10.3 Des positions concurrentielles contrastées
Au cours des auditions, de nombreux cas de désavantages concurrentiels au niveau européen ont été évoqués et il n'est bien entendu pas envisageable de rapporter des cas précis.
D'un point de vue global, les ports français sont pénalisés dans la mesure où les relations entre les ports et l'État et les collectivités diverses sont transparentes et les subventions clairement identifiables dans les différents budgets. Dans les pays du Nord de l'Europe, les ports sont souvent dépourvus de l'autonomie budgétaire, les recettes et les dépenses étant intégrées dans le budget général de la collectivité gestionnaire du port sans séparation comptable. En outre, les aides venant essentiellement des collectivités locales sont plus difficilement identifiables et isolables que celles en provenance de l'État (à signaler que le port d'Anvers est depuis 1996 doté d'une structure propre distincte de la ville). S'imposent donc une clarification des relations financières et une définition des règles européennes en matière d'aides publiques.
Sans prétendre être exhaustif, il existe de multiples façons d'enfreindre les règles de la concurrence. À un niveau de responsabilité nationale cela peut prendre la forme de pratiques douanières minimalistes se traduisant par des taux très faibles de contrôle des marchandises, abus d'autant plus condamnable qu'on en fait parfois un argument commercial. D'autres pratiques sont plus subtiles : on peut subventionner le transport ferroviaire en ne faisant pas payer le péage d'infrastructure à l'opérateur (Pays-Bas). L'investisseur industriel souhaitant s'implanter dans un port peut aussi négocier sa fiscalité avec l'administration des impôts (pratique du « ruling » aux Pays-Bas). Dans l'hypothèse où les fonds publics versés aux infrastructures ne soient pas considérés comme des aides, ils sont cependant difficiles à contrôler et peuvent affecter le commerce entre les États membres. De leur côté, les autorités portuaires peuvent aider ou entraver les activités des opérateurs.
Dans les ports français, comme dans beaucoup d'autres pays européens, on peut relever diverses autres pratiques susceptibles de fausser la concurrence : prêts à taux privilégiés, non exigibilité d'un retour normal de capitaux, non recouvrement de taxes sur les bénéfices, locations domaniales à des conditions privilégiées, fourniture de services gratuits, etc. En tout état de cause, la Commission peut contraindre un État à modifier les dispositions qui favorisent des pratiques irrégulières. Il y a lieu bien sûr de prendre des précautions avant d'en tirer quelques conclusions. D'un autre côté, une compétitivité inférieure n'est pas toujours due à des pratiques irrégulières des concurrents mais plus souvent à une incapacité à atteindre un niveau de performance suffisant. Par ailleurs, une politique d'aménagement du territoire ou le soutien à des régions en retard de développement peuvent justifier des interventions en faveur de certains ports au niveau national comme au niveau européen.
Finalement, il est difficile de tirer des conclusions tout-à-fait objectives, la raison essentielle étant qu'un port est choisi par un organisateur de transport (maritime ou terrestre) plus en raison de la qualité globale du service offert que du coût de passage. On verra que le « livre vert » se propose de jeter la première pierre de ce vaste chantier. Malgré tout, il semble que les instances européennes sont en mesure de faire respecter une concurrence équitable à des organismes portuaires, pourtant dotés de statuts différents, grâce à l'application de règles communes en matière d'aides publiques, de tarification et de fiscalité