraînement ou la fin de la carrière sportive75(*). D'autres facteurs peuvent impacter la santé mentale comme les blessures physiques, le surentraînement, la pression constante liée à la performance, le harcèlement, les attentes des entraîneurs et des médias, les sponsors, la famille. Les athlètes pratiquant des sports artistiques, des sports ayant des catégories de poids ou des sports d'endurance sont particulièrement ciblés par ces recherches.

Une attention particulière doit être portée aux éventuels troubles des comportements alimentaires chez les mineurs, en particulier chez les mineures, 45% d'entre elles étant touchées selon certaines études.

Les troubles mentaux chez les sportifs de haut niveau ne doivent pas non plus être sous-estimés, même si, selon les études, les résultats sont très contrastés.

Quant aux troubles du sommeil, ils toucheraient entre 49 et 64 % des sportifs de haut niveau selon les études.

Une étude76(*) réalisée en 2011 par l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (IRMES) auprès de plus de 2 000 athlètes français aboutissait aux résultats suivants : 12,1% déclaraient avoir déjà eu des troubles anxieux ; 11,3% des troubles dépressifs ; 7,5% des troubles du comportement ; 26,6% des troubles du sommeil ; 4,1% des consommations abusives de substances (alcool, compléments alimentaires, tabac, etc.). Des différences notables entre sportifs et sportives étaient constatées selon les symptômes. Ainsi, 11,2% des sportives étaient concernées par au moins un trouble alimentaire, contre 5,5% des sportifs. 16,3% des sportives avaient connu au moins un épisode de dépression contre 8,7% des sportifs.

Un autre résultat marquant porte sur les relations entraîneurs/sportifs qui jouent un rôle déterminant dans la santé mentale des athlètes. Cette relation peut parfois s'accompagner d'un phénomène d'emprise constaté en particulier dans les sports dans lesquels les athlètes sont très jeunes et les sports qui mettent en avant la force (boxe, lutte, judo).

Plusieurs projets de recherche sur cette thématique sont financés par des fonds européens. Le projet de recherche MENTIS sur le rôle de l'entourage sur la santé mentale du sportif de haut niveau s'est achevé en 2024. Le projet EURPHORIA (2025-2027) vise à mettre en place un cadre européen pour la promotion de la santé mentale dans les organisations sportives à partir d'une enquête quantitative et qualitative réalisée auprès de dirigeants d'organisations sportives. Un guide de bonnes pratiques sera réalisé à destination des organisations sportives et sera testé en conditions réelles dans une ou deux organisations. Quant au projet PORTAL, il a vocation à soutenir la santé mentale des athlètes de haut niveau en transition de fin de carrière. Une étude de la littérature scientifique et des besoins des sportifs sera réalisée, des contenus pour faciliter cette période de transition seront créés, et une plateforme numérique leur sera consacrée.


* 26 Les allures mesurées sont regroupées en activités de faible intensité (immobile, marcher, trottiner, course d'intensité moyenne) et activités de haute intensité (course d'intensité élevée, sprint, effort statique comme la mêlée ordonnée).

* 27 Guy et al., « Adaptation to hot environmental conditions: an exploration of the performance basis, procedure and future directions to optimize opportunities for elite athletes », Sports Medicine, Vol. 45, November 2014.

* 28 Marcora et al., « Mental fatigue impairs physical performance in humans », Journal of applied physiology, 106 (3), 2009. Le protocole retenu consistait à faire réaliser aux participants 90 minutes de tâches d'AX-CPT (test reconnu au niveau international pour mesurer la fatigue mentale dans lequel on demande au sujet d'appuyer sur la touche espace quand la lettre X est présentée à la suite de la lettre A et de ne pas répondre pour tous les autres stimuli tels que la couleur des lettres), puis un test d'endurance à 80 % de la puissance maximale aérobie.

* 29 Audition du 13 février 2025.

* 30 Pour mesurer la fatigue, une échelle visuelle analogique se présente sous forme d'une ligne horizontale longue d'une dizaine de centimètres avec des descriptions aux extrémités telles que « pas de fatigue » à l'extrémité gauche de la ligne (0) et « extrêmement fatigué » à l'extrémité droite de la ligne (10). L'individu est invité à indiquer un trait sur la ligne qui correspond à son niveau de fatigue actuel.

* 31 D'autres paramètres altèrent la VFC indépendamment de la fatigue, comme la douleur ou les émotions, ce qui conduit votre rapporteur à préférer le terme d'évaluation plutôt que de mesure.

* 32 La préparation mentale permet de lutter contre la fatigue mentale (cf. supra).

* 33 Adaptations se produisant à la suite de la fatigue due à l'entraînement physique et améliorant la condition physique de l'athlète :

1. Adaptations physiologiques : augmentation de la capacité cardiovasculaire, amélioration de la capacité pulmonaire, renforcement du système immunitaire, amélioration de la régulation hormonale, augmentation de la densité osseuse.

2. Adaptations neurophysiologiques : amélioration de la coordination motrice, renforcement des connexions neuronales, augmentation de la myélinisation des fibres nerveuses, amélioration de la synchronisation neuromusculaire.

3. Adaptations neuromusculaires : augmentation de la force musculaire, amélioration de l'endurance musculaire, renforcement des tendons et des ligaments, amélioration de la récupération musculaire, augmentation de la masse musculaire maigre.

Ces adaptations contribuent à une meilleure performance athlétique et à une plus grande résistance à la fatigue.

* 34 À condition de ne pas avoir atteint un niveau de fatigue qui ne lui permette plus d'améliorer sa condition physique quel que soit le volume de l'entraînement, voire qui conduise à une baisse des performances. Il y a alors un risque de burnout qui impose une réduction de l'activité physique.

* 35 L. Bosquet, J. Montpetit, D. Arvisais, I. Mujika, « Effects of tapering on performance: a meta-analysis », Medicine and Science in Sports and Exercise, 39 (8), August 2007.

* 36 Insep, Améliorer sa récupération en sport, 2013.

* 37 Sébastien Le Garrec, « La santé mentale des athlètes », Bulletin de l'Académie nationale de médecine, Volume 209, Issue 4, Avril 2025.

* 38 Il a été montré que pour avoir un effet positif sur la qualité et la quantité de sommeil, la cryostimulation devait être utilisée au plus près de l'heure du coucher et ce pendant au moins cinq jours consécutifs.

* 39 Constituée de deux ateliers collectifs et d'un atelier individuel.

* 40 Audition de Mathias Pessiglione, co-responsable de l'équipe « Motivation, cerveau et comportement » de l'Institut du cerveau, le 13 février 2025.

* 41 Jacquet, Thomas et al., « Acute Smartphone Use Impairs Vigilance and Inhibition Capacities », Scientific Reports, vol. 13, n° 1, December 2023.

* 42 G. Greco, R. Tambolini et F. Fischetti, « Negative effects of smartphone use on physical and technical performance of young footballers », Journal of Physical Education and Sport, 17(4), 2017.

* 43 L. S. Fortes, G. P. Berriel, H. Faro, C. G. Freitas-Júnior et L. A. Peyré-Tartaruga, « Can prolongate use of social media immediately before training worsen high level male volleyball players' visuomotor skills? », Perceptual and Motor Skills, 129, 2022.

* 44 L. S. Fortes et al., « Playing videogames or using social media applications on smartphones causes mental fatigue and impairs decision-making performance in amateur boxers », Applied Neuropsychology: Adult, 2021.

* 45 L. S. Fortes, D. de Lima-Júnior, P. Gantois, J. R. A. Nasicmento-Júnior, et F. S. Fonseca, « Smartphone use among high level swimmers is associated with mental fatigue and slower 100- and 200- but not 50-meter freestyle racing », Perceptual and Motor Skills, 128, 2021.

* 46 Note scientifique n° 37 La pollution lumineuse de Mme Annick Jacquemet, sénatrice, faite au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ( https://www.senat.fr/rap/r22-292/r22-2921.pdf)

* 47 Hartstein et al., « The impact of screen use on sleep health across the lifespan: A National Sleep Foundation consensus statement », Sleep Health, Volume 10, Issue 4, August 2024.

* 48 Yeug et al., « A prospective cohort study of hamstring injuries in competitive sprinters: preseason muscle imbalance as possible risk factor », British Journal of Sports Medicine, 43, 2009.

* 49 Audition du 19 décembre 2024.

* 50 Société française de psychologie du sport, Fiche 2, « L'essentiel de la préparation mentale - Fixation des objectifs », 2020.

* 51 Les exemples sont hélas nombreux. On peut citer Alexis Lebrun qui, lors de sa confrontation avec son frère au cours du championnat de France en mars 2025, a frappé la table plusieurs fois dans un geste d'énervement et s'est cassé un doigt.

* 52 Société française de psychologie du sport, Fiche 5, « L'essentiel de la préparation mentale - Concentration », 2020. Les athlètes peuvent identifier les types de distractions présentes pendant la compétition et les intégrer à l'entraînement. Ils sont également incités à sélectionner des mots clés qui les aident à se concentrer sur des éléments utiles pendant la compétition. La répétition d'affirmations positives dans sa tête, surtout si elles sont basées sur la réalité telles que « je me sens en forme et fort », « je suis prêt à partir » est une autre technique pour éviter les distractions.

* 53 Marjorie Bernier, « TrainYourBrain, un programme de préparation mentale pour optimiser la lucidité et l'engagement en match », Réflexions Sport, Numéro 32, Insep, novembre 2024.

* 54 Cf. projet de recherche TrainYourBrain financé dans le cadre du programme prioritaire de recherche Sport de très haute performance.

* 55 Varesco et al., « Fatigue in elite fencing: Effects of a simulated competition », Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, August 13, 2023.

* 56 Une compétition à l'entraînement reproduisant un format de compétition pour les jeux Olympiques a été organisée avec les athlètes de l'équipe de France, comprenant cinq matchs en 15 touches séparés de temps de récupération similaires à ceux d'une compétition officielle.

* 57 Varesco et al., « Effects of 5-week brain endurance training on fatigue and performance in elite youth épée fencers », International Journal of Sports Physiology and Performance, 20 (7), May 27, 2025.

* 58 Mickaël Campo, « TEAM Sports : la dimension mentale en sports collectifs », Réflexions Sport, Numéro 32, Insep, novembre 2024.

* 59 Programme financé dans le cadre du programme prioritaire de recherche « sport de très haute performance », voir infra II. B. 2.

* 60 Appelées stratégies de communal coping.

* 61 S. Cotteril et K. Fransen, « Athleteleadership in sport teams. Current understandingand future directions », International Review of Sport and Exercice Psychology, Vol 9, N° 1, April 2016.

* 62 Éric Brunelle et Dominic Lauzon-Marques, « Inspirer pour performer. Le leadership partagé dans les équipes sportives », Gestion, Volume 44 n° 4, hiver 2020.

* 63 Pendant un essai, pendant un arbitrage vidéo, etc.

* 64 A. Lees, « Techniques and applications of biomechanics in sport », Journal of Sports Sciences, 20 (10), 2002. 

* 65 Des capteurs cinématiques sont placés sur le sportif en des points de référence du corps, plus particulièrement sur les articulations. Les caméras de capture de mouvement envoient des rayons infrarouges sont réfléchis par les capteurs cinétiques, ce qui permet d'enregistrer leur position, donc les mouvements du corps. Toutes les retranscriptions du déplacement spatial du sportif sont visibles sur l'ordinateur.

* 66 L'ordinateur doit connaître la position et l'orientation relatives des caméras pour reconstruire les mouvements en trois dimensions.

* 67 Le fait que les rayons infrarouges des caméras ne peuvent pas traverser les obstacles entre la caméra et le marqueur a pour incidence la perte du capteur et donc du mouvement du sportif.

* 68 Ces dérives proviennent des erreurs intrinsèques des capteurs et de l'intégration numérique, provoquant des erreurs sur la position, l'orientation et la vitesse.

* 69 Audition de Paul Charton, CEO de Chiron IT, le 16 janvier 2025.

* 70 Gaël Guilhem, « Comment l'IA aide-t-elle à rendre les athlètes plus performants ? », Techniques de l'ingénieur, 21 février 2025.

* 71 Financé dans le cadre du programme prioritaire de recherche « Sport de très haute performance ».

* 72 Audition du 23 octobre 2024.

* 73 Vella, Schweickle, Sutcliffe, Swann, « A systematic review and meta-analysis of mental health position statements in sport: scope, quality and future directions », Psychology of Sport and Exercise, Volume 55, July 2021.

* 74 Thèse en cours de Simon Valverde sous la direction d'Hélène Joncheray sur l'identification et la prévention des risques psychosociaux chez les sportifs de haut niveau et/ou professionnels en France.

* 75 Sébastien Le Garrec, « La santé mentale des athlètes », Bulletin de l'Académie nationale de médecine, Volume 209, Issue 4, avril 2025.

* 76 Schaal et al., « Psychological balance in high level athletes: gender-based differences and sport-specific patterns », PloS ONE, Volume 6, Issue 5, May 2011.

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