TITRE Ier

DE L'AUTONOMIE

 
Dossier législatif : projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française
Art. 2

Article 1er

La Polynésie française comprend les archipels des îles du Vent, des îles Sous-le-Vent, des îles Tuamotu, des îles Gambier, des îles Marquises et des îles Australes, ainsi que les espaces maritimes adjacents.

Pays d'outre-mer au sein de la République, la Polynésie française constitue une collectivité d'outre-mer dontl'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution.

La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement, par ses représentants élus et par la voie du référendum.

La République garantit l'autonomie de la Polynésie française ; elle favorise l'évolution de cette autonomie, de manière à conduire durablement la Polynésie française au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres et de l'identité de sa population.

La Polynésie française détermine librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques officielles aux côtés de l'emblème national et des signes de la République. Elle peut créer un ordre spécifique reconnaissant les mérites de ses habitants et de ses hôtes.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "comprend les", rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article : "îles du Vent, les îles Sous-le-Vent, les îles Tuamotu, les îles Gambier, les îles Marquises et les îles Australes, ainsi que les espaces maritimes adjacents". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de simplification rédactionnelle.

La mention « archipels » paraît incompatible avec la distinction, dans l'énumération qui suit, entre les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent, qui forment un même archipel : l'archipel de la Société. La mention « archipels » est donc contraire à la dénomination géographique précitée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

« La Polynésie française est, au sein de la République, une collectivité d'outre-mer dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution. »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. En qualifiant la Polynésie française de « pays d'outre-mer », cet article crée une nouvelle catégorie de « collectivités d'outre-mer » qui n'est pas prévue par la Constitution.

L'article 72 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, notamment son premier alinéa, qui énumère les collectivités territoriales de la République, a fait l'objet d'un débat très approfondi. Or les « pays d'outre-mer » n'y figurent pas.

L'article 74 de la Constitution a consacré une nouvelle catégorie juridique de collectivités territoriales : les « collectivités d'outre-mer », qui se substitue à celle de « territoires d'outre-mer ». La Polynésie française est donc, à ce titre, rattachée à cette nouvelle catégorie de collectivités territoriales.

En revanche, la dénomination de « pays d'outre-mer » figurait bien dans le projet de révision constitutionnelle de 1999, qui insérait un nouveau titre dans la Constitution relatif à la Polynésie française et qui a été voté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Pour les raisons que l'on sait, le Président de la République n'a pas soumis ce texte au vote du Congrès.

Cette nouvelle appellation est contraire à la volonté du constituant, qui a retenu l'expression générique de « collectivité d'outre-mer ».

Une telle singularité n'est justifiée ni dans l'exposé des motifs des deux présents projets de loi présentés par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, et soutenus par Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, ni par le rapporteur, qui a dû travailler dans les conditions déplorables que nous avons dénoncées lors de la discussion générale.

Cette nouvelle notion, outre qu'elle n'est pas constitutionnelle, introduit le trouble et la confusion, et amène à s'interroger sur les raisons véritables qui motivent cette volonté d'originalité. A quelle demande, à quels besoins objectifs d'efficacité, d'amélioration est-elle censée répondre ? L'exposé des motifs ou, plus exactement, le descriptif qui accompagne le texte du présent projet de loi organique se contente d'indiquer à ce sujet : « La Polynésie française est un pays d'outre-mer de la République. »

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter la suppression de cette nouvelle qualification de « pays d'outre-mer », qui n'a visiblement aucune motivation réelle, et d'en rester aux termes constitutionnels de « collectivité d'outre-mer ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En effet, la dénomination « pays d'outre-mer » ne paraît pas du tout incompatible avec l'article 74 de la Constitution et, surtout, elle a été consacrée par le droit communautaire qui, pour l'application du traité de Rome, définit le régime communautaire applicable « aux pays et territoires d'outre-mer ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, et ce pour d'autres raisons encore que celles qui sont invoquées par la commission.

La notion de « pays d'outre-mer », vous avez tout à fait raison, monsieur Sutour, ne correspond pas à une nouvelle catégorie de collectivités territoriales. Il s'agit simplement d'une dénomination propre à la Polynésie française. Je vous rappelle que c'est le même cas de figure pour Mayotte, qui est aussi une collectivité de l'article 74 de la Constitution et qui est dénommée « collectivité départementale ». C'est aussi le cas des îles Wallis et Futuna, qui sont des collectivités au sens de l'article 74 de la Constitution, et qui sont dénommées « territoires » par leur loi statutaire.

Il n'y a donc absolument aucune incohérence à dénommer la Polynésie française « pays d'outre-mer ». Je vous rappelle, d'ailleurs, que, dans son avis rendu sur le projet de révision constitutionnelle de 1999, le Conseil d'Etat avait relevé que l'appellation de « pays d'outre-mer de la République » pouvait être tout à fait prévue par la loi organique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne sommes pas convaincus par les explications de Mme la ministre.

Madame la ministre, il y a une grande ambiguïté dans le fait de dire que les catégories de collectivités inscrites dans la Constitution peuvent recevoir des dénominations différentes de celles qui figurent dans le corps de la Constitution.

Vous avez cité des exemples et vous vous êtes référée au Conseil d'Etat. Cette dernière référence au Conseil d'Etat m'incite à faire état d'une information que j'ai reçue, en vertu de laquelle le Conseil d'Etat, consulté par le Gouvernement, conformément à l'usage et, surtout, à la loi, dans son avis sur le présent projet de loi, rendu en octobre 2003, a considéré que cette appellation posait problème. Je le cite : « Le projet du Gouvernement qualifie la Polynésie française de "pays d'outre-mer" et prévoit que certaines délibérations de son assemblée, prises dans le cadre du huitième alinéa de l'article 74, seront dénommées "loi de pays". » Le Conseil d'Etat relève que le projet du Gouvernement crée ainsi une catégorie nouvelle de collectivités d'outre-mer, les pays d'outre-mer, qui n'est pas prévue par la Constitution, notamment en son article 74, et dont les caractéristiques ne sont pas définies.

Madame la ministre, comment pouvez-vous tout à la fois vous référer à une position du Conseil d'Etat d'il y a quelques années et méconnaître la position du Conseil d'Etat d'il y a quelques semaines, d'autant que ce dernier avis est d'une grande clarté et ne présente aucune ambiguïté ?

Je m'interroge donc et souhaiterais, madame la ministre, connaître votre analyse de cette position récente du Conseil d'Etat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai pas obtenu de réponse, monsieur le président !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Mutisme total de la part du Gouvernement !

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa de cet article par les mots : "local, dans les conditions prévues par la présente loi organique". »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. L'article 72, alinéa 2, de la Constitution a ouvert aux collectivités territoriales la faculté d'organiser, dans des conditions déterminées par une loi organique, des référendums locaux décisionnels sur les projets de délibérations ou d'actes relevant de leurs compétences.

C'est donc au titre des collectivités d'outre-mer que la Polynésie française peut organiser des référendums sur les projets de délibérations ou d'actes relevant de sa compétence.

L'objet de cet amendement est de préciser que la Polynésie française, collectivité d'outre-mer au sein de la République, se gouverne librement et démocratiquement, par ses représentants élus et par la voie du référendum local, dans les conditions prévues par la présente loi organique.

Cet amendement est motivé par le constat auquel on aboutit à la lecture de ce projet de loi.

En effet, d'une manière générale, la terminologie utilisée et retenue par les rédacteurs de ce texte a, par un mimétisme, d'ailleurs relevé par notre rapporteur, avec la rédaction de la Constitution, une résonance qui non seulement va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'autonomie politique et la souveraineté partagée - pour autant qu'elles répondent à une demande et aux besoins de la Polynésie française et de ses habitants - mais, plus grave encore, va dans le sens d'un renforcement excessif et injustifié des pouvoirs de l'exécutif au détriment de ceux de l'assemblée. Le fonctionnement démocratique des institutions locales risque d'en pâtir.

Par cet amendement de précision, le groupe socialiste, qui a toujours été favorable à l'évolution statutaire de la Polynésie française et à l'organisation de consultations locales, à condition qu'elles se fassent dans l'intérêt des Polynésiens et dans le respect des règles démocratiques qui fondent la République, entend simplement lever une ambiguïté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Cette précision n'est pas inutile, raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Cet amendement ne nous semble pas aussi utile : il est évident que le statut de la Polynésie française est déterminé par la présente loi organique et il va de soi que le référendum dont il est question ici est bien le référendum décisionnel local.

Cela dit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote.

M. Gaston Flosse. Nous voterons, bien sûr, contre cet amendement, car il contient des inexactitudes, sinon des mensonges. Affirmer que les pouvoirs de l'exécutif sont renforcés relève de la malhonnêteté intellectuelle. Donnez-nous des preuves ! A l'évidence, vous n'en avez pas.

Les nouvelles compétences conférées à la Polynésie française - le droit du travail, le droit commercial - ont été attribuées à l'assemblée de la Polynésie française et non à son gouvernement.

Tout ce que vous dites est faux, monsieur Sutour !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 175, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le quatrième alinéa de cet article, après les mots : "intérêts propres", insérer les mots : ", de ses spécificités géographiques". »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Cet alinéa met opportunément l'accent sur l'accompagnement de l'Etat dans la perspective du « développement durable de la Polynésie française » et sur « l'identité de la population polynésienne ».

L'objet de cet amendement est de prendre en compte les spécificités géographiques aux côtés des « intérêts propres ».

Compte tenu des difficultés économiques et des particularismes découlant de l'insularité et de la configuration géographique des archipels, la prise en compte de ces spécificités est incontournable et paraît devoir être réintégrée dans cet article. Elles conditionnent, à l'évidence, le développement économique, social et culturel de la Polynésie française.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement fait référence aux particularités d'un territoire dont il faut reconnaître qu'il est dispersé sur une étendue plus grande que celle de l'Europe, avec des îles très éloignées les unes des autres et donc soumises à des contraintes spécifiques, notamment au regard de la continuité territoriale.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement pertinent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. La référence aux spécificités géographiques nous paraissait évidente, mais, après tout, c'est une bonne chose de l'écrire et nous n'avons pas d'objection à cet amendement, monsieur Sutour.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 3

Article 2

L'Etat et la Polynésie française veillent au développement de cette collectivité. Ils apportent leur concours aux communes pour l'exercice des compétences qui leur sont dévolues.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :

« I. - A la fin de la première phrase de cet article, remplacer les mots : "cette collectivité" par les mots : "ce pays d'outre-mer".

« II. - En conséquence, procéder à la même modification dans le I de l'article 12. »

La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Cet amendement fait référence à l'article 1er du présent projet de loi, en vertu duquel la Polynésie française est un « pays d'outre-mer ». Il s'agit de respecter la logique du texte en utilisant la même terminologie dans tous ses articles.

Il ne me paraît pas cohérent d'affirmer dans un premier temps que la Polynésie française est un « pays d'outre-mer » et d'évoquer une « collectivité d'outre-mer » dans la suite du texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de substituer la désignation de « pays d'outre-mer » à celle de « collectivité d'outre-mer ».

L'article 1er du projet de loi organique, tel qu'il vient d'être adopté, définit, si on l'étudie bien, la Polynésie française à la fois comme collectivité d'outre-mer et comme pays d'outre-mer. Il semble donc possible d'utiliser les deux expressions, voire de remplacer la première par la seconde.

La commission des lois émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà donc le « pays » qui réapparaît à la place de la « collectivité ».

Comme j'ai eu l'impression de n'avoir pas été entendu, ou écouté, ou compris par Mme la ministre, je veux, à la faveur de cet amendement et pour pouvoir éclairer le vote, repréciser notre position et réitérer ma question.

Madame la ministre, le Conseil d'Etat a déclaré que le projet de loi organique créait une nouvelle catégorie de collectivités d'outre-mer : les pays d'outre-mer, qui n'est pas prévue à l'article 74 de la Constitution et dont les caractéristiques ne sont pas définies.

Vous vous êtes vous-même référée à d'autres avis du Conseil d'Etat. Quelles conclusions tirez-vous de cette appréciation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre. Comme je l'ai indiqué, l'expression « pays » est une simple dénomination et non pas une nouvelle catégorie de collectivités territoriales. Telle est l'analyse que fait le Gouvernement, en se fondant sur un avis du Conseil d'Etat qui n'est pas identique à celui que vous citez.

Nous persistons à penser que chaque collectivité qui relève du régime de l'article 74 peut avoir une dénomination qui lui est propre, et nous ne voyons pas en quoi ce serait contraire à la Constitution. D'ailleurs, Mayotte a une dénomination particulière, tout comme Wallis-et-Futuna ou les Terres australes et antarctiques.

Il n'y a donc aucune objection de nature constitutionnelle, car nous ne créons pas de nouvelle catégorie pour l'outre-mer : seules existent celles qui sont déjà définies aux articles 73 et 74. La situation est très claire, puisqu'il s'agit de deux régimes législatifs différents. Encore une fois, nous nous en tenons à la Constitution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 176, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter la seconde phrase de cet article par les mots : "dans des conditions garantissant leur libre administration et le principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre". »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. L'Etat doit veiller à la solidarité entre la Polynésie et les communes, s'assurer du respect d'une certaine égalité entre celles-ci et s'attacher à ce qu'elles puissent s'administrer librement.

A cette fin, elles doivent être dotées de moyens suffisants pour leur éviter l'obligation de mendier des concours financiers auprès du territoire pour exercer leurs compétences et d'être ainsi soumises à la tutelle de ce dernier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission pense que cet amendement n'est pas utile, le principe de la libre administration des collectivités territoriales et l'interdiction pour une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre figurant dans la Constitution, notamment à l'article 72.

Pourquoi surcharger la loi organique de cette précision alors qu'il n'y a pas de garantie plus forte que la Constitution, c'est-à-dire la loi fondamentale ?

Dans ces conditions, je demande à M. Sutour de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, je serai au regret d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qu'il juge parfaitement inutile puisqu'il a pour seul objet de rappeler des principes constitutionnels qui s'imposent naturellement au législateur organique.

Monsieur Sutour, il est dommage que vous exprimiez maintenant seulement votre préoccupation au sujet des communes, à l'occasion de la discussion d'un projet de loi qui renforce considérablement leurs compétences et leur statut. Je vous rappelle que le projet de loi qui avait été déposé en mars 1998 à ce sujet n'avait jamais été inscrit par le précédent gouvernement à l'ordre du jour des assemblées parlementaires.

M. le président. Monsieur Sutour, l'amendement n° 176 est-il maintenu ?

M. Simon Sutour. Nous souhaitions simplement que cette question soit évoquée en séance publique, et nous retirons notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

Le haut-commissaire de la République est dépositaire des pouvoirs de la République. Il a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et des engagements internationaux, de l'ordre public et du contrôle administratif.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase de cet article, après les mots : "haut-commissaire de la République", insérer les mots : ", représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de définir le rôle du haut-commissaire en s'inspirant des termes de l'article 72 de la Constitution, relatif aux missions du représentant de l'Etat dans les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

La Polynésie française est représentée au Parlement et au Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques. - (Adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

Les institutions de la Polynésie française comprennent le président, le gouvernement, l'assemblée et le conseil économique, social et culturel.

M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans cet article, supprimer les mots : "le président,". »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. L'article 5 énonce les institutions de la Polynésie française. Le gouvernement, l'assemblée et le conseil économique et social figuraient déjà dans le statut de 1996 ; y est ajouté le président.

La Polynésie française est une collectivité d'outre-mer dotée d'un statut d'autonomie, mais elle n'en reste pas moins une collectivité territoriale au sein de la République. En conséquence, seul l'exécutif local, en l'occurrence le gouvernement - auquel appartient le président -, peut être légitimement mis au rang des institutions de la Polynésie française.

Une nouvelle fois, on ne voit pas en quoi ce « recopiage » de la Constitution rend plus efficace ou améliore le fonctionnement des institutions de cette collectivité d'outre-mer. Au contraire, il ne fait que déséquilibrer les pouvoirs en faveur de l'exécutif et va vers une personnalisation du pouvoir tout à fait contraire au fonctionnement démocratique des institutions que nos compatriotes de Polynésie française sont en droit d'attendre.

Aucun élément objectif ne vient étayer cet ajout au statut de 1996. Le Gouvernement lui-même n'en voit pas la justification et, visiblement, ne sait pas pourquoi il propose cette modification, puisqu'il se contente d'indiquer dans l'exposé des motifs de cet article : « L'article 5 décrit les institutions de la Polynésie française. » Notre rapporteur se satisfait également d'une simple description.

La représentation nationale et nos compatriotes de Polynésie française, en particulier, doivent être éclairés sur la nécessité impérieuse de cette réforme et sur les raisons qui la motivent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Il faut examiner attentivement cet amendement, car il vise à supprimer purement et simplement la mention du président parmi les institutions de la Polynésie française. Il entre donc en pleine contradiction non seulement avec l'esprit, mais surtout avec la logique du projet de loi, puisque celui-ci tend à renforcer les institutions de la Polynésie française, en particulier l'exécutif de la collectivité.

Dans ces conditions, la commission ne peut pas émettre un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Le Gouvernement partage l'analyse de la commission. Il est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse, contre l'amendement.

M. Gaston Flosse. Je comprends un peu mon collègue M. Sutour, mais il n'y a pas de socialiste en Polynésie française, et il n'y en aura jamais.

Bien entendu, si le gouvernement actuel était socialiste, je suis sûr qu'il aurait été tout à fait favorable à cet amendement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Les propos de M. Flosse traduisent une certaine conception du rapport au pouvoir et à la réalité : « Il n'y a pas et il n'y aura jamais... » Fermez le ban !

Mais qu'en savez-vous, mon cher collègue ? Ne pouvez-vous pas faire confiance à l'avenir ?

M. Gaston Flosse. C'est la réalité, et cela ne changera pas !

M. Jean-Pierre Sueur. Qu'en savez-vous ? Strictement rien ! L'avenir ne nous appartient pas.

M. Gaston Flosse. Vous soutenez les indépendantistes !

M. Jean-Pierre Sueur. Le texte qui nous est présenté par le Gouvernement témoigne assurément d'une dérive présidentialiste.

En effet, dans les collectivités de la République - puisque la Polynésie française en est une -, on parle rarement du président ; qui plus est, en l'espèce, le président fait partie du gouvernement. M. Flosse pourrait donc tout à fait se satisfaire de la rédaction actuelle, aux termes de laquelle les institutions du territoire sont le gouvernement de la Polynésie française, l'assemblée de la Polynésie française et le conseil économique, social et culturel. Puisque le président fait partie du gouvernement, il est inclus dans cette liste !

En votant notre amendement, M. Flosse pourrait témoigner utilement de son refus de cette dérive présidentialiste à laquelle, j'en suis sûr, il est opposé par éthique et en raison de l'idée qu'il se fait de la démocratie et du partage du pouvoir. Je suis donc certain qu'à la suite de mon intervention il aura à coeur de voter l'amendement de M. Sutour.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

Les communes de la Polynésie française, collectivités territoriales de la République, s'administrent librement dans les conditions prévues par la Constitution, la présente loi organique et les dispositions législatives qui leur sont applicables.

M. le président. L'amendement n° 178, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le mot : "librement", insérer les mots : "par des assemblées élues au suffrage universel direct". »

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Comme le rappelle M. le rapporteur, la commune est l'échelon de proximité par excellence de la gestion du quotidien et de l'administration humanisée, compte tenu du fait que le territoire de la Polynésie française est grand comme l'Europe et que les distances sont telles que l'Etat, voire le territoire, sont parfois loin et mal adaptés pour mener une action efficace et pertinente.

Compte tenu de ces éléments et des « pouvoirs » transférés aux institutions de la Polynésie française, il nous semble utile de rappeler que la commune, cellule de base de l'expression démocratique et de l'organisation territoriale, est élue au suffrage universel direct.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les communes s'administrent « par des assemblées élues au suffage universel direct ». Il s'agit là d'un truisme, et la commission des lois ne voit aucunement la nécessité de surcharger ainsi le projet de loi organique.

C'est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Girardin, ministre. Cet amendement nous paraît également parfaitement inutile : les conseils municipaux sont élus au suffrage universel direct en Polynésie française comme partout en France, et nul n'envisage qu'il en aille autrement.

Les préoccupations que vous exprimez, monsieur Sutour, m'étonnent un peu, car le précédent gouvernement et sa majorité n'ont pas jugé utile d'aligner le mode de scrutin municipal en vigueur en Polynésie française sur celui des autres communes françaises, à l'occasion des élections de mars 2001. Il en résulte que les communes de la Polynésie française sont les seules en France où les conseils municipaux ne comprennent pas de représentants de l'opposition locale.

Vous pouvez donc constater qu'à travers la réforme que nous proposons s'exprime une conception de la démocratie quelque peu différente de la vôtre.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous considérons qu'il est utile de préciser que ces assemblées sont « élues au suffrage universel direct », et nous pensons qu'il serait difficile au Sénat de voter contre l'amendement n° 178.

Quant à l'argument que vous venez d'énoncer, madame la ministre, en vertu duquel cette mention serait en quelque sorte redondante, et donc inutile, je me permets de rappeler qu'il vaut aussi pour l'amendement de la commission des lois, qui vient d'être adopté, aux termes duquel le haut-commissaire représente « chacun des membres du Gouvernement ». Ce n'est pas la peine de l'ajouter, puisque cela figure déjà dans la Constitution, laquelle s'applique à toutes les collectivités !

Nous comprenons cependant, madame la ministre, que, dans la circonstance actuelle, vous éprouviez le besoin de préciser que le haut-commissaire défendra de manière unique la position unique du Gouvernement sur les différents sujets : celle de M. Sarkozy, celle de M. Perben, celle de M. Fillon, et la vôtre aussi, madame. En l'espèce, cette précision n'est peut-être pas inutile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)