6.2 Le schéma routier national favorise la desserte des ports

Les ports maritimes ont longtemps été les grands oubliés des différents schémas nationaux autoroutiers qui se sont succédé depuis les années soixante. On cite souvent le cas de l'autoroute desservant Deauville, alors que Le Havre a longtemps été laissé à l'écart. Plus généralement, il est souvent relevé que l'orientation générale nord-sud des grands axes autoroutiers français tend plutôt à favoriser les grands ports du Bénélux que ceux implantés sur les côtes françaises de la Manche et de l'Atlantique. L'objectif correspondait plus logiquement à la nécessité de satisfaire la demande de trafic général dont les flux sont principalement orientés nord-sud. Actuellement, les tronçons les plus chargés des autoroutes concédées, mesurées par l'intensité kilométrique journalière, sont A7 de Lyon à Orange (67 000), A6 de Beaune à Lyon (63 000), A9 d'Orange à Narbonne (53 000), Al de Paris à Lille (52 000)... Les axes transversaux en service sont nettement moins chargés : A61 de Bordeaux à Narbonne (24 000), A11 de Nantes au Mans (19 000), A26 de Calais à Reims (14 000)...

Il convient également de rappeler que les trafics de véhicules légers constituent l'essentiel du trafic autoroutier, donc des recettes de péage des concessions. Sachant que le trafic des poids lourds représente un peu moins de 20 % du trafic total et que la recette kilométrique de ceux-ci équivaut en moyenne à 1,8 fois celle d'un véhicule léger, la part des recettes des poids lourds représente 30 % de la recette générale. Au prorata du tonnage transporté, les camions desservant les ports ne représentent plus que 8 % du trafic de marchandises et donc de l'ordre de 2,5 % de la recette potentielle des sociétés d'autoroutes. Il n'est donc pas surprenant que la desserte des ports maritimes ne fût pas au premier rang des préoccupations des concepteurs des schémas autoroutiers initiaux.

Cependant, comme 75 % du trafic des ports maritimes français quittant la zone portuaire passent par la route et que d'importants gains de productivité sont à attendre de l'amélioration des dessertes terrestres, il n'est pas étonnant non plus que les demandes se fassent insistantes en faveur de la réalisation d'autoroutes de desserte des ports.

Depuis une dizaine d'années, l'intérêt des ports est pris en compte dans les schémas directeurs routiers nationaux. Le schéma directeur de 1986 a prévu « quatre grandes liaisons autoroutières ouest-est ne passant pas par Paris et permettant d'élargir l'arrière-pays de nos ports » :

- Le Havre (et Rouen) - Amiens - Saint-Quentin

- Bordeaux - Clermont-Ferrand - Lyon

- Nantes - Tours - Orléans - Troyes

- Nantes - Tours - Vierzon - Clermont-Ferrand et « deux grandes liaisons autoroutières nord-sud évitant Paris par l'ouest » :

- Calais - Rouen - Le Mans - Tours - Bordeaux

- Caen - Nantes - Bordeaux

Cette dernière liaison, en partie non concédée et section d'un itinéraire dénommé « autoroute des estuaires », élargit la gammedes destinations, mais reliant les ports entre eux, favorise la concurrence entre ceux-ci et rend encore plus difficile l'alternative de transport que constitue le cabotage maritime.

Le schéma directeur de 1988 complétait le précédent et prévoyait dans ses objectifs de « désenclaver nos façades maritimes ».

Le schéma routier national en cours, défini par l'arrêté du 1 er avril 1992, ajoute 900 km au réseau d'autoroutes décidé et engagé précédemment et reconnaît, parmi ses objectifs, que « la desserte routière de nos ports est encore insuffisante et nuit à leur compétitivité ». Il ajoute comme nouvelles liaisons (autoroutes ou routes assurant la continuité du réseau autoroutier) : le pont de Normandie relié avec A13, Caen-Falaise et La Rochelle-Rochefort.

Dans le cadre des travaux préparatoires au XI e Plan mené au niveau interministériel au Commissariat général du Plan (groupe « Transports 2010 » en 1992 et Atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transports en 1993), la Direction des routes a clairement affiché parmi ses priorités l'intégration des façades maritimes à l'Europe et classé en première et deuxième urgences la presque totalité des programmes s'y rapportant.

Avec l'accélération du programme autoroutier de 1994, le retard relatif pris en matière de desserte portuaire est en voie d'être résorbé. À titre d'exemple, on peut citer parmi les opérations récemment réalisées ou engagées :

- A29 Le Havre - Yvetot - Amiens - Saint-Quentin

- A28 Rouen - Abbeville

- Pont de Normandie et liaison avec Al3

- Rocade des estuaires Rouen - Caen - Rennes - Nantes (avec les réserves vues précédemment)

- A16 Boulogne - Amiens - Abbeville

- A83 Nantes - Niort

- A89 Bordeaux - Clermont-Ferrand, etc

Par ailleurs, d'autres infrastructures routières intéressent directement les ports comme la mise à deux fois deux voies de la RN 31 de Rouen à Reims et de la RN 154 de Rouen à Chartres et Orléans (approvisionnements du port céréalier).

Deux difficultés peuvent être évoquées à ce stade. Concernant les ports de Calais et Dunkerque, l'axe international Londres - Calais - Dunkerque -Copenhague a longtemps été interrompu sur trois kilomètres après la frontière belge. Ce tronçon a finalement été mis en service en juin 1997 avec quatre années de retard, après des manoeuvres de retardement destinées en fait à protéger de la concurrence des ports français une compagnie maritime (la RTM) qui assurait des liaisons transmanche au départ d'Ostende 67 ( * ) (selon le Lloyd anversois du 18 juin 1997). De son côté, Marseille, par ailleurs convenablement desservi par le réseau autoroutier, voit deux projets mis en question en raison de leur impact sur l'environnement : A51 Grenoble-Sisteron, alternative à l'autoroute de la vallée du Rhône ; A8 bis en direction de l'Italie avec une nouvelle percée alpine dans le massif du Mercantour.

Malgré ces difficultés ponctuelles, la desserte routière des ports français s'est nettement améliorée au cours des dernières années, notamment au Havre, et l'achèvement du schéma directeur national devrait supprimer les dernières insuffisances de desserte à l'horizon 2005. Il reste que pour des raisons conjoncturelles, les engagements de programme ont parfois été menés de façon dispersée alors que la réalisation successive d'axes complets aurait démontré une meilleure cohérence et plus d'efficacité.

* 67 Dans le même registre, les travaux de l'ascenseur à bateaux de Strepy en Belgique sur le canal du Centre, qui permet l'accès à grand gabarit de la région wallonne à partir de Dunkerque, traînent en longueur depuis de nombreuses années.

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