Clôture du colloque
Intervention de Béatrice Gosselin, vice-présidente de la délégation
Mme Béatrice Gosselin, rapporteure. - Madame la présidente du Haut conseil à l'égalité, chère Bérangère Couillard, mes chers collègues, mesdames, messieurs, nous arrivons au terme de cette matinée consacrée à la montée des mouvements masculinistes dans le monde, et je voudrais d'abord remercier l'ensemble des intervenantes et intervenants pour la qualité de leurs contributions. Grâce à vous, nous avons pu éclairer un phénomène encore mal compris, souvent minimisé, et pourtant profondément structurant en raison de la remise en cause des droits des femmes qu'il porte.
Au fil des échanges, une conviction s'est imposée : le masculinisme n'est pas une simple réaction marginale, ni une constellation d'attitudes individuelles éparses. C'est un mouvement structuré, internationalisé, financé, porté par des réseaux idéologiques transnationaux, et qui s'inscrit dans un continuum allant de la remise en cause des droits des femmes jusqu'aux formes les plus extrêmes de violence radicale.
La première table ronde l'a montré avec force : les mouvements masculinistes sont multiples, pluriels, aux contours parfois flous, et c'est précisément cela qui les rend difficiles à appréhender. Des incels aux MGTOW, des « tradwives » aux influenceurs qui monétisent la haine, ces groupes divergent dans leurs formes mais convergent dans leurs idées et leurs objectifs : la légitimation de discours antiféministes, la diffusion d'une vision hiérarchisée des sexes, et la contestation des avancées destinées à protéger les femmes.
Nous avons aussi mesuré le rôle décisif des espaces numériques. Le numérique est devenu le principal amplificateur de ces idéologies. Il offre des communautés d'adhésion, et des modèles de virilité à l'opposé des valeurs d'égalité que nous promouvons, et ces contenus viraux touchent particulièrement les plus jeunes. Ces espaces constituent aujourd'hui de véritables lieux de recrutement, et parfois de radicalisation violente, comme l'actualité récente l'a rappelé de manière alarmante.
La deuxième table ronde nous a permis d'aborder la question essentielle de nos stratégies d'action. Les constats sont clairs : la lutte contre ces mouvements exige une mobilisation globale, cohérente et déterminée, aux niveaux aussi bien national, européen qu'international.
Nous devons d'abord mieux connaître ces mouvements, leurs réseaux, leurs modes d'action, leurs relais politiques et médiatiques. Sans cette connaissance, aucune stratégie efficace ne peut être mise en oeuvre.
Nous devons ensuite agir sur le terrain numérique, en exigeant des plateformes une responsabilité pleine et entière. L'absence de régulation, ou les reculs que nous observons, laissent proliférer des discours de haine et des mécanismes algorithmiques qui enferment leurs utilisateurs dans des spirales de contenus misogynes.
Nous devons aussi renforcer l'éducation à l'égalité, dès le plus jeune âge. Les efforts consentis aujourd'hui ne sont pas à la hauteur de l'ampleur de la menace. Face à ces mouvements hyperorganisés et massivement financés, nos outils éducatifs doivent être mieux dotés, plus développés et plus visibles.
Dernier enseignement, nous devons intégrer pleinement le risque de radicalisation et le risque terroriste liés à ces mouvements. Les exemples étrangers, notamment la démarche engagée par la Suisse, montrent qu'une prise en compte explicite de ces phénomènes dans les politiques de prévention de l'extrémisme violent est utile et il faut, en la matière, s'intéresser à l'ensemble du spectre, au-delà du seul mouvement des Incels.
Ce colloque nous a rappelé que la montée des discours masculinistes s'inscrit dans un mouvement mondial plus large, celui du backlash, qui cherche à remettre en cause ce qui a été conquis au prix de décennies de luttes collectives.
Nous en connaissons les ressorts, nous en voyons d'ores et déjà les dangers, et nous en mesurerons demain les effets si l'on n'agit pas contre ce phénomène.
C'est pourquoi il est indispensable de poursuivre ce travail, de l'amplifier et de maintenir la vigilance qui s'impose, ce sera l'objet des travaux que la délégation aux droits des femmes va mener à compter du mois de décembre. Nous remettrons ensuite notre rapport d'ici la fin juin 2026.
Je vais sans plus tarder laisser la parole à notre dernière invitée, Bérangère Couillard, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont les récents travaux ont apporté un éclairage précieux sur la montée en puissance des théories masculinistes dans nos sociétés modernes.