3. Des spécificités handicapantes
Alors que l'offre sanitaire apparaît insuffisamment organisée en Guyane, sa fragilité est encore accentuée par certaines spécificités du département qui apparaissent comme autant d'handicaps supplémentaires.
a) L'impact de l'immigration
Le
premier handicap est à l'évidence l'immigration.
Alors que les
structures hospitalières sont déjà saturées,
l'immigration contribue à alimenter des demandes supplémentaires.
Ainsi, au centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni, les
étrangers -essentiellement surinamiens- représentent 54 % de
l'activité de l'hôpital tous services confondus et 71 % pour
la seule maternité. Au centre hospitalier de Cayenne, 37 % des
patients accueillis sont étrangers, principalement en provenance
d'Haïti (à 52 %) ou du Brésil (à 20 %). Il
s'agit le plus souvent d'étrangers en situation
irrégulière.
Ce flux migratoire sanitaire répond à l'évidence à
trois types de comportements. D'une part, le système sanitaire guyanais
est plus performant que celui des pays limitrophes. D'autre part,
l'accès aux soins est plus facile et moins coûteux car l'aide
médicale assure la couverture complète des frais
d'hospitalisation. Enfin, pour les maternités, la naissance dans un
hôpital français permet d'acquérir immédiatement ou
à terme la nationalité française et d'accéder ainsi
aux prestations sociales.
Cette attractivité des hôpitaux guyanais est d'autant plus
préoccupante qu'il existe des hôpitaux aux performances
très satisfaisantes dans les pays voisins. Ainsi, l'hôpital de
Saint-Laurent-du-Maroni accueille de très nombreux étrangers,
alors que, de l'autre côté du fleuve, au Surinam, l'hôpital
d'Albina est pourtant opérationnel et a, qui plus est, été
en partie financé par des capitaux publics français.
b) L'incidence du contexte financier
Le
deuxième handicap est lié au poids tout particulier de la
contrainte financière en Guyane. Celle-ci pèse tout
particulièrement sur le système sanitaire. La crise
financière du conseil général ne lui a pas permis de
financer les centres de santé dans des conditions satisfaisantes.
En outre, la part des personnes hospitalisées relevant de l'aide
médicale est très élevée. Elle atteint ainsi
23 % au centre médico-chirurgical de Kourou, environ 25 % au
centre hospitalier de Cayenne et 45 % au centre hospitalier de
Saint-Laurent-du-Maroni. Or cette situation pose de graves problèmes de
trésorerie aux hôpitaux qui ne recouvrent l'aide médicale
qu'avec retard.
Enfin, les établissements hospitaliers supportent un surcoût
spécifique : charges liées aux
surrémunérations dans la fonction publique, charges liées
à l'éloignement, octroi de mer, détérioration plus
rapide des locaux et des équipements...
Or, il est à craindre que la contrainte financière pesant sur les
structures sanitaires ne s'accentue du fait du retard d'équipement, de
la rapide dégradation des locaux et de la pression de la demande.
Certes, les dotations régionales des dépenses
hospitalières augmentent plus vite en Guyane qu'en métropole.
Taux
d'évolution des dotations régionalisées de dépenses
hospitalières
(en soins de longue durée)
|
1998 |
1999 |
2000 |
Guyane |
+ 3,06 % |
+ 3,53 % |
+ 3,87 % |
Métropole |
+ 1,41 % |
+ 2,04 % |
+ 2,20 % |
Source : ministère de la santé
Ces taux de progression restent néanmoins très faibles et ne
sont pas en mesure d'assurer un réel rattrapage des
établissements hospitaliers guyanais.
c) Le rôle des contraintes réglementaires
Le
troisième handicap tient aux conditions d'application de la
réglementation nationale. Département français, la Guyane
se voit appliquer, suivant le principe de l'assimilation législative,
l'ensemble de la réglementation française, même si la
Constitution prévoit, dans son article 73, que les lois peuvent faire
l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par la situation
particulière des départements d'outre-mer.
Or, en matière sanitaire, ces adaptations sont rares. La Guyane est
donc soumise à la même réglementation que la
métropole alors que le contexte est profondément
différent.
La délégation a ainsi pu observer certains effets pervers de ce
régime d'assimilation législative. Deux exemples sont à
cet égard particulièrement révélateurs.
Alors que
l'endémie palustre
touche environ 10 % de la
population et que les hôpitaux sont surchargés, les
médicaments nécessaires en prophylaxie et en thérapeutique
palustres ne peuvent être prescrits que par ces hôpitaux pour
bénéficier d'un remboursement. Considérés comme des
" médicaments de confort " en métropole, ils ne sont
pas inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques
remboursables en ville aux assurés sociaux.
La nouvelle réglementation légale du
temps de travail
prévoit une réduction à 35 heures de la durée du
travail au 1
er
février 2000. Elle s'applique au centre
médico-chirurgical de Kourou qui est un établissement
privé. Or celui-ci garantit à ses agents la même
rémunération que celle des agents de la fonction publique
hospitalière en application de la convention collective de la Croix
Rouge.
Dans ce cas d'espèce, le passage aux 35 heures va se traduire par une
hausse sensible de frais de personnel et des problèmes d'organisation.
Les difficultés de recrutement sont en effet telles que l'hôpital
ne pourra pas embaucher faute de personnels qualifiés. En outre, les
aides de l'Etat ne permettront pas de limiter sensiblement le coût
supplémentaire dans la mesure où elles n'intègrent pas le
surcoût de 36 % lié à la surrémunération
des fonctionnaires applicable dans l'hôpital.