B. LE RESPECT DES LIBERTÉS PUBLIQUES : QUELQUES INTERROGATIONS

Pour M. Bahige Tabarrah, Ministre de la Justice, " le mérite du Liban est d'être sorti d'une guerre aussi terrible tout en restant démocratique... On peut tout dire du Liban, il reste que c'est un régime de liberté, notamment pour la presse ". " D'ailleurs ", a-t-il ajouté " les arrestations préventives des journalistes ont été interrompues ".

Même si elle n'a pu recueillir d'informations directes sur les internements politiques, la délégation de la commission des Lois a pu vérifier la réalité de ce constat : le Liban est un pays de liberté malgré la présence de la Syrie qui se caractérise par un régime politique d'une tout autre inspiration .

Par delà les apparences, la délégation a pu percevoir quelques zones d'ombre .

Ainsi, le Conseil constitutionnel, saisi de dix-neuf recours en invalidation à la suite des élections législatives, a réprouvé dans un communiqué en date du 10 octobre 1996 le comportement du ministère de l'intérieur :

" Le Conseil constitutionnel s'est réuni en présence de tous ses membres en son siège, sur la convocation de son président, et a pris connaissance de l'attitude dilatoire adoptée par le ministère de l'Intérieur vis-à-vis de l'application des dispositions de l'article 28 de la loi n° 250-93 (instituant la législation relative au Conseil constitutionnel), et vis-à-vis de l'objet de la lettre émanant du président du Conseil et communiquée au ministère de l'Intérieur en date du 26 septembre 1996.

" Après délibéré, le Conseil a pris la décision suivante :

" Attendu que l'art. 28 de la loi n° 250-93 arrête ce qui suit : " art. 28.- Il incombe au ministère de l'Intérieur de fournir au Conseil constitutionnel tous les procès-verbaux, documents, renseignements, disponibles chez lui, à l'effet de permettre au Conseil constitutionnel de procéder à toutes les investigations qui s'imposent ".

" Attendu que le ministère de l'Intérieur a reçu la lettre du président du Conseil constitutionnel en date du 26-9-1996 et s'est abstenu jusqu'à ce jour de faire droit à la requête lui demandant de fournir au Conseil les procès-verbaux et toutes pièces, mentionnés impérativement dans la loi.

" Attendu que le contrôle de la régularité des élections législatives a été dévolu au Conseil constitutionnel en vertu des dispositions des articles 19 et 30 nouveaux de la Constitution...

" Attendu que les lenteurs apportées par le ministère de l'Intérieur à se conformer aux dispositions des deux articles nouveaux 19 et 30 de la Constitution, et des législations subséquentes sont susceptibles -en raison de la célérité requise dans le jugement des recours en contestation de la régularité des élections législatives- de générer une situation non conforme à la Constitution, dont le ministère supporte les conséquences, et qu'il appartient aux pouvoirs concernés de conjurer.

" Par ces motifs :

" Article 1 : La décision présente confirme la teneur de la demande, objet de la lettre émanant du président du Conseil constitutionnel communiquée au ministère de l'Intérieur en date du 26-9-1996.

" Article 2 : La présente décision invite le ministère de l'Intérieur à se conformer sans retard aux termes de cette lettre et à faire droit aussitôt à l'injonction formulée dans l'article 28 de la loi n° 250-93.

" Article 3 : Cette décision sera communiquée à toutes les instances officielles concernées, en application des termes de l'article 14 de la loi n° 250-93
" .

En réponse, le ministre de l'Intérieur, M. Michel Murr, a répliqué que les documents en cause avaient été transmis à la Chambre des Députés :

" La vérité est que les documents demandés par le Conseil constitutionnel au ministère de l'Intérieur ont déjà été transférés à l'Assemblée nationale à laquelle nous avons donc demandé de nous les renvoyer pour que nous puissions donner suite à la requête du Conseil. L'affaire demande donc un peu de patience et point n'est besoin de s'énerver ".

Dans le domaine du droit pénal, Mme Philomène Nasr, Membre du Conseil de la Faculté de Droit de l'USEK, a souhaité appeler notre attention sur une loi du 21 mars 1994 qui a étendu la peine de mort à tous les homicides volontaires, y compris s'il s'agit d'un crime politique, sans que le juge puisse retenir des circonstances atténuantes.

Cette atteinte aux principes de l'individualisation des peines et de l'intime conviction du juge est d'autant plus grave que l'actuel Chef de l'Etat a rejeté tout recours en grâce.

La délégation a pu enfin étudier une difficulté d'ordre juridique qui a surgi dans l'application du droit des associations.

Pour l'essentiel, le droit des associations est régi par une loi de 1909 qui a été promulguée pendant la période ottomane.

Comme elle est étroitement inspirée de la loi française de 1901, la loi de 1909 présente un caractère extrêmement libéral.

Or, depuis plusieurs années, l'exigence d'un récépissé délivré par l'administration à la suite du dépôt des statuts a donné au ministère de l'intérieur la possibilité d'exercer un contrôle préalable et ainsi de bloquer la constitution de certaines associations.

Pour prévenir tout risque arbitraire, l'idée a été donc avancée de revenir à la philosophie originelle de la loi ottomane, qui, fondée sur le principe de la déclaration pure et simple des statuts, était plus conforme à la liberté d'association.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page