B. UN DÉFI POUR LES CHAÎNES GÉNÉRALISTES

La montée en puissance des nouvelles chaînes du câble et du satellite, appelées à attirer une part de plus en plus importante de l'audience, et des recettes publicitaires, pourrait bien s'effectuer au détriment des chaînes généralistes hertziennes.

En outre, il faut tenir compte des fuites qui pourraient résulter de la tendance pour certains annonceurs à déplacer, dans un espace audiovisuel sans frontières, leurs campagnes vers des chaînes où la publicité à la télévision est moins encadrée.

Il faut également tenir compte de l'émergence de nouveaux supports et de nouvelles formes de publicité, issus de la convergence PC/TV/Internet, qui ont d'ores et déjà attiré une part importante des budgets publicitaires.

" La diminution de l'audience des chaînes généralistes remet en question l'atout "mass" des médias " affirme, en septembre 1997, Michel Granjean, responsable de Médiapolis.

Par contre, les responsables des chaînes généralistes considèrent, au contraire, que la télévision demeure un " grand média très porteur en dépit de la fragmentation de l'audience ".

L'impact de cette évolution sur les ressources publicitaires des chaînes hertziennes reste pour l'instant limité ; il est vraisemblable que la reprise de la consommation diminuera les tensions du marché publicitaire qui ont pu affecter les chaînes généralistes.

1. Les limites au bourrage des écrans

L'augmentation continue de la durée des espaces publicitaires

La stratégie commerciale de TF1 Publicité s'était longtemps démarquée de celles des autres régies par une limitation volontaire de la durée de ses écrans à 4 minutes 20 secondes. Sa position incontournable de leader sur le marché lui permettait de maintenir des tarifs relativement élevés, sur des écrans d'autant plus efficaces qu'ils étaient plus courts, et qu'ils bénéficiaient d'une audience importante auprès des publics cibles des annonceurs.

Compte tenu de l'évolution générale du marché publicitaire, l'érosion progressive de son audience a réduit cet avantage. La déclaration faite par TF1 au Conseil supérieur de l'audiovisuel, en 1996, à l'occasion du renouvellement des autorisations des chaînes privées, abandonnant son engagement d'auto-limitation dans les oeuvres de fiction, et de s'aligner sur le régime général prévu par la loi, est conforme au changement de stratégie intervenu. En 1994, 43 % des écrans de TF1 duraient plus de 3 minutes; en 1996, ils représentaient 60 %.

La durée globale de la publicité à la télévision sur les chaînes en clair (sans compter La Cinquième) a progressé de 10 % par an en moyenne entre 1992 et 1997.

La concurrence entre les régies, dans un contexte où la durée des espaces publicitaires augmente plus vite que les dépenses des annonceurs, se traduit par une agressivité accrue dans les politiques tarifaires, et une multiplication des " conditions spéciales de vente ". Les taux moyens de remises sont passés de 32 % en moyenne pour l'ensemble des chaînes en 1994, à 36,4 % en 1996.

Les handicaps du secteur public


" Il est important de noter que, selon l'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel , si minimes qu'elles paraissent, les restrictions appliquées aux chaînes publiques en matière d'accès au marché publicitaire ( interdiction de couper les oeuvres par des écrans publicitaires ; exclusion du télé-achat ) leur créent un handicap qui ira croissant ; un gain d'un point d'audience rapporte, en part de marché publicitaire, environ deux fois plus à une chaîne privée qu'à une chaîne publique.

Entre 1992 et 1996, les recettes publicitaires de TF1 et de France 2 ont augmenté respectivement de 1,2 milliard et de 0,75 milliard. Il a suffi à TF1, qui avait pourtant perdu 6 points d'audience, d'augmenter la durée de ses écrans de 30 minutes par jour. Par contre, il a fallu à France 2, malgré une légère progression de son audience, accroître la durée de ses écrans de 40 minutes. "


L'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel donne des chiffres qui justifient cette appréciation.

" En 1996, le montant global des recettes publicitaires brutes facturées par les régies, pour le compte des chaînes nationales hertziennes, s'élevait à 14,2 milliards dont 97 % concernaient 4 chaînes : TF1, France 2, France 3 et M6.

Les recettes publicitaires de Canal +, avec 400 millions de francs (4,5 % de son chiffre d'affaires), et même de La Cinquième avec 17 millions de francs, sont loin d'être négligeables, mais elles ne constituent pas pour ces chaînes un enjeu aussi vital que celui qu'elles représentent pour les autres chaînes nationales hertziennes.

Les recettes publicitaires se répartissaient inégalement entre les quatre chaînes concernées : 68 % environ aux chaînes privées, 32 % aux chaînes publiques.

A l'intérieur de ces deux groupes, les montants sont à peu près proportionnels à l'audience, avec pour TF1 une " prime au leader ", qui tend peu à peu à se réduire.

La relation entre l'audience et les recettes publicitaires n'est d'ailleurs pas automatique, et comme le faisait remarquer Corinne Bouygues pour expliquer les performances de TF1, qui, avec 35 % de parts d'audience, draine plus de 50 % des recettes publicitaires, " ce qui importe ce n'est pas tant l'audience des programmes, que l'audience des écrans publicitaires auprès des publics cibles des annonceurs ".

Il n'en reste pas moins que les fluctuations de l'audience se retrouvent plus ou moins accentuées, dans l'évolution des recettes publicitaires. Ainsi, TF1, dont la part d'audience est passée de 41 % en 1992 à 35,3 % en 1996, a vu sa part de marché publicitaire (en pourcentage du montant total facturé par les régies) passer de 58,2 % à 52,4 %. Dans le même temps, France 3, dont l'audience augmentait de 13,7 % à 17,7 %, voyait sa part de marché publicitaire progresser de 9,4 % à 12,4 %.

L'effort commercial nécessaire à une chaîne et à sa régie pour accroître ou maintenir une part de marché n'est donc pas moins important pour le secteur public que pour le secteur privé, mais la liberté pour adapter le contenu de la grille de programmes aux exigences des annonceurs ou aux rigueurs financières du moment est beaucoup plus grande pour le second que pour le premier.

Cette différence d'adaptabilité à la concurrence fait que, paradoxalement, les chaînes publiques apparaissent plus vulnérables que les chaînes privées aux fluctuations du marché publicitaire.
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