II. LE FINANCEMENT DES PRESTATIONS SOCIALES SELON LES DIFFÉRENTS RISQUES

Le financement de la protection sociale pose inévitablement la question de la répartition du financement de la protection sociale entre cotisations sociales et impôt du point de vue de l'équité.

La réponse à cette question suppose que l'on opère au préalable une distinction entre les prestations sociales dont l'objectif est de fournir aux bénéficiaires un revenu de remplacement et celles qui relèvent plutôt de la solidarité nationale. Dans cette perspective, les cotisations sociales ont vocation à financer des dépenses ayant un caractère d'assurance, autrement dit des prestations (1) qui sont la contrepartie d'un risque lié à la perte de revenus professionnels pour les bénéficiaires, (2) pour lesquelles il existe un lien, dit contributif, entre le montant des cotisations versées et le montant des prestations reçues.

Dans ce cas, les cotisations sociales, qu'elles soient à la charge des salariés ou des employeurs, doivent être considérées comme une fraction de leur rémunération qu'ils ne perçoivent pas directement (" salaire différé ") mais qui est versé pour leur compte aux organismes de Sécurité sociale. Entrent dans cette catégorie les pensions de retraites, les indemnités journalières de maladie ou de maternité ou encore les indemnités chômage, aussi longtemps, du moins, qu'elles ne sont pas forfaitaires, mais proportionnelles au salaire.

En revanche, les dépenses dont l'apparition n'est pas liée à la perte d'un revenu professionnel relèvent plutôt de la solidarité nationale et devraient être financées par l'impôt. En effet, la solidarité nationale est en quelque sorte un bien collectif qui doit être financé par tous, autrement dit par des prélèvements sur toutes les catégories de revenus, comme cela est le cas pour les minima sociaux. On retrouve, dans cette catégorie de prestations, les diverses allocations sous conditions de revenu, les allocations familiales qui sont ouvertes à toutes les familles ou encore les prestations maladie en nature.

La distinction, entre ce qui relève de l'assurance et ce qui répond à une logique de solidarité (ou de redistribution), s'est traduite en France par la dissociation en 1984 de l'assurance-chômage, gérée par les partenaires sociaux, d'un régime de solidarité pris en charge par l'Etat pour les chômeurs ayant épuisé leurs droits. De même, dans le domaine des retraites, la distinction entre assurance et solidarité s'est traduite par la création d'un Fonds de solidarité vieillesse où sont domiciliés depuis 1984 les avantages définis comme non contributifs (minimum vieillesse, ...). Plus récemment, c'est la même logique qui a inspiré la substitution des cotisations sociales maladie par la CSG.

Cette distinction, pour séduisante qu'elle soit, ne doit pas faire oublier que " l'assurance sociale associe toujours à des mécanismes contributifs une fonction redistributive " (Lattès, 1996) 20( * ) . De façon très générale, on peut qualifier de redistributif tout système qui s'éloigne de la régle de neutralité actuarielle . Techniquement, cela est le cas quand certains individus versent au système davantage que ce qu'ils sont susceptibles d'en recevoir en moyenne (ou en espérance mathématique) 21( * ) . Du fait de l'obligation d'affiliation à une caisse d'assurance sociale, la redistribution s'exerce d'abord entre classes de risques . Ainsi, les individus, en bonne santé et ayant une probabilité faible d'être au chômage, financent implicitement les individus les moins bien-portants et ceux qui ont une forte probabilité de perdre leur emploi. La redistribution s'exerce ensuite entre classes de revenus dès lors que les titulaires de revenus élevés sont plus sollicités sans bénéficier pour autant de droits supérieurs.

Les systèmes de financement de la protection sociale sont très différents selon les pays et selon le risque couvert . Les pays ont recours à des degrés divers à la fois aux cotisations sociales salariés et employeurs et à la fiscalité sans respecter, bien souvent, le principe d'équité énoncé ci-dessus.

1. les prestations familiales :

Elles devraient être entièrement fiscalisées. Elles l'étaient dans quatre pays seulement à la fin des années 80, elles le sont désormais dans 8 des quinze pays de l'Union européenne : l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, l'Irlande, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. De façon plus générale, on observe, ces dernières années, une tendance très nette à fiscaliser le financement de ces prestations. C'est notamment le cas des Pays-Bas qui ont supprimé, au début des années 90, les cotisations patronales pour les allocations familiales et les ont remplacées par l'impôt.

Les prestations familiales sont financées par les cotisations des employeurs et des salariés au Portugal, en Espagne et en Grèce. Elles sont financées exclusivement par les cotisations des employeurs en Belgique et en Italie. En France, les prestations familiales sont financées, en partie par les cotisations des employeurs et, en partie par l'impôt, via la contribution sociale généralisée (CSG). Au Luxembourg, elles sont financées par des cotisations patronales mais ces cotisations sont prises en charge par l'Etat. Les cotisations sont plafonnées en Grèce, en Espagne et au Luxembourg.

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