6.3.2 Les investissements ferroviaires utiles au Havre et aux autres ports français

Le directeur du port du Havre a manifesté de façon claire son souci de répliquer à l'offensive des transporteurs néerlandais et d'élargir son hinterland vers l'est et le nord. Pour contrer l'opérateur hollandais ERS (European Rail Shuttle) qui envisageait de créer une navette ferroviaire entre Rotterdam et Lyon, le port du Havre a mis en place avec CNC (filiale de transport combiné de la SNCF) une navette ferroviaire entre le port et Lyon. D'autres liaisons vers des villes européennes comme Milan, Bâle ou Bologne sont également envisagées.

Mais l'objectif visé par le port reste la création d'un axe lourd ferroviaire vers l'est entre Le Havre et Metz, ce qui ouvrirait la voie vers l'Allemagne du sud, la Suisse et l'Italie du nord, l'hinterland cible couvrant une zone de 600 à 1 500 kilomètres. L'infrastructure existe via Amiens (« Rocade Nord ») et supporte actuellement de faibles trafics. Sa modernisation par électrification est estimée par la SNCF à 1,7 à 1,9 milliard de francs. Une autre possibilité à l'étude consisterait à mettre en circulation des trains lourds de 1 500 mètres tractés par diesel, ce qui nécessite un certain nombre de dispositions techniques et notamment l'acquisition de locomotives spécifiques. Outre la question de leur faisabilité, ces solutions sont coûteuses et ne seraient viables commercialement que si un trafic se développe de façon à pouvoir remplir les trains. La SNCF ou RFF ne peuvent assumer seuls le risque commercial correspondant et attendent que des opérateurs (CNC, Novatrans...) s'engagent.

On rappelle enfin l'intérêt que présente la réalisation d'un terminal ferroviaire unique au Havre (actuellement les terminaux conteneurs sont dispersés sur quatre sites), opération prévue dans le cadre du projet Port 2000, et la nécessité de résoudre le problème du brouettage (transport des marchandises dans l'enceinte portuaire).

De son côté, le port de Marseille a proposé un corridor Marseille-Le Havre via Lyon et Paris pour faciliter l'établissement d'un « pont terrestre » (land-bridge) pour le transport combiné des flux maritimes entre le Nord Continent européen et la Méditerranée. Il pourrait faire contre-poids aux corridors Rotterdam - Gênes - Gioia Tauro et Rotterdam - Barcelone actuellement développés par des opérateurs nord-européens.

Par ailleurs, la diffusion aux États-Unis, depuis 1983, de conteneurs hors normes ISO plus longs (48 pieds au lieu de 40), plus larges (8 pieds 6 pouces) et plus hauts (9 pieds 6 pouces), utilisés déjà sur les liaisons transpacifiques, provoque des difficultés d'adaptation dans les ports européens. Elle nécessite de prévoir un certain nombre de rénovations d'ouvrages d'art ferroviaires. C'est ainsi que depuis plusieurs années, la SNCF entreprend la mise au gabarit B+ de la ligne Le Havre-Paris. Il apparaît cependant que les trafics de ces conteneurs ne soient pas aussi abondants que prévus. La question se pose de savoir s'il vaut mieux achever cette opération, sachant qu'il ne reste que trois tunnels à agrandir ou reporter les crédits correspondants, comme le souhaite le port du Havre, sur des premiers aménagements du grand contournement fret au nord de Paris. À court terme, l'utilisation de cette rocade Nord impose un allongement de trajet de 270 kilomètres et est donc nettement plus coûteuse que le passage par le point nodal de Villeneuve-Saint-Georges, via la Grande Ceinture parisienne.

Concernant l'ensemble des investissements nationaux 68 ( * ) , les opérations les plus intéressantes à court terme consistent à faire sauter les goulots d'étranglement. Le contournement fret de Lyon répond à cette attente et est lié à la résorption du noeud dijonnais (utilisation de la ligne de la Bresse et passage par Ambérieu) ; un phasage de projet semble possible et permettrait d'échelonner les dépenses. Une autre opération consiste à développer le fret classique sur la liaison Lyon-Turin, dans l'attente du percement du tunnel de base à l'horizon 2020 ; cela suppose l'acquisition de locomotives tricourant et la réalisation du contournement de Chambéry. Enfin, il convient de remettre à niveau la ligne de Grande Ceinture parisienne, sachant que, dans la situation actuelle, le passage par le point nodal parisien constitue la solution la plus économique pour distribuer le trafic national.

Ces trois opérations, qui concernent la desserte des ports, n'ont pas fait l'objet d'évaluation récente de la part de la SNCF ou de RFF. En tout état de cause, ces organismes peuvent difficilement les prendre seuls à leur charge compte tenu de l'aléa sur les recettes de trafic. La SNCF est tenue d'équilibrer les comptes de son activité fret et RFF, nouvel établissement en charge de l'infrastructure, ne dispose quasiment pas de marge de manoeuvre.

* 68 Le récent rapport sur la desserte terrestre des ports maritimes dit « rapport Belmain » fournit une liste des projets ferroviaires de fret et estime à 5 milliards sur sept ans les investissements correspondants dans un premier temps

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