6.4 La desserte fluviale des ports ne constitue qu'une réponse limitée
La desserte des ports par la navigation fluviale reste marginale en France et pourtant il s'agit d'un mode intéressant en raison de son coût réduit, de sa faible consommation d'énergie et de son impact modéré sur l'environnement. Il est intensément utilisé dans les ports de l'Europe du nord comme à Rotterdam ou Anvers, où il représente 45 à 50 % des acheminements terrestres, contre 4 % au Havre et 10 % à Rouen
Grâce au Rhin, Rotterdam est 40 % moins cher que Le Havre pour un transport à destination de Strasbourg. Quelques lignes fluviales de conteneurs ont été récemment mises en place entre Le Havre et Paris (Logiseine) et sur le Rhône (Deltabox) et progressent notablement mais il s'agit d'un trafic limité de quelques milliers de conteneurs par an. La densité démographique et économique moindre, ainsi que la moins bonne navigabilité des grands fleuves français, rendent de toute manière invraisemblables des parts de marché comparables à celles du Bénélux.
La faiblesse du transport fluvial s'explique par l'organisation de la batellerie française, peu de grandes compagnies et subsistance du régime archaïque du « tour de rôle » 69 ( * ) , certains handicaps comme l'obligation de faire appel à la main d'oeuvre des dockers dans les ports pour les transferts de charge et surtout l'insuffisance du réseau français à grand gabarit. Celui-ci, long de 1 900 kilomètres, est composé d'éléments qui ne communiquent pas entre eux : la Seine, le Rhône et la Saône, la Moselle, le Rhin et le réseau du Nord.
D'ailleurs, une politique de réalisation de nouvelles liaisons interbassins à grand gabarit soulève plusieurs questions qui dépassent le cadre de la politique portuaire : concurrence avec le trafic fret de la SNCF, cohérence avec le développement actuel de l'économie plutôt basé sur les transports de produits à haute valeur ajoutée, logique de nouveaux parcours interrégionaux se substituant à des trajets maritimes ou terrestres, intérêt de ces nouvelles liaisons pour les chargeurs, enfin et surtout, réalité incontournable de la géographie qui n'a pas pourvu le territoire français de voies fluviales aussi efficaces que le Rhin ou l'Escaut et d'arrière-pays aussi denses en populations et activités.
Les acteurs du monde portuaire ont des positions contrastées envers le transport fluvial. Certains, comme Marseille, considèrent que ce mode est essentiel au développement du port. D'autres relativisent fortement son importance en raison de sa lenteur qui pénalise particulièrement les trafics de conteneurs dont la forte valeur ajoutée nécessite des délais restreints d'acheminement ; ils font valoir que, même dans le cas favorable du trafic rhénan, les 600 000 EVP transportés annuellement ne représentent que 10 % du trafic portuaire de conteneurs. En ce qui concerne le schéma des voies navigables, les responsables portuaires concernés demandent en priorité de réaliser la liaison fluviale Seine-est, c'est-à-dire entre le bassin de la Seine et la Moselle. Cette liaison favoriserait l'extension de l'hinterland des ports de Rouen et Le Havre. Les études préalables ont été engagées par VNF (Voies navigables de France), mais semblent moins avancées que celles concernant la liaison Seine-nord
Cette dernière n'est envisagée qu'avec circonspection par les responsables portuaires français, qui craignent qu'elle ne profite, comme toutes les infrastructures nord-sud, aux ports d'Anvers et Rotterdam (les batelleries belges et surtout néerlandaises sont en outre nettement plus compétitives). En tout état de cause, le financement prévu par prélèvement sur le FITTVN ne permet pas d'escompter, sans modification notable de l'affectation des montants, une mise en oeuvre rapide de ces deux projets, dont le coût est estimé de l'ordre de 15 milliards chacun. Enfin, le gouvernement vient de renoncer à la liaison Rhin-Rhône qui était prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 et dont les premières acquisitions foncières avaient été entreprises.
Outre les trois liaisons évoquées précédemment, le « rapport Belmain » sur les transports terrestres met en bonne place la maintenance et la restauration du réseau existant. À ce titre, VNF vient de se voir accorder un supplément de dotation en provenance du FITTVN. Des crédits suffisants doivent être consacrés aux dragages, à l'entretien et à la modernisation des écluses, au relèvement des ponts sur certains canaux à grand gabarit (comme Dunkerque-Valenciennes) pour permettre la circulation de bateaux chargés de deux piles de conteneurs et la mise au gabarit de certains tronçons (Seine de Bray à Nogent, canal du Rhône à Sète). Il reste au préalable à améliorer l'interface entre les ports et le transport fluvial, en particulier en ce qui concerne la manutention des cargaisons.
* 69 Régime d'exploitation qui ne reconnaît pas le droit au chargeur de choisir son transporteur et qui devrait disparaître d'ici quatre ans.