Question préalable
- Discussion générale
- Dossier législatif : proposition de loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie
- Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires sociales (n° 186, 2002-2003) sur la proposition de loi (n° 169, 2002-2003) modifiant la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie et sur la proposition de loi (n° 178, 2002-2003) portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la motion.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'urgence financière à laquelle sont confrontés les départements du fait du surcoût de l'allocation personnalisée d'autonomie justifierait, si j'en crois le Gouvernement et les présidents de conseils généraux que compte le Sénat, qu'au détour d'une proposition de loi - dont nos collègues présidents de conseils généraux ont eux-mêmes pris l'initiative - nous anticipions le débat, nécessairement plus global, que aurions dû avoir de toute façon à l'occasion de l'évaluation quantitative et qualitative de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Bref, cette urgence financière justifierait que nous hypothéquions - sans trop le dire tout de même - l'avenir de l'allocation personnalisée d'autonomie ! Les sénateurs communistes ne partagent pas cet argument, et, pour bien marquer leur opposition à cette démarche générale tendant à réduire la couverture sociale de la perte d'autonomie, ils ont déposé une motion tendant à opposer la question préalable.
Plusieurs raisons majeures motivent notre rejet de la présente proposition de loi.
La première tient au fait que la question de la perte d'autonomie et de sa prise en charge est abordée principalement sous l'angle étroit de son financement.
Il est symptomatique de constater que le regard que vous portez, mes chers collègues, sur le vieillissement et sur la dépendance est immanquablement négatif. La sémantique employée en témoigne, qu'il s'agisse du « coût » de la dépendance, du « poids » des retraités, de la « charge » du troisième âge pour la société.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, de son financement !
Mme Michelle Demessine. Vous parlez de « problème » démographique ; nous pensons « question » démographique.
Vous faites état de l'importance des crédits engagés, d'une « distribution généreuse », sous-entendu non méritée, de l'APA sans véritablement vous obliger à avoir également une vision qualitative de l'utilisation de ces crédits.
Le grief a été fait à la précédente secrétaire d'Etat aux personnes âgées, qui a porté la loi de juillet 2001, de voir la discussion sur l'APA sous un angle trop politique.
Aujourd'hui, je vous fais le reproche, chers collègues de la majorité sénatoriale, d'occulter les enjeux sociaux et démographiques du vieillissement de la population.
Je fais grief à l'actuel gouvernement de limiter par sa vision comptable la hauteur et la qualité des réponses, lesquelles ne peuvent être que collectives et solidaires.
Les chiffres sont là pour rappeler l'acuité du problème de la perte d'autonomie, du handicap, quel que soit l'âge de la personne : en France, 5,5 millions de personnes, soit environ 10 % de la population, déclarent une gêne dans leur vie quotidienne, et 3,2 millions de personnes se déclarent handicapées.
Les chiffres sont là pour nous inciter à relever le défi de l'allongement de la durée de la vie, en répondant durablement aux réels besoins d'aide à la personne, en développant des politiques volontaristes en faveur de nos aînés respectueuses du droit de chacun à la dignité et à la liberté de choix.
Alors que, en 2020, 27 % de la population aura plus de soixante ans et que deux millions de nos concitoyens auront plus de quatre-vingt-cinq ans, comment ne pas opter pour des solutions pérennes ? Comment ne pas ambitionner de consolider le droit et les moyens consacrés à la prise en charge des personnes de grand âge - qui seront de plus en plus nombreuses - qui rencontrent des difficultés à accomplir les actes de la vie quotidienne ?
Une étude épidémiologique récente, réalisée par une unité bordelaise de l'INSERM, évalue à 135 000 par an le nombre des nouveaux cas de maladie d'Alzheimer. La fréquence de la démence augmentant avec l'âge, nous allons devoir affronter une réalité difficile. Comment, dans ces conditions, pour mieux anticiper cette réalité, ne pas poursuivre et même amplifier l'effort déployé par le précédent gouvernement et dont témoigne notamment la création de l'APA ?
A l'inverse, vous « rognez » sur l'existant en cherchant à restreindre l'aide aux personnes âgées dépendantes, alors qu'il serait nécessaire de franchir une étape supplémentaire en inscrivant le risque de perte d'autonomie dans le périmètre de la protection sociale.
Comment sera-t-il possible, dans ces conditions, de faire évoluer, comme le préconisent pourtant les auteurs de l'étude, les critères d'attribution de l'APA pour qu'à l'avenir ils prennent davantage en compte « l'atteinte des fonctions cognitives pour mieux répondre aux besoins d'aide des sujets déments » ?
Il est tout aussi improbable, dès lors, qu'il soit possible de développer ce qui fait actuellement défaut à l'APA, à savoir la garantie de la préservation de l'autonomie par la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention.
A ce titre, je m'oppose, je tiens à le dire, à la piste de l'« ajustement » que nous proposent régulièrement nombre de sénateurs de la majorité. Revenir sur le degré de dépendance requis pour prétendre à l'APA en vue de diminuer de manière substantielle la dépense est d'ailleurs un mauvais calcul. En effet, si, demain, le tiers des bénéficiaires de l'APA relevant du GIR 4 - personnes moyennement dépendantes mais qui doivent tout de même être aidées pour accomplir les activités corporelles, notamment pour les repas, la toilette et l'habillage - n'avaient plus droit à une prestation et ne bénéficiaient plus d'un contact et d'une aide à la vie quotidienne, immédiatement leur état général se dégradait, ce qui aurait très rapidement pour conséquence une hospitalisation et des soins beaucoup plus lourds et sûrement beaucoup plus coûteux pour la collectivité.
Une large et bonne application de l'APA valorisant la prévention constitue sûrement l'investissement le plus humain et le plus ambitieux que notre société peut consentir pour relever le défi de l'allongement de la vie.
Mon collègue Guy Fischer a largement mis en avant les atouts majeurs de l'APA par rapport à la PSD. Le fait que l'APA ait vocation à s'adresser à un public plus large est un de ses aspects positifs majeurs. Laisser entendre que l'on pourrait revenir en arrière relève du mépris ou d'une totale incompréhension de la situation des personnes en perte d'autonomie.
Qu'il faille s'attacher à mieux définir le besoin d'aide est une évidence. Certes, la grille AGGIR est loin d'être l'outil fin qui serait susceptible de tracer l'évolution des besoins d'accompagnement des personnes. Les frontières entre les groupes sont ténues, mais, en 2001, le législateur a fait preuve d'intelligence en se donnant les moyens d'adapter cet outil d'évaluation.
Le comité scientifique d'adaptation des outils d'évaluation de l'autonomie devait ainsi rendre son rapport le 31 janvier 2003. Avez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, des éléments d'information à nous fournir à ce sujet ?
C'est un premier rendez-vous de taille que vous semblez, mes chers collègues, trop négliger.
Vous négligez également la clause de « revoyure » inscrite à l'article 15 de la loi du 20 juillet 2001.
En février 2002, dans une communication sur les décrets d'application de l'APA, M. Lardeux, rapporteur de la présente proposition de loi, mettait en exergue « l'impérieuse nécessité de l'évaluation ». Pourquoi le rapport d'évaluation quantitative et qualitative de la loi, qui devait être présenté au Parlement avant le 30 juin 2003, considéré comme utile hier, notamment pour revoir les modalités de financement de l'APA, devrait être désormais vidé de son intérêt ?
C'est bien de cela qu'il s'agit puisque la présente proposition de loi, combinée au décret prévoyant l'augmentation de la participation des allocataires de l'APA maintenus à domicile, non seulement anticipe le débat futur, mais aussi l'escamote en le cadrant !
C'est le deuxième argument que nous opposons à la proposition de loi.
Alors que l'ensemble du monde associatif et nombre de parlementaires, parmi lesquels nous nous comptons, concevaient ce rendez-vous comme une occasion à ne pas manquer afin de corriger les imperfections initiales du dispositif, principalement en faisant définitivement basculer l'allocation de perte d'autonomie dans le champ de la sécurité sociale, le Gouvernement et la majorité orientent, prématurément et précipitamment, les discussions : celles-ci porteront non plus sur l'APA mais sur une prestation déjà revue a minima, pour ne pas dire sur une PSD bis !
Dans ces conditions, il est à craindre que les difficultés pratiques apparues au fur et à mesure de l'application de la nouvelle allocation ne puissent être surmontées.
Je pense en particulier aux conditions d'élaboration du plan d'aide par l'équipe médicosociale.
Les départements, dans leur grande majorité, ont « joué le jeu », il faut le souligner, et considérablement augmenté les moyens humains qui étaient antérieurement mobilisés pour la gestion de la PSD.
Mais, et c'est le souhait de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, et de l'Union nationale des associations de soins et services d'aide à domicile, l'UNASSD, dont nous avons auditionné les représentants, il est encore nécessaire d'améliorer la procédure d'évaluation.
Evaluer la réalité de la situation du demandeur et définir un plan d'aide adapté exigent de réels savoir-faire, une compétence spécifique, du temps pour « croiser les regards ».
Les associations prestataires qui, depuis déjà de longues années, gèrent l'aide à domicile pourraient utilement participer à l'élaboration du plan d'aide. Je l'ai dit tout à l'heure, la grille AGGIR est un outil d'évaluation perfectible.
Or, en introduisant dès à présent les modifications qu'envisage le rapporteur de la commission des affaires sociales, qui propose qu'au sein du bilan de la prestation remis au Parlement d'ici à la fin du prochain semestre figure « une liste de pistes argumentées permettant de mieux cibler l'allocation d'autonomie sur les personnes pour lesquelles cette aide est véritablement essentielle », non seulement vous jetez l'opprobre sur les personnes en situation de GIR 4, ce qui est déjà inacceptable, mais vous orientez de surcroît de manière radicale les discussions futures.
Vous instrumentalisez les discussions que nous aurons à l'issue du bilan de l'APA. Il sera non plus question de remettre à plat un dispositif qui a tout de même fait la preuve de son utilité, mais bien de poursuivre le démantèlement de l'APA engagé par décret et entériné par la présente proposition de loi.
Ainsi, en réglant provisoirement pour l'année 2003 l'équation du financement, vous dévoilez vos intentions et l'ébauche de la prestation d'autonomie 2004, c'est-à-dire une prestation sérieusement diminuée, qui ne permettra plus de faire face à la dépendance et au maintien à domicile, une prestation policée qui aura pour conséquence d'attenter à la dignité des personnes âgées dépendantes et qui aura enfin et surtout pour effet de réduire le nombre de bénéficiaires - objectif attendu du rétablissement du recours sur succession dont vous vénérez ici le pouvoir de dissuasion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous, vous défendez les riches !
Mme Michelle Demessine. Le Gouvernement, relayé par sa majorité, prend prétexte des limites d'ordre financier du dispositif de l'APA pour, mesure après mesure, porter atteinte à son esprit : réforme ambitieuse victime non pas de son succès, mais du fait qu'en 2001 nous serions, en quelque sorte, restés au milieu du gué.
Aujourd'hui, vous tirez parti du caractère hybride de l'APA, qui n'est plus vraiment une prestation d'aide sociale, mais qui n'est pas, pour autant, une prestation sociale malgré sa vocation universelle, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes de financement.
Pour autant, sur ce sujet central du financement qui, dès l'origine, était un compromis, vous n'ébauchez pas de solution à long terme.
L'article 4 de la proposition de loi aura certes pour effet de soulager les départements, mais il ne le fera que pour l'année 2003, ce qui laisse place à beaucoup d'incertitudes.
Contrairement à M. le rapporteur, qui nous présente la proposition de loi comme devant simplement permettre de sauvegarder pour cette année l'APA, je pense qu'il s'agit avant tout de poser les premières pierres de l'édifice qui permettra de contenir la demande et de restreindre la prestation actuelle.
M. Paul Blanc. Mais non !
Mme Michelle Demessine. Le contexte peu propice au progrès social dans lequel s'inscrit le texte ne doit pas non plus être négligé.
Quoique en contradiction avec les priorités affichées tant par le Président de la République que par les membres du Gouvernement en matière de prise en charge de la dépendance, de compensation du handicap, de qualité et de lutte contre la maltraitance, les mesures présentées, qui relèvent du bricolage eu égard à l'importance de la question du vieillissement de la population tout en étant structurantes pour l'avenir, s'inscrivent pleinement dans la démarche plus générale de ce gouvernement.
Cette démarche vise, en raison de considérations budgétaires, à faire des économies au détriment des plus faibles, en réduisant, touche après touche, les droits des individus les plus fragiles.
Vos choix sont d'autant plus inacceptables que, dans le même temps, vous multipliez les cadeaux aux entreprises...
M. Paul Blanc. Et allez !
M. Roland Courteau. Elle a raison !
Mme Michelle Demessine. ... en ouvrant les vannes des exonérations sociales et fiscales en tous genres - 500 millions d'euros d'allégements sont ainsi prévus au seul titre de l'impôt de solidarité sur la fortune -,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous refusez le recours sur succession !
Mme Michelle Demessine. ... tout en cherchant à réduire les contraintes pesant sur ces dernières, notamment en supprimant les possibilités de contrôle de l'utilisation qu'elles font des aides publiques. Comment ne pas constater qu'il y a deux poids, deux mesures ? Cela montre bien quel est le sens de la politique que vous menez à l'égard de ceux d'en haut et de ceux d'en bas ! Nos concitoyens modestes et âgés devront justifier au franc le franc leurs dépenses, sinon le couperet tombera !
M. Louis de Broissia. Faut-il donner de l'argent sans contrôle ?
Mme Michelle Demessine. Les entreprises, les grands groupes pourront, eux, utiliser l'argent public sans justification, comme bon leur semble, au nom de la liberté d'entreprendre.
En un mot, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues de la majorité, votre « politique de gribouille » - je reprends là les termes employés en 2001 par Alain Vasselle pour qualifier le projet du précédent gouvernement - ...
M. Paul Blanc. Il avait raison !
Mme Michelle Demessine. ... ne saurait tenir lieu de projet pour les personnes en perte d'autonomie. C'est la troisième raison de fond que nous avançons pour rejeter cette proposition de loi.
La « rustine » financière prévue par l'article 4 de la proposition de loi, qui permet d'augmenter de 400 millions d'euros les ressources du fonds de financement de l'APA, n'est pas à la mesure de la question posée, tout du moins pas pour tous les départements.
On l'aura compris, les conclusions de la commission des affaires sociales, qui retiennent toutes les intentions exprimées au travers de la proposition de loi de M. de Broissia et de ses collègues, ne sauraient nous convenir. Les dés étant pipés, nous invitons le Sénat à voter notre motion tendant à opposer la question préalable et à marquer ainsi sa volonté de voir résoudre par le haut la question posée par l'allongement de la durée de la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission a bien entendu émis un avis très défavorable sur cette motion, qu'elle vous invite, mes chers collègues, à rejeter.
Mme Michelle Demessine nous fait de nombreuses critiques. Je ne reprendrai pas le débat, mais je crois quelque peu excessif de sa part de nous reprocher de tout envisager sous l'angle étroit des questions financières.
Lorsque l'on veut créer une prestation, il ne faut pas agir en dilettante. Or c'est un peu ce qu'avait fait le gouvernement précédent. Le vice initial du dispositif de l'APA, c'est bien l'insuffisance, voire l'absence, du financement. Si la motion tendant à opposer la question préalable était adoptée, cela signifierait, madame Demessine, que la solidarité que vous préconisez serait non pas une solidarité réelle, celle que nous souhaitons préserver, mais une solidarité virtuelle : à partir du mois de septembre, les bénéficiaires ne recevraient plus rien, puisque ni le département ni le FFAPA ne pourraient plus financer la prestation.
Dans ces conditions, j'estime que la proposition de loi constitue la solution pouvant nous permettre de passer le cap difficile de 2003.
Nous n'occultons pas le débat relatif aux questions démographiques liées au vieillissement de la population, mais nous souhaitons attendre l'adoption de la proposition de loi visant à modifier le dispositif de l'APA pour la rendre pérenne. Le reproche que vous nous adressez de vouloir engager le débat dès maintenant manque donc, me semble-t-il, de cohérence.
Notre objectif est non pas de rogner les prestations, mais de les maintenir. Je ne crois pas que le groupe CRC soit hostile à l'efficacité et au contrôle de l'aide. Chacun, dans cet hémicycle, est opposé au gaspillage des deniers publics ; vous venez d'ailleurs de le rappeler au terme de votre intervention, madame Demessine. Nous souhaitons également une juste participation des bénéficiaires en fonction des ressources dont ils disposent.
N'oublions pas, cependant, que c'est l'impôt départemental qui finance pour une bonne part la prestation. Or cet impôt départemental repose en particulier sur la taxe d'habitation, qui est acquittée par de nombreux contribuables, notamment par les plus modestes de nos concitoyens.
Quant au GIR 4, la commission n'a pas évoqué sa suppression. Elle souhaite simplement - M. le secrétaire d'Etat a déjà répondu sur ce point - qu'une étude approfondie soit menée sur le fondement du rapport. Il s'agit de déterminer comment cette grille pourrait être plus efficace en vue d'aider véritablement les gens qui ont le plus besoin de l'être.
Par ailleurs, madame Demessine, vous avez soulevé la question du recours sur succession, que je n'ai pas abordée dans mon rapport. Je n'ai nullement proposé de mettre en oeuvre une telle mesure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est une proposition communiste ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. M. le secrétaire d'Etat a déjà répondu !
M. André Lardeux, rapporteur. Je m'interroge cependant sur la cohérence de vos positions : vous préconisez sans cessse la taxation du patrimoine des vivants, mais vous refusez en quelque sorte de taxer les héritiers ! Il faudra bien, un jour, mettre les choses au clair sur ce sujet ! On ne peut, si j'ose dire, avoir le beurre et l'argent du beurre !
La commission est donc défavorable à la motion n° 1. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. J'ai déjà répondu à toutes les préoccupations exprimées par Mme Demessine. Comme M. le rapporteur, j'émets bien sûr un avis défavorable sur la motion n° 1.
Mme Hélène Luc. Non, vous n'avez pas répondu !
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Le groupe socialiste votera la motion n° 1.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
91315315158108207
Demande de renvoi à la commission
- Question préalable
- Dossier législatif : proposition de loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie
- Art. additionnels avant l'art. 1er
M. le président. Je suis saisi, par MM. Chabroux et Estier, Mme Campion, MM. Cazeau, Vezinhet, Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales ses conclusions (n° 186, 2002-2003) sur la proposition de loi (n° 169, 2002-2003) modifiant la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie et sur la proposition de loi (n° 178, 2002-2003) portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, auteur de la motion.
M. Gilbert Chabroux. A ce stade de la discussion de la proposition de loi présentée par M. de Broissia et plusieurs de nos collègues, nous ne savons pas encore d'une façon suffisamment claire dans quelle logique s'inscrit ce texte.
Nous avons de bonnes raisons de penser qu'il s'agit d'une étape de plus dans le démantèlement des avancées sociales qui sont à mettre à l'actif du précédent gouvernement et qui font honneur à celui-ci : après la suppression des emplois-jeunes, après l'abrogation de la loi sur la réduction du temps de travail, après la suspension des dispositions de la loi de modernisation sociale visant à prévenir les licenciements économiques, le Gouvernement, par décret, et la majorité sénatoriale, par cette proposition de loi, veulent remettre en cause l'allocation personnalisée d'autonomie, à tout le moins la dénaturer gravement en imposant des restrictions drastiques.
Cependant, nous ne pouvons pas tout à fait oublier les propos que vous aviez tenus ici même, monsieur le secrétaire d'Etat, selon lesquels l'allocation personnalisée d'autonomie est une « bonne mesure », et même une « très bonne mesure ».
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. Le Premier ministre avait lui-même déclaré à Strasbourg, le 31 octobre dernier : « Nous voyons bien l'importance de cette mesure et nous voyons combien elle compte pour notre pays. »
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais on n'a pas le financement !
M. Gilbert Chabroux. Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le candidat Jacques Chirac avait pris l'engagement suivant : « L'Etat, en aucune manière, ne saurait se dérober à l'obligation de financement de l'APA. »
M. Louis de Broissia. Nous sommes en train de tenir cet engagement !
M. Dominique Braye. Nous sommes en train de sauver l'APA !
M. Gilbert Chabroux. Mais les promesses de M. Chirac n'engagent que ceux qui les écoutent ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. André Vantomme. Voilà !
M. Dominique Braye. Vous avez tout compris, monsieur Chabroux : nous sauvons l'APA !
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour est encore relativement chargé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. le président. Par conséquent, laissez l'orateur s'exprimer, afin que le débat puisse progresser à un rythme satisfaisant.
M. Dominique Braye. Il vient de tout comprendre, il faut qu'il s'arrête !
M. Gilbert Chabroux. La droite ne peut pas ne pas reconnaître le rôle que joue aujourd'hui l'APA.
M. Charles Revet. Qui le conteste ?
M. Gilbert Chabroux. Allocation universelle, elle était attendue avec impatience avant même son entrée en vigueur, le 1er janvier 2002, car elle est simple d'accès et n'a pas les défauts que l'on imputait à la prestation spécifique dépendance, la PSD, qu'elle allait remplacer.
M. Dominique Braye. C'est pourquoi nous voulons sauver l'APA !
M. Charles Revet. Ce sont ses modalités qui sont mauvaises !
M. Gilbert Chabroux. Elle permet aujourd'hui à près de 750 000 personnes de financer leurs besoins en matière d'aide.
Nous savions tous qu'il existait une réelle attente. Ainsi que le reconnaît le rapporteur, M. André Lardeux, « le succès était absolument prévisible ».
M. Charles Revet. C'est pourquoi nous avons créé la PSD !
M. Gilbert Chabroux. Nous savions tous, à droite comme à gauche, ce que l'on pouvait attendre de l'APA, et il doit être bien difficile maintenant, pour la majorité, de revenir en arrière, même si elle excelle dans l'art du camouflage, reportant les responsabilités sur le gouvernement précédent. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
C'est bien ce que vous avez fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous faites de la provocation !
M. Charles Revet. C'est scandaleux !
M. Gilbert Chabroux. Vous ne pourrez pas utiliser longtemps cet argument, qui s'est usé à force de servir. Cela fera bientôt un an que vous êtes au pouvoir,...
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Neuf mois !
M. Gilbert Chabroux. ... et les Français savent bien que vous disposez même de tous les pouvoirs !
M. Louis de Broissia. Et vous, vous avez eu cinq ans !
M. Dominique Braye. Vous avez gaspillé la croissance ! Il faudra bien cinq ans pour remédier à ce que vous avez fait !
M. Gilbert Chabroux. Cet argument, qui consiste à se défausser de ses responsabilités sur le gouvernement précédent, est particulièrement injuste s'agissant de l'APA.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et le droit d'inventaire ? Ce n'est pas nous qui l'avons inventé !
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a qu'une seule retouche à apporter aux prévisions qui avaient été faites : elle concerne la montée en charge de l'APA, qui a été beaucoup plus rapide que prévu.
En effet, l'APA est victime de son succès. Le Gouvernement avait clairement indiqué, lors de la discussion au Parlement, que le financement devrait être ajusté, pour 2003, en fonction « du nombre de personnes qui auront effectivement accès à l'allocation d'autonomie ». A cette fin, la loi a prévu qu'un bilan serait dressé avant le mois de juin 2003. Or nous sommes presque en mars...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Donc bien avant juin !
M. Gilbert Chabroux. Que ne l'avez-vous fait ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous le faisons !
M. Gilbert Chabroux. Il fallait dresser ce bilan afin, comme le prévoyait la loi, de procéder aux ajustements nécessaires.
M. Dominique Braye. C'est difficile à faire !
M. Gilbert Chabroux. Je cite encore le gouvernement précédent : « Nous avons l'honnêteté de reconnaître que nous nous situons dans une fourchette : au moins, nous sommes sincères avec le Parlement. En juin 2003, il s'agira, en fonction du bilan, d'adapter le financement au vu des évolutions. »
M. Dominique Braye. C'est ce que nous faisons !
M. Gilbert Chabroux. Dans son rapport à l'Assemblée nationale, M. Pascal Terrasse estimait que le coût de l'APA serait, pour 2003, de 23 milliards de francs, soit 3,51 milliards d'euros.
Or la droite feint aujourd'hui la surprise, quand ce n'est pas l'indignation, devant les besoins de financement de l'APA. Il faut trouver 1,2 milliard d'euros pour 2003 en plus des 2,5 milliards déjà prévus, ce qui porte le coût de l'APA à 3,7 milliards d'euros. Mais, je le redis, ce ne peut être une découverte,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si !
M. Gilbert Chabroux. ... et ce montant reste très proche du coût estimé, qui atteignait 3,53 milliards d'euros.
M. Charles Revet. Vous n'aviez pas prévu les crédits nécessaires !
M. Gilbert Chabroux. La proposition de loi qui nous est présentée vise à compléter le décret du gouvernement. Elle a essentiellement pour objet de réduire le coût de l'APA à hauteur de 400 millions d'euros, mais il ne s'agit pas véritablement d'un problème financier.
S'il s'agissait d'un problème financier, il faudrait le comparer à d'autres et faire un choix. On ne peut s'empêcher de penser à l'allégement de 500 millions d'euros du montant de l'ISF que vient de voter l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc. Ce sont les Français qui l'ont voulu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour favoriser la création d'entreprises !
M. Gilbert Chabroux. Le texte sera prochainement débattu au Sénat. Ce sera l'occasion de voir quelles sont les priorités du Gouvernement dans un contexte économique et financier alarmant. Le Premier ministre vient de faire la déclaration suivante : « Je ne ferai pas une politique de rigueur. » Le domaine social a déjà été fortement éprouvé par les restrictions de crédits intervenues lors du vote de la loi de finances pour 2003 ! Comment pourrait-il l'être davantage ? Comment pourrait-on mettre en balance les 750 000 personnes bénéficiant de l'APA et les quelques milliers de contribuables fortunés qui profiteraient de la diminution de l'ISF ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
MM. Paul Blanc et Adrien Gouteyron. Pas ça !
M. Gilbert Chabroux. Comment ne pas évoquer, à ce sujet, la France d'en bas et la France d'en haut ? Nous ne voudrions pas avoir à dire qu'« il ne fait pas bon être âgé et modeste ».
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales de mardi dernier, de nombreuses questions ont été posées, qui montrent que le débat ne se limite pas à des considérations financières. Certaines de ces questions doivent être approfondies : c'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe socialiste demande le renvoi en commission de cette proposition de loi.
D'autres réactions sont très révélatrices de l'état d'esprit de certains membres de la majorité, par exemple ces demandes qui visent à ce que soient écartées du bénéfice de l'APA les personnes relevant du GIR 4.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n'a pas dit cela ! Personne n'a dit cela !
M. Gilbert Chabroux. Ces personnes peuvent sans doute se déplacer à l'intérieur de leur logement, mais elles ont besoin d'une aide pour les activités corporelles et les repas. Une aide, a-t-on pu entendre, pour « se coiffer », et « non pas parce qu'elles ne peuvent pas le faire, mais parce qu'elles ne le veulent pas ». Si c'est ainsi que l'on doit considérer l'APA, mes chers collègues, il faut le dire clairement.
Comment pourrait-on réduire les gens à une mécanique ? Voudrait-on qu'ils gravissent plus vite les tristes échelons de la grille AGGIR que l'on ne s'y prendrait pas autrement ! C'est le contraire de la prévention ! On entre dans le domaine de la suspicion à l'égard des personnes âgées et on leur fait sentir qu'elles sont une charge, pour ne pas dire un fardeau, pour la société.
Et vous voulez multiplier les contrôles pour vous assurer de la bonne utilisation de l'aide, alors que des obligations très claires incombent aux bénéficiaires.
M. Dominique Braye. Arrêtez donc !
M. Gilbert Chabroux. Et vous voulez également contrôler les services et les administrations qui participent à la mise en oeuvre de l'APA, comme si les départements ne le faisaient pas.
M. Louis de Broissia. C'est de l'argent public !
M. Gilbert Chabroux. Comment interpréter cette phrase du communiqué de presse qu'a diffusé la commission des affaires sociales : « la commission a en outre assorti cette proposition de loi d'une recommandation solennelle sur la nécessité d'une évaluation sérieuse de la pertinence des outils permettant d'évaluer l'adéquation entre l'aide distribuée et les besoins des personnes affectées par la perte d'autonomie » ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est nécessaire !
M. Dominique Braye. C'est indispensable !
M. Gilbert Chabroux. Elle est lourde de menaces. Il y a bien suspicion ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a responsabilité !
M. Gilbert Chabroux. Il y avait déjà lieu de s'alarmer de la culpabilité que l'on fait naître chez les personnes âgées dépendantes en les stigmatisant et en leur faisant croire qu'elles sont responsables de l'augmentation de la fiscalité locale,...
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... alors qu'elles se trouvent dans une situation de grande fragilité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Chabroux, la gauche s'est très mal comportée vis-à-vis des personnes âgées et handicapées ! Alors, pas de leçons !
M. Gilbert Chabroux. Maintenant, on va ajouter à la culpabilisation la suspicion !
M. Dominique Braye. Arrêtez les violons !
M. Gilbert Chabroux. Installer un tel climat et démanteler l'APA, comme vous le faites, c'est faire preuve de mépris à l'égard des personnes âgées.
M. Dominique Braye. C'est indigne ce que vous dites !
M. Gilbert Chabroux. C'est la vérité !
M. Michel Moreigne. Oui, cela fait mal !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Gilbert Chabroux, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Gilbert Chabroux. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Chabroux, il est des termes qu'il ne faut pas utiliser ! Ceux qui se sont débrouillés, par exemple, pour faire en sorte que la CMU complémentaire ne soit pas accordée aux personnes âgées titulaires du minimum vieillesse ou aux handicapés bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés n'ont vraiment pas le droit d'utiliser certains termes...
M. Dominique Braye Oui, il n'y a pas de leçon à donner !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... à l'égard de ceux qui, aujourd'hui, cherchent simplement à pérenniser l'APA, qui est nécessaire à ceux qui en ont le plus besoin.
Donc, franchement, n'oubliez pas ceux que vous avez privés de la CMU complémentaire, les personnes handicapées et les personnes âgées titulaires du minimum vieillesse. Manifestez tout de même un peu plus de respect, même si vous êtes aujourd'hui dans l'opposition ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur About, si vous vous souvenez des débats budgétaires, vous aurez bien noté que j'ai posé la question de l'évolution de la CMU...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Gilbert Chabroux. ... et que j'ai demandé que l'on aille toujours vers une amélioration.
MM. Dominique Braye et Charles Revet. Vous ne l'avez pas obtenue !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne l'avez pas obtenue, et vous avez privé de CMU complémentaire les handicapés !
M. Gilbert Chabroux. Or, c'est le contraire qui s'est produit. Vous avez amputé la CMU. Vous n'avez donc pas de leçon à donner ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Vous non plus !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous en avez privé les vieux les plus modestes et les handicapés ! C'est un peu gros quand même ! N'allez pas trop loin !
M. Gilbert Chabroux. J'en reviens aux personnes âgées et au mépris dont vous faites preuve à leur égard.
L'allongement de la durée de vie est une grande conquête des sociétés développées, et, pourtant, ces dernières regardent encore leurs anciens avec une certaine crainte. La capacité des personnes âgées à assumer pleinement leurs choix, à conserver leur dignité, à trouver ou à retrouver un rôle valorisant devrait constituer le fil rouge de l'action publique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est notre fil rouge !
M. Gilbert Chabroux. C'est ce qu'avait cherché à faire le gouvernement précédent. Vous faites tout le contraire !
M. Dominique Braye. Le gouvernement précédent n'a rien fait ! Il n'a rien financé ! Il a fait cela à crédit !
M. Gilbert Chabroux. Démanteler l'APA, c'est faire preuve de mépris également à l'égard des familles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Souvenez-vous de la CMU complémentaire : on sait ce que vous avez fait !
M. Gilbert Chabroux. On sait combien est importante la solidarité familiale ! La prise en charge de la perte d'autonomie repose sur une solidarité sans faille entre les générations, et l'on mesure le soulagement qu'a pu apporter l'APA à des enfants et parfois à des petits-enfants, en leur donnant un peu d'espoir et en leur enlevant beaucoup d'angoisse.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils l'ont toujours !
M. Gilbert Chabroux. Démanteler l'APA, c'est aussi faire preuve de mépris à l'égard de toutes les personnes qui, au quotidien, entrent dans ces réseaux d'aide aux personnes dépendantes.
M. Louis de Broissia. Mais on les connaît, ces gens-là !
M. Gilbert Chabroux. N'oublions pas les très nombreux emplois qui ont été créés par l'APA. Avons-nous fait le bilan économique complet de l'APA en tenant compte des emplois induits ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut demander des justificatifs pour cela !
M. Gilbert Chabroux. La commission devrait réfléchir à cette question et mesurer les conséquences qui découleront de la diminution de la prestation.
Ne pas attendre le bilan et les conclusions de la commission d'évaluation, c'est traiter par le mépris le travail qui a été fait par le comité national de la coordination gérontologique, créé par la loi de 1997 relative à la PSD, qui a pour mission d'évaluer le développement qualitatif et quantitatif du dispositif de l'APA.
Bien d'autres questions se posent, par exemple par rapport au texte que nous attendons sur la réforme de la loi de 1975 pour les personnes handicapées...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons !
M. Gilbert Chabroux. Nous verrons, en effet. Il faudra une harmonisation...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons si nous n'avons pas intérêt à aider ceux qui font la grève de la faim pour survivre au lieu de donner de l'argent à ceux qui n'en ont pas toujours besoin !
M. Gilbert Chabroux. Des questions se posent aussi par rapport à la part que pourraient prendre les assureurs privés dans notre système de protection sociale, en se substituant ainsi à la solidarité nationale. (M. Paul Blanc s'exclame.) Là aussi, nous verrons !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'avez rien fait pour eux pendant toutes ces années.
M. Gilbert Chabroux. Il est indispensable que ces questions soient préalablement étudiées. Les sénateurs socialistes considèrent que, en l'absence des conclusions du rapport d'évaluation quantitative et qualitative de l'application de la loi du 20 juillet 2001 et du bilan financier qui doivent être remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 30 juin 2003, les auteurs de la proposition de loi ne peuvent s'arroger le droit de légiférer. Ils demandent donc le renvoi de ce texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. C'est invraisemblable !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à cette motion.
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. Monsieur Chabroux, mieux vaudrait éviter ce débat un peu manichéen consistant à soutenir que, d'un côté, il y a les bons, ceux qui ont le coeur sur la main et qui, bien sûr, se situeraient à la gauche de l'hémicycle,...
M. Dominique Braye. C'est pour cela que les Français les ont renvoyés dans leur cage !
M. André Lardeux, rapporteur. ... et, de l'autre, il y a ceux qui ont le coeur sec, ou éventuellement un portefeuille à la place de ce coeur, et qui, eux, se situeraient à droite de l'hémicycle !
M. Guy Fischer. Vous avez fait cela pendant cinq ans !
M. André Lardeux, rapporteur. Les uns et les autres, nous avons la même préoccupation : rendre le meilleur service possible à nos concitoyens en fonction non seulement de leurs besoins, mais aussi de leurs capacités. N'oublions pas, en effet, que nous ne sommes pas uniquement consommateurs. A un moment où à un autre, nous devrons mettre la main au portefeuille pour assurer le financement des prestations.
Ce qui vous est proposé aujourd'hui, c'est de sauver cette prestation. Si nous ne prenons pas cette disposition transitoire en adoptant la proposition de loi de Louis de Broissia et de plusieurs de ses collègues, ce sera la mort de l'APA.
Vous argumentez votre proposition de renvoi à la commission par l'inopportunité de légiférer au motif que le coût était bien connu. Vous avez parlé de 23 milliards de francs. Je m'étonne : pourquoi donc le gouvernement que vous avez soutenu n'avait-il alors inscrit que 16,5 milliards de francs ?
M. Gilbert Chabroux. Et l'annualité du budget ?
M. André Lardeux, rapporteur. Justement, si cela avait été prévu pour cela, il aurait à mon avis annoncé la mesure à ce moment-là. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
Vous niez l'urgence de la situation. Libre à vous, bien sûr ! Mais je voudrais quand même vous rappeler quelques vérités évidentes.
L'ancienne majorité devrait se montrer très prudente à l'égard de certains sujets. L'APA est de ceux-ci, car c'est l'un des aspects du bilan social, économique et financier un peu catastrophique livré par l'ancien gouvernement qui justifient le fait que le gouvernement actuel soit obligé de revoir nombre de dispositifs.
Pas plus que les 35 heures, qui ont durablement « plombé » les comptes de la sécurité sociale, l'APA n'avait reçu une esquisse de financement sérieux. Son financement n'était pas couvert en vitesse de croisère, et c'est le gouvernement de l'époque qui le disait. Son coût lors de la montée en charge a été manifestement très sous-évalué.
Le très partiel financement apporté sous la forme de 0,1 point de CSG n'a consisté, selon la technique du Sapeur Camember, fort usitée lors de la précédente législature, qu'à creuser un trou pour en boucher un autre. Ce dixième de point de CSG fait aujourd'hui défaut au fonds de solidarité vieillesse, qui a vu sa situation financière se dégrader considérablement à cause de cela, alors que ses excédents, désormais chimériques, devaient constituer l'une des principales ressources du fonds de réserve des retraites.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. André Lardeux, rapporteur. En réalité, l'APA se révèle telle que la majorité sénatoriale, dès l'origine, l'avait prévue : une véritable fuite en avant dont les départements seuls étaient destinés à faire les frais, c'est-à-dire les contribuables locaux, avec les inconvénients que l'on sait de la fiscalité locale, étant donné les bases sur lesquelles elle est assise actuellement.
La proposition de loi vise, cela a été assez dit, à garantir aux personnes âgées la pérennité de l'allocation. Elles n'auront donc pas à se demander si, à la fin de l'année, il restera encore suffisamment d'argent pour qu'elle leur soit versée.
Je ne reviens pas sur l'aspect qu'a rappelé tout à l'heure M. le président de la commission des affaires sociales, s'agissant d'un certain nombre de mesures pour lesquelles le gouvernement que vous soutenez avait été moins généreux.
Je note enfin que cette motion de renvoi à la commission concerne non seulement la proposition de loi de M. de Broissia et de ses collègues, mais aussi celle qui a été déposée par M. Michel Moreigne. J'indique à ce dernier, si soucieux d'un département qui lui est cher - ce que je comprends - que, dans l'hypothèse où la motion de renvoi serait adoptée, la Creuse n'aurait que ses yeux pour pleurer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Qu'il me soit simplement permis de faire remarquer, en écho aux arguments fort justes de M. le rapporteur, que, lors de la mise en place de l'APA, le gouvernement précédent a en effet privilégié les arguments électoralistes sur l'aspect social que vous prônez à présent.
En effet, il n'y a pas plus dans cet hémicycle qu'ailleurs dans notre pays les bons d'un côté et les méchants de l'autre. Nul n'a le monopole du coeur - vous ne l'avez pas ! -, nul n'a le monopole de la défense des faibles - vous ne l'avez pas ! Si nul n'a le monopole de la dignité des personnes âgées, nous nous soucions pour notre part de cette dernière en essayant de préserver cette mesure que nous persistons à trouver bonne.
Le seul problème, monsieur Chabroux, c'est que vous m'avez parlé de camouflage, alors que vous, vous avez tout simplement camouflé 1,2 milliard d'euros, ce qui de nos jours n'est pas pas rien !
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 2.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole.
M. le président. En vertu de l'article 43, alinéa 4, du règlement, aucune explication de vote n'est admise !
M. Louis de Broissia. C'est dommage ! J'aurais eu des choses à dire ! Je donnerai des explications à M. Chabroux tout à l'heure, car ce que j'ai entendu m'a scandalisé !
M. le président. Je mets donc aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
92316316159108208
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur deux propositions de loi relatives à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.