2. Les nouveaux défis internes

L'agriculture Européenne est confrontée à de nouvelles exigences des consommateurs, qui attendent d'elle toujours plus de qualité et de sécurité en matière alimentaire, ainsi qu'une intégration plus harmonieuse dans l'environnement.

Les citoyens souhaitent lui voir confiée une fonction essentielle, traditionnellement assumée par l'agriculture : au-delà de l'acte de production, l'agriculture est sollicitée pour sa contribution à l'aménagement du territoire.

a) L'importance de la qualité et de la salubrité des produits agricoles

Plusieurs événements récents ont révélé le besoin accru des consommateurs de voir assurer, en Europe, un très haut niveau de qualité et de sécurité des produits destinés à l'alimentation humaine et animale.

- Il s'agit, tout d'abord, du problème des résidus d'hormones de croissance contenus dans la viande bovine.

Sur cette question, toujours pendante à l'OMC entre la communauté et, notamment, les Etats-Unis, l'Europe a montré sa détermination à garantir aux citoyens de l'Union un fort niveau de protection sanitaire, en refusant l'utilisation d'hormones pour la production de viandes de boeuf.

La communauté Européenne a en effet souhaité ne pas autoriser -et, partant, ne pas importer- de viandes de boeuf produites à l'aide d'anabolisants. Elle considère en effet qu'en l'absence de certitude scientifique quant aux conséquences sur la santé humaine de la consommation de ce type de produits, il convient de ne pas exposer le consommateur Européen. Elle souhaite ainsi appliquer le principe de précaution et garantir un haut niveau de protection des citoyens Européens.

Cette décision a fait l'objet, dans un premier temps, de l'imposition de sanctions unilatérales de la part des Etats-Unis, sous la forme de droits prohibitifs frappant certaines exportations communautaires de produits agricoles et de fruits et légumes pour une valeur de 90 millions de dollars. La Communauté ayant dénoncé ces mesures de rétorsion devant l'OMC, elles ont été levées en juillet 1996.

Sur la base d'une plainte américaine, à laquelle s'étaient joints le Canada, ainsi que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, au titre de " tiers concernés ", un comité d'arbitrage, ou " panel ", constitué de trois juges, a considéré en juin dernier que l'interdiction communautaire était contraire à plusieurs dispositions de l'accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires.

La Commission a immédiatement réagi à cette condamnation, en interjetant appel à l'OMC, sur le fondement de l'insuffisance des évaluations scientifiques réalisées sur les risques pour la santé humaine de la consommation de viandes anabolisées.

Ce contentieux -qui est encore loin d'être réglé, les résultats de nouvelles études plus précises étant attendues de la part de la Commission- montre la spécificité des exigences Européennes en matière de sécurité des produits alimentaires.

- Il s'agit aussi des organismes génétiquement modifiés (OGM).

Notre collègue Jean Bizet a récemment présenté, au nom de votre commission, un remarquable rapport d'information 22( * ) sur cette question, qui ne fera en conséquence ici que l'objet d'un bref rappel.

Depuis la découverte, dans les années 1970, des techniques d'isolation et de recombinaison des gènes, il est devenu possible de découper les molécules d'ADN (acide désoxyribonucléique), constituant le noyau de la cellule et supportant les informations génétiques, qui, en quelque sorte, " programment " le fonctionnement de l'être vivant.

Les séquences d'ADN ainsi isolées peuvent être, par transgénèse, implantées dans le patrimoine génétique d'un autre être vivant, grâce à l'universalité du " code génétique ", qui est le même pour tous, qu'il s'agisse d'animaux ou de végétaux. Le caractère associé au gène considéré est ainsi transmis d'une espèce à une autre.

Bien que dans la continuité de la sélection variétale classique, cette technique est toutefois plus précise (seul le gêne désiré est transmis) et plus puissante (franchissement de la barrière d'espèces). En agriculture, elle a conduit à la mise au point des plantes transgéniques aux qualités agronomiques modifiées dans l'optique d'une amélioration des conditions de culture.

Ainsi, les premières plantes transgéniques ont-elles été dotées de gènes de résistance à des insectes ravageurs. C'est le cas du maïs " Bt ", auto-résistant à la pyrale, autorisé à la culture en France en février 1998.

Testées depuis une dizaine d'années, des deux côtés de l'Atlantique, ces plantes ont été semées à grande échelle aux Etats-Unis dès 1996, puis exportées, comme c'est le cas, vers l'Europe, pour un soja résistant à un herbicide, ainsi que pour certaines variétés de maïs.

Au total, c'est une cinquantaine de plantes modifiées qui sont déjà autorisées aux Etats-Unis, mais aussi au Canada, au Brésil, en Argentine, en Australie, au Japon. Pourtant, comme l'a analysé le rapport précité de notre collègue Bizet, en Europe, l'accueil réservé à cette technologie est mitigé. Les craintes pour l'environnement et la santé humaine y sont plus vives qu'ailleurs, malgré les procédures d'évaluation scientifique des risques mises en place au niveau national et communautaire.

Rappelons que l'Autriche, mais aussi le Luxembourg, refusent toujours la commercialisation et la culture de ces plantes sur leur territoire.

Après l'acceptation, le 18 décembre 1996, par la Commission Européenne, de la commercialisation des premières plantes transgéniques, les autorités communautaires doivent présenter prochainement des orientations précises concernant l'étiquetage des OGM, afin de mettre en place une information, sur l'étiquette de l'aliment, permettant un choix effectif du consommateur.

Cette attitude est spécifiquement Européenne, puisque nos partenaires commerciaux s'engagent résolument dans la voie des cultures transgéniques : on parle pour les semis 1998 d'une proportion oscillant entre le tiers et la moitié de soja transgénique aux Etats-Unis, suivant la capacité des firmes semencières à fournir le marché. Elle montre une relation particulière à la nourriture et à l'agriculture en Europe. Elle résulte aussi de la crise de confiance des consommateurs à la suite de l'affaire de l'encéphalopathie spongiforme bovine.

- Il s'agit enfin de l'attitude de défiance révélée par la crise de la filière bovine

L'excellent rapport budgétaire pour avis de notre collègue Alain Pluchet 23( * ) , sur l'agriculture, pour le projet de loi de finances pour 1997, comporte une analyse détaillée de la crise de la filière bovine. Ce " véritable séisme ", comme l'a qualifié M. Joseph Daul, Président de la Fédération nationale bovine et de l'interprofession bétail et viande, n'a pas été une crise classique de surproduction, mais plutôt une crise, d'un nouveau type, de la consommation 24( * ) .

Les différentes analyses menées, notamment, par l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture ont permis de mesurer plus particulièrement l'impact de la crise sur la consommation des ménages dès l'année 1996.

Si la mise en place, par l'interprofession bovine, avec l'appui du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, du label " VBF " (Viande Bovine Française), dès le 25 mars 1996, a permis de freiner le mouvement à la baisse de la consommation, la gravité exceptionnelle de la crise agricole induite par l'effondrement de la consommation de viande bovine apparaît pour le moins disproportionnée eu égard au faible nombre de cas d'ESB constatés en France. Cette crise de la consommation est, en grande partie, une crise de confiance, due, pour une large part, à l'ampleur des incertitudes sur cette affection.

Ainsi, les effets de cette crise, non seulement au sein de la filière agricole et de la chaîne alimentaire, mais aussi sur le comportement du consommateur, témoignent du très fort désir de ce dernier de voir garantir un maximum d'hygiène et de qualité à toutes les denrées alimentaires, quelle que soit leur origine. Ils posent aussi un nouveau défi à l'agriculture : le consommateur, désorienté, demande de plus en plus l'histoire des aliments qu'il ingère.

Rappelons que le Règlement (CE) n° 820/97 du Conseil en date du 21 avril 1997 impose un étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine à compter du 1er janvier 2000, ainsi qu'un système d'identification et d'enregistrement des bovins.

Sur tous ces points, l'Europe fait preuve, vis-à-vis de son agriculture, d'une exigence forte en termes de qualité et de sécurité des produits alimentaires, qui se traduit par une demande de traçabilité des filières et d'étiquetage des produits.

Attentif à la qualité de la production agricole, comme le démontre par ailleurs l'augmentation des productions sous label, le citoyen Européen est aussi de plus en plus soucieux du respect de l'environnement.

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