Section 2

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi  de sécurité financière
Art. 10 (priorité)

Attributions

Article 8

M. le président. « Art. 8. - I. - La sous-section 1 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier est intitulée : "Sous-section 1. - Réglementation et décisions".

« II. - L'article L. 621-6 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-6. - Pour l'exécution de ses missions, l'Autorité des marchés financiers prend un règlement général qui est publié au Journal officiel de la République française, après homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie.

« L'Autorité des marchés financiers peut, pour l'application de son règlement général et l'exercice de ses autres compétences, prendre des décisions de portée individuelle. Elle peut également publier des instructions et des recommandations aux fins de préciser l'interprétation du règlement général. »

« III. - L'article L. 621-7 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-7. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers détermine notamment :

« I. - Les règles de pratique professionnelle qui s'imposent aux émetteurs faisant appel public à l'épargne, ainsi que les règles qui doivent être respectées dans les opérations sur des instruments financiers placés par appel public à l'épargne ;

« II. - Les règles relatives aux offres publiques d'acquisition portant sur des instruments financiers émis par appel public à l'épargne ;

« III. - Les règles de bonne conduite et les autres obligations professionnelles que doivent respecter à tout moment les personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, et qui doivent tenir compte de la compétence financière de la personne à laquelle le service est rendu ;

« IV. - Concernant les prestataires de services d'investissement, les entreprises de marché et les membres des marchés réglementés, les chambres de compensation et leurs adhérents :

« 1° Les conditions d'exercice, par les prestataires de services d'investissement, des services définis à l'article L. 321-2 ;

« 2° Les conditions d'exercice des activités des adhérents des chambres de compensation mentionnées à l'article L. 442-2 ;

« 3° Les conditions dans lesquelles peut être délivrée ou retirée une carte professionnelle aux personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte des prestataires de services d'investissement, des entreprises de marché, des membres des marchés réglementés, des chambres de compensation et de leurs adhérents ;

« 4° Les règles applicables aux personnes mentionnées à l'article L. 532-18 ;

« 5° Les conditions dans lesquelles certains prestataires de services d'investissement peuvent intervenir en qualité de non-ducroire ;

« 6° Les conditions dans lesquelles certaines personnes physiques ou morales peuvent être habilitées à fournir des services mentionnés aux 2 et 3 de l'article L. 321-1 sur un marché réglementé sans avoir la qualité de prestataire de services d'investissement ;

« 7° Les conditions dans lesquelles, en application de l'article L. 442-1, l'Autorité des marchés financiers approuve les règles des chambres de compensation, sans préjudice des compétences conférées à la Banque de France par l'article L. 141-4.

« V. - Concernant les activités de gestion pour le compte de tiers et les placements collectifs :

« 1° Les conditions d'exercice de l'activité des prestataires de services d'investissement qui fournissent, à titre exclusif ou principal, le service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers et les conditions d'agrémement des sociétés de gestion de portefeuille ;

« 2° Les conditions d'agrément et d'exercice de l'activité des sociétés de gestion d'organismes de placements collectifs ;

« 3° Les conditions d'agrément des organismes de placements collectifs.

« VI. - Concernant la conservation et l'administration d'instruments financiers, les dépositaires centraux et les systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers :

« 1° Les conditions d'exercice des activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers par les personnes morales qui effectuent des opérations par appel public à l'épargne et les intermédiaires habilités à ce titre dans les conditions fixées à l'article L. 542-1 ;

« 2° Les conditions d'habilitation, par l'Autorité des marchés financiers, des dépositaires centraux ainsi que les conditions dans lesquelles l'autorité approuve leurs règles de fonctionnement ;

« 3° Les principes généraux d'organisation et de fonctionnement des systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers et les conditions dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers approuve les règles de fonctionnement de ces systèmes, sans préjudice des compétences conférées à la Banque de France par l'article L. 141-4.

« VII. - Concernant les marchés réglementés d'instruments financiers :

« 1° Les principes généraux d'organisation et de fonctionnement que doivent respecter les marchés réglementés, ainsi que les règles relatives à l'exécution des transactions sur instruments financiers admis sur ces marchés ;

« 2° Les conditions dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers, en application des articles L. 421-1 et L. 421-3, propose la reconnaissance ou le retrait de la qualité de marché réglementé d'instruments financiers ;

« 3° Les conditions de dérogation à l'obligation prévue à l'article L. 421-12 ;

« 4° Les règles relatives à l'information de l'Autorité des marchés financiers et du public concernant les ordres et les transactions sur instruments financiers admis sur un marché réglementé.

« Le règlement général peut également fixer des règles de fonctionnement applicables aux marchés d'instruments financiers autres que les marchés réglementés. »

« IV. - Après l'article L. 621-7 du même code, il est inséré un article L. 621-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-7-1. - En cas de carence de l'Autorité des marchés financiers, les mesures urgentes nécessitées par les circonstances sont prises par décret. »

La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre 2001, à la suite de plusieurs opérations - je pense notamment à l'épisode Schneider-Legrand, qui avait suscité bien des commentaires -, et constatant que le droit boursier ne permettait pas jusqu'alors de conditionner une offre publique d'acquisition à l'octroi d'une autorisation publique relevant du droit de la concurrence au niveau communautaire, j'avais déposé une proposition de loi modifiant sur ce point le code monétaire et financier.

Cette proposition de loi prévoyait d'inscrire dans la loi le principe de l'irrévocabilité des offres. Par ailleurs, il s'agissait de prévoir que le règlement général du CMF puisse préciser les modalités d'application et d'appréciation de cette irrévocabilité, et puisse donc apporter des exceptions à ce principe ou permettre que des offres publiques soient soumises à certaines conditions.

J'ai observé depuis lors, monsieur le ministre, que votre arrêté du 15 novembre 2002 homologant la modification du règlement général du CMF est venu me conforter dans les préoccupations que j'exprimais.

Je ne propose donc pas de mesure législative. Je souhaiterais cependant que vous nous donniez l'assurance que, dans le cadre du droit ainsi établi, il soit bien possible de considérer que le déroulement et la bonne fin des offres publiques posant des problèmes de recevabilité ou d'appréciation de la part d'autorités extérieures seront conditionnés par les autorisations que j'envisageais à l'époque.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre. Monsieur le rapporteur général, il est clair que nous nous souvenons tous des problèmes engendrés, en 2001, par la décision de la Commission. A cette époque, j'étais personnellement en relation avec ladite commission à propos de la fusion entre Schneider et Legrand, avec ses conséquences et ses avatars. L'offre publique d'acquisition avait déjà eu lieu. Par conséquent, il convenait d'assurer une meilleure articulation entre le droit boursier et le droit de la concurrence pour éviter que des situations aussi désagréables ne se reproduisent.

C'est dans ce contexte que vous avez élaboré une proposition de loi affirmant le principe d'irrévocabilité des offres et donnant compétence au CMF de prévoir des dérogations dans certains cas.

Je confirme que l'objet de votre proposition de loi est pleinement rempli. D'une part, le principe d'irrévocabilité des OPA a déjà été reconnu par le juge et fait partie du socle du droit boursier. D'autre part, le règlement du CMF a été modifié en 2002 pour déroger à cette règle, comme vous l'avez indiqué, de manière à introduire un mécanisme permettant à l'initiateur d'une offre de l'interrompre si les autorités de concurrence ouvrent une enquête approfondie - c'est la fameuse phase 2.

Ce mécanisme, qui n'est pas obligatoire, ne permet pas de préjuger l'issue de la procédure de concurrence. Il permet simplement aux entreprises de renoncer à lancer une offre publique lorsqu'elles savent que les autorités de la concurrence soulèvent une difficulté susceptible de remettre en cause leurs opérations.

Les précisions doivent répondre totalement à votre interrogation, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait, monsieur le ministre.

M. le président. L'amendement n° 339 rectifié bis, présenté par MM. Oudin, du Luart et Bourdin, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-6 du code monétaire et financier, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Chaque projet de modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers doit faire l'objet, avant toute homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie :

« - d'une consultation de celles des organisations professionnelles visées au 7° et au 8° du II de l'article L. 621-2 qui sont concernées par les dispositions du règlement général dont la modification est envisagée,

« - d'une étude d'impact, lorsqu'une association représentative le demande, des projets de modifications envisagées du règlement général, au regard des missions de l'Autorité des marchés financiers telles qu'elles lui sont dévolues par l'article L. 621-1.

« Les délibérations du collège concernant les modifications envisagées du règlement général sont rendues publiques. »

La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Depuis une dizaine d'années, sur le plan tant européen qu'international, notamment aux Etats-Unis, les autorités ont défini un cadre formalisé de gouvernance qui peut comprendre la publication de leur délibération, le mode de consultation des agents économiques concernés par leur réglementation et l'analyse d'impact de ces dernières.

Dans le même esprit, il convient de prévoir dans la loi sur ces différents points les grands principes de transparence que l'AMF serait amenée à suivre. En ce qui concerne l'élaboration du règlement général, il est nécessaire de préciser qu'il s'agit de la publication des délibérations du collège, des procédures de consultation des associations représentatives ainsi que de la réalisation d'études d'impact de ces modifications à la demande d'une association représentative.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'idée exprimée par notre collègue est judicieuse, mais transformer ces préoccupations raisonnables et respectables en obligations de niveau législatif donnerait naissance à un texte trop rigide.

Ce sujet relève davantage du domaine d'un code de conduite adopté par l'AMF sur les modalités de consultation des professionnels susceptibles d'être concernés par telle ou telle mesure.

Ce code de bonne conduite devrait concerner les délais, les conditions dans lesquelles les professionnels donneraient des réponses, l'utilisation de l'Internet, ainsi que les modalités de traitement des réponses.

Le comité européen des régulateurs de valeurs mobilières offre d'excellents exemples de ce type de pratiques.

Je demande donc à notre collègue M. Oudin de bien vouloir retirer cet amendement. Mais, bien entendu, la commission des finances souhaiterait au préalable connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Le Gouvernement est d'accord avec M. le rapporteur : il vaut mieux que l'Autorité des marchés financiers s'adapte elle-même.

M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° 339 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jacques Oudin. Nous souhaitons que l'AMF ait les préoccupations de transparence qui nous animent tous.

Nous nous référons au règlement général de l'Autorité. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 339 rectifié bis.

M. le président. L'amendement n° 339 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 190, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le III du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ... - Les règles de bonne conduite que doivent respecter les analystes financiers relatives à l'interdiction d'utiliser des informations privilégiées, à l'interdiction de corréler de quelque manière que ce soit les rémunérations aux indicateurs d'activité de l'employeur, à l'interdiction de gérer personnellement des portefeuilles boursiers, et plus généralement à la bonne application de la décision générale du conseil des marchés financiers de janvier 2002 consacrée à la déontologie des analystes. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement vise à permettre à l'Autorité des marchés financiers de définir, par le biais de son règlement général, les règles applicables aux analystes financiers. Dans cet esprit, cet amendement énonce aussi les quelques principes fondamentaux que le règlement général devrait obligatoirement reprendre et préciser, à savoir l'interdiction pour les analystes d'utiliser des informations privilégiées, de gérer personnellement des portefeuilles boursiers et l'impossibilité de mettre leurs rémunérations en corrélation avec les indicateurs d'activité de leur employeur.

Du fait de la dérégulation et, d'une manière générale, de l'ambiance de laisser-faire, mais aussi en raison de l'internationalisation de la finance, la profession d'analyste financier échappe actuellement à tout contrôle.

Comme je l'ai expliqué lors de la discussion générale, les analystes sont des salariés des banques. Actuellement, faute de réglementation, ils doivent gérer seuls les conflits d'intérêts auxquels ils sont soumis, et le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne tranchent que rarement en faveur des actionnaires minoritaires.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple des dérapages qui ont eu lieu lors des opérations de privatisation réalisées en 2000 et en 2001. Il faut savoir qu'à cette occasion le syndicat bancaire en charge du placement des titres n'autorisait les analystes financiers à rencontrer la société privatisable que s'ils s'engageaient par écrit à lui faire relire leur étude avant publication et s'interdisaient d'afficher des recommandations ! Cela montre à quel point le lien de dépendance a pu être établi et à quel point l'indépendance n'est pas avérée. Dans ces conditions, certaines difficultés surgissent.

La profession a failli à sa mission au point que des procès, nombreux aux Etats-Unis, apparaissent en France. Le plus retentissant est actuellement celui qui oppose la célèbre banque américaine Morgan Stanley au non moins célèbre groupe français LVMH. Dans cette affaire particulièrement typique, les analystes de la banque sont accusés d'avoir produit des analyses « biaisées » sur le groupe LVMH dans le but de favoriser son concurrent, le groupe Gucci, client de la banque Morgan Stanley.

L'enjeu est important, car, faute d'informations et d'analyses financières fiables, les épargnants se détournent de la bourse et les entreprises perdent ainsi de précieuses ressources indispensables à leur développement.

C'est la raison pour laquelle il nous semble opportun d'adopter cet amendement qui apporte des précisions fort utiles pour le contrôle et le suivi de l'activité des analystes financiers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime légitime que l'activité d'analyste financier soit visée et, dans une certaine mesure, organisée par l'Autorité des marchés financiers. Elle préférerait toutefois que notre collègue veuille bien se rallier à l'amendement n° 14 de la commission des finances, et que je pourrais présenter tout de suite si vous me le permettiez, monsieur le président.

M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 14, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, qui est ainsi libellé :

« Après le paragraphe VII du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« VIII. - Concernant la production et la diffusion des analyses financières :

« 1° Les conditions d'exercice de l'activité des personnes qui, à titre de profession habituelle, produisent ou diffusent des analyses financières sur les personnes morales émettrices d'instruments négociés sur un marché, ou dont l'admission à la négociation est demandée en vue de formuler, et le cas échéant diffuser une opinion sur l'évolution prévisible desdites personnes morales et, en conséquence sur l'évolution prévisible de leur cours de bourse ;

« 2° Les règles de bonne conduite s'appliquant aux personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte des personnes qui produisent ou diffusent des analyses financières à titre de profession habituelle et les dispositions propres à assurer leur indépendance et la prévention des conflits d'intérêts. »

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement prévoit que le règlement général de l'AMF détermine un minimum de règles applicables aux analystes financiers : en premier lieu, les conditions d'exercice de cette activité, reconnaissant par là même son existence comme métier financier ou métier d'intermédiation financière, et, en second lieu, les règles de bonne conduite applicables aux personnes physiques exerçant ce métier ainsi que les dispositions de nature à assurer l'indépendance des analystes et la prévention des conflits d'intérêts.

Notre suggestion s'inscrit dans la ligne des mouvements actuels de réglementation de l'activité d'analyse financière à l'échelle internationale. Elle est dans la ligne des règles récemment adoptées à ce propos par la SEC américaine et la FSA britannique.

De même, nous pouvons nous référer aux dispositions de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, dite directive « abus de marché », selon lesquelles « les Etats membres s'assurent qu'il existe une réglementation appropriée pour garantir que les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche concernant des instruments financiers ou des émetteurs d'instruments financiers ou les personnes qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, destinés aux canaux de distribution ou au public, veillent, avec une attention raisonnable, à ce que l'information soit présentée de manière équitable et mentionnent leurs intérêts ou l'existence de conflits d'intérêts en rapport avec les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. Ils portent cette réglementation à la connaissance de la Commission ».

En application de cette directive et pour répondre à ce qui devient une norme déontologique mondiale, il faut sans doute, monsieur le ministre, prescrire à l'Autorité des marchés financiers de traiter de ce sujet dans son règlement général.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Je répondrai sur l'amendement n° 14, sachant que c'est une façon de répondre sur l'amendement n° 190.

Il est clair que l'application du code de conduite des analystes pose un problème et, personnellement, je n'ai aucune réticence à accepter la proposition de M. le rapporteur général.

Je rappelle simplement que la profession d'analyste est une profession essentiellement mobile, et que ce qui compte, au-delà de la proposition de M. le rapporteur général, c'est de parvenir le plus rapidement possible à une approche commune internationale du sujet. Dans le cas contraire, toute réglementation nationale serait inefficace.

J'ajoute que M. Marc, à mon avis, ne peut qu'accepter la proposition de M. le rapporteur général.

M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 190 est-il maintenu ?

M. François Marc. Ces deux amendements ont le même objet sur le fond : mieux superviser et encadrer l'activité d'analyste financier. Je relève cependant une différence notable entre ces deux textes.

L'amendement n° 14, présenté par M. le rapporteur général, porte uniquement sur le règlement de l'AMF. Il tend à préciser que l'AMF a pour compétence de superviser les analystes financiers, sans prévoir les points qui méritent les vérifications que nous souhaitons apporter.

L'amendement n° 190, en revanche, ne vise nullement à modifier le règlement de l'AMF. Il tend à préciser les principes généraux que devraient respecter les analystes financiers. Il prévoit les règles de bonne conduite que doivent respecter les analystes professionnels - interdiction d'utiliser des informations privilégiées, de mettre en corrélation de quelque manière que ce soit les rémunérations et les indicateurs d'activité de l'employeur, de gérer personnellement des portefeuilles boursiers - et, plus généralement, la bonne application de la décision générale du Conseil des marchés financiers de janvier 2002.

Avec ces propositions nous manifestons une exigence à l'égard de cette profession en prévoyant des interdictions. L'amendement présenté par M. le rapporteur général constitue pour sa part une « coquille vide », la surveillance de cette profession étant assurée par l'AMF, un point c'est tout.

La différence est considérable entre les deux amendements. Je ne peux donc envisager de retirer mon amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisqu'il faut mettre les points sur les i, je vais tâcher de le faire.

La commission n'est pas favorable à l'amendement de notre collègue François Marc, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, cet amendement ne donne pas de définition des analystes financiers, et l'on ne sait donc pas de quoi l'on parle.

Ensuite, il énumère des interdictions au risque d'en oublier.

Il fait par ailleurs référence à une décision du CMF de janvier 2002. Il ne faut probablement pas la graver dans le marbre, car la réalité en ce domaine est évolutive.

Enfin, s'agissant des principes généraux, je précise que l'interdiction faite à une personne qui possède des informations privilégiées sur des sociétés cotées de les utiliser pour son avantage personnel ou pour celui d'un proche figure déjà dans notre droit.

Tout le droit en matière de manquements d'initiés et de délits d'initiés montre que, quels que soient le métier exercé et la situation juridique des personnes en cause, celles-ci doivent absolument s'abstenir de donner des ordres, directement ou indirectement, à partir d'informations privilégiées qu'elles détiendraient.

Il n'est évidemment pas utile de redire ce qui constitue un principe tout à fait général du droit répressif en matière boursière.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances ne peut être favorable à l'amendement n° 190 et en demande le rejet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A la fin du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 621-7-1 du code monétaire et financier, remplacer les mots : "les mesures urgentes nécessitées par les circonstances sont prises par décret", par les mots : "et après mise en demeure, adressée à cette dernière par le ministre chargé de l'économie, de prendre les mesures urgentes nécessitées par les circonstances, dont l'objet est précisé par cette mise en demeure, lesdites mesures peuvent être prises par décret". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans notre souci de ne rien faire qui soit de nature à limiter l'autonomie et l'indépendance que l'on veut accorder à l'AMF, nous voudrions, monsieur le ministre, que la disposition envisagée, en cas de carence de l'autorité et de circonstances tout à fait exceptionnelles conduisant à une telle carence, soit rédigée de manière différente.

Bien sûr, dans la vie d'un pays peuvent se produire des épisodes imprévisibles, des discontinuités telles que l'autorité publique, incarnée en l'espèce par le ministre chargé de l'économie, soit appelée à reprendre directement des prérogatives déléguées par la loi à tel corps constitué. Mais, s'agissant de l'AMF, pour ne pas prendre le risque de diminuer la portée de son indépendance ou de son autonomie, nous voudrions prévoir qu'une telle occurrence ne peut intervenir qu'après mise en demeure cette dernière devant comporter un objet précis, de telle sorte que le pouvoir de substitution accordé au ministre s'exerce dans un cadre bien organisé et que personne ne puisse imaginer qu'il y ait quelque soupçon d'arbitraire que ce soit. Mais, bien entendu, loin de vous cette idée, monsieur le ministre...

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner l'article 10, pour lequel la priorité a été ordonnée.

Art. 8
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Art. additionnel après l'art. 8 ou après l'art. 33

Article 10 (priorité)

M. le président. « Art. 10. - L'article L. 621-9 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 621-9. - I. - Afin d'assurer l'exécution de sa mission, l'Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes.

« Elle veille à la régularité des opérations effectuées sur des titres faisant l'objet d'appel public à l'épargne. Ne sont pas soumis au contrôle de l'Autorité des marchés financiers les marchés d'instruments créés en représentation des opérations de banque qui, en application de l'article L. 214-4, ne peuvent pas être détenus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

« II. - L'Autorité des marchés financiers veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte :

« 1° Les prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ;

« 2° Les personnes autorisées à exercer l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers mentionnées à l'article L. 542-1, y compris les dépositaires d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ;

« 3° Les dépositaires centraux et les gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers ;

« 4° Les membres des marchés réglementés mentionnés à l'article L. 421-8 ;

« 5° Les entreprises de marché ;

« 6° Les chambres de compensation d'instruments financiers ;

« 7° Les organismes de placements collectifs et leurs sociétés de gestion ;

« 8° Les intermédiaires en biens divers ;

« 9° Les personnes habilitées à procéder au démarchage mentionnées aux articles L. 341-3 et L. 341-4 ;

« 10° Les conseillers en investissements financiers.

« Pour les personnes ou entités autres que celles fournissant des services mentionnés au 4 de l'article L. 321-1 ou que les personnes ou entités mentionnées aux 7°, 8° et 10° ci-dessus, le contrôle s'exerce sous réserve des compétences de la commission bancaire et, pour celles mentionnées aux 3° et 6°, sans préjudice des compétences conférées à la Banque de France par l'article L. 141-4. Seule l'Autorité des marchés financiers est compétente pour contrôler les personnes ou entités fournissant des services mentionnées au 4° de l'article L. 321-1 et les personnes mentionnées aux 7° , 8° et 10° ci-dessus.

« L'Autorité des marchés financiers est également chargée d'assurer le respect, par les prestataires de services d'investissement mentionnés à l'article L. 532-18, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, à l'exception des normes de gestion mentionnées à l'article L. 611-3. Elle examine les conditions d'exercice de leurs activités et les résultats de celles-ci en tenant compte de la surveillance exercée par les autorités compétentes de l'Etat membre d'origine. »

L'amendement n° 298, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :

« De même, ces contrôles ou enquêtes ne concernent pas la Banque de France qui, dans le cadre de ses missions fondamentales ou de ses missions de service public, attribue une cotation aux entreprises. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 10 du présent projet de loi fixe le champ d'intervention des contrôles et des enquêtes de l'Autorité des marchés financiers.

On observera que les amendements de la commission des finances étendent le champ de ces contrôles et enquêtes et touchent notamment à deux questions essentielles. Il s'agira, en effet, de s'intéresser aux activités des agences de notation et des entreprises produisant de l'analyse financière. Une telle initiative doit d'ailleurs être regardée avec intérêt.

Pour notre part, nous estimons qu'il est temps de nous interroger sur la déontologie réelle des agences de notation et des analystes financiers, sachant que leurs jugements passés, au demeurant loin d'être infaillibles, ont causé, dans un certain nombre de situations, de réels dommages à la confiance que les épargnants étaient en droit d'attendre de l'activité de l'industrie financière.

La notation des entreprises et l'analyse financière constituent, en effet, des éléments importants pour l'évaluation des risques sur investissement, et pour capter ou non tout ou partie de l'épargne. Toute information imparfaite en la matière peut avoir des conséquences tant pour les épargnants que pour les entreprises concernées. Elle renchérit parfois le coût du crédit accordé aux entreprises et peut, a contrario, conduire nombre d'épargnants modestes à subir de plein fouet les pertes occasionnées par une situation financière ressentie, à tort, comme positive.

Cela dit, toutes les analyses financières ne sont pas équivalentes. La Banque de France, dans le cadre de ses services décentralisés, effectue en parfaite neutralité et avec la déontologie propre au service public, ce qui n'est pas nécessairement le cas des agences de notation ou des officines d'analyse financière de droit privé, des études économiques et des enquêtes sur la réalité de la structure financière des entreprises de chaque bassin d'emploi.

Il paraît donc nécessaire - et c'est l'objet de cet amendement - d'exclure du champ des investigations, au demeurant légitimes, de l'Autorité des marchés financiers sur l'activité des différents intervenants du secteur financier les enquêtes et contrôles effectués par la Banque de France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement laisse la commission assez perplexe. En effet, s'il s'agit d'informer le marché sur la situation d'une entreprise, de diffuser toutes les informations sur cette entreprise, s'il s'agit de porter un jugement public sur la qualité d'une signature, sur la nature et sur la portée des risques liés à telle ou telle catégorie d'émissions ou à telle ou telle catégorie de dettes, et si ces appréciations sont formulées par des agents ou par un service de la Banque de France, il n'y a pas lieu de traiter différemment ces agents ou ce service par rapport aux intervenants de marché : ils prendront les mêmes responsabilités et exerceront le même métier.

Cet amendement devrait être retiré, car il ne va pas dans le sens de la transparence à laquelle nous voudrions prétendre. En outre, il ne me semble pas correspondre à la réalité des travaux effectués par la Banque de France, notamment dans le cadre de sa centrale de bilans ou de son activité de connaissance et de commentaires de la conjoncture sectorielle locale ou nationale.

Par conséquent, la commission n'est pas favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite poser une question à Mme Beaudeau.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ouvrant la discussion générale et en répondant aux différents orateurs, a insisté sur le fait que toute réglementation sur les agences de notation pouvait entraîner un risque de délocalisation.

Mme Beaudeau estime-t-elle qu'il y aurait un risque de délocalisation des services de la Banque de France chargés de la notation ? (Sourires.)

M. le président. Madame Beaudeau, l'amendement n° 298 est-il maintenu ?

Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien entendu, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« I. - Après le onzième alinéa (10°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 11° Les personnes produisant ou diffusant des analyses financières ;

« 12° Les agences de notation. »

« II. - En conséquence, dans les première et seconde phrases de l'avant-dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, remplacer les références : "7° , 8° et 10°", par les références : "7° , 8° , 10° , 11° et 12°". »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons un sujet important de notre débat.

Vous nous l'avez dit à juste titre, monsieur le ministre, le métier d'entrepreneur consiste à prendre des risques. Les marchés ont pour mission, dans une large mesure, d'apprécier ces risques. Pour que les acteurs de marché puissent évaluer les différentes catégories de risques, il est nécessaire qu'une information publique soit diffusée. Le rôle des agences de notation est de plus en plus crucial : c'est un rôle clé.

Si l'on se réfère, par exemple, à l'évolution dans les années à venir des normes prudentielles bancaires, il convient de rappeler que les travaux du comité de Bâle conduiront à substituer à des règles arithmétiques, celles du ratio Cook, des règles beaucoup plus fines et beaucoup plus complexes qui permettront de décrire les engagements des établissements financiers et des établissements de crédit en fonction de la nature et de l'importance des risques figurant sur leur bilan.

Les agences de notation sont des entreprises privées et indépendantes qui ont développé - il faut le dire - un grand professionnalisme et se sont imposées grâce à ce dernier. Elles rendent - vous l'avez souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre - un réel service aux acteurs de l'économie. En effet, en prenant connaissance des données non seulement comptables, mais également stratégiques des entreprises, elles portent un jugement qui est communiqué à l'ensemble des acteurs de marché et qui conduit à une appréciation des émissions de dettes. Dès lors, les agences de notation jouent un rôle déterminant dans la fixation des taux d'intérêt afférents à ces différentes émissions.

Nous savons qu'un tel rôle est difficile à jouer et qu'il s'agit d'un métier de service financier. Ce métier a pris naissance aux Etats-Unis et s'est développé dans le monde entier. L'une des trois grandes agences de notation mondiale est contrôlée par des capitaux européens et elle dispose, à Londres et à Paris, d'équipes importantes.

Ces agences évaluent toutes sortes de catégories de risques. Il s'agit, par exemple, des risques souverains ; on cote les emprunts, les titres de dette publique des différents Etats souverains ; on cote les titres émis par les collectivités décentralisées, que ce soit nos grandes villes, nos régions ou nos départements - beaucoup ont sollicité des cotations - ou, bien entendu, les grandes collectivités territoriales des Etats du monde développé. Mais il s'agit aussi de risques privés relatifs aux émissions de produits financiers ou aux émissions de produits de dette des entreprises.

Il est sans doute présomptueux de vouloir trouver les bonnes solutions seuls, sur un plan franco-français. C'est manifestement hors de portée, et cela risquerait, à certains égards, d'être contre-productif.

Il faut au contraire, comme tout à l'heure, monsieur le ministre, à propos des analystes financiers, nous inscrire dans un mouvement mondial. On observe aujourd'hui une prise de conscience du rôle crucial joué par les agences de notation.

Nous savons que la SEC américaine se préoccupe du problème. D'ailleurs, elle ne l'a pas réglé par le droit positif : elle a posé toute une série de questions qui font actuellement l'objet de l'élaboration d'un rapport, qui sera examiné par cette autorité et à partir duquel, sans doute, elle prendra position.

Nous savons aussi que vous avez récemment désigné, monsieur le ministre, un missionnaire de très haut rang, M. Michel Prada, qui a fait le tour du sujet. Il a rencontré tous les acteurs, les responsables américains, les agences de notation elles-mêmes, les entreprises, etc.

Nous n'ignorons pas tout cela, mais il nous paraît important de désigner l'Autorité des marchés financiers comme le relais français de cet effort en vue d'aboutir, sur le plan mondial, à une bonne gouvernance.

L'idée que nous avons exprimée - elle n'est peut-être pas parfaite en la forme - par cet amendement n° 16 rectifié consiste à soumettre au contrôle de l'AMF les agences de notation et à lui demander, dans le cadre de ses pouvoirs de supervision des marchés, de veiller au respect des obligations auxquelles ces professions sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires. Quelles sont ces dispositions législatives et réglementaires ? Eh bien ! mes chers collègues, la question était posée l'autre jour par un membre de la commission des finances : c'est le droit boursier général !

Cela signifie que le personnel d'une agence de notation qui a étudié une situation et a contribué à la publication d'une information destinée au marché doit respecter les mêmes règles que toutes celles et ceux qui informent le marché : il doit s'abstenir d'être en situation de conflit d'intérêts et se garder de tentations coupables qui, l'homme étant ce qu'il est, peuvent toujours exister, et ce, je le répète, sur le fondement du droit boursier général.

Cet amendement doit être compris par référence à d'autres propositions. C'est, en quelque sorte, un signal que nous adressons aux acteurs de ces métiers : nous avons conscience que la France, seule, ne constitue pas l'échelon approprié pour traiter ce problème, mais, dans les enceintes internationales, elle doit jouer un rôle actif en vue d'aboutir aux règles qui, demain, s'appliqueront à cette profession.

Enfin, il nous a paru judicieux de responsabiliser l'Autorité des marchés financiers en en faisant, je le répète, le correspondant des autres grands régulateurs mondiaux susceptibles de faire avancer ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. L'avis du Gouvernement est mitigé.

Sur le fond, M. le rapporteur général a raison : les agences de notation jouent un rôle important. Je me suis même laissé dire que certains Etats payaient des agences de notation pour qu'elles notent d'autres Etats. Le développement de cette activité est assez étonnant.

Cela étant dit, et indépendamment du fait que le personnel de ces agences obéit aux règles générales du droit boursier - il faut le rappeler -, je suis un peu sceptique sur l'efficacité de la proposition de M. le rapporteur général quant au rôle de l'AMF, sous cette forme, de contrôle de ces agences, dans la mesure où, actuellement, les agences sont très largement - à 95 % - localisées aux Etats-Unis.

Il n'est d'ailleurs pas impossible que nous assistions, dans un futur plus ou moins lointain, à la multiplication de ces agences en Europe, y compris en France. Mais, surtout, il s'agit un peu de la même démarche que pour les analystes financiers : ces agences de notation s'installent où elles l'entendent. L'AMF est une autorité territoriale française, et se faire plaisir en imaginant qu'elle peut exercer un pouvoir de contrôle parce qu'on l'a prévu dans les textes, pourrait avoir une conséquence très négative : des agences, qui, à l'heure actuelle, pour de multiples raisons, viennent s'implanter en France et y créent des emplois d'analystes très qualifiés risqueraient de tirer une conclusion, qui n'est pas souhaitable, d'une présentation peut-être un peu trop forte du rôle de l'AMF à leur égard, ce qui les conduirait à traverser la Manche, ou à franchir toute autre frontière, d'ailleurs.

Par conséquent, tout en partageant le souci exprimé par M. le rapporteur général, je me demande si l'on ne pourrait pas envisager une disposition allant dans la même direction, mais légèrement différente, afin d'éviter, pour parler clairement, tout risque de rejet par ces agences d'une implantation à Paris.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque M. le ministre veut bien m'y inviter, je vais tâcher de prendre la balle au bond.

Sur les aspects territoriaux qui ont été évoqués, la commission ne peut qu'être extrêmement sensible aux propos de M. le ministre. Il est clair que, si des professionnels d'une agence de notation en fonction à Paris réalisaient des travaux pour noter la dette de la ville de Yokohama, nous ne serions pas fondés à demander un contrôle de l'Autorité des marchés financiers. Il est non moins clair que l'AMF, dans le cadre de sa mission de supervision du marché, peut être amenée, demain, à solliciter d'un autre régulateur dans le monde l'autorisation d'accéder à des informations qui auront été produites par une équipe d'une agence de notation qui, physiquement, se trouvera dans le pays de compétence de cette autorité de régulation. Il faut bien tenir compte de ces aspects et prendre en considération ce croisement, qui est extrêmement subtil.

Monsieur le ministre, après avoir entendu vos arguments, je souhaite, si M. le président de la commission m'y autorise, rectifier une nouvelle fois l'amendement n° 16, en supprimant dans le I la mention : « 12° Les agences de notation » et, dans le II, la référence au « 12° ».

Je suis cependant tenté, monsieur le ministre, de vous demander d'aller plus loin : compte tenu de l'ouverture que vous avez faite, accepteriez-vous qu'il soit demandé à l'Autorité des marchés financiers de s'intéresser à ces questions et de publier chaque année un rapport sur le rôle des agences de notation, la transparence de leur méthode et l'impact de leur activité sur les émetteurs et les marchés financiers ?

Nous serions susceptibles d'ajouter dans quelques instants un paragraphe en ce sens à l'amendement n° 65. Cela nous permettrait de traiter ce problème avec les moyens dont nous disposons actuellement et de façon réaliste, en intégrant, je le répète, les préoccupations très justifiées que vous avez exprimées.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

« I. - Après le onzième alinéa (10°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 11° Les personnes produisant ou diffusant des analyses financières. »

« II. - En conséquence, dans les première et seconde phrases de l'avant-dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, remplacer les références : "7°, 8° et 10°" par les références : "7°, 8°, 10° et 11°". »

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. La proposition de M. le rapporteur général va dans le bon sens. Elle ne compromet pas l'intérêt pour ces agences de s'implanter à Paris ou en France. Quant à l'Autorité elle-même, elle peut y trouver une compétence à développer.

Il est clair que nous avons besoin d'oeuvrer progressivement à la transparence de ces agences. Or le fait que l'Autorité soit chargée de publier tous les ans un rapport sur ce sujet ne peut qu'améliorer la transparence des méthodes de gestion et des choix de ces agences de notation, d'ailleurs appelées à se multiplier dans un marché, me semble-t-il, en pleine croissance.

Je suis donc favorable à l'amendement n° 16 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Nous l'avions dit en commission des finances, notre groupe était tout à fait favorable aux propositions contenues dans l'amendement n° 16 rectifié.

Tout en regrettant la suppression de l'alinéa 12, nous voterons néanmoins cet amendement rectifié bis. Nous avons en effet déposé un amendement qui viendra ultérieurement en discussion et qui, d'une certaine façon, reprend cette proposition.

Dans ces conditions, nous faisons un premier pas en votant cet amendement, et nous vous inviterons, un peu plus loin, à avancer encore d'un autre pas, en votant l'amendement qui vous sera soumis dans un instant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« I. - A la fin de la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, remplacer les mots : "à l'exception des normes de gestion mentionnées à l'article L. 611-3" par les mots : "dans les conditions prévues aux articles L. 532-19 à L. 532-21". »

« II. - Supprimer la seconde phrase du dernier alinéa de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 192, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 621-9 du code monétaire et financier par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« ...- L'autorité des marchés financiers est habilitée à porter une appréciation sur les préconisations des agences de notation et son secrétariat général peut décider de procéder à des enquêtes au sujet des relations entretenues par ces agences avec des entreprises soumises à leur évaluation et avec les établissements de crédits. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Lorsque ce projet de loi a été présenté au Sénat, le groupe socialiste y a décelé deux oubliés significatifs : les analystes financiers et les agences de notation, ce qui nous a amenés, après réflexion, à présenter deux amendements.

L'un - je l'ai défendu tout à l'heure - concerne les analystes financiers. Regrettant que le Sénat ne soit pas allé aussi loin que nous l'aurions souhaité, nous nous sommes abstenus sur l'amendement présenté par M. le rapporteur général, qui ne nous semble pas en mesure de répondre vraiment aux attentes telles que nous les ressentons.

En ce qui concerne les agences de notation, les choses paraissaient en revanche plus simples. L'amendement n° 16 rectifié de M. Marini nous satisfaisait en effet en nous amenant à considérer que l'AMF allait exercer, en France, un droit de regard sur le travail des agences de notation, travail qui est - il convient de le souligner - d'une telle opacité que personne ne le comprend vraiment.

Y a-t-il des grilles d'évaluation homogènes d'une agence à l'autre ? Les choses - on en a parfois le sentiment - semblent totalement invérifiables. Se posait alors pour nous la question de pouvoir réaliser des enquêtes afin de s'assurer du bien-fondé d'un certain nombre d'analyses et de préconisations provenant de ces agences de notation.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement. Il vise à autoriser l'AMF à procéder éventuellement à des enquêtes auprès des agences. Les différents acteurs des marchés financiers seront ainsi mieux éclairés sur la façon de travailler de ces agences qui peut parfois paraître opaque, incompréhensible, voire pis.

Chacun sait qu'il y eut tout de même beaucoup de problèmes ces dernières années. Faut-il rappeler que, juste avant le dépôt de bilan de la société Enron, les trois grandes agences de notation considéraient que l'entreprise avait moins de 4 % de risques de faire faillite ? Cet exemple, révélateur d'une incontestable carence en la matière, justifie le besoin, pour les autorités de régulation, de clarifier les choses.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est pas favorable à l'amendement n° 192 pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il n'est pas possible de demander à l'AMF de porter une appréciation sur les préconisations des agences de notation ni de refaire leur travail.

Au demeurant, si elle devait s'y essayer et si elle publiait un communiqué indiquant que la dette de telle société ne saurait être notée AAA, on pourrait s'interroger sur la responsabilité prise vis-à-vis des souscripteurs du papier.

L'AMF engagerait-elle la responsabilité de l'Etat français en substituant son appréciation à celle qui était portée par une agence de notation ? En termes de responsabilité, une telle démarche serait pour le moins hasardeuse et elle risquerait d'entraîner des contentieux internationaux, voire de se traduire par des demandes de dommages et intérêts, lesquels seraient, un jour, réclamés à notre malheureux ministre du budget.

De plus, comme cela a déjà été dit, il n'est pas raisonnable de penser que l'AMF puisse à elle seule maîtriser l'ensemble du sujet. Il faudra bien que, par rapprochements successifs, les gouvernements des Etats et les régulateurs mettent au point une méthode, voire délèguent un jour à un organisme international pour exercer en leur nom une compétence. Si l'on ne veut pas que cette dernière soit de facto exercée par la commission des opérations de Bourse américaine, la SEC, peut-être faudra-t-il se décider à définir dans quel cadre un organisme intergouvernemental, multinational, pourrait être chargé de ce rôle de régulation ; mais nous n'en sommes assurément pas là.

Enfin, je rappelle que le droit boursier général confère à l'AMF un pouvoir de supervision et de sanction sur tous les acteurs du marché. Toute manoeuvre, quelle qu'en soit l'origine, qui se traduirait par des manquements, par une information dont il serait avéré qu'elle est volontairement faussée, conduirait à la mise en oeuvre de procédures répressives sur le plan tant administratif que, éventuellement, pénal.

Tout cela ayant été rappelé et compte tenu des solutions qui ont été esquissées voilà un instant dans notre dialogue avec M. le ministre, j'estime, mes chers collègues, qu'il faut rejeter l'amendement n° 192.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Francis Mer, ministre. Il est défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. M. le rapporteur général vient de préciser que deux éléments justifiaient le rejet de cet amendement.

Le second est quelque peu contradictoire avec l'argumentation qu'il a développée en présentant l'amendement n° 16 rectifié qui tendait à faire figurer les agences de notation parmi les organismes dont l'AMF veille au respect des obligations professionnelles.

Veiller au respect des obligations professionnelles implique, bien entendu, d'avoir le droit d'enquête auprès de ces institutions. Je ne vois pas en quoi le droit d'enquête qui serait donné à l'AMF pourrait être en contradiction avec ce qui était suggéré précédemment.

Quant au premier élément invoqué, il me paraît plus recevable dès l'instant où il met en avant des difficultés tout à fait fondées, semble-t-il.

Pour autant, je précise que le travail et l'analyse qui peuvent être divulgués par les agences de notation ont un effet considérable dans la sphère financière : en dégradant, par exemple, subitement et fortement la note appréciant la solvabilité d'une entreprise, on produit parfois de véritables séismes sur les marchés financiers. De même, la relégation des titres d'une société au rang d'obligations pourries a l'effet d'une bombe dans les directions financières, car cela signifie à la fois un renchérissement du coût du crédit et une chute des cours obérant les projets d'augmentation de capital.

Il s'agit donc de quelque chose de très significatif, de très grave pour le fonctionnement et la vie des entreprises, comme le montrent aujourd'hui les évolutions erratiques des cours sur le marché boursier. Dans ces conditions, il apparaît que l'on a surtout besoin d'un arbitre. Refuser ce rôle à l'AMF revient à dire que le match se déroule sans arbitre.

C'est la raison pour laquelle il nous semble opportun de préserver cette capacité d'arbitrage d'une institution quelconque sur notre territoire. Il ne s'agit pas de dissuader les agences de venir s'installer chez nous. L'argument n'est pas suffisamment fort car il faut surtout rassurer les épargnants, les acteurs financiers. Sans cet arbitre, nous n'y parviendrons pas. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

M. le président. Nous en revenons aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 8 ou après l'article 33.