2.2 Une situation initiale particulièrement dégradée

Avant la réforme de 1992, le travail de la manutention s'effectuait dans les conditions qui prévalaient depuis le XIXe siècle et qui avaient été précisées dans différents textes, dont le plus connu date du 6 septembre 1947.

Il était admis alors que la vigueur physique qu'exigeait ce travail, ainsi que le caractère irrégulier du trafic de marchandises dans les ports avec des pointes d'activité et des temps morts, ne nécessitaient pas de liens contractuels entre la main d'oeuvre et les entreprises. Ces dernières étaient donc amenées à recruter une ou deux fois par jour la main d'oeuvre nécessaire auprès d'un organisme d'embauché, le bureau central de la main d'oeuvre (BCMO). Dans chaque port, existaient un contingent de dockers intermittents titulaires d'une carte professionnelle (carte « G ») et un autre contingent de dockers occasionnels destinés à faire face aux périodes de pointes.

Cette loi de 1947 n'était pas intrinsèquement mauvaise si l'on considère que les principaux ports d'Europe fonctionnaient de façon satisfaisante en suivant à peu près les mêmes principes. Ce sont les dérives auxquelles elle a donné lieu qui ont conduit à la perte progressive de fiabilité des ports français. L'immobilisation d'un navire à quai coûtant souvent plus à l'armateur que la satisfaction d'une revendication ponctuelle, au fil des années les conditions de production sont devenues de moins en moins compétitives pour les armateurs et les chargeurs, sans que la situation des dockers s'améliore pour autant.

Dans le même temps, en effet, le progrès technique a nécessité moins de main d'oeuvre sans que les effectifs soient adaptés en conséquence, le syndicat unique des dockers contrôlant directement l'organisation du travail et le niveau des effectifs affectés à chaque opération. Comme de plus ce personnel revendiquait l'exclusivité des activités de traitement de la marchandise dans l'enceinte portuaire (alors que la loi de 1947 ne le prévoyait pas), les ports français ont acquis, à tort ou à raison, une mauvaise réputation auprès de l'ensemble des opérateurs internationaux, qui ont cherché à les contourner pour les trafics non captifs.

Ce système tripartite, marqué par une organisation efficace du côté des personnels de la manutention en situation sociale sans cesse plus difficile, par un patronat en situation de faiblesse, et par un État qui ne voulait pas prendre en charge les coûts d'ajustement nécessaires et en perpétuelle situation d'arbitrage délicat rendant difficile l'application équitable des textes réglementaires et législatifs, a donc trouvé ses limites et contribué à la dégradation des conditions d'activité de manutention dans les ports français.

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