II. 3.2 LES DIFFÉRENTES CARACTÉRISTIQUES INSTITUTIONNELLES ET LA RIGIDITÉ SALARIALE
Nous
abordons ici l'examen systématique des caractéristiques du
fonctionnement du marché du travail, prises une par une, avec notre
mesure macro-économique de la rigidité salariale.
La confrontation des cas danois et britannique montre que le lien entre les
institutions et les rigidités sur le marché du travail est
complexe et présente de fortes non-linéarités. En
particulier, le Graphique 6 reporte en abscisse le degré de
centralisation des négociations et en ordonnée notre indicateur
de rigidité salariale (plus l'indicateur est élevé plus
les salaires sont rigides). Aucune relation monotone ne se dégage :
des systèmes très centralisés présentent des
ajustements des salaires au chômage allant de l'ajustement le plus fort
dans l'échantillon (
Italie
) à l'ajustement le plus faible
(Danemark,
Pays-Bas
). L'Allemagne et l'Italie, dans une position
intermédiaire en ce qui concerne le degré de centralisation des
négociations salariales, présentent les meilleures performances
en termes de rigidité des salaires au niveau macro-économique.
Ceci suggère plutôt une courbe en U où les pays dans des
positions extrêmes présentent une moindre flexibilité
salariale que ceux dans une situation moyenne.
D'une manière générale, l' Italie se singularise du reste de l'Europe par une grande flexibilité des salaires réels au taux de chômage, et un salaire minimum en % du salaire moyen le plus élevé des 8 pays européens étudiés. Ce résultat, à la fois contre-intuitif mais conforme à un grand nombre de travaux empiriques60( * ), suggère que l'existence d'un salaire minimum plus ou moins élevé n'affecte pas le degré de flexibilité des salaires au niveau macro-économique61( * ). Le Graphique 7, qui représente la relation entre le niveau du salaire minimum et l'indicateur de rigidité, semble même indiquer une relation inverse entre le salaire minimum et la rigidité. On note toutefois que ce résultat repose sur l 'Italie et le Royaume-Uni .
Graphique 7 : Salaire minimum et rigidité des salaires
On note également, comme on l'a vu dans la première partie, et malgré un assouplissement des règles en la matière, que les contraintes à l'embauche sont particulièrement élevées en Italie , ainsi que les contraintes sur les licenciements. Le Graphique 8 montre qu'il n'existe pas de relation claire entre les contraintes sur les licenciements et embauches et l'indicateur de rigidité des salaires réels. Le pouvoir de négociation des salariés en place n'est pas renforcé par l'importance de ces contraintes législatives au point de rendre les salaires plus rigides au niveau macro-économique.
Graphique 8 : Contraintes de licenciement et rigidité des salaires
On retrouve
donc les conclusions de Bertola (1990) déjà
évoquées dans la première partie : les coûts de
licenciements et d'embauche peuvent expliquer que les fluctuations du
chômage sont moins importantes dans les pays où ces coûts
sont élevés, mais pas que le chômage ou le salaire
réel de long terme y est plus élevé. Dans son étude
empirique, l'élasticité de long terme des variations du salaire
réel par rapport aux variations du chômage, très proche de
notre indicateur de flexibilité, n'est pas positivement
corrélée au coût des licenciements et embauche : c'est
même la relation inverse qui est observée (Bertola, page 876),
pour les pays de l'OCDE dans la période 1963-1986.
La relation entre les contraintes sur les CDD et l'indicateur de
flexibilité des ajustements semble décroissante : plus le
recours aux CDD est contraint, plus l'ajustement est flexible. Cette relation
peut s'expliquer par l'existence de complémentarités qui
impliquent que des réformes visant à assouplir les contraintes en
matières de CDD se traduisent paradoxalement par un moindre ajustement
des salaires aux variations de l'emploi, parce que la menace de chômage
qui s'exerce sur les travailleurs ayant un contrats à durée
indéterminée diminue et renforce leur pouvoir de
négociation, selon le mécanisme analysé dans le cas de la
réforme espagnole par Bentolila et Dolado (1994).
Graphique 10 : Taux de remplacement et rigidité des salaires
Le Graphique 10 ne suggère aucune relation entre le taux de remplacement et l'indicateur de rigidité, tout comme le Graphique 11 entre dépenses de politique active et rigidité salariale.
Graphique 11 : Politique active et rigidité des salaires