B. LE RÔLE DES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE
Des
compétences étendues
Les architectes des bâtiments de France (ABF) sont les successeurs des
" architectes ordinaires " des bâtiments de France, architectes
libéraux auxquels l'Etat confiait, jusqu'à la seconde guerre
mondiale, la surveillance et l'entretien des monuments historiques
protégés. Ils appartiennent statutairement, depuis la publication
du décret n° 93-246 du 24 février 1993 au
corps des " architectes et urbanistes de l'Etat ", dans la
spécialité " patrimoine architectural, urbain et
paysager "
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Formés par le Centre d'études supérieure d'histoire et de
conservation des monuments anciens devenu, en 1998, le Centre des Hautes
études de Chaillot, les ABF ont un champ de compétence
très large puisqu'ils doivent assurer :
- la gestion du patrimoine monumental (édifices
protégés au titre de la législation sur les monuments
historiques) et du patrimoine rural ;
- la protection et la mise en valeur du patrimoine architectural, urbain
et paysager (abords des monuments historiques, zones de protection du
patrimoine urbain et paysager (ZPPAUP) et secteurs sauvegardés) ;
- la promotion de la qualité de l'architecture et de l'urbanisme.
La compétence la plus connue des ABF consiste dans le pouvoir de
délivrer un avis conforme sur les permis de construire et sur toutes les
autorisations concernant le droit des sols lorsque ces actes sont relatifs
à des projets situés en co-visibilité avec un monument
historique protégé. Les ABF sont également appelés
à émettre de très nombreux avis, de portée
obligatoire ou indicative, qui concernent aussi bien les sites
protégés au titre de la loi de 1930, que l'élaboration des
documents d'urbanisme (schémas directeurs, POS, MARNU).
L'exercice de leurs activités appelle plusieurs observations de la part
de votre groupe de travail.
Appliquer strictement les règles relatives au cumul
d'activités
Les architectes des bâtiments de France ont la faculté d'exercer
des activités privées, dans des limites que les textes
définissent strictement. En effet, en leur qualité de
fonctionnaires de l'Etat, ils sont soumis aux mêmes règles que les
autres agents publics et notamment à l'article 25 de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligation
des fonctionnaires selon lequel les fonctionnaires consacrent
l'intégralité de leur activité professionnelle aux
tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer, à
titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque
nature que ce soit. Ils sont ainsi soumis aux dispositions relatives aux cumuls
d'emploi, de rémunération et de retraites du décret
n° 55-597 du 11 juillet 1955.
Du fait de l'histoire et du niveau de qualification élevé qui est
le leur, les ABF exercent parfois une activité privée, dans le
cadre d'une réglementation précise qui résulte
principalement du décret n° 81-420 du 27 avril 1981.
L'article 2 de ce texte dispose que les ABF peuvent exercer sous forme
libérale des missions de conception ou de maîtrise d'oeuvre pour
le compte de collectivités publiques autres que celles qui les emploient
au profit de personnes privées que lorsqu'ils ont obtenu au
préalable, pour chaque mission, une autorisation écrite de
l'autorité hiérarchique dont ils relèvent. Leur demande
d'autorisation doit indiquer, outre l'identité du maître
d'ouvrage, la nature de la mission, l'implantation géographique, la
nature des travaux projetés, l'estimation de leur coût et le
montant de leur rémunération.
L'article 4 du même texte précise que les ABF ne peuvent
exercer la mission de conception ou de maîtrise d'oeuvre dans les
conditions précitées si cette mission concerne l'aire
géographique où ils ont compétence en qualité de
fonctionnaire ou d'agent public. Ce texte reconnaît cependant le droit de
demander une autorisation spéciale, pour exécuter dans l'aire
géographique de leur compétence ou sur les immeubles dont ils
connaissent, des missions de conception et de maîtrise d'oeuvre
liées directement à la " qualification
particulière " requise pour l'exercice de leur fonction.
Enfin, l'article 9 du décret du 29 octobre 1936 plafonne
la rémunération perçue au titre des activités
privées précitées au montant du traitement principal
perçu par l'intéressé majoré de 100 %.
Ainsi, l'activité libérale des architectes des bâtiments de
France ne peut-elle être exercée qu'à titre exceptionnel
dans le ressort de leur compétence. En pratique, selon les statistiques
émanant du ministère de la culture, le nombre total des
autorisations de cumul d'activité publiques et privées
accordées en 1998 s'élevait à 139. Dans un rapport
élaboré en 1999, les services du ministère de la culture
relevaient cependant que des inspections récentes avaient permis de
constater que plusieurs architectes publics n'avaient pas demandé les
autorisations préalables prévues par le décret du
27 avril 1981 et avaient cependant effectué une mission de
cumul.
Certes, le volume total d'honoraires bruts correspondant aux
139 autorisations délivrées ne s'élève
qu'à un peu plus de sept millions de francs pour l'ensemble de la
France. Cependant, il semble que certains citoyens se soient émus de
cette situation, un de nos collègues députés
déposant même une proposition de loi tendant à interdire
purement et simplement tout cumul dans l'aire géographique relevant de
la compétence d'un ABF et à soumettre le cumul à des
conditions très strictes hors de cette aire.
Pour votre groupe de
travail " l'arsenal " réglementaire qui s'applique aux ABF est
suffisamment important pour qu'il soit inutile, à quelques
précisions près, de l'alourdir. Il conviendrait, en revanche, de
l'appliquer très strictement.
Il serait, en particulier, souhaitable que les dérogations soient
accordées, seulement dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les
travaux en question font l'objet d'une subvention instruite par les services de
l'architecture et du patrimoine. Dans un tel cas, en effet, l'ABF est en
situation de " juge et partie ", puisque la subvention versée
peut être, concrètement, affectée à une partie de sa
rémunération.
Une autre amélioration pourrait également être
apportée. En effet, si une partie des ABF fournit à
l'autorité hiérarchique, non seulement les détails des
rémunérations perçues mais encore la liste des
opérations qui les ont occasionnées et les
références de l'autorisation préalable qui les a permises,
tel n'est pas toujours le cas. Cette pratique devrait, à
l'évidence, être généralisée, afin de rendre
le cumul d'activités parfaitement transparent lorsqu'il est
autorisé.
Recentrer les compétences des ABF
Votre groupe de travail constate en outre que les ABF examinent chaque
année 400.000 dossiers. Or, certains de ceux-ci ne relèvent
manifestement pas d'une procédure aussi lourde, à l'instar de
certaines déclarations de travaux déposées dans le
périmètre d'édifices classés. Il serait en
conséquence souhaitable de limiter l'intervention de l'ABF aux seules
questions importantes dans le périmètre des édifices
classés et de lui permettre de consacrer davantage de temps aux
opérations de fond telles que la création de ZPPAUP, en
favorisant notamment le recours aux outils informatiques pour effectuer leur
travail.
Votre groupe de travail estime enfin envisageable d'étendre les
compétences des ABF aux zones en " danger urbanistique ".
Alors que les ABF n'interviennent actuellement, pour l'essentiel, que dans des
secteurs historiques ou classés, il serait très utile qu'ils
donnent un avis simple sur les autorisations d'occupation du sol, notamment
dans les quartiers en difficulté et les entrées de ville, qui
souffrent, à l'évidence, d'un handicap esthétique.