Art. 10 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi  de sécurité financière
Art. 9

Article additionnel après l'article 8

ou après l'article 33

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 191, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 8 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 321-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les analystes financiers sont tenus de conserver pendant dix ans leurs documents de travail. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende de 30 000 euros. L'employeur de l'analyste financier est solidairement responsable de son paiement. »

L'amendement n° 65, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le titre IV du livre V du code monétaire et financier est complété par un chapitre IV intitulé "Chapitre IV. - Services d'analyse financière et agences de notation" comprenant les articles L. 544-1 et L. 544-2, ainsi rédigés :

« Art. L. 544-1. - Les dirigeants d'une entreprise doivent s'abstenir de toute initiative auprès des analystes financiers dont ils rémunèrent les services qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres, ou ceux de leurs actionnaires, au détriment d'une information sincère.

« Art. L. 544-2. - Tous les documents préparatoires à l'élaboration des publications diffusées sous la responsabilité d'un service d'analyse financière ou d'une agence de notation doivent être conservés pendant un délai de trois ans et tenus à disposition de l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de sa mission définie au II de l'article L. 621-9. »

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 191.

M. François Marc. Cet amendement vise à contraindre les analystes financiers à conserver pendant dix ans leurs documents de travail.

Le non-respect de cette obligation serait sanctionné par une amende de 30 000 euros. Quant à l'employeur de l'analyste qui a détruit ces documents, il serait solidairement responsable du paiement de cette amende.

En l'absence d'une telle mesure, toute velléité de contrôler l'activité des analystes financiers serait vouée à l'échec.

Il est en effet indispensable que les autorités de régulation et la justice puissent disposer des éléments qui ont fondé les recommandations des analystes financiers afin de vérifier la qualité et le sérieux de ces recommandations.

L'amendement présenté a deux avantages : en premier lieu, il doit conduire à responsabiliser les analystes. Actuellement, ces derniers exercent leurs activités en toute impunité, car il serait impossible à quiconque d'apporter la preuve de leurs éventuelles infractions. Les autorités de régulation et la justice sont donc démunies de moyens de pression et de sanction.

En second lieu, cet amendement va dans le sens du souhait légitime des épargnants d'obtenir réparation lorsqu'ils ont été victimes d'agissements frauduleux, voire - je peux le dire, car il y en a eu - de véritables arnaques. En effet, la justice devrait pouvoir plus facilement confondre les délinquants s'ils sont contraints de conserver les preuves de leurs délits.

Le délai de dix ans retenu pour cette obligation de conservation des documents paraît pleinement justifié si on le compare au délai de prescription de droit commun applicable aux actions en réparation civile, soit trente ans. Il est également identique au délai s'appliquant à la même obligation, mais imposé cette fois aux commissaires aux comptes.

La commission des finances propose, avec l'amendement n° 65 des dispositions similaires à celles de l'amendement que je défends, mais elle borne à trois ans seulement la durée s'appliquant à l'obligation de conservation.

Or les délits et préjudices ne sont parfois découverts que très longtemps après avoir été commis. En outre, les instances de contrôle et la justice ne peuvent parfois solliciter la production de ces documents que bien après l'ouverture d'une instruction. En conséquence, je suis convaincu qu'une durée de trois ans ne serait pas de nature à favoriser l'aboutissement des plaintes des épargnants et à responsabiliser les analystes.

Néanmoins, je salue l'initiative de la commission des finances. C'est pourquoi je serais prêt à retirer mon amendement si M. le rapporteur général s'engageait à considérer favorablement un sous-amendement modifiant l'amendement n° 65 pour remplacer le délai de trois ans par un délai de dix ans.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 65 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 191.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, compte tenu de la position adoptée par M. le ministre à l'article 10, je rectifie, comme je l'avais annoncé, l'amendement n° 65, afin d'insérer in fine un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 544-3. - L'Autorité des marchés financiers publie chaque année un rapport sur le rôle des agences de notation, la transparence de leurs méthodes et l'impact de leur activité sur les émetteurs et les marchés financiers. »

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

« Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le titre IV du livre V du code monétaire et financier est complété par un chapitre IV intitulé : "Chapitre IV. - Services d'analyse financière et agences de notation" comprenant les articles L. 544-1 à L. 544-3, ainsi rédigés :

« Art. L. 544-1. - Les dirigeants d'une entreprise doivent s'abstenir de toute initiative auprès des analystes financiers dont ils rémunèrent les services qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres, ou ceux de leurs actionnaires, au détriment d'une information sincère.

« Art. L. 544-2. - Tous les documents préparatoires à l'élaboration des publications diffusées sous la responsabilité d'un service d'analyse financière ou d'une agence de notation doivent être conservés pendant un délai de trois ans et tenus à disposition de l'Autorité des marchés financiers dans le cadre de sa mission définie au II de l'article L. 621-9.

« Art. L. 544-3. - L'Autorité des marchés financiers publie chaque année un rapport sur le rôle des agences de notation, la transparence de leurs méthodes et l'impact de leur activité sur les émetteurs et les marchés financiers. »

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me bornerai à dire que la commission préfère l'amendement n° 65 rectifié à l'amendement n° 191. (Sourires.)

Compte tenu de la rectification qui vient d'intervenir, l'amendement de la commission comporte dorénavant trois éléments.

En premier lieu, nous souhaitons énoncer un principe de portée générale : les dirigeants d'une entreprise doivent s'abstenir, auprès des analystes financiers dont ils rémunèrent les services, de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres ou ceux de leurs actionnaires au détriment d'une information sincère.

C'est le principe de base, d'ailleurs assez proche de celui qui, depuis 1996, s'applique aux gérants de capitaux, tenus de faire, en toutes circonstances, passer les intérêts de leurs souscripteurs avant les intérêts des maisons auxquelles ils sont susceptibles d'appartenir.

En deuxième lieu, nous proposons une disposition de procédure : la conservation pendant un délai de trois ans de tout document préparatoire à l'élaboration des publications diffusées sous la responsabilité d'un service d'analyse financière ou d'une agence de notation.

En troisième lieu, il s'agit de prescrire à l'Autorité des marchés financiers de publier chaque année un rapport sur le rôle des agences de notation, la transparence de leurs méthodes, l'impact de leur activité sur les émetteurs et les marchés financiers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 191 et 65 rectifié ?

M. Francis Mer, ministre. Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement n° 65 rectifié et je suis défavorable à l'amendement n° 191.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 191.

M. François Marc. Je serais prêt à m'associer à l'amendement n° 65 rectifié, qui a effectivement été enrichi de façon tout à fait utile. Pour autant, le délai de trois ans, qui ne permet pas véritablement de mettre à jour un certain nombre de dysfonctionnements ou de fraudes éventuellement commises, me paraît inopérant. Nous nous abstiendrons donc sur ce point, préférant en rester à la recherche d'un délai de dix ans, condition nécessaire pour que ce travail éventuel de vérification de la justice puisse être opéré dans de bonnes conditions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33.

Section 3

Surveillance et sanctions

Art. additionnel après l'art. 8 ou après l'art. 33
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Art. 11

Article 9

M. le président. « Art. 9. - La sous-section 3 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est intitulée : "Soussection 3 - Contrôles et enquêtes". » - (Adopté.)

Art. 9
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Art. 12

Article 11

M. le président. « Art. 11. - I. - Après l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, sont insérés trois articles L. 621-9-1, L. 621-9-2 et L. 621-9-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 621-9-1. - Lorsque le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers décide de procéder à des enquêtes, il habilite les enquêteurs selon des modalités fixées par le règlement général.

« Les personnes susceptibles d'être habilitées répondent à des conditions d'exercice définies par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 621-9-2. - Dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, l'Autorité des marchés financiers peut :

« 1° Déléguer aux entreprises de marché et, le cas échéant, aux chambres de compensation le contrôle de l'activité et des opérations effectuées par les membres d'un marché réglementé ainsi que par les prestataires de services d'investissement ayant transmis des ordres sur ce marché. Cette délégation fait l'objet d'un protocole d'accord. Elle peut être retirée à tout moment ;

« 2° Recourir, pour ses contrôles et enquêtes, à des corps de contrôle extérieurs, à des commissaires aux comptes, à des experts inscrits sur une liste d'experts judiciaires ou à des personnes ou autorités compétentes. Ces personnes peuvent recevoir une rémunération de l'Autorité des marchés financiers à ce titre.

« Le collège ou le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers peuvent demander aux commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne ou à un expert inscrit sur une liste d'experts judiciaires de procéder auprès des personnes ou entités faisant appel public à l'épargne et des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 à toute analyse complémentaire ou vérification qui leur paraît nécessaire. Les frais et honoraires sont à la charge de l'Autorité des marchés financiers.

« Art. L. 621-9-3. - Dans le cadre des contrôles et enquêtes mentionnés aux articles L. 621-9 et L. 621-9-1, le secret professionnel ne peut être opposé à l'Autorité des marchés financiers ni, le cas échéant, aux entreprises de marché ou aux chambres de compensation, corps de contrôle, personnes ou autorités mentionnés à l'article L. 621-9-2, lorsqu'ils assistent l'Autorité des marchés financiers. »

« Pour l'application de la présente sous-section, les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l'égard de l'Autorité des marchés financiers.

« II. - 1° Le premier alinéa de l'article L. 621-10 du même code est supprimé.

« 2° Au premier alinéa de l'article L. 621-11 du même code sont ajoutés, après le mot : "décret", les mots : "en Conseil d'Etat", et les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 621-11 du même code sont supprimés.

« 3° A l'article L. 621-12 du même code, les mots : "président de la Commission des opérations de bourse" sont remplacés par les mots : "secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers". »

 
 
 

ARTICLE L. 621-9-1

DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 621-9-1 du code monétaire et financier.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE L. 621-9-2

DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER

M. le président. L'amendement n° 340 rectifié bis, présenté par MM. Oudin, du Luart et Bourdin, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 621-9-2 du code monétaire et financier, après les mots : "le contrôle de l'activité", insérer les mots : ", à l'exclusion du pouvoir de sanction,". »

La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. L'AMF, conformément aux compétences actuellement dévolues au CMF, est dotée d'un pouvoir de contrôle et de surveillance sur les professionnels placés sous son autorité. Elle peut à ce titre engager des poursuites et prononcer des sanctions à leur encontre.

Elle peut également déléguer aux entreprises de marché et aux chambres de compensation le contrôle de l'activité des opérations effectuées par les membres des marchés et les transmetteurs d'ordres.

Cette faculté de délégation, encadrée par un protocole d'accord, est conforme à l'intérêt des prestataires de services d'investissement visés, car elle permet une certaine souplesse dans le contrôle. Elle empêchera en outre les entreprises de marché de céder à la tentation de s'octroyer un pouvoir de contrôle en dehors de toute habilitation.

Le texte actuel du projet de loi peut cependant aboutir à un cumul de sanctions à l'encontre des intermédiaires visés au titre des mêmes faits.

Il convient de clarifier cette incertitude afin de supprimer le risque pour les transmetteurs d'ordres et les membres des marchés de subir une double condamnation - l'une par l'autorité de tutelle, à savoir l'AMF, l'autre par l'entreprise de marché - au titre des mêmes faits.

Dans cette perspective, l'amendement n° 340 rectifié bis tend à indiquer expressément que la délégation du contrôle de l'activité des intermédiaires visés exclut la délégation du pouvoir de sanction, pouvoir qui relève de la compétence exclusive de l'AMF en sa qualité d'autorité de tutelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut distinguer, d'une part, le pouvoir de sanction entre les mains de l'AMF, qui est de droit public, et d'autre part, la possibilité pour une entreprise de marché de prévoir dans les clauses contractuelles d'adhésion audit marché des sanctions, lesquelles ont donc pour base le document contractuel souscrit par les membres de ce marché.

Il serait utile, monsieur le ministre, que vous puissiez confirmer cette analyse, car alors l'amendement de M. Oudin ne serait pas nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Je partage l'avis de M. le rapporteur général.

Il est légitime et pertinent de permettre aux entreprises de marché de sanctionner leurs membres sur une base contractuelle. Le champ d'application des sanctions qu'elles peuvent prononcer est limité aux règles de fonctionnement du marché. Il est donc beaucoup plus restreint que celui des sanctions de l'AMF, qui reposent sur une base légale et visent les règles d'intérêt général.

Je suis donc tout à fait « en phase » avec vous, monsieur le rapporteur général.

M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° 340 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jacques Oudin. Si M. le ministre ou M. le rapporteur général m'assurait que les mêmes faits ne pourront pas être sanctionnés deux fois, je retirerais mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le ministre l'a confirmé, il faut distinguer la sanction d'ordre public, qui est l'affaire de l'AMF, et les éventuelles dispositions contractuelles susceptibles de s'appliquer entre une entreprise de marché et ses membres. Il y a donc non pas redondance, mais complémentarité.

M. Jacques Oudin. Dans ces conditions, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 340 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 621-9-2 du code monétaire et financier.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE L. 621-9-3

DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER

M. le président. L'amendement n° 327 rectifié ter, présenté par MM. Oudin, du Luart, Bourdin et les membres du groupe UMP, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 621-9-3 du code monétaire et financier par les mots : ", sauf par les auxiliaires de justice". »

La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Cet amendement est destiné à réparer un oubli dans la concordance des textes modifiés par le projet de loi. Il est bien évident que le secret professionnel des auxiliaires de justice, qui peut être opposé aux juridictions, doit continuer de pouvoir être opposé à l'AMF, comme c'est le cas actuellement à l'égard de la COB.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 327 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 621-9-3 du code monétaire et financier.

(Ce texte est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. 13

Article 12

M. le président. « Art. 12. - I. - La sous-section 4 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est intitulée : "Sous-section 4. - Injonctions et mesures d'urgence".

« II. - L'article L. 621-13 est inséré sous la sous-section 4 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du même code, et modifié ainsi qu'il suit :

« Aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-13, les mots : "de la commission des opérations de bourse" sont remplacés par les mots : "du président ou du secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers". » - (Adopté.)

Art. 12
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Art. 14

Article 13

M. le président. « Art. 13. - L'article L. 621-14 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-14. - I. - Le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsque ces pratiques sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles. Ces décisions peuvent être rendues publiques.

« II. - Le président de l'Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.

« La demande est portée devant le président du Tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public.

« En cas de poursuites pénales, l'astreinte, si elle a été prononcée, n'est liquidée qu'après que la décision sur l'action publique est devenue définitive. »

L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Après la première phrase du deuxième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'articleL. 621-14 du code monétaire et financier, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Le président du tribunal est compétent pour connaître des exceptions d'illégalité. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à rétablir la compétence du président du tribunal de grande instance de Paris pour connaître des exceptions d'illégalité soulevées contre le règlement général de l'AMF à l'occasion d'une saisine par celle-ci visant à mettre fin à des pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires.

Il s'agit de reproduire à l'identique la procédure qui s'applique aujourd'hui en cas de saisine par la COB.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La faculté laissée au juge judiciaire qui est ici visée n'a presque jamais été mise en oeuvre. Elle paraît déroger au droit commun en matière de contrôle de légalité des actes réglementaires. Elle permet, certes, de juger rapidement une affaire en cas d'urgence, mais est-ce réellement dans l'intérêt de la bonne administration de la justice ?

En cas de doute sur la légalité d'une disposition réglementaire sur laquelle serait fondée une décision de l'AMF, le président, statuant en la forme d'un référé, pourra de toute façon prendre toute mesure conservatoire nécessaire à la bonne administration de la justice.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un point très technique. La proposition du Gouvernement conduit, en fait, à établir la compétence du juge administratif, alors que, théoriquement, le juge judiciaire était jusqu'à présent compétent.

Il est vrai que cette procédure est assez inusuelle et, en ce qui me concerne, je ne vois pas de raison majeure de persister à maintenir l'amendement n° 18, que je retire donc, si M. le président de la commission des finances ne s'y oppose pas.

M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
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Art. additionnel après l'art. 14

Article 14

M. le président. « Art. 14. - I. - Il est créé une sous-section 4 bis dans la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier intitulée : "Sous-section 4 bis. - Sanctions".

« II. - Dans cette sous-section, l'article L. 621-15 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-15. - I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le gouverneur de la Banque de France, président de la Commission bancaire ou par le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance.

« S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres ou parmi des personnalités désignées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction.

« En cas d'urgence, le collège peut suspendre d'activité les personnes mentionnées au a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées.

« Si le collège transmet au Procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, ce dernier peut l'autoriser à rendre publique la transmission.

« II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes :

« a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 ;

« b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 ;

« c) Toute personne autre que l'une des personnes ci-dessus mentionnées, auteur des pratiques mentionnées au I de l'article L. 621-14.

« III. - Les sanctions applicables sont :

« a) Pour les personnes mentionnées au a du II, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ;

« b) Pour les personnes mentionnées au b du II, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ;

« c) Pour les personnes mentionnées au c du II, une sanction pécuniaire dont le montant pour une personne morale ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés et pour une personne physique ne peut être supérieur à 300 000 euros ou au quintuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public.

« Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.

« IV. - La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.

« V. - La commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. »

La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai eu l'occasion de procéder à de nombreuses auditions pour préparer l'examen de ce projet de loi, et certains de mes interlocuteurs se sont émus du principe de la publicité des sanctions de l'AMF posé par cet article 14.

En effet, une sanction n'est pas définitive tant qu'elle fait l'objet d'un recours. Si elle a d'incontestables effets pédagogiques, la publication d'une sanction non définitive peut donc paraître dans certains cas constituer une entorse au principe de la présomption d'innocence.

Il conviendrait à tout le moins que la publicité, si elle concerne une sanction qui n'est pas encore définitive du fait d'un recours pendant devant une juridiction, en fasse état et ne mentionne pas les noms des personnes concernées ; éventuellement, la publication ne serait que partielle.

Compte tenu des réactions qui se sont exprimées à l'égard de cette disposition, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éclairages, voire quelques assurances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre. Monsieur le rapporteur général, voici quelques éclairages !

Certains commentateurs se sont en effet émus de l'inscription dans le projet de loi de sécurité financière d'une mesure de publicité des sanctions prononcées par l'AMF.

Cette émotion n'est pas justifiée, car c'est oublier que la publicité est d'ores et déjà la règle pour le CMF, la COB et le CDGF, ou Conseil de discipline de la gestion financière. L'immense majorité des décisions de sanction de ces autorités fait l'objet d'une publication, le plus souvent nominative, publication dont les fins sont pédagogiques.

Il importe en effet que le public, notamment les autres acteurs du marché, soit informé des critères selon lesquels les comportements ont été considérés comme des manquements aux obligations prévues par la loi ou le règlement.

Attendre que toutes les voies de recours soient épuisées reporterait dans le temps l'effet pédagogique, ce qui en affaiblirait la portée, d'autant qu'il s'agit d'un domaine en constante évolution.

Au demeurant, la publicité des sanctions n'attente pas en elle-même à la présomption d'innocence. En matière juridictionnelle, la publicité est la règle pour les décisions de première instance, alors même qu'elles sont susceptibles d'appel.

Concrètement, l'AMF pourra maintenir la pratique de la publicité au cas par cas, et, comme aujourd'hui, elle mentionnera l'existence ou l'éventualité d'un recours contre la sanction.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, supprimer les mots : "parmi ses membres ou". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances estime préférable pour la clarté des responsabilités que la commission des sanctions ne choisisse pas les rapporteurs parmi ses membres mais nomme au contraire des personnalités extérieures, par exemple parmi les membres des grands corps de l'Etat, Cour des comptes ou Inspection générale des finances notamment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car je crois que la commission des sanctions doit disposer de toute latitude pour nommer un rapporteur.

D'abord, il n'y a aucun obstacle juridique à ce que le rapporteur soit membre de la commission puisque ce n'est pas lui qui déclenche la procédure de sanction.

Ensuite, sur le plan pratique, je crois que la nomination comme rapporteurs de membres de la commission des sanctions est opportune, car ceux-ci disposent, grâce à leur expérience professionnelle, d'une connaissance concrète des affaires.

Enfin, c'est la meilleure garantie d'une bonne instruction de l'affaire, dans le respect du principe d'impartialité et du principe du contradictoire.

Je suis donc tenté de demander à M. le rapporteur général le retrait de son amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 19 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission accepte de le retirer, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.

L'amendement n° 20, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Dans les deuxième (a)) et troisième (b)) alinéas du II du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, après les références : "1° à 8°" insérer les références : ", 11° et 12°". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un amendement de cohérence, qu'il faut d'ailleurs rectifier, par souci de cohérence avec les votes précédents, en faisant disparaître la référence au 12°.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et qui est ainsi libellé :

« Dans les deuxième (a)) et troisième (b)) alinéas du II du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, après les références : "1° à 8°", insérer la référence : "et 11°".»

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Dans les deuxième (a)) et troisième (b)) alinéas du II du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, après les mots : "règles professionnelles", insérer les mots : "approuvées par l'Autorité des marchés financiers". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un amendement de précision : les règles professionnelles visées doivent être qualifiées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Compléter in fine la première phrase du IV du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-15 du code monétaire et financier par les mots : ", hors la présence du rapporteur". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans un souci de bonne organisation, il semble préférable que le rapporteur de la commission des sanctions expose l'affaire, présente le résultat de ses analyses ou investigations, mais ne participe pas au délibéré, afin, en quelque sorte, que soit respectée la règle de séparation de l'instruction et de la décision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. La dernière jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme - arrêt Didier, 27 août 2002 - n'impose nullement l'absence du rapporteur au délibéré des autorités boursières.

Par ailleurs, aux termes du projet de loi, les conditions de la présence du rapporteur au délibéré seront précisées par décret. C'est donc en fonction de son rôle et de son implication dans chaque affaire qu'il sera décidé s'il peut ou non participer au délibéré.

Ces précisions devraient donner satisfaction à M. le rapporteur général.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'ammendement n° 22 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne soyons pas plus royalistes que le roi, ni plus pointilleux que la Cour européenne de Strasbourg : compte tenu des précisions apportées par M. le ministre, nous retirons l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.

L'amendement n° 23, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. - Dans cette sous-section, après l'article L. 621-15 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 621-15-1. _ Si l'un des griefs notifiés conformément au deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15 est susceptible de constituer un des délits mentionnés aux articles L. 465-1 et L. 465-2, le collège transmet immédiatement le rapport d'enquête ou de contrôle au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris.

« A compter de cette transmission, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris dispose d'un délai de dix jours pour faire connaître, par un avis à l'Autorité des marchés financiers, son intention de déclencher l'action publique.

« A compter de cet avis, s'il est favorable au déclenchement de l'action publique et s'il est rendu dans le délai de dix jours mentionné au précédent alinéa, l'Autorité des marchés financiers dispose d'un délai de six mois pour mener à son terme la procédure de sanction prévue à l'article L. 621-15. L'action publique ne peut être déclenchée qu'à l'issue de la procédure de sanction. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les délits ou manquements boursiers font actuellement l'objet d'une double répression : répression administrative d'un côté et, le cas échéant, répression pénale de l'autre. Or les incriminations sont très proches.

Les mêmes faits peuvent être sanctionnés administrativement par l'autorité de régulation boursière et pénalement par le juge judiciaire en matière de délit ou de manquement d'initié, de délit ou de manquement de manipulation de cours, de délit ou de manquement pour diffusion de fausses informations.

Ces incriminations sont très proches, je le répète, mais elles ne sont pas identiques pour autant. Ainsi le droit pénal veut, et c'est sa spécificité, que l'intentionnalité des faits soit établie pour aboutir à une condamnation.

Les procédures, quant à elles, sont quelque peu concurrentes dans le droit actuel. L'action publique devant le juge pénal peut être engagée par plusieurs voies, sans que l'autorité boursière soit pour autant dessaisie de son propre pouvoir de sanction.

Cette double répression est admise par la jurisprudence, mais il faut reconnaître qu'elle est très rare en pratique. Elle n'a jamais été condamnée jusqu'ici par le juge constitutionnel, sauf dans une décision isolée de 1996, qui d'ailleurs vise non pas la COB mais l'autorité de régulation des télécommunications, et cette décision, que l'on est fondé à estimer un peu étrange au vu de la doctrine, n'est pas nécessairement une source de droit.

Lorsque l'autorité boursière applique une sanction pécuniaire administrative, celle-ci constitue une amende provisionnelle, c'est-à-dire qu'elle s'impute sur l'amende qui sera réclamée au terme de la procédure pénale par le juge judiciaire.

Au cours des douze dernières années, il a été recensé seulement quatre cas de poursuites sur les mêmes fondements par la COB et par le juge pénal. Il est inutile de préciser qu'il s'agit d'affaires ayant fait du bruit, sensibles au regard de l'opinion publique.

Sur le plan des principes, le monde juridique a fréquemment critiqué cette situation, qui constitue une entorse à un principe général du droit privé et du droit répressif, à savoir la règle non bis in idem, laquelle exclut que deux poursuites puissent être engagées pour la même infraction. Des acteurs internationaux ont pu estimer que cette spécificité franco-française était gênante !

Que peut-on faire à l'heure où l'on réexamine le droit boursier avec la création de l'AMF ? Des solutions sont à écarter, des voies sont peut-être à explorer.

L'une des solutions à écarter est, évidemment, la suppression de tout pouvoir de sanction de l'autorité boursière, car cette dernière doit être efficace et pouvoir agir rapidement, de façon exemplaire et pédagogique.

A l'inverse, supprimer toute incrimination pénale boursière serait pour le moins tout aussi impensable, inconcevable, car l'ordre public peut être gravement violé par des délits boursiers.

Tracer une répartition a priori entre les contentieux en fonction de leur « gravité », de leur « complexité » ou d'un seuil de préjudice ne paraît pas non plus envisageable. En effet, à la vérité, seul le procureur de la République peut procéder à cette répartition, et c'est au cas par cas qu'il se prononcera.

La commission des finances vous présente donc, mes chers collègues, sans d'ailleurs éprouver d'amour-propre d'auteur ni être certaine d'avoir élaboré un régime complètement satisfaisant, deux amendements visant à limiter la double répression administrative et pénale ou, à tout le moins, à mieux l'organiser dans le temps.

L'amendement n° 23 tend à limiter les cas de concomitance des procédures administratives et pénales.

En cas de délit boursier mis en évidence dans un rapport d'enquête, le collège de l'AMF doit le transmettre au procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris. Celui-ci disposera, à compter de cette transmission, de dix jours pour indiquer à l'AMF s'il compte ou non mettre en mouvement l'action publique.

En cas de décision positive, l'AMF disposera d'un délai de six mois pour clore sa procédure administrative de sanction, et l'action publique ne sera effectivement mise en mouvement qu'au terme de ces six mois. Bien entendu, si le procureur de la République ne décidait pas de mettre en mouvement l'action publique, l'AMF achèverait sans contrainte et sans délai particuliers sa propre procédure.

Il convient d'ajouter que, si la gravité de l'affaire le justifie à ses yeux, l'AMF pourra dorénavant décider, si nous adoptons tout à l'heure l'article 15, de se porter partie civile. Dans cette hypothèse, le texte précise, monsieur le ministre, qu'elle ne pourra plus faire usage de sa propre procédure de sanction. D'où l'amendement n° 25, qui prévoit la possibilité pour l'AMF, lorsqu'elle se porte partie civile, de demander au procureur de la République d'ouvrir une procédure publique. S'agissant des infractions les plus graves, l'AMF pourra ainsi demander au juge pénal de se saisir du dossier, et elle ne pourra plus alors faire usage de son pouvoir de sanction. Dans ce cas, on aura réduit la dualité de la répression administrative et de la répression pénale.

Il est clair, mes chers collègues, que ce dispositif est complexe, mais la matière le veut. Par ailleurs, il repose sur la nécessité d'améliorer et d'accroître les moyens de la justice économique et financière. Il faut y insister : c'est une condition de crédibilité. La loi d'orientation et de programmation pour la justice, même si elle coûte un peu d'argent, monsieur le ministre, est nécessaire pour assurer la mise à niveau du fonctionnement de la justice, notamment en termes de délais de jugement. De notre point de vue, il s'agit bien d'opérer progressivement le renforcement des capacités de traitement du tribunal de grande instance de Paris. Celui-ci est, à l'évidence, au sein de l'autorité judiciaire, le lieu où l'on peut regrouper les compétences qui garantiront la crédibilité des procédures.

Cette intervention m'a permis, monsieur le président, de présenter l'amendement n° 23, ainsi que, par avance, l'amendement n° 25, à l'article 15.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 23.

Certes, celui-ci tend à articuler les procédures de sanction de l'AMF et la procédure pénale. Néanmoins, il contrevient aux principes généraux de procédure pénale, et le dispositif présenté est apparemment peu respectueux des droits de la défense.

En effet, le premier alinéa de l'amendement semble faire double emploi avec l'article L. 621-20-1 nouveau du code monétaire et financier, qui fait obligation à l'Autorité des marchés financiers de donner avis sans délai au procureur de la République de tout délit boursier et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

De surcroît, le délai de dix jours qui serait accordé au parquet pour faire connaître par un avis à l'AMF son intention de déclencher l'action publique n'apparaît pas réaliste, compte tenu à la fois de sa brièveté et de la difficulté, pour le ministère public, de se forger une opinion au regard des seules pièces fournies par l'AMF.

De plus, il est contraire à l'article 41 du code de procédure pénale de subordonner le déclenchement de l'action publique à l'issue de la procédure de sanction.

En outre, aucun motif ne justifie que l'action judiciaire soit entravée par une procédure administrative.

Par ailleurs, le délai de six mois accordé à l'AMF pour mener à son terme la procédure de sanction apparaît lui-même très bref, l'ensemble du système risquant de porter atteinte, au nom de la rapidité de la procédure, aux droits de la défense.

Enfin, la compétence exclusive du procureur de la République de Paris ne se justifie pas, pour des raisons exposées à propos de l'amendement n° 25, sur lequel nous émettons aussi un avis défavorable. Cette mesure en effet est inutile puisque l'AMF doit, en application de la loi, transmettre au juge pénal les affaires susceptibles de constituer des infractions. Elle peut ensuite, si une procédure judiciaire est engagée, se constituer partie civile.

J'ajoute que cet amendement tend à remettre en cause le pouvoir de l'opportunité des poursuites conféré au seul procureur de la République par l'article 41 du code de procédure pénale, ce magistrat ne devant fonder son opinion que sur la base des pièces recueillies par l'enquête pénale.

En conclusion, j'indique que les remarques faites sur la compétence du procureur de la République de Paris au titre de l'amendement n° 14 demeurent valables.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai exprimé quelques précautions en présentant l'amendement n° 23.

Ce sujet est abordé dans tous les ouvrages et commentaires de doctrine en matière de droit boursier. Or, depuis des années et des années, je lis de nombreuses critiques et appréciations diverses sur le caractère insatisfaisant de nos procédures et sur l'articulation de l'administratif et du pénal.

A la vérité, je cherche des solutions depuis un certain temps déjà. La proposition que j'ai faite est très certainement critiquable, et j'ai écouté avec respect votre réquisitoire, monsieur le ministre ! (Sourires.) Cela étant, je pense qu'il faut encore chercher.

M. Francis Mer, ministre. Sûrement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être nos collègues de l'Assemblée nationale seront-ils inspirés et trouveront-ils sur ce sujet, à l'issue d'un dialogue avec vos collaborateurs ainsi qu'avec ceux de M. le garde des sceaux, les formules qui permettraient d'affiner notre approche ? Toutefois, si tel ne devait pas être le cas, je puis vous assurer, monsieur le ministre, que nous ne nous entêterions pas. Nous aurions alors au moins la satisfaction d'avoir essayé, fût-ce en vain, de clarifier une question qui est considérée, au sein des facultés de droit, comme incontournable s'agissant de ces sujets si complexes.

Si la navette ne permet pas d'aboutir, nous en prendrons donc acte, avec la conscience d'avoir fait ce que nous pouvions pour clarifier le droit. Certes, les clarifications peuvent paradoxalement, dans certains cas, déboucher sur des complications, mais, afin de faire vivre la réflexion et pour que la navette puisse éventuellement permettre de dégager une solution, je maintiens l'amendement n° 23, bien que les arguments que j'ai entendus m'aient quelque peu ébranlé !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre. Je suis d'accord pour que la discussion se poursuive à l'occasion de la présentation de ce projet de loi à l'Assemblée nationale. Toutefois, je souhaite, afin d'éviter toute ambiguïté, que cette dernière examine le texte dans sa rédaction initiale.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 23.

M. François Marc. L'objectif visé par M. le rapporteur général au travers de cet amendement est louable. Il s'agit en effet de concilier l'action pénale mise en oeuvre par la justice et le pouvoir de sanction reconnu à l'AMF. Certes, le dispositif présenté est quelque peu complexe, mais l'argumentation d'une remarquable intelligence de M. le rapporteur général a failli emporter notre adhésion.

Toutefois, à la réflexion, on perçoit clairement que la solution proposée consisterait à suspendre l'action pénale pendant un délai de six mois, afin qu'il soit possible à l'AMF de mener à son terme la procédure de sanction qu'elle a engagée.

Cette solution soulève en outre des questions de fond non négligeables : qu'une autorité administrative puisse retarder l'action publique ne me semble guère conforme à nos principes républicains.

Cela nous conduit à estimer qu'il vaut peut-être mieux surseoir à toute décision et attendre des débats ultérieurs sur cette question, certes importante. Pour l'heure, il nous paraît préférable de ne pas adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)