COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

SIMPLIFICATION DU DROIT

Suite de la discussion et adoption

d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 262, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Rapport n° 266 (2002-2003) ; avis n°s 267, 268 et 269 (2002-2003).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13.

Art. additionnel après l'art. 12 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 14

Article 13

M. le président. « Art. 13. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et afin de faciliter l'accomplissement des formalités requises des candidats et d'alléger les modalités d'organisation des élections, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale pour :

« 1° Simplifier les démarches que doivent accomplir les partis et groupements politiques pour participer à la campagne radiotélévisée des élections législatives ;

« 2° Harmoniser la procédure de dépôt des candidatures aux élections régies par le code électoral ;

« 3° Harmoniser les calendriers des formalités électorales pour les élections régies par le code électoral ;

« 4° Unifier la procédure de rattachement des candidats aux élections législatives à un parti politique avec la procédure prévue par la législation sur le financement public des partis politiques ;

« 5° Abroger les dispositions exigeant le versement par les candidats d'un cautionnement ;

« 6° Aménager les modalités de contrôle des comptes de campagne ;

« 7° Modifier les modalités de convocation des électeurs pour les élections municipales et pour les élections législatives ;

« 8° Aligner le régime de démission d'office des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des conseillers de Corse sur celui des conseillers municipaux. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 94 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 103 est présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 94.

Mme Josiane Mathon. Nous proposons la suppression de cet article dans la suite logique de notre attitude à l'égard du principe même des ordonnances.

Nous l'avons dit et redit dans cet hémicycle : il n'est pas acceptable de se dessaisir ainsi d'un droit essentiel, celui de légiférer, mais notre sentiment s'est trouvé renforcé par la lecture de cet article, qui renvoie aux ordonnances s'agissant des modalités d'organisation des élections.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 103.

M. Bernard Frimat. L'article 13 vise à simplifier un certain nombre de formalités concernant les modalités d'élections.

Bien évidemment, dans la mesure où il s'agit d'un toilettage portant sur des points secondaires, rien ne peut justifier une opposition de notre part. Toutefois, il est un point qui nous semble sujet à caution.

En effet, d'après le rapport de l'Assemblée nationale, il semblerait que puisse être ouverte à un candidat aux élections par le biais des ordonnances la faculté de recevoir des participations pour le financement de sa campagne après que le scrutin s'est déroulé. Il s'agirait en quelque sorte d'une prime au vainqueur. Cela ne nous semble pas souhaitable.

Le problème du financement des campagnes électorales a empoisonné notre vie politique. Grâce à des initiatives émanant de part et d'autre ont été trouvés les moyens de moraliser le financement des campagnes. C'est une bonne chose pour la démocratie. Or je ne pense pas que ce soit aller dans dans le sens de la clarté et de la transparence que de permettre le versement de dons après la clôture du scrutin.

Pourriez-vous préciser la position du Gouvernement sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat ? C'est en effet l'incertitude dans laquelle nous nous trouvons à cet égard qui nous conduit à demander la suppression de l'article 13, même si nous sommes bien conscients que, ce faisant, nous risquons d'empêcher la réalisation d'un certain nombre de mesures intéressantes.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont présentés par M. Charasse.

L'amendement n° 119 est ainsi libellé :

« Dans le cinquième alinéa (4°) de cet article, remplacer le mot : "avec" par le mot : "et" ».

L'amendement n° 120 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) de cet article :

« 5° Abroger les dispositions exigeant le versement d'un cautionnement par certains candidats ; ».

L'amendement n° 121 est ainsi libellé :

« Compléter le septième alinéa (6°) de cet article par les dispositions suivantes : "et modifier les règles de financement des partis et des campagnes exclusivement pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat" ; ».

L'amendement n° 122 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le dernier alinéa (8°) de cet article :

« 8° Aligner le régime de démission d'office de tous les élus des assemblées régionales, départementales, de Corse et d'outre-mer sur celui des conseillers municipaux ; ».

Ces amendements ne sont pas soutenus.

Les deux derniers amendements sont présentés par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Guerry, Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand, de Villepin et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire.

L'amendement n° 134 est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Insérer dans la partie législative du code électoral les dispositions électorales du titre II de l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 complétant l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs et les articles 1er et 2 à 9 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger. »

L'amendement n° 135 est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Augmenter le nombre de communes dans lesquelles les Français établis hors de France ne remplissant pas les conditions prévues au 2° de l'article L. 11 et aux articles L. 12 et L. 14 du code électoral peuvent s'inscrire, de façon à ce que tout Français établi hors de France puisse exercer ses droits de citoyen, en prenant comme critère les autres liens de parenté ou d'alliance et, à défaut, la commune ou l'arrondissement où siège le tribunal d'instance compétent pour leur délivrer un certificat de nationalité. »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Dans la mesure où les ordonnances visent à simplifier le droit, l'amendement n° 134 a pour objet de permettre de rationaliser les dispositions législatives concernant l'élection des représentants d'une partie des citoyens français, à savoir les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger et les sénateurs des Français établis hors de France, en rassemblant ces dispositions dans la partie législative du code électoral.

Cela paraît tellement évident qu'il n'était peut-être pas nécessaire de le préciser explicitement. En tout cas, nous souhaitons qu'il en soit ainsi.

L'amendement n° 135, quant à lui, vise à favoriser l'inscription des Français de l'étranger dans des communes quand ils ne remplissent pas les conditions fixées par la loi en vigueur.

Toutefois, le Sénat ayant adopté hier l'amendement n° 141, qui contient cette proposition, mon amendement n'a plus de raison d'être ; par conséquent, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 135 est retiré.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois est bien évidemment défavorable aux amendements de suppression n°s 94 et 103, qui sont contraires à sa philosophie.

Quant à l'amendement n° 134, il a suscité en commission l'émission de deux opinions apparemment peu conciliables. Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Sur les amendements n°s 94 et 103, le Gouvernement émet le même avis que la commission.

S'agissant de l'amendement n° 134, monsieur Cointat, le Gouvernement adhère tout à fait à l'objectif de rassembler dans un même code l'ensemble des textes concernant le vote des Français de l'étranger. Mais, comme cela a été souligné dans la discussion générale, le Gouvernement a demandé au Parlement de lui donner les moyens de mener à bien un programme de codification très important et très ambitieux, dans un délai très court. Si nous allions au-delà de ce qui est prévu, nous prendrions un risque.

Par ailleurs, la question que vous évoquez trouvera tout naturellement sa place dans le prochain train de mesures de simplification qui devrait être soumis au Parlement à l'automne prochain. Nous avons pris bonne note de son caractère prioritaire.

Au stade actuel, je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 134 est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Rien ne doit être trop ambitieux pour le Gouvernement. Il doit aller jusqu'au bout de sa démarche en vue de simplifier le droit. Toutefois, je reconnais qu'il faut procéder progressivement. Aussi, dès lors que le Gouvernement prend l'engagement de procéder prochainement à la simplification que je propose, je suis prêt à m'incliner dans la mesure où il n'y a pas urgence. (Murmures sur les travées socialistes.)

Nos amis du groupe socialiste souhaitent peut-être reprendre cet amendement, ce qui me permettra de le voter ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 134 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 94 et 103.

M. Bernard Frimat. Je dirai d'abord à M. Christian Cointat que nous ne faisons pas de la prestation de services ! (Sourires.) Quand nous reprenons un amendement, c'est parce qu'il correspond à notre vision des choses. Si M. Cointat souhaite que le Sénat vote ses amendements, il n'y a qu'une solution : qu'il les maintienne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai cru vous avoir demandé quelle était la position du Gouvernement sur le fait que le financement des campagnes électorales puisse intervenir a posteriori, une fois le nom du vainqueur de l'élection connu.

Soit j'ai été distrait, soit votre réponse a été excessivement courte, mais je n'ai pas le sentiment que vous m'ayez complètement répondu sur ce point. (Sourires.)

Je me permets donc de solliciter de nouveau votre avis sur ce point, à moins que l'on puisse considérer votre silence comme une approbation de la possibilité donnée à quiconque de placer son argent de manière intéressante sur le vainqueur. Au lieu de « malheur au vaincu ! », ce serait en l'occurrence : « l'argent au vainqueur ! ». Quoi qu'il en soit, si c'est cette démarche qui vous sert de modèle en matière de transparence de la vie politique, nous en prendrons acte !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas laisser M. Frimat sur sa faim. En tout cas, monsieur le sénateur, si le slogan « mort au vaincu ! » est peut-être une vérité politique, ce n'est certainement pas lui qui inspire ce très modeste ajustement technique auquel vous faites allusion.

Il s'agit simplement de permettre aux candidats de recevoir des dons après le scrutin non pas pour affaiblir la législation mais, bien au contraire, pour prendre en compte la réalité des situations et éviter d'inciter les candidats à utiliser des artifices de procédure.

Je rappelle en effet au Sénat que, si les dons des personnes physiques, qui sont plafonnés à 4 600 euros, ne doivent, selon les textes, être recueillis que jusqu'à la date du scrutin, la jurisprudence a interprété de manière libérale ces dispositions en autorisant des versements postérieurs à l'élection, à la condition que ces versements aient fait l'objet d'engagements souscrits antérieurement à l'élection, aux termes d'une décision bien connue du Conseil constitutionnel du 31 juillet 1991, qui concernait une élection dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Dans la pratique, cet assouplissement est apparu comme une source de difficultés pour les candidats et pour la commission des comptes dans l'interprétation de la jurisprudence, et donc du droit positif, la plupart des dons postérieurs au scrutin faisant l'objet de production de promesses de dons dont la commission n'est pas en mesure de vérifier l'exactitude.

En outre, les partis politiques peuvent effectuer un apport aux candidats jusqu'à la date de dépôt de leurs comptes. Dès lors, rien n'empêche une personne physique de faire un don au parti en demandant à celui-ci de reverser la somme correspondante au candidat, ce qui aboutit à ce que l'interdiction théorique des dons post-scrutin puisse être facilement contournée.

Or, en matière de législation électorale - il me semble que, sur ce point, nous pouvons tous être d'accord -, il est essentiel que le texte soit clair et ne puisse pas donner lieu à des interprétations contestables.

La disposition que vous incriminez répond donc à un souci de clarification technique du droit positif.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. J'ai écouté avec attention M. le secrétaire d'Etat qui, à travers sa déclaration, qui figurera au Journal officiel, donne, soit dit entre parenthèses, une interprétation très restrictive de la portée de la délégation qui nous est demandée.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel étant très claire sur ce point, le Gouvernement ne pourra pas, par ordonnance, aller au-delà de ce que vient d'indiquer le secrétaire d'Etat, c'est-à-dire que la date d'encaissement du don n'est pas le point le plus important dès lors qu'il y a eu un engagement avant l'élection.

Je voudrais, pour ma part, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur un point : puisque vous demandez une délégation en matière électorale, je pense qu'il serait tout à fait opportun, éventuellement après avoir pris, même si la procédure ne le prévoit pas, l'avis officieux des commissions des lois des deux assemblées, que le Gouvernement engage une harmonisation des jurisprudences respectives de la commission des comptes, du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat sur la question des légers dépassements, soit les dépassements de 1 000 ou 2 000 francs. Ces dépassements donnent effectivement lieu à des interprétations extrêmement variables selon que l'on se trouve devant la commission des comptes, qui applique très strictement la règle, ou le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel, qui font preuve d'un peu plus de souplesse.

Le Gouvernement pourrait parfaitement, dans le cadre de cette habilitation, arrêter un dispositif qui harmoniserait les jurisprudences de façon à ce qu'il n'y ait pas trente-six manières d'interpréter les textes.

Je voulais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, appeler votre attention sur ces deux points : d'une part, relever la clarté de votre déclaration quant à la portée de l'habilitation que vous sollicitez, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et, d'autre part, vous suggérer de mettre un peu d'ordre dans la jurisprudence relative aux dépassements légers.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 94 et 103.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 15

Article 14

M. le président. « Art. 14. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures pour :

« 1° Simplifier et harmoniser les modalités d'organisation et de contrôle, ainsi que la procédure contentieuse, applicables aux élections aux chambres de commerce et d'industrie, aux tribunaux de commerce et aux tribunaux paritaires des baux ruraux, aux élections prud'homales et aux élections à la mutualité sociale agricole ;

« 2° Alléger les formalités nécessaires à l'établissement des fichiers électoraux et à la mise en oeuvre du vote électronique, pour les élections aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres de métiers et aux chambres d'agriculture et pour les élections prud'homales ;

« 3° Adapter le mode de scrutin et la durée des mandats afin d'alléger les opérations électorales pour la désignation des membres des chambres de commerce et d'industrie et des juges des tribunaux de commerce et des tribunaux paritaires des baux ruraux ;

« 4° Modifier la composition du corps électoral pour les élections aux chambres de commerce et d'industrie et aux tribunaux de commerce, ainsi que les conditions d'éligibilité ;

« 5° Simplifier la composition des chambres de commerce et d'industrie et du corps électoral des tribunaux de commerce.

« En outre, il est autorisé, dans les mêmes conditions :

« a) A proroger, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2004, le mandat des membres des chambres de commerce et d'industrie et des tribunaux de commerce ;

« b) A proroger, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2008, le mandat des conseillers prud'hommes. »

La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.

M. Gérard Cornu. Plusieurs dispositions de l'article 14 concernent les élections aux CCI, les chambres de commerce et d'industrie, thème que j'avais eu l'occasion d'aborder dans mon avis sur le projet de loi de finances pour 2003.

Il s'agissait de modifier, comme le réclamaient depuis longtemps les dirigeants des CCI, le mode de scrutin applicable à de ces dernières pour renforcer la légitimité des élus consulaires et asseoir leur responsabilité dans les projets de développement des territoires.

Aussi, vous le comprendrez, je me félicite tout particulièrement du contenu de cet article 14, qui va notamment permettre au Gouvernement d'entreprendre rapidement, par la voie des ordonnances, plusieurs réformes attendues : la simplification et l'harmonisation des modalités d'organisation et de contrôle ainsi que la procédure contentieuse applicables aux élections aux CCI ; l'allégement des formalités nécessaires à l'établissement des fichiers électoraux et la mise en oeuvre du vote électronique ; l'adaptation du mode de scrutin, afin de permettre le vote par correspondance ; l'adaptation de la durée des mandats des membres des CCI, qui pourrait être ainsi fixée à cinq ans dans le cadre d'un renouvellement intégral permettant la mise en place d'équipes cohérentes unies par un même programme ; la modification de la composition du corps électoral et des conditions d'éligibilité, en vue de les simplifier, mais aussi d'élargir le vivier des électeurs et, surtout, des professionnels susceptibles d'être candidats à des responsabilités.

Afin de permettre la mise en oeuvre de ces réformes, l'article 14 autorise enfin la prorogation du mandat des membres des CCI jusqu'au 31 décembre 2004 au plus tard. Cette mesure est de pure logique puisque, en son absence, il serait obligatoire d'organiser les prochaines élections au mois de novembre 2003 dans le cadre des procédures actuelles, qui sont précisément jugées obsolètes, lourdes, coûteuses et peu efficaces.

Je me réjouis donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces remarquables avancées. Je pense toutefois qu'on ne doit pas s'arrêter en si bon chemin.

Dans mon avis budgétaire pour 2003, j'indiquais qu'au-delà de la réforme électorale des CCI il convenait de redéfinir les missions et les périmètres territoriaux d'intervention des chambres consulaires ainsi que les modalités de leur financement. Je précise que ma réflexion concernait tout autant les chambres de commerce et d'industrie que les chambres de métiers, confrontées aux mêmes problèmes, en particulier en matière de financement.

Ce n'est ni le lieu ni le moment de détailler la liste des mesures qu'il serait nécessaire de mettre en oeuvre. Disons seulement qu'il conviendrait de donner aux CCI et aux chambres des métiers les moyens de leur efficacité, c'est-à-dire un mode de gestion comparable à celui dont bénéficient les collectivités territoriales, lequel a fait ses preuves ; d'alléger et de moderniser le système de la tutelle en s'engageant dans la voie d'un contrôle de légalité déconcentré ; enfin, d'améliorer l'efficacité des chambres consulaires par des rapprochements volontaires entre elles.

Je rappelle, sur ce dernier point, que les différences de pression fiscale entre les CCI ou entre les chambres de métiers sont telles qu'il est très difficile, malgré les améliorations apportées notamment par la loi de finances pour 2003, d'opérer des regroupements de CCI ou de chambres des métiers pour rationaliser la carte consulaire.

De même, la coopération interconsulaire demeure toujours freinée par l'assujettissement à la TVA des actions que les chambres mènent en commun, assujetissement qui n'est pas appliqué lorsqu'elles agissent seules.

Des réformes en ces domaines sont donc indispensables, et je vous en sais convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat. Mon interrogation porte sur le moment et sur la manière que choisira le Gouvernement pour y procéder.

Pour être plus précis, est-il envisagé de mettre en oeuvre les moyens législatifs nécessaires par la voie des ordonnances qui seraient autorisées par le second projet de loi d'habilitation annoncé pour la fin de l'année ?

M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 95, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 15, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) de cet article :

« 2° Alléger les formalités nécessaires à l'établissement des fichiers électoraux et permettre, dans le respect des règles de protection de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la mise en oeuvre du vote électronique, pour les élections aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres de métiers, aux chambres d'agriculture, aux tribunaux paritaires des baux ruraux et pour les élections prud'homales ; »

L'amendement n° 16, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, après les mots : "chambres de commerce et d'industrie", insérer les mots : ", des délégués consulaires". »

L'amendement n° 123, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Après le quatrième alinéa (3°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Interdire à des non-électeurs des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers, à l'exception du maire, président de droit, de siéger dans les bureaux de vote constitués en vue des élections à ces organismes ; »

L'amendement n° 17, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« A la fin du sixième alinéa (5°) de cet article, supprimer les mots : "et du corps électoral des tribunaux de commerce". »

L'amendement n° 18, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le début de l'antépénultième alinéa de cet article :

« Il est autorisé... »

L'amendement n° 19, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (a) de cet article, après le mot : "mandat", insérer les mots : "des délégués consulaires,". »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 95.

Mme Josiane Mathon. Je tiens essentiellement à préciser à M. le rapporteur que notre attitude n'est pas une opposition de principe.

M. Gérard Braun. Non, mais c'est une opposition systématique !

Mme Josiane Mathon. C'est plutôt au principe des ordonnances que nous nous opposons. Tel est le sens de nos amendements de suppression.

M. Gérard Cornu. Qui sont systématiques !

Mme Josiane Mathon. Absolument pas ! Encore une fois, c'est au recours aux ordonnances que nous sommes opposés !

M. Roland Muzeau. C'est d'ailleurs la position que vous défendiez, avant !

M. Guy Fischer. Nous, nous ne changeons pas d'avis !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 15 et 16.

M. Bernard Saugey, rapporteur. L'amendement n° 15 tend à améliorer la rédaction du troisième alinéa, à étendre l'habilitation du Gouvernement visant à permettre, par voie d'ordonnance, un allégement des formalités nécessaires à l'établissement des fichiers électoraux et à la mise en oeuvre du vote électronique aux élections aux tribunaux paritaires des baux ruraux - même si, personnellement, je ne suis pas sûr que beaucoup d'agriculteurs voteront via Internet - et, enfin, à garantir le respect des règles posées par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

La protection de la liberté individuelle et de la vie privée consiste, notamment, à garantir le respect du principe affirmé à l'article 3 de la Constitution, selon lequel le vote est secret.

M. le président. Ne sous-estimons pas, monsieur le rapporteur, l'aptitude des agriculteurs à accéder aux technologies nouvelles !

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Bien sûr, monsieur le président !

L'amendement n° 16 tend à faire entrer les élections des délégués consulaires dans le champ de l'habilitation prévue au 3° de l'article 14.

Les élections des délégués consulaires ayant lieu en même temps et dans le même lieu que celles des membres des chambres de commerce et d'industrie, l'habilitation doit être étendue afin de permettre une réflexion d'ensemble sur ces deux élections et d'offrir au Gouvernement la possibilité de modifier parallèlement leurs procédures.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 123.

M. Michel Charasse. Je suis un peu étonné - et je suis sûr que mon groupe l'est aussi - de l'importance de la liste des matières concernées par l'article 14, matières dont beaucoup me paraissent être d'ordre réglementaire. Or légiférer par ordonnances sur des dispositions d'ordre réglementaire n'est guère conforme à l'article 38 de la Constitution, c'est le moins que l'on puisse dire.

Quoi qu'il en soit, je profite de cette discussion pour appeler l'attention de la Haute Assemblée sur un point. Actuellement, les élections aux chambres de commerce, aux chambres d'agriculture, chambres de métiers sont organisées dans les mairies. La réglementation prévoit que le maire préside le bureau de vote et que les membres du bureau de vote autres que le maire doivent être des électeurs de la chambre de commerce, de la chambre d'agriculture ou de la chambre de métiers. Or on n'en trouve jamais !

Alors que les professions tout à fait honorables dont il s'agit bénéficient de l'énorme privilège qui consiste à pouvoir désigner une institution qui les représente et qui, de surcroît, a le droit de voter l'impôt, voilà des électeurs qui se désintéressent complètement des élections les concernant !

Dès lors, que se passe-t-il ? On est obligé de mobiliser pendant toute une journée - et je n'oublie pas que je m'exprime en cet instant devant le président de l'Association des maires de France - les conseillers municipaux pour voir défiler les quelques personnes qui viennent voter - car ces électeurs ne sont pas toujours très nombreux - et qui s'enfuient très vite en refusant d'assumer les responsabilités que la loi leur reconnaît, à eux et à eux seuls.

Dans ma commune, c'est bien simple, quand je n'arrive pas à constituer le bureau de vote, je ne l'ouvre pas. Je refuse de mobiliser mon conseil municipal lorsque ses membres ne sont pas inscrits sur les listes électorales des chambres consulaires, ce qui est en général le cas.

C'est une question de civisme, et il ne faut pas s'étonner qu'il y ait une abstention forte quand on se trouve face à ce type de situation !

Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement de préciser par ordonnance qu'en dehors du maire, qui préside le bureau de vote parce qu'il est le représentant de l'Etat dans sa commune, les bureaux de vote ne peuvent être tenus que par des électeurs inscrits sur la liste électorale des chambres d'agriculture, des chambres de métiers ou des chambres de commerce et d'industrie. Il n'est pas acceptable que des conseillers municipaux soient ainsi mobilisés pour une affaire qui ne les concerne pas, qui voient passer devant eux des gens totalement indifférents, pas même reconnaissants du temps que les membres de l'assemblée municipale consacrent à ces élections.

L'adoption d'une telle mesure ferait réfléchir ces organismes, qui veilleraient désormais à ce que les diverses listes de candidats fassent le nécessaire pour désigner des assesseurs, ainsi qu'un secrétaire pour le bureau de vote puisqu'il faut aussi mobiliser un fonctionnaire territorial de la commune toute la journée alors que, normalement, le secrétariat doit être tenu par un électeur. Dans mon département, en particulier, les maires en ont vraiment assez !

Je n'ai évoqué que les élections aux chambres consulaires, mais j'aurais pu viser aussi les élections à la mutualité agricole, les élections prud'homales, etc., où se produit exactement le même phénomène. Certes, s'agissant des prud'hommes, les syndicats veillent généralement à ce que des assesseurs les représentent, mais le collège patronal est très mal représenté. Et, en ce qui concerne la mutualité agricole, on n'a personne ! Maintenant, ça suffit !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 17, 18 et 19 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 95 et 123.

M. Bernard Saugey, rapporteur. L'amendement n° 17 vise à supprimer une partie de l'habilitation prévue au sixième alinéa. En effet, la modification de la composition du corps électoral des tribunaux de commerce est déjà prévue au cinquième alinéa de cet article.

L'amendement n° 18 vise également à harmoniser la rédaction de l'article.

L'amendement n° 19 tend à proroger le mandat des délégués consulaires au plus tard jusqu'au 31 décembre 2004, afin de prévoir un régime transitoire avant l'application des nouvelles dispositions prises par ordonnances.

S'agissant de l'amendement n° 95, il ne me paraît pas utile d'épiloguer sur la position du groupe communiste républicain et citoyen : avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 123, nous sommes d'accord avec notre collègue Michel Charasse. D'ailleurs, la Haute Assemblée étant élue notamment par des élus municipaux, elle ne peut qu'abonder dans son sens. Cependant, je crois savoir que le Gouvernement veut aller encore plus loin et faire en sorte que les élections professionnelles soient organisées dans les locaux professionnels. (M. Michel Charasse manifeste sa satisfaction.)

M. Gérard Cornu. Ce serait bien mieux !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Dans ces conditions, la commission des lois s'en remet à la sagesse du Sénat et entendra avec intérêt l'avis de M. le secrétaire d'Etat.

En tout cas, reconnaissons qu'il n'est guère satisfaisant, pour les maires et les conseillers municipaux sollicités, de devoir tenir une permanence entre huit heures et dix-huit heures et de ne voir se présenter que deux ou trois électeurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 123, je crois que les élus municipaux, surtout ceux des petites communes, déplorent effectivement de devoir organiser des opérations de vote se déroulant sur toute une journée et de constater un très large désintérêt des électeurs concernés, qui ternit gravement l'image de la démocratie.

Nous adhérons donc pleinement à l'esprit de cet amendement mais, comme l'a précisé M. le rapporteur, nous envisageons d'aller plus loin. Une des hypothèses qu'étudie le ministère de l'intérieur est en effet tout simplement de décharger les mairies de l'organisation de ces votes.

Je voudrais également répondre à l'excellente intervention de M. Cornu, tout d'abord pour souligner la richesse de son rapport et réaffirmer que ses travaux ont beaucoup guidé le Gouvernement dans l'élaboration de cette réforme de nature à moderniser les chambres de commerce et d'industrie.

Vous le savez, monsieur Cornu, mon collègue Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, va lancer très prochainement une concertation avec les chambres de commerce et d'industrie, l'objectif étant précisément de préparer la réforme que vous appelez de vos voeux, d'aboutir à une meilleure définition de leurs missions, à une clarification des modes de financement, à une refonte progressive du réseau - ce que vous avez appelé la « carte consulaire » - et à un assouplissement de la tutelle.

Par quelle voie le Gouvernement envisage-t-il de procéder ? Cette réforme sera-t-elle inscrite dans la deuxième vague d'ordonnances ou fera-t-elle l'objet d'une loi spécifique ? C'est une question qui n'est pas encore tranchée.

Enfin, je voudrais préciser, au nom du garde des sceaux, que l'article que nous vous demandons de voter présente un caractère technique qui ne préjuge pas, bien entendu, les choix qui seront issus de la négociation que la Chancellerie mène avec les tribunaux de commerce. Bien sûr, dans une matière aussi sensible, pour ce qui est des choix politiques, il ne sera pas procédé par voie d'ordonnances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 123.

M. Michel Charasse. J'ai bien écouté les explications que viennent de donner le rapporteur et le secrétaire d'Etat.

Si l'on veut aller plus loin et décharger les maires de ce travail, moi, je ne peux qu'être satisfait. Faut-il en déduire que le 3° de l'article 14 - « adapter le mode de scrutin et la durée des mandats afin d'alléger les opérations électorales » - recouvre cette perspective ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. La réponse est clairement oui !

M. Michel Charasse. Alors, je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° 123 est retiré, sous le bénéfice de cette perspective d'une évolution positive. (Sourires.)

M. Michel Charasse. C'est une demande récurrente de l'Association des maires de France !

M. le président. Monsieur le trésorier de l'Association des maires de France, comment pourrais-je vous contredire ? (Nouveaux sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)