PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU LIBAN
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de l'Assemblée nationale du Liban, composée de MM. Mikhaël Daher, président de la commission des lois, Samir Azar, président de la commission des finances, et Walid Eido, député. (Mmes et MM. les membres du Gouvernement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
En votre nom à tous et en mon nom, je formule des voeux pour que cette visite, qui s'inscrit dans le cadre d'une coopération quasi permanente entre le sénat français et l'assemblée libanaise, renforce, s'il en était besoin, les liens d'amitié qui unissent depuis toujours nos deux pays.
Messieurs, très cordiale et affectueuse bienvenue dans l'hémicycle du Sénat, où nous sommes heureux de vous accueillir. (Applaudissements.)
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QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente.
J'invite chaque intervenant à respecter strictement le temps de parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
TAUX DE CROISSANCE
ET PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 15 novembre dernier, j'interrogeais M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les ajustements auxquels le Gouvernement comptait procéder pour prendre en compte les évolutions négatives de la croissance de notre économie.
M. René-Pierre Signé. Négatives !
M. Bernard Angels. Sa réponse pleine d'optimisme ne m'avait alors, je vous l'avoue, que très peu convaincu.
Or, voilà quelques jours, vous avez été contraint de reconnaître vous-même que votre prévision de croissance de 2,5 % n'était plus « atteignable », alors même que l'INSEE prévoyait, dès le mois de juin 2002, que l'acquis de croissance pour 2003 se limiterait à 1,3 %.
M. René-Pierre Signé. Erreur d'appréciation !
M. Bernard Angels. J'avais donc malheureusement bien raison, en novembre, de qualifier votre budget de virtuel.
Monsieur le Premier ministre, les services de Bercy considèrent qu'un point de croissance perdu représente 1,7 milliard d'euros de recettes en moins pour le seul budget de l'Etat et 0,3 point de PIB de déficit en plus pour l'ensemble des administrations publiques. Il est donc raisonnable de penser que les économies à réaliser seront importantes. Pourtant, vous vous efforcez encore de nous faire croire que vous passerez le cap sans sacrifice, sans plan de rigueur, sans sanction européenne, tout en restant fidèle aux promesses électorales dispendieuses du candidat Chirac qui, je vous le rappelle, étaient basées sur une croissance de 3 %.
L'heure est maintenant aux décisions douloureuses, monsieur le Premier ministre,...
M. Dominique Braye. Grâce à vous !
M. Bernard Angels. ... et nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos vagues promesses de ne pas entamer les dépenses sociales, alors même que votre gouvernement a déjà largement coupé dans les crédits consacrés à l'emploi, à la couverture maladie universelle, la CMU, et à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Vous ne pourrez pas longtemps encore vous cacher derrière un prétendu héritage...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Si, si !
M. Bernard Angels. ... ou un contexte international, certes difficile,...
M. Alain Gournac. La question !
M. Bernard Angels. ... mais déjà connu lors de la définition de vos choix budgétaires.
Vous devez rapidement proposer au Parlement et aux Français une loi de finances rectificative qui tienne compte de la réalité de la situation et énonce clairement vos orientations économiques et sociales.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple (Exclamations sur les travées de l'UMP) : quels seront les sacrifices à consentir pour les Français et pour les collectivités locales ?
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Bernard Angels. Etes-vous prêt à modifier vos orientations dans le sens du soutien à la consommation et au pouvoir d'achat pour que votre « pilotage », « un pied sur le frein et un pied sur l'accélérateur » (Brouhaha sur les travées de l'UMP), selon l'expression de votre ministre des finances, ne se réduise pas à une dangereuse navigation à vue ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Y a-t-il seulement un pilote dans l'avion !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. C'est le commandant de bord qu'on veut, ce n'est pas l'hôtesse de l'air !
M. le président. Un peu de courtoisie !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, regretteriez-vous que ce soit une femme ministre qui vous réponde ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Merci !
M. Claude Estier. La question était posée au Premier ministre !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, les prévisions de croissance du Gouvernement étaient parfaitement fondées, et vous le savez très bien, mais elles supposaient une reprise graduelle de l'activité s'amplifiant avec la levée des incertitudes géopolitiques ; elle n'a pas eu lieu à la fin de l'année 2002. Lorsque cette incertitude sera levée - nous le souhaitons, de façon pacifique -, et dans cette hypothèse, il n'y aura pas lieu d'être pessimiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Absolument ! En effet, que constatons-nous ?
Les chefs d'entreprise ont différé leurs projets d'investissement, mais comptent toujours les mettre en oeuvre cette année. Leur trésorerie n'est pas mauvaise, et les taux d'intérêt sont bas. Ils ont tout à fait la capacité d'investir.
M. Jacques Mahéas. On peut faire confiance à la droite !
M. Robert Bret. Ils licencient !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. La consommation des ménages est soutenue et ces derniers ont parfaitement la capacité de consommer. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Cela dépend lesquels !
M. Didier Boulaud. Tout va bien !
M. Alain Gournac. Ils sont excités, monsieur le président !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Pour répondre plus précisément à votre question, le Gouvernement ne cherchera pas - que les choses soient claires - à compenser le manque à gagner qui résulterait d'une croissance moindre.
M. Alain Gournac. Absolument !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Il n'y aura pas de hausse de prélèvements, et nous ne renoncerons pas aux baisses qui ont été décidées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Ce n'est pas comme avec l'équipe socialiste !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Cela s'appelle « laisser jouer les stabilisateurs automatiques », conformément à l'esprit du pacte de stabilité et de croissance. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Oh ! la la !
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Oui, mesdames, messieurs !
Si nous faisions autrement, ce serait au détriment de l'activité. En clair, il n'y aura pas de plan de rigueur.
M. Claude Estier. Vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Par ailleurs, le Gouvernement est toujours résolu à maîtriser la dépense. Ainsi, même si les recettes fléchissent, le déficit ne se creusera pas fortement, il se réduira même dès que la conjoncture s'améliorera.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Personne ne le croit !
M. Didier Boulaud. L'atterrissage va être dur !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. En attendant, nous poursuivrons résolument notre politique d'attractivité du territoire et de renforcement de la compétitivité des entreprises, afin que notre économie soit présente et en force au rendez-vous de la croissance. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
SITUATION ÉCONOMIQUE GÉNÉRALE
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le Premier ministre, les instituts de prévision économique continuent d'annoncer une amélioration de la conjoncture à la fin de l'année 2003 ou au début de l'année 2004.
M. Didier Boulaud. Pour la saint Glinglin !
M. Michel Mercier. Dans le même temps, les derniers indices économiques concernant les Etats-Unis, l'Europe et notre pays restent pour le moins inquiétants, sans parler des incertitudes internationales qui pèsent sur l'avenir.
Les réformes indispensables - retraite, santé et secteur public - qui auraient permis à notre pays de résister à une conjoncture aujourd'hui brouillée ont été systématiquement reportées par le gouvernement précédent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La conséquence en est malheureusement claire : depuis maintenant deux ans, nos compatriotes doivent faire face à une remontée du chômage.
Monsieur le Premier ministre, vous avez mis en place une stratégie de réformes...
M. Jacques Mahéas. Lesquelles ?
M. Michel Mercier. ... pour favoriser l'emploi, l'investissement, la consommation et redonner confiance aux Français. La réforme de la loi sur les 35 heures, la réforme de la loi de modernisation sociale, la réforme de l'Etat à travers la décentralisation, les allégements fiscaux et de charges ont permis - le journal Le Monde d'hier soir le confirmait (Exclamations sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP) - d'éviter la récession à la fin de l'année 2002.
Dans ce contexte, vous venez de faire part de votre résolution et de votre fermeté dans la conduite de la politique économique de la France. Seule la voie hardie de la réforme peut, en effet, faire sortir notre pays de ce marasme.
Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : quelle est votre stratégie pour les réformes à venir...
M. Raymond Courrière. Aucune !
M. Michel Mercier. ... et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Il ne répond pas à l'opposition !
M. Claude Estier. Vous méprisez l'opposition !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, comme M. Angels - auquel je réponds également - l'a dit tout à l'heure, nous devons faire face à un ralentissement de la croissance que nous ne voulons surtout pas aggraver par nos décisions. Nous ne voulons pas participer à un mouvement de déprime.
Par ailleurs, nous ne voulons pas être le pays qui se bat contre la guerre, c'est-à-dire pour la paix, et qui, d'un autre côté, jonglerait avec les statistiques. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce sujet !
Vous savez que les termes de la guerre en Iraq sont posés : notre combat est celui de la paix. Cette possible guerre en Iraq a des conséquences : dans le monde entier, tous les investisseurs font preuve de l'attentisme que l'on connaît.
Outre cet attentisme, il nous faut faire face à un certain nombre de difficultés auxquelles nous ne nous attendions pas.
Je ne croyais pas trouver France Télécom dans cet état ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne croyais pas trouver EDF dans cet état !
Je ne croyais pas trouver la SNCF dans cet état !
Je ne croyais pas trouver RFF dans cet état ! (Nouvelles protestations et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Je ne croyais pas trouver La Poste avec un déficit de 300 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Sa situation est, en effet, particulièrement préoccupante.
Mme Hélène Luc. Comment peut-on parler ainsi !
M. Jacques Mahéas. Il ne fallait pas venir !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Mercier, face à cette situation, il y a trois solutions : l'attentisme, la rigueur ou la réforme. Nous choisissons la réforme ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous choisissons la réforme et, d'ores et déjà, nous avons organisé, vous le savez, la réforme des fonctions régaliennes de l'Etat puisque, grâce aux lois sur la sécurité intérieure, sur la justice et à la loi de programmation militaire, nous avons structuré le pôle régalien pour donner aux Français la sécurité intérieure et extérieure qu'ils attendent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous avons également engagé la réforme pour dynamiser les entreprises.
M. Roland Courteau. La réforme de l'ISF !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous avons assoupli les 35 heures, nous avons allégé les charges des entreprises...
M. Didier Boulaud. Les charges du baron et du MEDEF !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... et, surtout, nous allons, grâce au projet de loi relatif à l'économie numérique, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, redonner confiance aux créateurs d'entreprises, car il manque un million d'entreprises à notre pays aujourd'hui, lesquelles nous font cruellement défaut dans notre combat pour l'emploi.
Ce pôle économique est, pour nous, très important.
D'autres réformes sont également engagées. Celle de la décentralisation implique une réforme de la Constitution ; celle-ci reconnaîtra le fait régional, autorisera l'expérimentation et les transferts de compétences et, surtout, répondra à une demande que la Haute Assemblée formule depuis longtemps, à savoir protéger les collectivités territoriales contre des transferts qui ne seraient pas financés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Blanc. Mais oui ! Bravo !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. M. Signé, qui connaît bien la vie politique et qui a voté le transfert de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, qui n'était pas financé (M. Alain Gournac rit), sait bien que, grâce à notre réforme, il ne sera plus possible désormais de transférer des charges sans transférer les financements correspondants. (Bravo ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous ferons donc cette réforme de la décentralisation.
Nous conduirons aussi, avant l'été, la réforme des retraites.
M. Robert Bret. Vous le croyez ?
M. Alain Gournac. Ils ne l'ont pas fait !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il est très important que l'on s'occupe des petites retraites, que vous avez sous-estimées (Murmures et protestations sur les travées du groupe socialiste) , mais aussi qu'il y ait plus d'équité dans la retraite de tous les Français.
Après la décentralisation et la réforme des retraites, nous mènerons, au second semestre, la réforme de la politique de santé, avec Jean-François Mattei. Vous le savez comme moi, aujourd'hui, la situation d'un grand nombre de nos hôpitaux est préoccupante.
M. Alain Gournac. L'héritage !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Préparons l'avenir des hôpitaux à l'horizon 2007, afin de leur donner la chance qu'ils n'ont pas eue dans le passé puisque la réforme des 35 heures n'avait pas été anticipée.
Je dois dire, enfin, que trois autres dossiers très importants nous mobilisent particulièrement : la lutte contre le cancer, la lutte contre l'insécurité routière - c'est très important - et la réforme pour l'intégration des handicapés dans notre société.
Voilà notre programme : c'est celui de la réforme, ce n'est ni celui de l'immobilisme, ni celui de la rigueur ! (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Qu'ont-ils fait pendant cinq ans ?
M. Didier Boulaud. Il a perdu son self-control !
INTERMITTENTS DU SPECTACLE
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mardi dernier, dans toute la France, les intermittents du spectacle, dans une mobilisation impressionnante, étaient en grève pour défendre leurs droits, pour préserver leur régime d'assurance chômage une nouvelle fois menacé par le MEDEF.
Si j'en crois certaines déclarations, les artistes, les techniciens du spectacle seraient les nouveaux privilégiés des temps modernes, coupables de tirer profit du régime d'intermittence et responsables tout trouvés de son déficit.
Or les intermittents ne font pas métier de leur intermittence. Ils sont acteurs, techniciens, musiciens.
Monsieur le ministre, il n'y a pas trop d'artistes en France, trop de culture ; il n'y en a pas assez. On nous dit souvent que tout cela coûte cher. Certains technocrates, certains comptables, supérieurs, arrogants et glacés parlent toujours du coût de la culture, mais ils se gardent bien de se poser la question du coût de l'absence de culture.
Le temps me manque, mais permettez-moi de rappeler simplement que le régime des intermittents est l'indispensable complément de revenus qui permet aux artistes, aux techniciens de subsister ou de vivre de leur métier.
Ainsi, si la région Nord - Pas-de-Calais compte 3 000 artistes et techniciens répertoriés, seuls 1 330 - soit moins de la moitié - sont indemnisés et, pour un quart d'entre eux, en dessous du SMIC. Les proportions sont identiques à l'échelle du pays. Où sont donc les privilégiés ?
Faire disparaître ce régime spécifique et transférer les intermittents sous le statut de l'intérim comme le demande le MEDEF, avec un seuil minimum de 606 heures travaillées contre 507 actuellement, exclurait des milliers d'artistes et de techniciens des ASSEDIC. La proportion des salariés indemnisés tomberait à 30 %, ce qui porterait un coup très important à la culture et à la création françaises.
N'oublions pas en effet que le régime de l'intermittence est constitutif de la vie culturelle française. C'est lui qui permet à un nombre très important de compagnies et de théâtres de fonctionner, à de multiples spectacles et de festivals d'exister. Les professionnels du spectacle ont des métiers dont les spécificités - ponctualité des projets et de l'activité, répétitions, travail créatif personnel, formation continue - justifient un statut particulier qui n'a rien de commun avec celui des travailleurs intérimaires.
Au-delà de l'aspect comptable, c'est donc bien la place et la vitalité de la culture et de la création françaises qui sont en cause. C'est de leur financement qu'il s'agit.
Cela étant, il est nécessaire de réformer le régime de l'intermittence, mais je rappelle quand même qu'un accord, que le MEDEF refuse d'appliquer, avait été trouvé en 2001 entre les employeurs et les organisations syndicales les plus représentatives.
Si réforme il doit y avoir, ce doit être en tenant compte des spécificités du métier, mais aussi dans le cadre plus général d'une réflexion sur le statut de l'artiste dans notre société.
M. le président. Votre question, monsieur Renar !
M. Ivan Renar. J'y arrive, monsieur le président.
Monsieur le ministre, la situation est aujourd'hui trop grave pour que les pouvoirs publics s'abstiennent d'intervenir. Ma question est simple : qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Parlez-nous du mobilier national, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Renar, la question que vous posez est grave.
Elle est grave parce qu'elle concerne la situation de dizaines de milliers de professionnels du spectacle et de l'audiovisuel dans notre pays.
Elle est grave parce qu'elle concerne l'avenir de la vie culturelle de notre pays dans les domaines du théâtre, de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel.
Elle est grave parce qu'elle concerne également l'avenir de ce qu'on appelle les industries culturelles : la production audiovisuelle, la production cinématographique, la production discographique, c'est-à-dire le secteur de la production économique, secteur dont on n'a pas, je crois, suffisamment mesuré l'importance dans l'équilibre économique général de notre pays.
M. Ivan Renar. Oui !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Votre question concerne également l'animation culturelle sur l'ensemble du territoire de notre pays, la vie de ses festivals, celle de ses compagnies artistiques, celle de ses lieux de diffusion du théâtre, de la danse et de la musique.
Elle concerne enfin, il ne faut pas l'oublier, l'avenir de l'assurance chômage et de l'UNEDIC, dont vous connaissez la situation tendue. Ce que l'on appelle l'intermittence du spectacle n'est, en effet, pas à proprement parler un statut professionnel, comme on l'imagine parfois, c'est bien une branche particulière de l'assurance chômage, branche définie par les annexes 8 et 10.
Or, cette branche est déficitaire, inévitablement déficitaire, peut-on se dire, mais le problème est que, de toute évidence - c'est d'ailleurs l'avis de tout le monde -, le déficit est aujourd'hui excessif.
Dans ces conditions, que faire ?
Tout d'abord, il faut rappeler que l'avenir des annexes 8 et 10 dépend avant tout de la concertation des partenaires sociaux réunis au sein de l'UNEDIC.
Il me faut ensuite évoquer le cadre dans lequel le Gouvernement, parce qu'il est le garant de l'intérêt général et de l'équité, entend que le dialogue se développe. A cet égard, M. François Fillon et moi-même avons toujours indiqué d'une même voix les limites.
Premièrement, le principe de la solidarité interprofessionnelle ne doit pas être remis en cause.
Deuxièmement, l'existence d'un régime spécifique d'assurance chômage pour les professionnels du secteur concerné ne doit pas être remise en cause.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Troisièmement, et c'est un avis unanimement partagé - y compris par les partenaires sociaux, et par les organisations syndicales -, nous devons nous mobiliser pour éradiquer les abus qui lèsent lourdement le système. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Et aussi notre patrimoine national !
M. Raymond Courrière. Lisez Le Canard enchaîné, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. C'est sur cette ligne, monsieur le sénateur, que nous nous situons, et je crois que c'est la bonne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SITUATION D'AIR LIB
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au-delà des problèmes sociaux auxquels sont confrontés les personnels abandonnés par l'entreprise, la cessation d'activité d'Air Lib suscite de graves difficultés pour les territoires qu'elle concerne.
Les territoires qui disposaient d'une plate-forme de départ de la compagnie Air Lib et que délaisse la compagnie nationale Air France subiront en effet des répercussions économiques considérables. Les Hautes-Pyrénées et la plate-forme de Tarbes - Lourdes - Pyrénées sont dans cette situation.
M. René-Pierre Signé. Ce ne sont pas les seuls !
M. François Fortassin. Cet aéroport, qui vient de faire l'objet de très importants travaux, financés en grande partie par les collectivités territoriales et par l'Etat, s'intégrait dans une logique globale de redynamisation économique de notre département.
Après de longues années de difficultés, ce dernier a en effet repris le chemin de l'espoir, bien qu'il soit très touché par les restructurations industrielles.
Le développement et la professionnalisation du tourisme en même temps que l'utilisation de plus en plus fréquente de l'avion comme mode de transport font de la plate-forme Tarbes-Lourdes-Pyrénées un outil incontournable pour les différentes clientèles qu'attirent les Hautes-Pyrénées : skieurs, touristes, pèlerins...
Vous comprendrez que la disparition de deux rotations quotidiennes vers Paris comporte d'énormes enjeux pour notre département, en termes de développement économique, mais aussi d'aménagement du territoire. La disparition de cette ligne, qui transportait près de 120 000 passagers par an, aurait des conséquences directes : non seulement elle remettrait en cause l'équilibre financier et la gestion de l'aéroport, mais elle aurait aussi inexorablement des répercussions sur les personnels et sur l'activité industrielle.
M. le président. Posez votre question, monsieur Fortassin !
M. François Fortassin. Ma question est la suivante : une solution de substitution est-elle envisagée pour rétablir les relations quotidiennes sur Paris, en évitant de faire subir à la clientèle des prix prohibitifs, puisque pour les non-abonnés le coût par voyage est de 2 500 francs ?
Je remercie bien entendu le Gouvernement de l'attention qu'il prêtera à cette action.
M. René-Pierre Signé. Il a le remerciement facile !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, vous avez, avec raison, appelé l'attention du Gouvernement sur la plateforme aéroportuaire de Tarbes-Lourdes-Pyrénées.
Après l'arrêt d'activité d'Air Lib, le 6 février dernier, le Gouvernement a eu deux préoccupations.
La première a naturellement été l'avenir des salariés de la compagnie. Nous cherchons, avec Gilles de Robien, des solutions pour que les 2 700 salariés d'Air Lib et les 500 salariés de ses filiales trouvent un nouvel emploi, aussi bien sur les sites parisiens que dans les escales des différentes régions, en métropole comme outre-mer.
M. Raymond Courrière. C'est ça...
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Notre seconde préoccupation a été de restaurer les liaisons aériennes, notamment celles sur lesquelles Air Lib se trouvait en situation de monopole.
En ce qui concerne l'outre-mer, avec Mme Girardin, nous avons fait en sorte que Air France et Corsair augmentent leurs relations pour que l'offre de desserte sur l'outre-mer reste la même. Mais, en métropole, il y avait quelques lignes sur lesquelles seul Air Lib était présent, telle celle de Perpignan pour laquelle nous avons trouvé immédiatement une solution de reprise avec Air France.
Il y avait également Figari, aéroport du sud de la Corse. Une solution a été trouvée avec Air Littoral.
Il y avait Lannion et Annecy. Des solutions ont également été trouvées.
Il reste à traiter, monsieur Fortassin, et vous avez raison de soulever la question, le cas de l'aéroport de Tarbes-Lourdes...
Mme Hélène Luc. Il n'y a pas que ça, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... dont l'importance pour les Hautes-Pyrénées est évidente puisqu'il draine toute la clientèle touristique de Lourdes. C'est une liaison qui prend chaque année en charge quelque 150 000 passagers et qui, par conséquent, joue un rôle considérable en matière d'aménagement du territoire.
Monsieur Fortassin, le Gouvernement est actuellement en contact avec la chambre de commerce, avec la mairie et avec votre conseil général...
M. Didier Boulaud. Et avec l'archevêché ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... pour trouver une compagnie qui reprenne bientôt - à votre satisfaction - cette liaison aérienne. Je puis vous l'assurer, nous avons de bons espoirs d'y parvenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Ce que vous avez fait avec Air Lib est honteux !
AGGRAVATION DES PEINES
POUR CERTAINES INFRACTIONS AU CODE DE LA ROUTE
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le garde des sceaux, si aujourd'hui en France environ 1 000 personnes meurent chaque année du fait de crimes ou d'assassinats, il faut encore et toujours rappeler que, dans le même temps, près de 8 000 personnes meurent dans des accidents de la circulation.
M. Raymond Courrière. Chirac s'en occupe : il va régler le problème !
M. Laurent Béteille. Parmi ces morts, on compte un quart de jeunes de moins de vingt-cinq ans, la route constituant la première cause de mortalité dans cette tranche d'âge.
A ces morts s'ajoutent plus de 25 000 blessés graves et handicapés à vie.
Il faut préciser que ce ne sont pas les conducteurs irresponsables qui paient ce tribut puisque 60 % des tués sur la route n'avaient commis aucune faute.
M. René-Pierre Signé. Il faut confier le dossier à Jacques Toubon !
M. Laurent Béteille. Il est donc temps de relancer dans notre pays une vraie politique de lutte contre la violence routière et, au-delà de la simple et nécessaire prévention, d'adresser aux auteurs de cette violence un message clair, celui d'une plus ferme répression.
Le Président de la République, dès son discours du 14 juillet, avait dénoncé le scandale de l'insécurité routière en se disant « absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d'Europe ». La réduction du nombre des accidents était devenue l'un des trois « chantiers » prioritaires de son quinquennat.
Lors de la cérémonie organisée en hommage aux cinq pompiers de Loriol tués en novembre dernier par un automobiliste roulant à une vitesse très supérieure à la vitesse autorisée, le chef de l'Etat s'était ému de ce qu'« une société civilisée ne peut tolérer sur ses routes des comportements barbares ».
En décembre dernier, M. le Premier ministre a dévoilé les grandes lignes de son plan de lutte contre la délinquance routière, en annonçant une série de mesures organisées autour de deux principes : l'automatisation et l'aggravation des sanctions.
Mme Nicole Borvo. Des peines, toujours des peines ! Et la prévention ?
M. Laurent Béteille. Parce que nous sommes attachés à la préservation de la vie et parce qu'il n'y a pas de fatalité en matière d'insécurité routière, je souhaite connaître, monsieur le garde des sceaux, le détail des mesures envisagées par le Gouvernement - notamment en matière d'aggravation des peines - qui figureront dans le projet de loi que vous avez, conjointement avec M. le ministre de l'équipement, des transports, du bâtiment, du tourisme et de la mer, présenté hier en conseil des ministres, et, éventuellement, la partie ultérieure de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de parler de lutte contre la violence routière. L'expression n'est pas anodine : il s'agit bien d'une forme de violence des temps modernes de plus en plus répandue, et c'est pourquoi le « projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière » porte cet intitulé, et non pas celui de « projet de loi pour la sécurité routière ».
Vous l'avez rappelé, la lutte contre la violence routière est un des objectifs majeurs que le Président de la République a fixé le 14 juillet dernier.
M. René-Pierre Signé. Ils ont tous des chauffeurs !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le comité interministériel et le colloque organisé par Gilles de Robien sur la sécurité routière qui se sont tenus ont favorisé une prise de conscience collective, à laquelle, je tiens à le souligner, les associations de victimes ont beaucoup contribué, en jouant notamment un très grand rôle de proposition : il faut mettre un terme à l'exception française qui veut que notre pays tolère que la route fasse 8 000 morts et 50 000 blessés par an, blessés parmi lesquels des femmes et des hommes qui passeront le reste de leur vie dans un fauteuil roulant ou sur un lit d'hôpital.
C'est pour remédier à cette situation que nous nous sommes mobilisés et que nous préparons des mesures non seulement de répression, mais aussi, bien sûr, de prévention.
L'aggravation des peines est prévue dans deux types de cas. D'une part, une conduite mettant en danger la vie d'autrui est susceptible d'entraîner un doublement de la peine. D'autre part, la réunion de deux circonstances aggravantes - parmi les six suivantes : alcool, stupéfiants, mise en danger délibérée d'autrui, délit de fuite, conduite sans permis ou grand excès de vitesse - peut entraîner un nouveau doublement de la peine.
Il s'agit évidemment d'une simple possibilité donnée aux magistrats. La peine pourra, à l'extrême, aller jusqu'à dix ans de prison.
Un autre point très important du projet de loi réside dans l'automaticité du traitement des délits, qu'il s'agisse du constat - qui relève de la police ou de la gendarmerie, donc du ministère de l'intérieur -, mais aussi du traitement judiciaire, par exemple en cas d'excès de vitesse constaté.
Nous allons mettre en place un système automatique, avec dépôt de caution lorsqu'il y a contestation de l'infraction, de façon que le respect de la règle devienne une nécessité : chaque conducteur aura alors la conviction qu'il ne peut pas jouer au petit jeu du « pas vu, pas pris ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le garde des sceaux !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est ainsi, monsieur le président, que nous épargnerons tant de vies gâchées ou perdues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
ET FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS
RECEVANT DES PERSONNES ÂGÉES
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
J'ai le regret de constater, comme nombre de mes collègues, qu'une fois de plus le Gouvernement n'oeuvre pas dans le sens d'une meilleure protection sociale, bien au contraire : il mène une politique de démantèlement de toutes les mesures d'avancée sociale mises en place par le gouvernement précédent...
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. Alain Gournac. Sans argent !
Mme Claire-Lise Campion. ... et, cette fois-ci, c'est une population souvent fragilisée qui est touchée : celle des personnes âgées.
Un sénateur socialiste. C'est de l'escroquerie !
M. René-Pierre Signé. Ils n'aiment pas le social !
Mme Claire-Lise Campion. L'aide personnalisée d'autonomie, l'APA, a été mise en place le 1er janvier 2002 pour faciliter la vie des personnes âgées dépendantes de soixante ans et plus, à la demande des associations et des familles.
L'APA avait été accordée à 470 000 personnes en septembre 2002, et, au-delà, en ont bénéficié tous ceux qui en sont solidaires : la famille, les enfants et les petits-enfants.
Véritable exigence sociale de solidarité intergénérationnelle, cette mesure à caractère universel ne peut être remise en cause à coup de décrets. Chacun, en envisageant les difficultés qui pourraient survenir à la fin de sa vie ou en considérant les inquiétudes que représente une personne âgée dépendante pour sa famille, prend facilement conscience que l'APA est une mesure fondée.
Que fait le Gouvernement ?
M. René-Pierre Signé. Il préfère s'attaquer à l'ISF !
Mme Claire-Lise Campion. Il rogne une avancée sociale. Ce n'est pas acceptable ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. C'est une honteuse caricature !
Mme Claire-Lise Campion. Vous prévoyez par décret de baisser les seuils de plus d'un tiers et de porter à 90 % au lieu de 80 % la participation maximale. Ainsi seront exonérées de participation financière les personnes dont les revenus mensuels sont inférieurs à seulement 623 euros contre 949 dans la législation actuelle.
M. René-Pierre Signé. C'est ça la réalité !
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, allez expliquer à une veuve de quatre-vingt-dix ans, habitant chez elle, isolée et malade,...
M. Dominique Braye. Vous devriez avoir honte !
Mme Claire-Lise Campion. ... avec des ressources s'élevant à 4 100 francs par mois qu'elle doit faire un effort supplémentaire pour financer les légitimes besoins qu'engendre son état de dépendance ! Nous n'avons pas la même idée de la solidarité !
M. Alain Gournac. Ça non !
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
Mme Claire-Lise Campion. Une fois de plus, nous voyons où sont les priorités du Gouvernement : certainement pas du côté des personnes qui en ont le plus besoin ! Vous arguez d'un besoin supplémentaire de financement. Certes, mais vous préférez taxer les personnes âgées dépendantes et assurer l'allégement de l'impôt sur le revenu et de l'ISF ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Posez votre question, madame !
M. Robert Bret. Elle est là, la question !
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, confirmez-vous que vous envisagez bien de faire payer davantage les personnes âgées pour leur dépendance ?
Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées s'est, à titre personnel, prononcé contre le recours sur succession. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a la même position ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. René-Pierre Signé. La bonne parole !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la sénatrice, je suis stupéfait de voir avec quelle facilité vous vous déchargez de la très lourde responsabilité qui est la vôtre, compte tenu de la situation dramatique dans laquelle vous nous avez laissé l'APA ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Et vous ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. J'oserais même dire que je suis stupéfait de tant de mauvaise foi ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Nous allons sauvegarder, sauver l'APA.
M. Jacques Mahéas. Il est inconvenant !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Vous avez beaucoup communiqué sur cette mesure, mais vous vous êtes trompés de deux ans et vous avez omis de mentionner que, pour financer l'APA, il fallait 1,2 milliard d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas rien ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. Et l'ISF ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. La proposition de loi déposée par d'éminents membres de la droite sénatoriale sur la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et l'allocation personnalisée d'autonomie permettra de financer le surcoût que vous n'avez pas, vous, financé. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Eminents en matière sociale ?
Mme Hélène Luc. Prenez vos responsabilités !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Madame, nous avons tout simplement deux conceptions différentes de l'action publique.
Vous avez fait commerce de l'illusion et des effets d'annonce ! (Voilà ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous, nous travaillons dans l'action, dans la responsabilité,...
Mme Nicole Borvo. Parole, parole !
M. Jacques Mahéas. Soyez plus social !
M. Guy Fischer. Vous allez faire payer les familles !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. ... et, bien sûr, nous allons le prouver aux personnes âgées qui attendent de nous que nous financions la mesure que vous avez mise en place mais que vous n'avez pas financée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
ALLOCATION UNIQUE D'ACCUEIL
POUR LES JEUNES ENFANTS
M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Un peu de silence, je vous prie, mes chers collègues ! Des enfants nous regardent ! Quel jugement vont-ils porter sur nous ? Comment demain va-t-on pouvoir leur dire d'être silencieux à l'école après un tel spectacle ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Cléach, et à lui seul !
M. Didier Boulaud. Il ne faut pas nous provoquer !
M. Marcel-Pierre Cléach. Ma question...
M. Raymond Courrière. Question de complaisance !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Notre politique familiale doit avoir pour ambition d'atteindre un certain nombre d'objectifs,...
M. Raymond Courrière. Tuer les vieux ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Marcel-Pierre Cléach. ... notamment ceux de garantir le libre choix du mode de garde des jeunes enfants, d'aider les femmes, qui sont les plus concernées, à mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle, de simplifier enfin notre système d'aide, qui est devenu illisible. Cette politique doit être solidaire et dynamique.
L'attente des familles est forte et les enjeux sont importants.
Mme Nicole Borvo. Pas du tout ! (Sourires.)
M. Marcel-Pierre Cléach. Les débats actuels relatifs à l'avenir de nos régimes de retraite, qui mettent en exergue le vieillissement de notre population et la nécessité de mener une politique favorisant son renouvellement, le prouvent.
Le Président de la République a toujours affirmé que la politique de la famille devait être une priorité pour le Gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Il est bien placé pour en parler !
M. Marcel-Pierre Cléach. C'est pour cette raison qu'il a souhaité que soit créée une allocation unique d'accueil du jeune enfant, versée à toutes les mères, qu'elles aient un emploi ou non et quel que soit le mode de garde.
M. Raymond Courrière. Cela leur fera une belle jambe !
M. Marcel-Pierre Cléach. Le Gouvernement vient de recevoir trois rapports de Mmes Françoise de Panafieu, Marie-Thérèse Hermange et Martine Clément consacrés respectivement aux services aux familles, à la conciliation des vies familiale et professionnelle et à l'allocation unique de garde d'enfant.
Ces rapports présentent un grand nombre de propositions. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous entendez et si vous pourrez les mettre en oeuvre, en tout ou partie, à l'occasion de la prochaine conférence de la famille. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roland Courteau. Il fera toujours mieux que M. Falco !
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler que la politique familiale de ce gouvernement vise d'abord à répondre aux attentes des familles, qui souhaitent davantage de simplicité, un choix plus large et donc plus de liberté.
Elle est fondée sur les orientations définies par le Président de la République (Murmures sur les travées du groupe socialiste) et détaillées par le Premier ministre.
Enfin, elle est sous-tendue par une méthode qui fait appel à la concertation la plus large, le plus en amont possible.
C'est dans ce contexte que trois groupes de travail ont remis mardi dernier à M. Jacob, ministre délégué à la famille, et à moi-même trois rapports comportant des propositions qui peuvent être résumées selon trois axes.
Le premier axe est la création d'une prestation de libre choix pour l'accueil du jeune enfant, la PAJE.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Cette prestation concernera un très grand nombre de familles. Elle permettra de simplifier au maximum les procédures et d'offrir un véritable choix s'agissant du mode de garde des enfants et de la poursuite ou non d'une activité professionnelle.
M. Didier Boulaud. Les femmes à la maison !
M. Jean-François Mattei, ministre. Deuxième axe, un système de crédit d'impôt serait instauré au profit des entreprises qui, sur leur propre initiative, prendraient des mesures permettant de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale : création de crèches d'entreprise, financement de places dans des crèches publiques, aménagements d'horaires.
Mme Nicole Borvo. Ça va être génial !
M. Jean-François Mattei, ministre. Le troisième axe a trait à la mise en place de points d'information dans chaque département pour permettre aux familles de mieux savoir à quels droits et à quels services elles peuvent prétendre.
La conférence de la famille se tiendra le 29 avril prochain. Les attentes sont nombreuses, les ambitions du Gouvernement sont grandes, et le Premier ministre annoncera ses choix à cette occasion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Boulaud. On est impatient de voir ça !
MUTINERIE DE CLAIRVAUX
ET CRÉATION DES ÉQUIPES RÉGIONALES
D'INTERVENTION ET DE SÉCURITÉ
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Yann Gaillard. La mutinerie à la centrale de Clairvaux des 18 et 19 février dernier a réveillé des souvenirs douloureux, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer l'affaire Buffet-Bontemps, qui remonte à 1971.
L'issue a été cette fois-ci heureuse, grâce au sang-froid du personnel pénitentiaire, au professionnalisme des forces de l'ordre CRS et gendarmes et à l'excellente stratégie du préfet de l'Aube.
Les habitants du Bar-sur-Aubois sont très attachés à l'existence de la centrale de Clairvaux pour des raisons sociologiques et économiques. Néanmoins, quelques questions se posent.
Première question : il n'y a pas de surpopulation carcérale à la centrale,...
M. René-Pierre Signé. Ça va venir !
M. Yann Gaillard. ... qui compte 170 surveillants pour quelque 200 prisonniers, mais l'encadrement de ces surveillants reste insuffisant, et vos services l'ont d'ailleurs reconnu, monsieur le ministre ; quelles mesures envisagez-vous de prendre pour accroître les effectifs de surveillants-chefs ?
La création des ERIS, les équipes régionales d'intervention et de sécurité, que vous avez annoncée, si elle constitue une heureuse initiative, sera-t-elle un palliatif ou un complément à ce nécessaire renforcement ?
Deuxième question : des polémiques ont éclaté entre la direction et certains représentants du personnel - je connais d'ailleurs personnellement le directeur de l'établissement, pour qui j'ai de l'estime ; quelle est votre position en ce qui concerne la discipline au sein de la centrale, notamment la fermeture des portes des cellules ?
Troisième question : on ne peut, semble-t-il, mettre en cause le mauvais état du bâtiment, en tout cas celui de la centrale, toutefois il n'en est pas de même pour le centre de détention, qui n'a pas été touché par le mouvement, mais dont l'état matériel est défectueux ; envisagez-vous de remédier à cette situation ?
Dernière question, importante bien qu'un peu parallèle : certaines voix se sont déjà élevées contre la coexistence, sur le site de Clairvaux, de bâtiments pénitentiaires et d'un monument historique considérable, l'ancienne abbaye cistercienne de Clairvaux ; le protocole qui a été signé voilà quelques mois entre le ministère de la justice et celui de la culture pour le partage des locaux et qui donnait toute satisfaction jusqu'ici continuera-t-il à être appliqué, afin que les pouvoirs publics puissent poursuivre le remise en état de ce monument essentiel de la région Champagne-Ardenne ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez souligné, à juste titre, le sang-froid des personnels pénitentiaires et des forces de police et de gendarmerie, qui ont pu rétablir l'ordre au cours de cette nuit que, personnellement, j'ai trouvée courte, mais qui s'est achevée dans des conditions satisfaisantes. Contrairement à ce qui s'était passé à Clairvaux voilà un certain nombre d'années, il n'y a eu ni morts ni blessés. Un tel dénouement n'était pas évident, et il a fallu beaucoup de professionnalisme pour ramener la situation à la normale sans incident majeur.
En outre, monsieur le sénateur, vous avez évoqué à bon droit le déficit d'encadrement dont souffre cet établissement, comme d'ailleurs l'ensemble des centrales. Ainsi que l'a annoncé le directeur de l'administration pénitentiaire voilà quelques jours, nous allons renforcer le taux d'encadrement dans ces établissements, qui sont en effet les plus difficiles,...
M. Roland Muzeau. Avec quels crédits ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... de manière à garantir la sécurité et à développer la capacité du personnel à faire face aux situations délicates. Nous allons tripler en deux ans les effectifs de chefs des services pénitentiaires, mesure qui va tout à fait dans le sens de ce que souhaitent les représentants des personnels.
Par ailleurs, j'ai annoncé la mise en place dans toutes les régions pénitentiaires d'équipes régionales d'intervention et de sécurité, qui permettront, dans des cas comme ceux que nous avons connus récemment à Moulins et à Clairvaux, d'intervenir d'une façon plus précoce, sans qu'il soit systématiquement fait appel à la police et à la gendarmerie.
Ces équipes seront composées d'une vingtaine d'hommes placés auprès des directions régionales des services pénitentiaires et seront équipées de manière à pouvoir se déplacer rapidement, avec les matériels adaptés. Ils auront pour mission d'appuyer des personnels confrontés à une tâche très ardue.
M. Didier Boulaud. C'est Byzance !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, il n'existe pas, dans les centrales, de sureffectif de la population carcérale. Ainsi, à Clairvaux, 75 % seulement des places disponibles étaient occupées : il ne s'agit donc pas du tout d'un problème de surpopulation.
En ce qui concerne les accords passés entre le ministère de la culture et le ministère de la justice, il n'est nullement question de les remettre en cause, et ils continueront d'être appliqués, conformément à vos souhaits, monsieur Gaillard.
Enfin, s'agissant de l'affectation des détenus à Clairvaux, compte tenu des conditions de fonctionnement de l'établissement, nous veillerons, à l'avenir, à éviter d'y placer des personnes jugées difficiles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
FACTURATION AUX COMMUNES
DES FRAIS DE SECOURS EN MONTAGNE
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le ministre, l'article 54 de la loi relative à la démocratie de proximité prévoit la possibilité, pour les communes, de mettre en recouvrement les frais qu'elles engagent à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique d'activités sportives et de loisirs.
M. Raymond Courrière. Voilà une grande question d'actualité !
M. Pierre Hérisson. Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette loi, en 2002, seules les disciplines du ski alpin et du ski de fond étaient concernées. Mais certains préfets ont déjà rédigé une circulaire qui va, me semble-t-il, très loin dans l'interprétation possible de l'article que j'ai évoqué.
La notion de prestataire de services organisant les secours en lieu et place des communes y apparaît, ce qui pourrait autoriser les services départementaux d'incendie et de secours à facturer aux communes les frais de secours exposés à l'occasion d'interventions payantes.
Monsieur le ministre, envisagez-vous d'élaborer un décret d'application ou bien apporterez-vous des précisions sur la portée de l'article 54 lors de la discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile ? N'est-il pas souhaitable, dans les deux cas de figure, de demander aux maires d'attendre un peu avant de délibérer, afin de vous laisser le temps nécessaire pour apporter les précisions législatives indispensables et éviter des dérives, mais surtout des risques de contentieux avec les personnes secourues et leurs compagnies d'assurances ? Je pense notamment ici aux petites communes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. C'est une question à poser le mardi !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Hérisson, la loi relative à la démocratie de proximité, en particulier son article 54, vient en effet perturber une nouvelle fois l'organisation des secours.
Je vous signale d'ailleurs que cet article s'applique de plein droit, sans qu'un décret d'application soit nécessaire. En réalité, on peut reprocher à ce dispositif d'être inopérant et inéquitable. Il jette le trouble dans l'ensemble de l'organisation des secours en ne distinguant pas entre les personnes secourues qui doivent être responsabilisées et celles qui doivent à l'évidence bénéficier de la gratuité.
Cet article paraît déroger au principe de la gratuité des secours. Or, si une réflexion doit être menée, elle doit porter sur la responsabilité de ceux qui prennent des risques inutiles et agissent inconsidérément. Dans ce seul cas très particulier, on peut envisager de remettre en cause le principe de la gratuité des secours.
Je tiens donc à vous rassurer, monsieur Hérisson : le Gouvernement a l'intention d'apporter, au travers du projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile, toutes les précisions nécessaires à cet égard. Cependant, une circulaire est d'ores et déjà en préparation ; elle est élaborée conjointement avec le ministre des sports, M. Jean-François Lamour. Elle sera publiée d'ici à la fin du mois de mars et constituera un véritable vade-mecum de l'organisation des secours, réglant la question de la gratuité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SANTÉ DES ENFANTS EN MILIEU SCOLAIRE
M. le président. La parole est à M. André Geoffroy.
M. André Geoffroy. Ma question s'adresse à M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Monsieur le ministre délégué, nous constatons depuis plusieurs années que notre société n'accorde pas suffisamment d'attention aux divers problèmes de santé et d'hygiène de vie des jeunes.
A l'âge où, par nature, leur corps et leur entendement sont en construction, ils subissent incontestablement les ravages d'un environnement où sévissent drogue, alcool, tabac et mauvaise nutrition.
M. René-Pierre Signé. C'est téléphoné !
M. André Geoffroy. Ces problèmes se trouvent largement amplifiés par un contexte social instable et par des situations personnelles et familiales parfois douloureuses.
Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement d'instaurer une prise en charge de ces fléaux à l'intérieur du cadre scolaire, néanmoins nous tenons à attirer votre attention sur deux points, monsieur le ministe délégué.
En premier lieu, la prévention doit répondre à un objectif d'efficacité et de pérennité. Cela impose d'intervenir de manière récurrente au coeur des grandes étapes du développement humain : l'enfance, l'adolescence et la jeunesse.
Cette prévention doit également concerner l'ensemble des proches des enfants : famille, enseignants, médecins, personnel paramédical et personnel d'encadrement.
En second lieu, le suivi doit être rigoureux et cohérent. Le professionnel de santé que je suis n'a que trop souvent constaté les dommages causés par des suivis chaotiques. Quelle que soit la nature du problème, un dépistage doit être suivi de la mise en place d'une thérapie médicale, psychologique ou éducative.
Enfin, je vous invite à informer les familles et les enfants sur un phénomène peut-être moins visible, mais tout aussi dangereux : le manque de sommeil. Celui-ci induit, en effet, une très nette baisse de la concentration intellectuelle et fragilise très rapidement l'organisme humain. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Aussi aimerais-je connaître de manière précise les étapes de votre dispositif.
M. Raymond Courrière. Trop long !
M. André Geoffroy. Pouvez-vous nous exposer en détail quelle formation vous comptez mettre en place au bénéfice du personnel enseignant et quels moyens vous entendez allouer à cette noble fin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. La réponse est déjà dans le journal !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'attirer une fois de plus l'attention de la représentation nationale sur la situation difficile que nous avons trouvée, à l'entrée en fonction du Gouvernement, s'agissant de la santé des jeunes et des adolescents.
Il nous a semblé nécessaire de prendre des décisions.
M. Didier Boulaud. C'est dans le journal !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. La première a trait au dépistage. Jusqu'à présent, une seule visite médicale était effectuée, à l'âge de six ans ; ensuite, plus rien n'était prévu !
Mme Nicole Borvo. Ça, c'est incroyable !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous avons décidé que le suivi du contrôle médical des jeunes serait assuré par le biais de trois visites médicales intervenant à la fin de l'école maternelle, à la fin de l'école primaire et à la fin du collège.
Mme Nicole Borvo. Il faudrait recruter des médecins et des infirmières scolaires !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Afin de permettre une continuité entre ces visites, nous allons créer un dossier médical, qui sera d'ailleurs informatisé, de sorte que l'on puisse disposer d'une véritable source d'informations sur la santé des élèves, dans le respect du secret médical.
Mme Nicole Borvo. Il n'y a plus d'infirmières scolaires !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Je voudrais surtout insister sur la question essentielle de la santé des adolescents.
S'agissant de la drogue et du tabac, nous voulons faire respecter dans les établissements scolaires l'interdiction édictée par la loi Evin. La drogue fera tout particulièrement l'objet de notre vigilance. L'an dernier, 748 dealers ont été arrêtés dans nos établissements scolaires et remis aux services de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous devons donc nous saisir de ce dossier.
En ce qui concerne le tabagisme, il est bien évident qu'il faut faire respecter la loi, mais nous devons aussi éventuellement pouvoir, grâce aux infirmières scolaires, fournir aux jeunes des produits nicotiniques qui leur permettront de se déshabituer du tabac.
Il est évidemment nécessaire d'engager des moyens, et nous avons décidé de mobiliser, par l'entremise de M. Jean-François Mattei, des étudiants en médecine en fin de formation, à savoir des internes qui pourront, par le biais de stages qui seront valorisés au titre de leur formation professionnelle, intervenir dans les établissements scolaires. Ainsi, quelque 600 personnels supplémentaires seront disponibles dès la rentrée prochaine. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a d'ailleurs inscrit à son budget, on ne le dit pas assez, une augmentation des effectifs des médecins scolaires et des infirmières scolaires.
M. Didier Boulaud. Combien ?
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous nous donnons donc les moyens de mener la politique que nous avons décidée. Il était temps, je crois, de prendre de telles mesures ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
INSERTION PROFESSIONNELLE
DES PERSONNES HANDICAPÉES
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Ma question s'adresse à Mme le secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Madame le secrétaire d'Etat, la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 visant à l'insertion professionnelle en milieu ordinaire a fixé des objectifs très volontaristes.
La loi du 10 juillet 1987 a confirmé ces orientations, en instaurant une obligation d'emploi des travailleurs handicapés pour tous les employeurs, y compris les employeurs publics, de vingt salariés ou plus, dans la proportion de 6 % des effectifs. Quinze ans après son adoption, je suis au regret de constater que le bilan reste décevant.
En effet, si l'on se réfère au rapport du ministère des affaires sociales, diffusé en octobre 2002, relatif à l'exécution de la loi du 10 juillet 1987 dans le secteur privé et dans le secteur public à caractère industriel et commercial, le taux d'emploi des travailleurs handicapés atteint péniblement 4,1 % pour l'année 2000, soit une hausse de 0,1 % par rapport à 1998 !
Il s'agit d'une véritable stagnation du taux d'emploi des personnes handicapées, stagnation qui est d'autant plus préoccupante que, avec les nombreux départs à la retraite découlant du vieillissement de la population salariée, de nouvelles perspectives d'emploi semblaient devoir s'ouvrir à ces personnes.
M. René-Pierre Signé. Avec l'APA !
M. Jean-Marie Poirier. A la décharge des employeurs, il convient de noter que le handicap s'ajoute à d'autres difficultés, telles que l'âge ou le niveau de qualification. En 2000, on relevait que 85 % des travailleurs handicapés inscrits à l'ANPE possédaient un niveau d'études inférieur ou égal au CAP ou au BEP.
M. le président. Votre question, monsieur Poirier !
M. Jean-Marie Poirier. L'accès à la formation professionnelle est donc primordial pour les travailleurs handicapés.
Ma question est la suivante : pouvez-vous nous préciser, madame le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin d'inciter plus fortement les employeurs à embaucher des travailleurs handicapés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je ne me lasserai pas de redire que le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin veut l'intégration pleine et entière des personnes handicapées dans notre société.
Je vous remercie, monsieur Poirier, d'avoir rappelé que l'intégration professionnelle, plus particulièrement au sein des entreprises, était l'une de nos priorités.
Il est vrai que la loi de 1987 a fixé un quota de 6 % qui est loin d'être atteint.
Mme Nicole Borvo. Il n'est respecté nulle part !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Comme vous l'avez souligné, le pourcentage de travailleurs handicapés dans les entreprises stagne à hauteur de 4,1 %.
Mme Nicole Borvo. Parlons des administrations !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Ce problème est extrêmement important.
Cependant, plus préoccupant encore que ce taux est l'effectif réel des personnes handicapées au chômage. Dans notre pays, ces dernières sont trois fois plus lourdement frappées par ce fléau que les personnes valides. Il s'agit là d'une situation absolument insupportable, à laquelle je ne me résignerai jamais.
Nous devons tout faire, monsieur le sénateur, pour ramener au niveau de la moyenne nationale, à savoir 9 %, le taux de chômage des personnes handicapées en âge de travailler, qui atteint aujourd'hui 26 %.
C'est un travail de longue haleine. Il passe d'abord par une meilleure intégration dans la vie scolaire et par une meilleure formation scolaire. Nous nous y employons avec Luc Ferry, et 5 000 postes d'auxiliaires de vie scolaires seront créés dès la rentrée prochaine. Ce travail passe aussi par une meilleure aide aux entreprises. Il n'est pas évident, pour une entreprise, d'embaucher des personnes handicapées, c'est une aventure.
M. Didier Boulaud. Les collectivités locales le font bien !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Il faut proposer à cette entreprise non seulement des aides techniques ou humaines, mais également une simplification des démarches administratives. A cet effet, un organisme existe : l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés.
M. Didier Boulaud. Encore un peu de « fric » pour le patronat !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je souhaite que les partenaires sociaux réfléchissent à une meilleure utilisation de cet outil créé par le législateur en 1987,...
M. le président. Concluez, madame la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... et ce à trois niveaux. Je vais les indiquer si vous me le permettez, monsieur le président.
D'abord, il me semble qu'il faut étendre le champ d'action de l'AGEFIPH et permettre à celle-ci d'intervenir chaque fois qu'une action autorisera le passage du secteur protégé au milieu ordinaire. Ensuite, les partenaires sociaux doivent réfléchir à la possibilité d'une négociation au niveau des branches pour une meilleure insertion des personnes handicapées, et pas seulement dans les entreprises.
M. Didier Boulaud. C'est le MEDEF qui embauche, et non les syndicats !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Enfin, je souhaite rendre obligatoires des conventions d'objectifs pluriannuelles entre l'Etat et l'AGEFIPH, afin d'assurer une meilleure coordination entre les actions de l'AGEFIPH et la politique générale de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Ça coûtera moins cher à l'Etat !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.