Propos introductif de Dominique
Vérien,
présidente de la délégation
Mes chers collègues, mesdames, messieurs, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui a lieu tous les ans le 25 novembre, la délégation aux droits des femmes du Sénat a décidé d'organiser un colloque consacré à un phénomène préoccupant : la montée en puissance des mouvements et réseaux masculinistes dans le monde.
Ce colloque marque le lancement de travaux au long cours de la délégation sur la montée des mouvements masculinistes en France notamment, puisque nous allons publier un rapport sur ce sujet d'ici la fin du premier semestre 2026. Trois rapporteures ont d'ores et déjà été nommées : nos collègues Béatrice Gosselin, Olivia Richard et Laurence Rossignol. En outre, pour ce colloque à visée internationale, Annick Billon est une de nos sénatrices référentes.
Dans un contexte de « backlash » qui fragilise et remet en question des acquis essentiels pour les droits des femmes, les mouvements masculinistes constituent l'un des moteurs de ce retour en arrière. Il nous a donc semblé indispensable de comprendre leurs facteurs d'émergence et leur évolution, leur prolifération internationale ces dernières années, et de réfléchir aux outils nécessaires pour contrer ces discours.
L'actualité récente témoigne de la gravité de la menace. Pour la première fois, en juillet dernier, le parquet national antiterroriste a mis en examen un jeune homme de 18 ans pour un projet d'attentat inspiré de l'idéologie masculiniste « incel ». Cet événement rappelle, s'il en était besoin, que ces mouvements ne relèvent pas de fantasmes théoriques : ils peuvent produire une violence bien réelle, y compris en France.
Le phénomène, d'ailleurs, n'est pas nouveau. Dès 1989, quatorze femmes étaient assassinées à l'École polytechnique de Montréal au nom d'une haine des femmes et des féministes. Plus récemment, en 2014, à Santa Barbara, en Californie, Elliot Rodger, un jeune homme de 22 ans, assassinait six personnes et en blessait quatorze autres avant de se suicider. Il visait spécifiquement un foyer d'étudiantes et avait préalablement publié un manifeste détaillant sa haine des femmes.
Pourtant, ces mouvements demeurent largement méconnus. Leur diversité, leur fragmentation et leurs modes d'expression multiples compliquent leur compréhension. D'où l'importance, aujourd'hui, d'en analyser les ressorts : c'est précisément l'objectif de notre colloque.
Il est temps, plus que temps, de tirer la sonnette d'alarme et de refuser de fermer les yeux sur un phénomène qui s'étend et se transforme.
Il s'étend, parce que le contexte international montre une progression préoccupante de ces discours dans un nombre croissant d'États.
Il se transforme, parce que l'essor du numérique, sans avoir créé ces mouvements, a considérablement amplifié leur influence, leur visibilité et leur capacité de mobilisation.
La résurgence des rhétoriques masculinistes dans de nombreux pays ne constitue pas une dérive marginale : elle s'inscrit dans une tendance globale et durable.
On en observe les effets dans la sphère politique - aux États-Unis, avec la nouvelle élection de Donald Trump l'année dernière, ou en Argentine, avec la récente victoire de Javier Milei aux élections législatives, dont l'une des récentes décisions a été la fermeture du ministère des femmes, du genre et de la diversité.
On les observe aussi dans la sphère médiatique et numérique, où certaines personnalités, telles qu'Elon Musk, diffusent ou relaient ouvertement des discours masculinistes.
Le continent européen, lui non plus, n'est pas épargné avec des partis populistes ou ultraconservateurs qui promeuvent une vision « traditionnelle » des rôles de genre.
Face à ces constats, une prise de conscience semble émerger. Outre-Manche, la série Adolescence a suscité un électrochoc salutaire. En France, le sujet du masculinisme commence à être débattu publiquement, et nous réfléchirons aujourd'hui aux différentes stratégies possibles pour contrer cette progression.
Ce colloque promet d'être riche, éclairant et surtout il est nécessaire, voire salutaire. Je remercie donc chaleureusement l'ensemble des intervenantes et intervenants présents parmi nous ce matin.
Je rappelle que notre colloque est filmé et diffusé en direct sur le site Internet et les réseaux sociaux du Sénat. Il sera également disponible, par la suite, en vidéo à la demande.
Je laisse, dans un premier temps, la parole à notre collègue Laurence Rossignol qui introduira et animera notre première table ronde dont l'objet est de revenir sur les origines et les différentes expressions contemporaines des mouvements masculinistes à travers le monde.