PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons, la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » (et articles 42 et 42 bis), du compte de concours financiers « Prêt à des États étrangers » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l'impulsion du Président de la République, l'aide publique au développement est, depuis cinq ans, une priorité du Gouvernement.

En effet, l'aide française est passée de 4,7 milliards d'euros en 2001 à 9,2 milliards d'euros en 2007, soit 0,5 % de notre richesse nationale. Ces calculs, fondés sur les critères de l'OCDE qui sont appliqués par l'ensemble des bailleurs de fonds, ne sauraient prêter à polémique.

Nous avons ainsi quasiment doublé les crédits alors même que nous étions engagés dans le redressement de nos finances publiques. Mais cet effort correspond aux souhaits de nos compatriotes puisque, selon un récent sondage, 61 % des Français considèrent qu'il convient d'augmenter l'aide aux pays les plus pauvres, y compris dans un contexte de difficultés budgétaires.

Les encouragements que plusieurs intervenants m'ont adressés ce matin le prouvent, cet objectif est partagé.

Sur la période comprise entre 2002 et 2007, l'augmentation de l'aide française concerne toutes ses composantes. Ainsi, les crédits du ministère des affaires étrangères consacrés à l'aide au développement seront passés de 1,7 milliard d'euros en 2002 à 2,5 milliards d'euros en 2007. Nous sommes donc loin de la « hausse fictive » que certains évoquent.

Bien entendu, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, l'intégralité de l'aide apportée par la France aux pays pauvres - elle est détaillée dans le document de politique transversale - n'est pas inscrite au budget de la mission « Aide publique au développement ». Je pense en particulier à l'action des collectivités locales, qui a naturellement été mentionnée par plusieurs orateurs, représente environ 50 millions d'euros. Ce chiffre repose, monsieur Dauge, sur les déclarations de ces mêmes collectivités.

Je tiens tout d'abord à souligner que l'objectif de 0,5 % sera atteint en 2007 sans que soit prise en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion que vous avez adoptée l'an dernier.

Il sera atteint sans retenir non plus les allégements de dette. Nous prévoyons que ceux-ci passeront de 2,8 milliards d'euros en 2006 à 2 milliards d'euros en 2007, chiffre qui ne me paraît pas irréaliste. Ces prévisions intègrent, par exemple, l'annulation de dette de la République Démocratique du Congo. Compte tenu de la situation politique que connaît actuellement ce pays, cela ne me semble pas déraisonnable.

Enfin, cet objectif sera atteint sans prendre en compte les nombreuses politiques publiques conduisant à des transferts en faveur des pays du Sud qui ne sont pas comptabilisés dans l'aide.

Ainsi, les 110 millions d'euros supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants ou encore les déductions d'impôt dont bénéficient les donateurs aux organisations non gouvernementales, sujet qu'a évoqué votre rapporteur spécial, n'entrent pas dans nos déclarations à l'OCDE.

Monsieur Charasse, madame Cerisier-ben Guiga, je rappelle que l'« écolage », autrement dit l'accueil gratuit d'étudiants étrangers en France, est une caractéristique de notre système universitaire, et je souhaiterais que l'on se garde de toute polémique en la matière, car s'il est vrai que le nombre d'étudiants étrangers a fortement augmenté en France ces dernières années, c'est à la suite d'une politique menée de manière constante au cours des deux dernières législatures. J'y vois la preuve d'un consensus politique au sein de notre pays.

Madame Brisepierre, concernant l'inscription des crédits de coopération culturelle sur plusieurs programmes, je souhaite vous préciser que trois raisons justifient la classification retenue selon le critère géographique.

Premièrement, le regroupement des crédits de l'aide au développement permet d'assurer une cohérence avec le chiffre que nous déclarons à l'OCDE. Cela correspond à une demande constante du Parlement. Je note que, ces dernières années, la dispersion de nos crédits d'aide a été critiquée pas moins de deux cent soixante-huit fois au Sénat.

Deuxièmement, cette classification concrétise la conception française selon laquelle la coopération culturelle concourt au développement. Le soutien à des bibliothèques ou la promotion d'artistes locaux, par exemple, constituent des facteurs importants de développement économique et d'identité des pays aidés.

Au demeurant, les productions artistiques représentent souvent une ressource économique directe pour les pays concernés : on estime que l'Afrique exporte plus de produits culturels que de coton.

J'ajoute que cette vision française du développement est de plus en plus partagée sur le plan international. Nous nous sommes ainsi engagés à développer ce type de coopération à l'occasion de la récente signature de la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Troisièmement, cette classification nous permet d'être plus efficaces sur le terrain. De nombreux projets français comportent, de manière concomitante, une dimension de formation d'enseignants et une dimension de soutien à l'environnement francophone ; or il n'est pas toujours possible de distinguer ce qui relève de la politique d'influence de ce qui relève de la politique d'appui à la réduction de la pauvreté.

Bien entendu, au-delà des engagements chiffrés, le Gouvernement a également à coeur de rendre cette aide plus efficace. Qu'entend-on par efficacité ? Le document de politique transversale que vous avez reçu le rappelle, il s'agit de viser deux objectifs fondamentaux : mettre en oeuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies, qui visent à réduire la pauvreté de moitié dans le monde d'ici à 2015, et promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français.

Ce second objectif, qui relève de l'influence de notre pays, ne saurait être oublié. Il y va, comme le dit Mme Brisepierre dans son rapport, de notre crédibilité de bailleur. En effet, il est absolument nécessaire, lorsqu'on demande aux contribuables français de consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers, de souligner que notre pays n'oublie pas ses propres intérêts.

Ainsi, Il n'est pas acceptable que les Français qui ont cotisé à des caisses de retraite africaines ne perçoivent pas le juste fruit de leur travail. C'est pourquoi, madame Brisepierre, monsieur Del Picchia, je serai particulièrement vigilante au respect des droits des retraités français dans les pays concernés.

Monsieur Del Picchia, s'agissant du Congo-Brazzaville, l'appel d'offres nécessaire au choix d'un cabinet de consultant en est à sa phase finale puisque les plis ont été ouverts hier. Par ailleurs, je veillerai à ce que la question des retraites soit traitée lors de la négociation du document-cadre de partenariat avec le Congo.

S'agissant du Gabon, dans la perspective de la commission mixte des 20 et 21 décembre, notre consulat a recensé 350 dossiers litigieux.

Aider sans oublier nos propres intérêts est un principe qui sous-tend aussi notre politique de promotion de la francophonie. Comme le souligne fort justement M. Legendre, il n'y a jamais eu autant de personnes pratiquant le français, en première ou en seconde langue.

Sortons de ce pessimisme constant dans lequel trop de nos concitoyens se complaisent. J'entends en permanence dire que notre langue se porte mal. Et pourtant, combien se sont félicités que, voilà quelques semaines, le prix Goncourt et le prix Renaudot aient été tous deux décernés à des écrivains francophones originaires non pas de France, mais des États-Unis et du Congo ?

L'aide que nous octroyons aux pays en développement contribue au rayonnement de la langue française.

Quant à la dimension économique de la francophonie, monsieur Legendre, elle est un souci permanent de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie. Pour ma part, j'ai souhaité que notre politique de relance du français comporte un volet lié à nos entreprises. C'est ainsi que mon ministère, en liaison avec la chambre de commerce et d'industrie de Paris, a lancé une campagne, intitulée « Oui, je parle français », qui a connu un réel retentissement médiatique et que nous allons amplifier.

Monsieur Legendre, vous m'interrogez également sur le processus de ratification de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. À ce jour, vingt et un États, dont quatorze sont membres de l'OIF, ont déposé leurs instruments de ratification auprès de l'UNESCO. Onze États, dont cinq membres de l'OIF, ont achevé leur procédure interne et sont donc prêts à déposer leurs instruments. La Communauté européenne et ses États membres déposeront leurs instruments de ratification au plus tard le 19 décembre ; six États membres, dont la France, ont déjà achevé leur procédure.

Je ne reviendrai pas sur la réforme de notre dispositif de coopération ; je vous l'avais décrite l'an dernier. Je voudrais simplement souligner qu'elle a permis des avancées importantes, et très attendues, en matière de pilotage stratégique et de lisibilité de notre aide. Monsieur Pelletier comme vous le souhaitez, elle a aussi permis une meilleure coordination avec tous nos partenaires, en particulier européens.

Ainsi, j'ai signé depuis septembre 2005 vingt-quatre documents-cadres de partenariat, les DCP, qui constituent de véritables plans d'action conclus sur cinq ans entre la France et les pays que nous aidons. Ces documents permettent de concentrer notre aide pour la rendre plus efficace et plus visible.

Ils permettent également de la rendre plus prévisible sur le moyen terme. Mais cela doit se faire de manière souple. C'est pourquoi j'ai demandé à nos ambassadeurs, qui sont en charge de la négociation et du suivi de l'application de ces DCP, d'en réaliser une revue annuelle.

Afin d'améliorer la visibilité de notre aide sur le terrain, j'ai dévoilé, voilà quelques jours, un logo « rassembleur » pour toutes les actions de coopération menées à l'étranger par la France.

Permettez-moi de saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous montrer ce logo. (Mme la ministre déléguée présente le document à l'hémicycle.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Enfin !

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Comme vous le voyez, il comprend deux éléments caractéristiques. Tout d'abord, le nom « France coopération » apparaît clairement, et il a été choisi pour pouvoir être également compris en anglais.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Par ailleurs, le drapeau tricolore est mis en avant, comme élément symbolique.

Ce logo n'est pas un logo institutionnel. Il ne représente pas un ministère particulier, ni même l'État dans son ensemble. Il est destiné, au contraire, à devenir l'emblème de l'action de la France en matière de coopération internationale.

Toute institution, tout organisme intervenant dans les pays en développement pour le compte de la France pourra donc l'arborer. Bien entendu, chaque établissement, l'Agence française de développement ou l'Institut de recherche pour le développement, par exemple, pourra continuer à y accoler son propre logo. Toutes ces conditions d'utilisation seront d'ailleurs bientôt précisées dans une charte.

Vous le constatez, notre politique allie continuité et adaptation. Je voudrais en souligner cinq aspects.

Premièrement, les objectifs du millénaire pour le développement restent le but premier de notre politique de développement.

Deuxièmement, le développement de ces pays est la seule solution à long terme au problème des migrations incontrôlées. Le codéveloppement constitue, de ce point de vue, une piste prometteuse, mais la maîtrise des flux migratoires doit surtout s'intégrer pleinement à l'ensemble de nos politiques de développement. C'est le sens des décisions que prendra le Gouvernement lors du comité interministériel qui doit se tenir cet après-midi : dans une heure et quart exactement !

Troisièmement, l'Afrique, qui ne bénéficie pas assez de la mondialisation - vous avez entièrement raison sur ce point, monsieur Hue - est et restera notre priorité, recevant les deux tiers de notre aide bilatérale.

Comme vous le soulignez, monsieur Del Picchia, son succès doit se construire aussi sur la base du secteur privé, pour lequel le Gouvernement a annoncé une initiative de 1 milliard d'euros sur trois ans.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Nous avons aussi créé cette année une première alliance pour le développement avec l'Institut Pasteur, Veolia et Sanofi, dans des projets cofinancés à Madagascar et au Niger.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. Tous ces efforts commencent à porter leurs fruits : le taux de croissance économique du continent africain a sensiblement progressé et atteindra 5 % à 6 % par an sur la période 2005-2007.

Quatrièmement, le développement nécessite une amélioration de la gouvernance de ces pays. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement doit adopter, lors du comité interministériel de cet après-midi, une stratégie française, qui sera en cohérence avec celle qui a été adoptée par l'Union européenne.

Cinquièmement, un effort particulier doit être réalisé pour notre politique bilatérale, et vous avez été nombreux à le souligner. C'est particulièrement le cas en matière de santé : vous avez raison d'y insister, monsieur Pelletier, madame Brisepierre, madame Luc. Dans ce domaine, nos contributions multilatérales seront passées de 50 millions d'euros sur 2000-2002 à 1,4 milliard d'euros sur 2006-2008. Or il nous faut nous assurer qu'il y aura assez de médecins et d'infirmières pour administrer les traitements que nous prescrivons.

Nous comptons bien, madame Brisepierre, renforcer les moyens des « plateformes d'assistance technique » que vous évoquez dans votre rapport, ainsi que, globalement, notre aide bilatérale en matière de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces orientations en matière de moyens et d'efficacité se déclinent dans le projet de budget qui vous est soumis pour 2007.

Ce dernier reflète l'augmentation continue de nos moyens, qui dépassent, pour la première fois, 3 milliards d'euros. L'augmentation d'environ 250 millions d'euros sur 2006 est en partie financée par des dividendes de l'Agence française de développement, comme l'ont souligné les rapporteurs.

Ce budget marque aussi la continuité des efforts que nous avions engagés en faveur de nos contributions multilatérales. Nous portons à 300 millions d'euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida ; nous augmentons de 20 millions d'euros nos contributions aux Nations unies, de 10 millions d'euros celles destinées à l'Agence universitaire de la francophonie. Nous maintenons à un niveau élevé nos apports à plusieurs institutions financières : le Fonds africain de développement, dont nous sommes le premier contributeur en 2007, avec 114 millions d'euros, le Fonds européen de développement, ou encore le Fonds pour l'environnement mondial, dont nous sommes le cinquième contributeur, avec 36 millions d'euros en 2007.

Sur le plan bilatéral, nous prévoyons que nos décaissements augmenteront de plus de 300 millions d'euros.

Tout d'abord, 84 millions d'euros concerneront les contrats de désendettement et de développement. À cet égard, monsieur Charasse, je vous rassure : nous veillons à la parfaite cohérence entre les contrats de désendettement et de développement, les C2D, et les DCP. Au Cameroun, par exemple, j'ai signé en même temps ces deux instruments, et j'ai demandé à notre ambassadeur d'en surveiller la bonne application sur le terrain.

Ensuite, plus de 50 millions d'euros iront aux aides - projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement.

Enfin, plus de 200 millions d'euros seront affectés aux prêts, qui seront bien entendu accordés dans des conditions de vigilance forte, en examinant pays par pays s'il n'y a pas de risque de surendettement.

À quoi comptons-nous affecter cette forte augmentation de notre aide bilatérale en 2007 ? Vous le savez, dans le cadre de la LOLF, les chefs de programmes sont responsables de la bonne gestion d'enveloppes fongibles. Cela rend délicate l'annonce de chiffrages précis dès aujourd'hui, c'est-à-dire avant l'exercice de programmation détaillée de ces crédits. J'estime néanmoins devoir vous faire part des deux orientations nettes que je compte donner.

Première orientation : nous devons accomplir un effort accru en faveur des organisations non gouvernementales. Vous le savez, le Président de la République s'est engagé à doubler la part de notre aide passant par ces dernières entre 2004 et 2009.

Nous entendons la porter, tous opérateurs et instruments confondus, de 109  millions d'euros en 2006 à 157 millions d'euros en 2007. Cela représentera un quasi-doublement des volumes transitant par les ONG entre 2004 et 2007. Vous le voyez, madame Tasca, nous sommes bien en train de tenir tous les engagements qui ont été pris.

Cet effort est justifié pour renforcer la visibilité de notre pays, grâce à la vigueur de son secteur associatif. Bien entendu, cette augmentation sera assortie d'une exigence rigoureuse sur la qualité des projets, sur leur adéquation avec la politique française, ainsi que sur la rigueur avec laquelle ils seront mis en oeuvre.

C'est pourquoi trois sortes de mesures seront prises.

Tout d'abord, une typologie des ONG sera établie, pour bien identifier celles qui nous semblent les plus efficaces et ouvrir notamment la voie à leur notation.

Ensuite, les programmes d'audit des ONG qui bénéficient de nos concours seront renforcés.

Enfin, le recours à des appels à propositions sera accru.

Deuxième orientation forte : je souhaite privilégier les actions au plus près du terrain mises en oeuvre par nos ambassades.

Engagement constant depuis cinq ans sur l'augmentation des volumes de notre aide, adaptation permanente aux besoins de notre politique de coopération, clarté et prévoyance dans les objectifs : vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget est dans la continuité de ceux que vous avez votés depuis le début de la présente législature. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE.)

Aide publique au développement

Aide publique au développement - Compte de concours financiers - Prêts à des Etats étrangers - Accords monétaires internationaux
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 42

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

3 973 496 781

3 120 776 781

Aide économique et financière au développement

1 822 525 000

994 105 000

Solidarité à l'égard des pays en développement

2 150 971 781

2 126 671 781

dont titre 2

242 771 781

242 771 781

M. le président. L'amendement n° II-10, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

20.000.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont Titre 2

20.000.000

TOTAL

20.000.000

20.000.000

SOLDE

0

L'amendement n° II-11, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

200.000

200.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

Dont Titre 2

200.000

200.000

TOTAL

200.000

200.000

200.000

200.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre ces deux amendements.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. En ce qui concerne l'amendement n° II-10, il s'agit d'un transfert de 20 millions d'euros d'autorisations d'engagement, passant du programme « Aide économique et financière au développement » au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Les autorisations d'engagement affectées à l'aide - projet du Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, et de l'Agence française de développement sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », avec un total de 360 millions d'euros, s'inscrivent en diminution de 20 % par rapport à 2006, affichant ainsi une baisse de90 millions d'euros.

Si l'on considère le profil probable de l'aide publique française au développement à échéance de trois ans et la future diminution des allégements de dettes, qui contribuent aujourd'hui largement à cette aide, la diminution des autorisations d'engagement alimente les inquiétudes - et beaucoup, ici même, s'en sont fait l'écho ce matin - sur la capacité à moyen terme du ministère des affaires étrangères à financer un relèvement ou même à assurer le maintien de l'aide-projet, qui viendrait prendre le relais pour respecter l'objectif de 0,7 % d'APD en 2012.

Les autorisations d'engagement demandées pour le FSP pourraient également se révéler insuffisantes sur l'exercice 2007, compte tenu des perspectives d'adoption de projets nouveaux par le comité des projets du FSP d'ici à la fin de l'année 2006.

La commission des finances suggère donc d'accroître ces autorisations d'engagement de 20 millions d'euros sur l'action 4 « Aide en faveur du développement durable et lutte contre la pauvreté et les inégalités », en les prélevant sur les 920 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes sur l'action 1, « Aide économique et financière multilatérale », du programme 110, « Aide économique et financière au développement », au profit de la facilité financière internationale pour la vaccination, IFFIm - International Finance Facility for Immunisation.

Ces autorisations d'engagement inscrites couvrent, en effet, l'engagement de la France pour huit émissions obligataires de l'IFFIm, alors que les engagements de décaissements formellement pris ne concernent, pour l'heure, que la quote-part de la France au remboursement de la première tranche, soit 372,8 millions d'euros.

À l'évidence, nous n'aurons pas à honorer en 2007, ni même en 2008, la totalité de l'engagement, lequel n'est d'ailleurs pas de nature juridique puisqu'il n'a pas fait l'objet d'un traité en bonne et due forme.

Les autorisations d'engagement manquantes, c'est-à-dire les 20 millions d'euros que nous vous suggérons de transférer sur l'aide-projet, pourront donc être ultérieurement reconstituées sans difficulté, lorsque nous connaîtrons - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - le montant des huit émissions à venir.

L'amendement n° II-11 vise le transfert de 200 000 euros d'autorisations d'engagement et de 200 000 euros de crédits de paiement, qui passeraient du programme « Aide économique et financière au développement » au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Il s'agit de donner suite au récent rapport de la Cour des comptes, demandé par la commission des finances en application de la LOLF, sur la gestion de l'ancienne AFAA, l'Association française d'action artistique, dont la fusion avec l'ADPF, l'Association pour le développement de la pensée française, en septembre 2006, a conduit à la création de CulturesFrance.

Ce regroupement s'inscrit dans la réforme de l'AFAA et la rationalisation des opérateurs du ministère des affaires étrangères.

L'enquête demandée à la Cour des comptes par la commission des finances nous a été remise en octobre dernier. Elle a porté sur la gestion de l'AFAA pour les exercices 2000 à 2005 et a suscité de très vives critiques de la part de la Cour.

Cette enquête fera l'objet - et je parle sous le contrôle du président de la commission des finances - d'un rapport d'information qui, publié très prochainement, comportera, notamment, le procès-verbal de l'audition en commission des finances pour « suites à donner » qui s'est tenue le 8 novembre 2006.

Ce rapport, sans doute moins accablant que celui de 2001, n'en relève pas moins des dysfonctionnements.

La Cour a notamment signalé une part trop importante d'opérations engagées en France, l'absence de véritable gestion des ressources humaines, un contrôle routinier exercé par les tutelles, le respect approximatif de certaines règles du statut associatif ou l'évaluation lacunaire de l'impact des actions.

La fusion des deux associations doit logiquement donner lieu à des économies de gestion. Le ministère des affaires étrangères les évalue lui-même à 200 000 euros dans le projet annuel de performances. Cette somme n'a donc pas été « inventée » par la commission des finances ! Elle résulte des réflexions conduites par vos propres services, madame la ministre.

En outre, la trésorerie de l'association a été jugée « confortable » par la Cour des comptes. C'est d'ailleurs ce qui a conduit notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », à proposer un amendement - qui sera examiné jeudi - visant à réduire de 500 000 euros la subvention pour charges de service public à CulturesFrance.

De même, le projet annuel de performances de la mission « Action extérieure de l'État » mentionne une réduction d'environ quinze équivalents temps plein travaillé pour CulturesFrance.

Or la quote-part de subvention octroyée par le ministère des affaires étrangères à CulturesFrance et imputée sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » demeurerait stable en 2007, ce qui ne constitue pas une incitation à dégager des économies d'échelle. C'est pourquoi la commission des finances propose de réduire cette subvention en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, imputée sur l'action 2, « Affirmation de la dimension culturelle du développement », à hauteur des économies escomptées.

Cet amendement a un caractère principalement technique. Il ne constitue donc pas une sanction et ne compromet pas l'avenir de CulturesFrance. Il représente plutôt une incitation à la performance et à la poursuite des réformes déjà amorcées. En outre, il tient compte d'éléments objectifs sur les moyens de CulturesFrance. D'ailleurs, son directeur, M. Olivier Poivre d'Arvor, que j'ai auditionné hier après-midi, ne conteste pas nos chiffres.

À la fin de 2005, les reports de crédits de CulturesFrance ont atteint 10,5 % du budget de l'AFAA, alors que la loi organique relative aux lois de finances limite les reports à 3 %.

À la fin de 2006, CulturesFrance devrait normalement disposer de 3,4 millions d'euros d'excédents de gestion après paiement de l'ensemble de ses obligations. Ce montant représente quarante-sept jours de fonctionnement alors que CulturesFrance n'a pas d'investissement lourd à financer ni d'aléas commerciaux à couvrir.

Cette réduction ne porterait pas préjudice au montant global notifié au titre de l'Aide publique au développement dans la mesure où la commission propose de transférer les 200 000 euros en question à l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement », plus précisément au financement de la reconstitution du Fonds français pour l'environnement mondial, dont la couverture des autorisations d'engagement par les crédits de paiement en 2007 paraît insuffisante.

Par ailleurs, monsieur le président, j'indique d'ores et déjà que la commission recommande au Sénat l'adoption des deux articles rattachés, aussi bien l'article 42 que l'article 42 bis, qui a été introduit par l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée. L'amendement n° II-10, qui vise à transférer 20 millions d'euros d'autorisations d'engagement du programme 110 au programme 209, repose sur un constat erroné, celui d'une baisse de nos engagements bilatéraux.

Je comprends bien l'origine de cette erreur, car une part importante des engagements prévus en 2007 repose en pratique sur des ressources non inscrites dans le projet de loi de finances. Ainsi, les engagements pour le Fonds de solidarité prioritaire et les dons-projets de l'Agence française de développement resteront stables en 2007, au niveau élevé atteint en 2006, soit 450 millions d'euros.

Ce montant se décompose de la façon suivante : 360 millions d'euros d'autorisations d'engagement inscrites dans le projet de loi de finances, 52 millions d'euros d'anciennes autorisations d'engagement non utilisées par l'AFD et 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement financées sur ressources extrabudgétaires à partir du résultat de I'AFD.

Cet amendement soulève une grave difficulté en ce qu'il prélève une partie des autorisations d'engagement prévues pour la facilité internationale de financement pour la vaccination, l'IFFIm.

Ainsi, la France a prévu de contribuer à l'IFFIm à hauteur de 25 % du tour de table. Cela implique de verser sur les vingt prochaines années 900 millions d'euros en sus des 373 millions d'euros qui seront payés grâce à la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Or le Royaume-Uni s'est engagé à apporter, si nous confirmons cette décision, une contribution pluriannuelle du même ordre à UnitAid, dont 20 millions d'euros dès 2007.

Ainsi, la révision à la baisse de 20 millions d'euros du montant des autorisations d'engagement pour l'IFFIm en loi de finances initiale pour 2007 risquerait de remettre en cause la participation britannique à UnitAid et, par là même, la mobilisation internationale en faveur d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement d'apparence anodine, puisqu'il ne concernerait qu'une vingtaine de millions d'euros d'engagements, soit moins de 1 % des crédits totaux de cette mission, aurait en pratique des conséquences bien plus graves.

C'est pourquoi le Gouvernement ne peut l'accepter.

L'amendement n° II-11, qui vise à transférer 200 000 euros de l'AFAA vers le Fonds français pour l'environnement mondial, est la conséquence, nous dit M. le rapporteur spécial, de celui qu'a adopté la commission des finances concernant la mission « Action extérieure de l'État ».

Il me semble toutefois injuste de pénaliser CulturesFrance en réduisant d'office ses dotations à hauteur des économies de gestion que cet organisme doit réaliser. L'option que nous avons retenue est au contraire de réinjecter ces économies dans de nouvelles interventions. En effet, comment inciter nos opérateurs à mieux gérer leur budget si nous réduisons automatiquement leurs dotations chaque fois qu'ils s'améliorent ?

Il est exact que la tutelle sur cet organisme pourrait encore être améliorée, mais je ne pense pas que des décisions de ce type permettent d'aller dans ce sens.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut accepter non plus cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. L'amendement n° II-11 illustre parfaitement, s'il en était besoin, le fait que l'exercice de clarification prévu par la LOLF a en partie manqué son but ou, en tout cas, n'a pas été mené à terme.

En effet, contre toute logique, nous devons nous prononcer aujourd'hui, dans le cadre de l'examen de la mission « Aide publique au développement », sur une réduction des crédits alloués à CulturesFrance alors que la même question reviendra jeudi lors de l'examen de la mission « Action extérieure de l'État ». C'est pourquoi le rapporteur spécial de la commission des finances avait envisagé de demander la réserve ; mais il n'a pas été suivi. Nous allons donc nous prononcer dès maintenant contre cet amendement, quitte à réitérer nos arguments jeudi.

La raison invoquée pour soustraire 200 000 euros, puis 500 000 euros du budget de CulturesFrance est double et s'appuie sur un rapport de la Cour des comptes.

La première raison tient à un excédent de trésorerie. Or, chacun le sait, l'organisation des saisons culturelles se fait à cheval sur deux années civiles ; et cela est vrai dans toutes les institutions culturelles ! Leur mise en oeuvre pose donc des problèmes de trésorerie en fin d'exercice. Dans ces conditions, il ne nous semble pas que l'état actuel de la trésorerie de CulturesFrance soit inadapté à ses besoins.

La seconde raison invoquée, c'est la place jugée excessive que prend, dans l'activité de l'association, l'organisation en France de manifestations culturelles étrangères. C'est là un bien mauvais procès qui est intenté à CulturesFrance. Pourquoi ?

D'abord, cette mission lui est imposée par ses tutelles, à savoir le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères. Ensuite, c'est un nécessaire retour des choses à l'égard des pays partenaires qui attendent légitimement une réciprocité. Enfin, ces actions en France ne pèsent que très partiellement sur le budget de l'association, car elles bénéficient en général d'un important mécénat.

Si l'on peut souhaiter la rigueur de gestion et le renforcement de l'encadrement administratif de CulturesFrance, on n'y parviendra certainement pas en privant cet organisme de moyens budgétaires importants l'année même de son démarrage, comme le propose aujourd'hui l'amendement n° II-11 et comme le proposera encore jeudi un autre amendement de la commission des finances.

Concrètement, 700 000 euros en moins, cela signifierait une lourde amputation d'actions déjà engagées à l'étranger : plus de 250 projets devraient ainsi être annulés en 2007, en particulier au Maghreb et en Afrique subsaharienne, d'où l'émoi légitime, à la fois dans ces pays et chez nous, de très nombreux artistes qui ne reconnaissent pas là la France de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre l'amendement n° II-11, tout comme il votera contre l'amendement n° II-10. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Même position !

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. Je ne vais pas critiquer la commission des finances, car elle ne fait que son travail. De plus, je n'ai pas lu ce rapport de la Cour des comptes. Je veux simplement appeler votre attention, mes chers collègues, sur les conséquences de cet amendement.

J'ai, moi aussi, un certain nombre de contacts avec les professionnels du réseau culturel. Car il faut savoir que CulturesFrance travaille au sein d'un réseau, constitué notamment par les Alliances françaises et divers centres culturels. Il faut donc avoir une vision un peu plus globale et stratégique de l'action culturelle de la France dans le monde !

Et puis, vous le savez tous, les saisons culturelles étrangères ne sont pas des opérations franco-françaises. Dans la plupart des cas, il s'agit de partenariats avec d'autres pays et, comme cela vient d'être dit, il est normal que les artistes et créateurs de ces autres pays veuillent aussi s'exprimer en France. D'ailleurs, je ne comprends pas la critique qui consiste à dire : « Pourquoi organiser en France des manifestations ou événements culturels sur tel ou tel pays ? À quoi ça sert ? » En réalité, c'est le coeur même du projet !

Je n'apprendrai rien à personne en rappelant que le rayonnement de la France et son attractivité dans ce domaine sont sans rapport avec ce qu'elle est devenue à d'autres égards, à savoir une puissance moyenne. D'ailleurs, nous avons joué un rôle majeur dans l'élaboration et l'adoption de la fameuse convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Si j'interviens, ce n'est donc pas pour aller contre la commission des finances, mais pour encourager la politique culturelle de la France. Car je crains beaucoup que le message que la commission des finances nous invite à délivrer aujourd'hui ne soit mal compris à l'extérieur.

Mme la ministre nous a dit que le Gouvernement avait fait ce qu'il fallait. Quelquefois, on se demande si c'est bien vrai. Mais, en l'occurrence, il est certain que ce coup brutal aurait un effet d'affichage absolument désastreux. Et tout ça pour quoi ? Pour 200 000 euros !

Je fais partie de ceux qui sont souvent sur le terrain, y compris dans les pays étrangers. Je peux vous assurer que ce message serait très mal reçu, et je plaide vraiment pour qu'on ne l'envoie pas.

Par contre, tout le monde sera d'accord là-dessus, il faut continuer à rechercher les économies possibles et à améliorer la gestion de CulturesFrance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si l'amendement de la commission des finances porté par notre collègue Michel Charasse n'avait pour objectif et pour effet que d'augmenter les autorisations d'engagement affectées au Fonds de solidarité prioritaire, je le voterais. Mais, tout comme l'amendement de la commission des finances qui nous sera présenté jeudi par M. Gouteyron, il s'apparente au mauvais sort jeté sur l'enfant au berceau. M. Charasse n'a pourtant rien d'une mauvaise fée ! (Sourires.) Il n'empêche, le résultat est là !

CulturesFrance venant tout juste d'être créé, les effets multiplicateurs de la fusion des deux anciennes associations ne se produiront que dans l'année à venir. Il a en effet été clairement précisé que les excédents de gestion dégagés par l'AFAA seraient réinjectés dans de nouvelles interventions l'année prochaine, justement pour donner de l'éclat à la création de cette agence.

Réduire les moyens de CulturesFrance pour saluer sa création me semble vraiment être un mauvais procédé.

Et puis c'est aussi faire dire aux auteurs du rapport de la Cour des comptes ce qu'ils n'ont pas écrit.

Il est évident que CulturesFrance doit renforcer ses compétences de gestion pour optimiser ses dépenses. Il est évident que l'association doit améliorer la qualité et la présentation de ses comptes, et il est souhaitable qu'elle devienne un établissement public afin qu'elle ne reste pas une fausse association.

En tout cas, je n'ai trouvé dans le rapport de la Cour des comptes aucune dénonciation de malversations dans la gestion des deniers publics !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne s'agit pas de malversations, il s'agit de mauvaise gestion !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il s'agit d'une association qui n'a pas les moyens techniques de sa gestion !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une association sans assemblée générale et sans organisation !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La fusion qui a été opérée doit justement permettre de l'améliorer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En tout état de cause, il faut que le Parlement lui accorde des statuts qui lui permettront d'avoir un fonctionnement plus conforme à son objet.

Pour l'heure, nous ne pouvons admettre que 250 actions soient supprimées dans la programmation de 2007, surtout celles qui sont prévues en Afrique !

Nous sommes donc d'accord avec le Gouvernement et nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais ramener la proposition de Michel Charasse sur CulturesFrance à sa juste mesure.

Mes chers collègues, il ne s'agit pas d'une mauvaise manière de la commission des finances. Je rappelle que nous avons fait appel à la Cour des comptes pour nous éclairer, possibilité que nous offre la loi organique relative aux lois de finances.

La Cour des comptes a diligenté son enquête en toute indépendance, puis nous a remis son rapport. Nous avons organisé une audition afin de déterminer quelles suites il convenait de donner à ce rapport.

Il est apparu, à ce moment-là, que CulturesFrance contestait une partie des données révélées par la Cour des comptes.

Puis-je vous dire, chers collègues qui défendez avec beaucoup de passion CulturesFrance, que nous n'avons pas eu d'emblée le sentiment que cet opérateur de l'État avait conscience qu'il devait rendre des comptes au Parlement ?

Il n'y a pas si longtemps, j'ai entendu un de nos collèges se demander où était le pouvoir et si le Parlement jouait encore un rôle. Il dépend, mes chers collègues, de chacun d'entre nous que le Parlement soit ou non un lieu de pouvoir. La détermination de la commission des finances est de faire en sorte qu'il en soit effectivement un. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux opérateurs de l'État de nous rendre des comptes !

Mme Catherine Tasca. Ça, c'est juste !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Partant de là, nous avons fait le constat d'une gestion qui n'était pas irréprochable. Pour tout dire, nous ne savons même pas si l'association tient son assemblée générale !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais vous savez bien que c'est une fausse association !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que doit-on penser d'associations qui ne respectent même pas les obligations les plus élémentaires qu'emporte leur statut ?

Nous voulons rappeler aux responsables de cet opérateur de l'État qu'ils ont, eux aussi, des règles à respecter et qu'ils doivent rendre des comptes au Parlement.

Quant à la situation de trésorerie, il est clair qu'elle fera apparaître un excédent d'au moins 3,4 millions d'euros au 31 décembre 2006, ce qui n'est tout de même pas négligeable. Beaucoup de petites et moyennes entreprises rêveraient d'avoir un jour une trésorerie à ce point abondante !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et bien des communes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

Nous tirons donc les conséquences des observations qui ont été faites et nous invitons les gestionnaires à amplifier leurs efforts de rigueur.

Mais, parce qu'il s'agit de culture, on voit se développer dans Paris une sorte de lobbying dénonçant la mise en péril d'une action culturelle fondamentale... Que cela cesse ! Ne nous rendons pas complices de cette propagation de nouvelles alarmistes !

Il s'agit ici de 200 000 euros et il s'agira jeudi, sur proposition d'Adrien Gouteyron, de 500 000 euros : ces sommes ne sont en rien de nature à mettre en péril l'action de CulturesFrance.

En conscience, mes chers collègues, la commission des finances vous soumet cette proposition. Nous entendons bien les arguments présentés par nos collègues, mais, de grâce, évitons de dramatiser !

Nous avons ensemble la charge de remettre de l'ordre dans la sphère publique et de mettre en cohérence nos actes avec nos grandes déclarations sur le déficit public ! En l'occurrence, il s'agit ici d'un geste symbolique, d'un signal donné à un opérateur de l'État, et nous en adresserons d'autres demain pour que l'on s'astreigne à une logique de gestion.

Après tout, les rédacteurs de la Déclaration de 1789 avaient très clairement énoncé le principe obligeant tout agent public à rendre compte de sa gestion !

Nous avons, en conscience, assumé nos prérogatives. C'est de cela que vous rend compte Michel Charasse en vous proposant un amendement mesuré et qui, je le répète, n'est en aucune façon - je tiens à rassurer Mme le ministre et nos collègues qui viennent de s'exprimer - susceptible de faire peser quelque menace que ce soit sur l'avenir de CulturesFrance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, je formulerai deux remarques complémentaires.

Tout d'abord, nos travaux s'appuient sur des analyses de la Cour des comptes qui ont fait l'objet d'une audition de la commission et qui ont permis de démontrer que l'AFAA, dans l'ancienne structure, ne respectait pas les règles élémentaires de fonctionnement d'une association. Cela figure noir sur blanc dans les constatations de la Cour des comptes !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ça fait vingt ans que ça dure !

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ajoute que si, dans n'importe laquelle de nos communes, une association fonctionnait comme l'AFAA, avec des ressources d'origine quasi totalement publique et sans réunion des organes sociaux, la chambre régionale des comptes ne manquerait pas d'y voir une gestion de fait, avec les sanctions que cela suppose !

Mme Catherine Tasca. C'est l'hallali !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, puisqu'on a parlé d'affichage ou de je ne sais quelle mauvaise manière, je rappelle qu'en première partie de ce projet de loi de finances la commission des finances a obtenu du Gouvernement le vote d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros afin de permettre la constitution du capital de la fondation Alliance française.

Mme Catherine Tasca. Quel rapport ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons exprimé une conviction et, là aussi, Adrien Gouteyron a été l'« élément moteur » de l'argumentation.

Nous avons pu obtenir l'accord du Gouvernement au sujet de la mise en place de ces 2 millions d'euros, qui exerceront un effet démultiplicateur, car ils permettront à des fonds d'origine différente de venir compléter la constitution des fonds propres de cette nouvelle fondation.

Par rapport à ces 2 millions d'euros, la perte de 200 000 euros d'un côté et de 700 000 euros de l'autre, mes chers collègues, est très peu de chose !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais ça n'a rien à voir !

M. Philippe Marini, rapporteur général. De plus, quand nous avons, les uns et les autres, l'honneur et le plaisir d'être en mission à l'étranger, d'être reçus dans nos postes diplomatiques par nos ambassadeurs, par nos conseillers culturels, nous constatons en règle générale que des choses tout à fait remarquables se font dans les centres culturels français à l'étranger, dans ce réseau dont nous pouvons être fiers.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cependant, en ce qui concerne la programmation proposée par l'AFAA - si j'ai bien compris il s'agira du même état-major et de la même stratégie pour CulturesFrance -, force est d'avouer, car c'est la vérité factuelle qui m'inspire ce propos, que l'on n'entend pas, loin de là, que des compliments sur la programmation, sur les spectacles offerts !

Tout prestataire doit accepter la critique de ses clients ou de ses usagers. Personne en la matière ne doit être intouchable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Mme Catherine Tasca. Les deux ministres de tutelle apprécieront !

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé de M. le rapporteur spécial, ainsi que les différentes interventions qu'a suscitées son amendement relatif à CulturesFrance.

Je serai bref puisque j'aurai de nouveau l'occasion de m'exprimer sur ce point après-demain.

Ce sujet a fait l'objet, de la part de Michel Charasse et de la mienne pour la partie qui m'incombe, d'un examen extrêmement attentif. Nous avons entendu de nombreuses remarques, reçu de nombreuses personnes : nous avons été, je le crois, très ouverts à la discussion.

Cependant, rien de ce qui nous a été dit ne nous a amenés à modifier notre position. En effet, les informations qui nous étaient données étaient parfois, ou plutôt souvent, quelque peu contradictoires. Ce fait, à lui seul, justifie la proposition qui est soumise aujourd'hui au Sénat et celle qui le lui sera après-demain.

Je tiens également à souligner qu'il n'y a pas, d'un côté, ceux qui défendent la culture et, de l'autre, ceux qui en seraient les adversaires ou qui ne comprendraient rien à l'action culturelle. Il faut vraiment sortir de ces clivages !

J'ai été sensible, ce matin, lorsque je présidais nos travaux, à l'intervention de notre collègue Yves Dauge. Il a dit que, si la France était une puissance moyenne et si elle ne disposait pas toujours des moyens que nous souhaiterions lui voir déployer pour soutenir son action, il était au moins un domaine dans lequel cette action était reconnue, et bien au-delà de ce que peut faire une puissance moyenne : celui de la culture.

Je reprends à mon compte ce propos de notre collègue : c'est vrai, dans le domaine culturel, la France reste une grande puissance.

Mon souci, en l'espèce, est de faire en sorte que les moyens que nous donnons à l'action culturelle de la France soient bien utilisés, car nous devons assurer l'avenir !

Je crois en outre que nous devons, nous, parlementaires, prendre l'habitude de traduire nos rapports par des actes. Il ne s'agit nullement pour moi de donner des leçons à mes collègues - je n'ai d'ailleurs aucun titre pour le faire -, mais j'ai la conviction que, quand nous faisons des constatations, il faut qu'elles soient suivies d'effets. Or c'est justement ce qui vous est proposé au travers de cet amendement. Et le président Arthuis l'a dit avec force : c'est la dignité du parlementaire que de prendre ses responsabilités !

Tout à l'heure Mme Cerisier-ben Guiga a parlé de cette institution comme d'un petit enfant sur le berceau duquel de mauvaises fées se pencheraient pour lui jeter un sort. Et la commission des finances serait la mauvaise fée ! Non, ma chère collègue. Je vous rappelle que la création de l'AFAA remonte à 1923 ! Il est vrai que CulturesFrance est une nouvelle institution, mais elle est issue d'une structure qui, elle, est tout de même très ancienne.

Pour ma part, je ne veux pas sanctionner CulturesFrance. Nos collègues doivent bien comprendre que nous ne prenons pas des initiatives de ce genre pour nuire à qui que ce soit. Nous voulons simplement faire en sorte que la gestion soit encore plus rigoureuse et que, ainsi, l'action culturelle de la France soit établie sur des bases encore plus solides : c'est notre seule intention !

Pour finir, je remercie Philippe Marini d'avoir mentionné la dotation qui sera attribuée à l'Alliance française pour constituer sa fondation. Et il convenait de l'évoquer parce que cela compte aussi pour le développement de l'action culturelle de la France : c'en est même un élément essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les deux sont importants !

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Je veux simplement apporter un témoignage.

Chacun sait l'attachement que je porte à la francophonie, c'est-à-dire au rayonnement de notre langue et au fait qu'elle vive à travers les cultures diverses qui ont choisi de l'utiliser.

Je suis aussi président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest de notre assemblée. Me trouvant récemment encore, à ce titre, en déplacement en Afrique de l'Ouest, j'ai été saisi par des acteurs de l'action culturelle française de plaintes quant à la nature, considérée comme fort élitiste, des spectacles qui leur étaient régulièrement proposés, voire imposés, par ce qui est maintenant CulturesFrance et qui était jusqu'à présent l'AFAA. C'est un débat ! Cela ne veut pas dire que ces personnes avaient nécessairement raison. Mais leur témoignage venait s'ajouter à ceux que nous avions pu recueillir en d'autres occasions.

Le débat suscité aujourd'hui par l'amendement n° II-11 de la commission des finances est légitime. Je ne suis pas toujours d'accord avec la commission des finances, qui a raccroché un peu bizarrement, dans la LOLF, la francophonie à l'aide au développement. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous n'y sommes pour rien !

M. Jacques Legendre. Mais je crois que le débat qui a lieu aujourd'hui est sain.

C'est justement parce que l'AFAA, qui existait depuis 1923, vient d'être remplacée par CulturesFrance que nous voulons que soit maintenant corrigé ce qui a pu, dans le passé, apparaître comme un certain nombre d'errements. Il ne s'agit pas de réduire la place de la culture, ni d'en stigmatiser les acteurs, mais au contraire de rendre plus efficace notre engagement dans ce domaine et de faire en sorte que le Parlement y soit effectivement associé.

L'action culturelle française à l'étranger n'est l'apanage de personne. Elle se fait avec des crédits publics et donc sous le regard du Parlement. Que le Parlement s'exprime est une excellente chose et, en ce qui me concerne, je m'en réjouis ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous avons essentiellement parlé de l'amendement n° II-11, et je voudrais revenir sur l'amendement n° II-10, sur lequel Mme la ministre a apporté une longue réponse argumentée.

Par cet amendement, je le rappelle, la commission des finances propose de renforcer de 20 millions d'euros les autorisations d'engagement affectées à l'aide au développement et à l'aide-projet du Fonds de solidarité prioritaire.

Mme la ministre nous a dit, en résumé : « D'abord, vous ne savez pas tout et, ensuite, il n'est pas possible d'opérer un prélèvement sur l'IFFIm ! »

Ainsi, nous ne saurions pas tout. Moi, madame la ministre, je me réfère aux documents existants. Or, ce que j'y vois, c'est que 150 millions d'euros étaient affectés au FSP l'année dernière et que 130 millions d'euros lui sont attribués en 2007, ce qui fait 20 millions d'euros de moins. S'agissant de l'Agence française de développement, sur le programme 209, je constate que l'on passe de 300 millions d'euros en 2006 à 230 millions d'euros prévus pour 2007, ce qui fait 70 millions d'euros de moins. Donc, au total, la diminution est de 90 millions d'euros.

Mais, avez-vous dit, vous ne saviez pas que nous allons affecter 38 millions d'euros, pris en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur les résultats de l'AFD, et que nous allons annuler 52 millions d'euros d'anciennes autorisations d'engagement non utilisées par l'AFD.

Donc, 38 millions d'euros plus 52 millions d'euros, cela fait 90 millions d'euros. Apparemment, vous avez raison.

Le seul ennui, c'est que la prise en charge de la rémunération des assistants techniques, qui était de 11 millions d'euros l'année dernière, va passer à 51 millions d'euros cette année.

Le total des crédits FSP et AFD passe donc de 439 millions d'euros à 399 millions d'euros, soit 40 millions d'euros de moins et, pour la seule AFD, de 289 millions d'euros à 269 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de moins.

Et il est question, dans cet amendement n° II-10, d'un transfert de 20 millions d'euros.

Madame la ministre, l'objet de notre amendement est simplement d'aider ce gouvernement-ci et celui qui lui succédera à respecter cet objectif fondamental pour la France qui consiste à consacrer 0,7 % de son revenu national à l'aide au développement en 2012. Même s'il n'est pas dans les attributions de la commission des finances de statuer sur des questions de politique étrangère, lesquelles relèvent principalement de la commission des affaires étrangères, nous avons aussi le souci de la place et de l'image de la France dans le monde !

Vous nous avez dit en outre qu'il n'était pas possible de prélever une partie des autorisations d'engagement prévues pour l'IFFIm. Pour ma part, j'ai examiné les choses de très près. L'engagement que nous avons pris sur l'IFFIm est de 1,3 milliard d'euros. Mais, sur les vingt ans qui viennent, c'est-à-dire jusqu'en 2027, il n'est que de 373 millions d'euros, puisque nous ne sommes pas allés jusqu'au bout, alors que certains de nos partenaires ont accepté de couvrir la totalité du programme. Ce sont des annuités d'emprunt que nous prenons en charge. Étant donné que nous ne sommes liés par aucun traité, donc par aucun engagement juridique, il n'y aura pas de difficulté à reconstituer sur vingt ans les 20 millions d'euros que nous proposons de prélever.

En revanche, l'objectif de 0,7 % doit être atteint en 2012 ! Et j'ai le sentiment que cette question préoccupe tous les membres de cette assemblée, quel que soit le côté de l'hémicycle où ils siègent, car elle met en jeu l'image de la France.

Par conséquent, madame la ministre, je ne peux pas vous suivre.

Simplement, je tiens à souligner - et le président de la commission des finances ne m'en voudra pas - que je n'étais effectivement pas au courant du prélèvement de 38 millions d'euros d'un côté et de l'annulation de 52 millions d'euros de l'autre, parce que, au moment où j'ai préparé mon rapport, on ne m'en avait pas informé.

Je souhaite donc que, l'an prochain, nous ayons en amont toutes les indications nécessaires ; cela facilitera grandement notre travail !

En tout cas, en l'état actuel, cet amendement n° II-10, est un amendement de fond, puisque le geste qu'il traduit - et qui n'est d'ailleurs pas suffisant - concerne l'objectif de 0,7 % du PIB en 2012, auquel la représentation nationale, notamment cette assemblée, qui a une mission constitutionnelle de représentation particulière de l'étranger, ne peut pas être indifférente.

L'amendement n° II-11 est, lui, un amendement de principe. En effet, une histoire de 200 000 euros, comme on dit en Auvergne, il n'y a pas de quoi en faire une pendule !

Mme Catherine Tasca. Il s'agit de 700 000 euros !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Non ! Les 700 000 euros, c'est avec les 500 000 euros de l'amendement de M. Gouteyron, qui sera examiné après-demain !

En tout cas, il faut comprendre la manière dont la question se pose. La commission des finances est la gardienne de l'application de la loi organique et je suis attaché à cette loi parce qu'elle est une oeuvre commune de la droite et de la gauche, c'est-à-dire de l'unité de l'institution parlementaire, pour régler les conditions dans lesquelles nous accomplissons, tous les ans, l'acte fondamental du Parlement, à savoir le vote du budget et le contrôle des finances publiques.

C'est pourquoi, lorsque la Cour des comptes nous dit que les reports de crédits, limités à 3 % par la loi organique, excèdent 10 % dans le cas de CulturesFrance, la mission de la commission des finances est d'appeler l'attention sur ce point et, comme le disait le président Arthuis il y a un instant, de donner un signal.

Car nous ne passons pas l'écrémeuse sur la totalité ! Nous ne sommes pas complètement inconscients ! Nous ne voulons pas mettre CulturesFrance dans une situation impossible, la priver de toute trésorerie : elle a quand même besoin d'un minimum. Mais convenez que 3,4 millions d'euros, c'est malgré tout un chiffre très élevé, trop élevé.

La commission des finances et tous les rapporteurs spéciaux veillent quotidiennement au respect des règles de la loi organique. Je suis donc toujours très étonné de constater que certains secteurs - en particulier celui de la culture, mais il existe deux ou trois autres qui sont aussi protégés - ne se voient jamais imposer de respecter cette règle des 3 %, alors que les autres y sont strictement contraints. Je suis désolé, mais les règles s'appliquent à tout le monde ! S'il avait dû en être autrement, MM. Lambert et Migaud n'auraient pas rédigé la loi organique de la même manière et ils auraient énuméré un certain nombre d'exceptions.

J'ajoute que les crédits sont transférés d'une association qui n'en a pas vraiment besoin, comme cela a, me semble-t-il, été démontré, au Fonds français pour l'environnement mondial, dont les crédits sont très justes, et où il est également très important que la France fasse bonne figure : 200 000 euros, mes chers collègues, ce n'est pas une histoire épouvantable !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais cela a des implications beaucoup plus importantes !

M. Michel Charasse. Quelle que soit la majorité qui emportera les prochaines élections, comme le veut l'habitude, un collectif budgétaire interviendra à brève échéance. Je peux vous affirmer que la première préoccupation du ministre des finances ou du budget - nous sommes quelques-uns ici à avoir occupé cette fonction : je parle sous le contrôle de MM. Jean Arthuis et Jean-Pierre Fourcade, et peut-être de quelques autres - sera alors de ramasser tous les tas de noisettes qui dorment ici et là ! (Rires.)

C'est ce que j'ai dit hier à M. Poivre d'Arvor : « Si vous avez un tas de noisettes qui traîne à CulturesFrance, faites attention : il ne passera pas l'année ! » (Nouveaux sourires.) Plutôt que de le faire faire ou de le laisser faire par le Gouvernement via un décret de réduction de crédits pour gager un décret d'avances, je préfère, moi qui suis un vieux parlementaire dans l'âme, que le Parlement fasse son métier.

Alors, évidemment, des raisons de fond ont été avancées par mes amis du groupe socialiste. Je ne peux pas me distinguer trop nettement d'eux,...

Un sénateur de l'UMP. Un peu tout de même !

M. Michel Charasse.... car je comprends aussi ce qu'ils veulent dire. Si j'ai un raisonnement politique, je peux les rejoindre ; mais si j'ai un raisonnement technique, qui est celui de l'éthique budgétaire, dont la commission des finances a la charge, je suis obligé de m'en tenir à ce que la commission a voté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, je considère que ce débat, très intéressant, honore le Sénat. Chacun ayant pu s'exprimer, nous allons maintenant procéder au vote.

Je mets aux voix l'amendement n° II-10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets à voix, modifiés, les crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l'état B.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

1 194 250 000

996 450 000

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

300 000 000

150 000 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

731 250 000

731 250 000

Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

163 000 000

115 200 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : prêts à des États étrangers » figurant à l'état D.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Accords monétaires internationaux

0

0

Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine

0

0

Relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale

0

0

Relations avec l'Union des Comores

0

0

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux » figurant à l'état D.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 42 et 42 bis qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Aide publique au développement

Article 34 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 42 bis

Article 42

La garantie de l'État est accordée à l'Agence française de développement pour couvrir la contribution due par cette agence au titre du remboursement en principal et en intérêts de la première émission obligataire de la Facilité de financement internationale pour la vaccination pour un montant maximal de 372 800 000 € courants. Cette garantie s'exerce dans le cas où le montant de l'annuité due par l'agence au titre de cette contribution est supérieur à la part des recettes annuelles du fonds de solidarité pour le développement attribuée, dans des conditions fixées par voie réglementaire, au financement de la contribution française à la Facilité de financement internationale pour la vaccination, dont le montant est constaté par le comité de pilotage de ce fonds. - (Adopté.)

Article 42
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Agriculture, pêche et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Article 42 bis

Dans le I de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 (n° 91-1323 du 30 décembre 1991), le montant : « 11 100 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 14 600 millions d'euros ». - (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Article 42 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 34 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs aux missions : « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41 et 41 bis) et compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle APFAR, « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont les crédits s'élèvent pour 2007 à 2,98 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,95 milliards d'euros en crédits de paiement, regroupe quatre programmes d'inégale importance, qui font l'objet de développements détaillés dans mon rapport spécial.

Cette présentation doit toutefois être relativisée pour deux raisons principales.

Tout d'abord, cette mission ne recouvre pas l'ensemble des concours publics en faveur de l'agriculture puisque les crédits communautaires apportent une très large contribution. En effet, les dépenses agricoles de l'Union européenne devraient s'établir à 10,5 milliards d'euros en 2007, soit plus de trois fois le montant de la présente mission. À cet égard, je tiens à souligner qu'une amélioration devrait sans doute être recherchée dans la présentation des crédits concourant à la mise en oeuvre de la politique agricole afin de mieux cerner les enjeux liés au cofinancement communautaire.

Ensuite, les dépenses fiscales, qui s'élèveront à près de 3,4 milliards d'euros en 2007, représentent un montant supérieur aux crédits budgétaires de la mission. Je souhaite que la présentation des mesures fiscales concourant à la mise en oeuvre de chaque programme soit améliorée afin de permettre une évaluation chiffrée de chaque mesure et une évaluation de leur réelle efficacité économique.

Cette mission est essentiellement centrée sur les dépenses d'intervention, qui représentent 53,5 % du total et témoignent du poids des dispositifs d'aides en faveur des agriculteurs ou des marchés.

Par ailleurs, les dépenses de personnel sont concentrées sur deux programmes, dont un programme support, et recouvrent 24,2 % des crédits de la mission.

Je tiens à souligner que ce découpage des dépenses de personnel n'est pas conforme à l'esprit de la LOLF, pas plus que l'existence d'un programme support au sein de la mission.

La lecture des « schémas de déversement analytique » des différents programmes est difficile en raison de leur complexité. J'avais déjà formulé cette remarque l'an passé, mais aucune amélioration n'est à noter cette année. Monsieur le ministre, une réflexion est-elle en cours sur la suppression, à terme, du programme support ?

Je voudrais maintenant vous faire part de mes principales observations sur les quatre programmes qui composent cette mission.

Je formulerai trois remarques préalables qui vaudront pour l'ensemble des programmes.

Premièrement, s'agissant de la définition des objectifs et indicateurs, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est engagé avec sincérité dans une démarche de performance et nombre des remarques formulées par la commission des finances sur la définition des critères de performances de la mission ont été suivies d'effet.

Un resserrement des objectifs ainsi qu'une réflexion méthodologique sur la construction des indicateurs sont à noter. Toutefois, pour de nombreux indicateurs, des problèmes d'interprétation persistent en raison de la difficulté à renseigner statistiquement lesdits indicateurs et à disposer de séries pluriannuelles fiables.

Deuxièmement, les différents opérateurs de programme ont accompli de réels efforts dans l'application de la LOLF. Désormais, la plupart des opérateurs de la mission sont en mesure de présenter une consolidation de leurs emplois en équivalent temps plein travaillé. Toutefois, l'évaluation de la performance de ces opérateurs et de leurs actions menées pour le compte de l'État doit être améliorée.

Monsieur le ministre, la définition d'objectifs et d'indicateurs associés aux actions menées par les opérateurs de votre mission est-elle en cours ?

Troisièmement, l'architecture et la cartographie des budgets opérationnels de programme, les fameux BOP, de la mission, trop complexes, devront être simplifiées à l'avenir. À cet égard, le ministère de l'agriculture et de la pêche a encore des progrès à faire. Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions en matière de simplification de la cartographie des BOP de la mission APFAR ?

J'en viens maintenant au détail de mes observations sur chaque programme, en commençant par le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural ».

Celui-ci a fait l'objet d'importantes modifications de périmètre en 2007, notamment avec l'intégration des compensations d'exonérations de charges sociales, pour 40 millions d'euros, et le transfert des crédits de rémunération des agents mis à la disposition des Haras nationaux par le ministère de l'agriculture et de la pêche, pour 12,7 millions d'euros.

La justification au premier euro des crédits de ce programme est satisfaisante et permet d'identifier les dispositifs prioritaires du programme pour 2007, notamment le soutien aux territoires ruraux, l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, avec la poursuite des actions en faveur des agriculteurs en difficulté et de l'installation des jeunes agriculteurs, les mesures agro-environnementales et la politique de la pêche.

S'agissant des actions de ce programme, j'ai besoin de précisions de votre part, monsieur le ministre.

Les crédits en faveur des aides à la mise aux normes des exploitations, notamment ceux du programme de maîtrise des pollutions agricoles, ou PMPOA, en forte baisse par rapport à 2006, permettront-ils de répondre à l'ensemble des demandes pour 2007 ?

Quel avenir réservez-vous aux contrats d'agriculture durable, les CAD, dont la dotation en crédits de paiement pour 2007 est quasiment divisée par deux par rapport à 2006 ? Une évaluation de ce dispositif a-t-elle été effectuée par votre ministère ? Ne pourrait-il faire l'objet d'un futur audit de modernisation ?

Le plan en faveur de la pêche que vous proposez et qui constitue un effort significatif au bénéfice de ce secteur - 60 millions d'euros inscrits en 2007 - sera-t-il de nature à mettre en place, au sein de la flotte française, des mesures de gestion conformes aux impératifs de conservation du stock ?

En outre, les récents accords internationaux et communautaires relatifs aux mesures de réduction des quotas officiels de pêche, d'encadrement des périodes de pêche et de hausse de la taille minimale de capture auront-ils un impact négatif significatif sur la flotte française ?

Nous avons déposé deux amendements affectant les crédits de ce programme pour 2007.

Le premier vise à réduire de 3 millions d'euros la subvention pour charges de service public destinée à l'établissement public « les Haras nationaux » afin de tenir compte des principales observations de mon rapport d'information sur cet établissement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent rapport !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Merci, monsieur le président !

En contrepartie de cette réduction, je vous proposerai d'augmenter les crédits de soutien aux filières par les offices agricoles.

Le deuxième amendement a pour objet de réduire de 5 millions d'euros l'enveloppe des autorisations d'engagement destinée au financement des charges de bonification des prêts visant à l'installation des jeunes agriculteurs, afin de tenir compte des observations très sévères de la Cour des comptes sur ce dispositif.

Sur ces deux sujets, monsieur le ministre, celui de la rationalisation des missions des Haras nationaux et celui de la réforme du dispositif des prêts bonifiés destinés à l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais avoir votre sentiment.

Le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » est marqué par le poids des subventions pour charges de service public versées aux principaux opérateurs que sont les offices d'intervention agricole.

Ces offices ont fait l'objet d'une réforme d'envergure en 2006 avec le recentrage de leurs missions, la création d'une agence unique de paiement des aides et la réduction de leurs coûts de fonctionnement. Des inquiétudes ont pu se faire jour quant à leur capacité financière à soutenir les filières agricoles l'année prochaine. Que pouvez-vous répondre à ces interrogations, monsieur le ministre ?

La justification au premier euro des crédits demandés pour ce programme est satisfaisante. Je remarque que les dispositifs de gestion des aléas de production financés par ce programme sont prioritaires, notamment l'encouragement à l'assurance récolte, qui bénéficie de crédits de 30 millions d'euros en 2007, en augmentation de 20 % par rapport à 2006. Il s'agit là d'un engagement fort de votre part, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous dire si les crédits consacrés à l'assurance récolte en 2006 et ceux qui sont prévus pour 2007 permettront d'atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ?

Pour ce qui est du programme « Forêt », j'observerai d'abord qu'il ne dispose d'aucun crédit de personnel propre et se voit transférer des crédits en provenance d'autres programmes de la mission.

Selon moi, l'incapacité à identifier, au sein du programme « Forêt » les crédits de personnel contribuant à la mise en oeuvre de la politique forestière entrave les marges de manoeuvre du responsable de programme et constitue une entorse aux principes inscrits dans la LOLF. Quels sont les progrès à attendre en la matière, monsieur le ministre ?

La justification au premier euro témoigne du poids des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs que sont l'Office national des forêts et les centres de propriété forestière.

Je me félicite d'ailleurs de la signature, avec six mois d'avance, du nouveau contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'ONF.

J'ai toutefois un regret, monsieur le ministre : la justification au premier euro n'est pas toujours assez explicite s'agissant de ce programme.

Je ne m'attarderai pas sur le programme support de la mission : « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » qui, à mon sens, a vocation à disparaître.

À l'avenir, il est nécessaire de tendre vers l'intégration, au sein de chaque programme, des crédits de soutien, sauf à remettre en cause la lisibilité du budget de la mission dans son ensemble.

Une question se pose s'agissant des crédits du programme pour 2007, celle de l'exactitude de l'évaluation des crédits de personnel. En effet, la justification au premier euro fait état de 4 821 équivalents temps plein travaillé pour une masse salariale globale de 330,7 millions d'euros, contre 5103 pour 336,2 millions d'euros en 2006.

Or un projet de décret d'avance de novembre 2006 a prévu l'ouverture de 10 millions d'euros sur le titre 2 de ce programme en raison d'une difficulté d'évaluation initiale de la masse salariale lors de la construction du projet de loi de finances pour 2006. Une sous-évaluation similaire n'est-elle pas à redouter en 2007, monsieur le ministre ?

Sous réserve de ces remarques et des amendements que je vous ai annoncés, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ainsi que les articles 41 et 41 bis, rattachés à la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2007 est un budget sérieux, équilibré et cohérent. (Murmures amusés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Notre collègue Joël Bourdin l'ayant déjà fort bien analysé, je n'entrerai pas dans chacun de ses détails ; j'évoquerai simplement les points qui nous satisfont pleinement - ce sont naturellement les plus nombreux, et je ne citerai donc que les principaux - avant de dire quelques mots des éléments d'incertitude ou d'interrogation.

Commençons par les motifs de satisfaction.

Premier point, le soutien marqué au secteur de la forêt et du bois se traduit par une revalorisation de l'action correspondante à hauteur de 44 % en autorisations d'engagement et de 26 % en crédits de paiement.

Le Gouvernement a multiplié dernièrement les dispositions fiscales en faveur de la filière, pour un montant total de 106 millions d'euros, montant qui n'a rien d'excessif si l'on songe que les deux tiers des forêts touchées par la tempête de 1999 n'ont pas encore été reconstituées.

Reste à satisfaire la demande de l'ensemble de la filière du pin maritime, qui souhaite être reconnue en tant qu'interprofession maritime. Sur ce sujet, monsieur le ministre, je compte sur votre précieux soutien, car, s'il concerne l'Aquitaine, il concerne aussi un département dont vous êtes l'élu. (Sourires.)

Deuxième point très positif : l'appui à l'innovation et à la valorisation des produits.

Font ainsi l'objet de hausses substantielles les crédits permettant de financer les actions en matière de sélection animale et végétale, de soutenir l'innovation dans le secteur agroalimentaire et de renforcer la promotion à l'international.

On ne peut par ailleurs que se féliciter des nombreux pôles d'excellence rurale déjà labellisés, d'autant qu'ils seront rejoints par une nouvelle vague de labellisés d'ici à la fin de l'année.

Troisième point positif : la rationalisation et la modernisation des structures administratives.

On relèvera à cet égard la diminution de la masse salariale des agents obtenue grâce à un ajustement des effectifs du ministère ou encore le développement des téléprocédures au bénéfice des usagers. Sur ce dernier point, les indicateurs font état de performances très encourageantes.

Quant à la réduction des coûts de fonctionnement des offices du fait de leur regroupement, elle est certes conforme à une pure logique de gestion budgétaire ; cependant, il importe que ces structures restent en mesure d'accomplir leurs missions, essentielles pour le monde agricole et ses filières, dans des conditions matériellement satisfaisantes.

J'en viens à présent aux éléments d'interrogation, qui sont également au nombre de trois.

C'est d'abord la crise que traverse la filière vitivinicole, à laquelle une partie du rapport pour avis est consacrée, tant la situation est grave.

Atonie de la consommation intérieure et montée en puissance des vins dits « du nouveau monde » provoquent une chute des cours, un accroissement des stocks et, in fine, une réduction notable - de 56 % ! - des revenus des professionnels.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Vous avez pris l'initiative, monsieur le ministre, et je vous en sais gré, de mettre en oeuvre un plan de soutien à la filière, pour un montant de 90 millions d'euros,...

M. Roland Courteau. C'est insuffisant !

M. Gérard César, rapporteur pour avis.... mais nous sommes encore loin du compte, alors que la Commission européenne a présenté un projet de réforme de l'organisation commune du marché du vin qu'à juste titre - et je vous remercie de votre position énergique - vous avez jugé inacceptable, monsieur le ministre.

Pourquoi, en effet, proposer l'arrachage de 400 000 hectares de vignes alors que plusieurs dizaines de milliers d'hectares ont été plantés dans le sud de l'Union européenne sans droits, et donc en toute illégalité ?

M. Roland Courteau. C'est scandaleux !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. N'est-il pas contradictoire de proposer en même temps la libéralisation des droits à plantation et un plan d'arrachage massif ?

M. Roland Courteau. Parlons-en, en effet !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Pouvez-vous donc nous dire, monsieur le ministre, où nous en sommes dans ces négociations et, plus largement, quel soutien vous envisagez d'apporter au monde vitivinicole, notamment en ce qui concerne la promotion à l'export, indispensable pour surmonter la crise ?

M. Roland Courteau. Tout à fait indispensable !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Le deuxième point sur lequel nous sommes quelque peu réservés à trait au financement de l'INAO, l'Institut national des appellations d'origine.

Dans le cadre de la dernière loi d'orientation agricole, que j'ai eu l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires économiques, nous avions décidé d'élargir le champ de compétence de l'institut - sans en changer le nom, je le rappelle - en lui confiant la gestion de nouveaux signes de qualité.

Un contrat d'objectifs et de moyens a été conclu pour la période 2007-2009, prévoyant un réajustement global des ressources. Or, s'il est envisageable à partir de 2008, ce réajustement ne doit pas porter sur l'année 2007, car l'INAO sera contraint de faire face à des missions supplémentaires sans avoir encore pu se réorganiser et alors qu'un audit réalisé par vos services, monsieur le ministre, confirme les besoins de financement.

Afin que cet institut, dont l'utilité et la compétence sont unanimement reconnues, soit en mesure d'assurer pleinement ses missions, il semble nécessaire de réévaluer ses crédits de fonctionnement, et je présenterai tout à l'heure un amendement en ce sens.

Troisième et dernier point d'interrogation : le financement de l'assurance récolte, chère au président de notre commission, M. Emorine.

Certes, malgré les contraintes budgétaires, l'action correspondante est revalorisée de 20 % au sein du projet de budget. Cependant, les 30 millions d'euros ainsi mobilisés restent bien inférieurs, par exemple, aux 240 millions d'euros qu'a consacrés l'Espagne en 2006 à l'assurance récolte.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Avec deux de mes collègues de la commission des affaires économiques, Dominique Mortemousque et Daniel Soulage, j'ai récemment rencontré le directeur de l'agence américaine gérant l'assurance récolte, qui nous a fait part de systèmes incitatifs a priori très intéressants - par exemple, l'obligation de posséder une assurance récolte pour obtenir des prêts - et qui nous a indiqué que cet instrument constituerait une priorité dans le prochain Farm Bill.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels développements vous attendez en la matière pour l'année 2007 et à plus long terme, au regard notamment des engagements de principe pris dans la loi d'orientation agricole ?

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous soumettre, monsieur le ministre.

Je terminerai naturellement mon intervention en appelant à voter les crédits de cette mission, qui, j'y insiste, garantissent un budget pérennisé au service du monde agricole et rural. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet relatif au développement rural de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », même s'il n'est pas aisé d'isoler clairement les crédits affectés à ce volet depuis la mise en oeuvre de la LOLF.

Je commencerai par dire quelques mots des crédits du budget du ministère de l'agriculture sur ces actions pour 2007, avant d'aborder le nouveau programme de développement rural pour la période 2007-2013.

S'agissant tout d'abord du projet de budget, ses orientations en matière de développement rural me paraissent contrastées et globalement inquiétantes.

Certaines évolutions, il faut le reconnaître, vont dans la bonne direction.

La prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, aide structurante pour l'aménagement du territoire, bénéficie ainsi d'une revalorisation de 5 %.

Les indemnités compensatoires de handicap naturel, qui permettent de maintenir les activités d'élevage dans les zones, telles que la montagne, où les conditions de production sont particulièrement défavorables, sont également revalorisées.

Un effort substantiel est réalisé pour le secteur forestier. En particulier, les crédits affectés à la modernisation de la filière bois augmenteront de 45 %.

Parallèlement à ces quelques « bons points » dont, je tiens à le dire, le Gouvernement peut être crédité, je me dois malheureusement aussi de souligner les importants motifs d'inquiétude que suscite ce nouveau projet de budget.

Les 118 millions d'euros mobilisés pour la prime herbagère agro-environnementale, dispositif en direction des productions extensives sur l'ensemble du territoire, financeront pour l'essentiel des contrats territoriaux d'exploitation arrivant à expiration. Seuls 17 millions d'euros sont ouverts au titre des nouveaux CTE en 2007, ce qui paraît très largement insuffisant au regard des attentes.

De la même façon, les 78,3 millions d'euros prévus pour les contrats d'agriculture durable permettront de gérer les stocks, mais non de financer de nouvelles ouvertures de contrats.

Les 12 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les mesures rotationnelles représentent une simple reconduction du budget des précédentes années, et cette enveloppe ne permettra pas d'étendre ce dispositif de diversification de l'assolement au-delà des neuf régions qui en bénéficient aujourd'hui, ce qui est contraire à l'engagement du Gouvernement, monsieur le ministre.

On le voit, ce projet de budget, dans lequel, il faut le souligner, l'enveloppe du ministère de l'agriculture diminue en volume, laisse entrevoir un inquiétant désengagement de l'État en matière de développement rural.

Cette évolution est d'autant plus alarmante qu'elle s'inscrit dans le contexte d'une nouvelle programmation de développement rural pour 2007-2013 qui est très incertaine, et c'est le second sujet que je veux aborder.

La programmation 2000-2006 arrive à son terme, après avoir permis de financer, par l'intermédiaire de quatre fonds structurels communautaires, des actions en faveur du deuxième pilier de la PAC à hauteur de 6,4 milliards d'euros et selon trois axes : promotion d'une agriculture durable, maintien de la population sur les territoires ruraux et préservation de l'environnement.

Un règlement européen de septembre 2005 change ce cadre institutionnel et financier. Un fonds spécifique, le Fonds européen agricole pour le développement rural, ou FEADER, est dédié au soutien des actions en faveur du développement rural.

Sur la base de ses grandes orientations, chaque pays définit un plan stratégique national, dont la mise en oeuvre s'effectue par le biais d'un programme de développement rural présentant un ensemble de mesures concrètes assorties d'un plan de financement.

Ainsi le Gouvernement a-t-il arrêté, en mars dernier, l'architecture de la programmation française pour 2007-2013, qu'il a transmise pour approbation à la Commission européenne.

Cette programmation se caractérise par une déconcentration poussée et par une hiérarchisation des niveaux d'intervention : un programme dit « hexagonal » qui couvre l'ensemble du territoire hors Corse, des programmes concernant chacun des départements d'outre-mer et un dernier programme concernant la Corse.

Or, si ces programmes contiennent d'appréciables mesures de soutien au renforcement de la compétitivité de l'agriculture, à l'aménagement des espaces ruraux et à la diversification de l'économie, le niveau de leur financement paraît encore aujourd'hui très incertain.

En effet, l'enveloppe allouée par le FEADER à la France pour la période 2007-2013 sera de 6 milliards d'euros, alors que les dépenses occasionnées pendant la période précédente se sont élevées à 6,4 milliards d'euros.

C'est donc à un recul de l'engagement communautaire en matière de développement rural que nous assistons, et cela malgré l'orientation proclamée de la PAC vers un renforcement de son second pilier.

Même si le Gouvernement assure que l'enveloppe globale consacrée au développement rural sera préservée grâce à un renforcement des cofinancements nationaux et à la mobilisation de financements sans contrepartie, on ne peut qu'être inquiet au vu de cette évolution. Ne cache t-elle pas, en effet, une renationalisation sous-jacente d'une question d'intérêt communautaire risquant de remettre en cause un développement équilibré et harmonieux du territoire européen ?

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que m'ont inspirées les crédits consacrés à la composante « développement rural » de cette mission, crédits, vous n'en serez pas surpris, qu'à titre personnel je ne voterai pas,...

M. Aymeri de Montesquiou. C'est dommage !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.... mais que la commission vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement, au sein de la mission « Agriculture, pêche et affaires rurales », sur le secteur de la pêche.

Après avoir brièvement mentionné les crédits qui y sont consacrés, j'évoquerai de façon plus approfondie l'important problème du contrôle des pêches, qui se trouve aujourd'hui sous les feux de l'actualité et donne lieu à tant d'inquiétudes.

J'aborde donc, en premier lieu, le volet « pêche » du projet de loi de finances pour 2007.

Force est de constater qu'il s'agit là d'une des priorités du ministère. Dotée de 60 millions d'euros, contre 32 millions d'euros l'année précédente, cette action s'inscrit dans le « plan d'avenir pour la pêche 2006-2007 » que vous avez annoncé au mois de juin, monsieur le ministre, pour un montant de 80 millions d'euros.

Il faut reconnaître également que c'est une réponse attendue et, pourrait-on dire, incontournable. En effet, affectée par l'augmentation du coût de l'énergie, la raréfaction de la ressource halieutique et les problèmes sanitaires, la filière pêche traverse, comme la filière viticole, une crise profonde.

Ce plan d'aide national est naturellement conforté par les actions menées à l'échelle communautaire, dans le cadre du Fonds européen pour la pêche, le FEP. Il remplacera, à compter du 1er janvier prochain, et après deux ans de négociations, l'Instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP.

Or ce nouveau fonds se voit doté d'une enveloppe globale de 3,85 milliards d'euros pour la période 2006- 2013, soit, mes chers collègues, une diminution d'environ 33 %, ce qui devrait affecter dans une même proportion l'enveloppe octroyée à la France.

Même si une partie de cette diminution provient de la disparition des aides à la construction, nous ne pouvons qu'y voir une tendance inquiétante à un désengagement des politiques européennes de soutien ; à cet égard, je fais miens les propos qui viennent d'être tenus sur le financement des politiques rurales.

Comment comptez-vous « absorber » cette réduction du cofinancement, monsieur le ministre, alors que les dépenses consacrées à un secteur aussi fragile que celui de la pêche risquent d'aller en augmentant ?

J'en viens, à présent, au thème plus spécifique développé dans le rapport pour avis, à savoir le contrôle et le suivi des activités de pêche.

C'est, si j'ose dire, un enjeu de fond. Il s'agit d'assurer le respect de la réglementation des pêches, concernant, notamment, les taux maximaux et les tailles minimales de capture, non seulement par les pêcheurs français, mais aussi par les pêcheurs communautaires et par ceux des pays tiers. On connaît la sensibilité du sujet chez nos pêcheurs, qui ont le sentiment de subir une concurrence déloyale de la part, en particulier, des navires espagnols ou japonais. Ils sont intarissables sur ce sujet, monsieur le ministre, et leur amertume est grande !

Si la politique commune de la pêche ne prévoyait pas à l'origine d'instruments propres à garantir sa mise en oeuvre, sa réforme, en 2002, a permis d'enregistrer d'importants progrès : coopération accrue entre les différents acteurs, harmonisation des procédures et des sanctions, mise en place d'un système de surveillance des navires par satellite depuis 1er janvier de cette année, ou encore installation au 1er janvier prochain d'une agence communautaire de contrôle des pêches.

Au niveau national, vous avez lancé au mois d'avril, monsieur le ministre, une charte du contrôle des pêches rappelant les droits et obligations des divers acteurs.

Cette initiative vise, en réalité, à obtenir la levée de la sanction décidée l'année dernière par la Cour de justice des Communautés européennes à l'encontre de notre pays, qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour interdire la pêche et la vente de poissons de petite taille, sanction qui s'est traduite par une amende de 20 millions d'euros - elle a été payée en septembre 2005 -, assortie d'une astreinte semestrielle de 57,7 millions d'euros.

Ces montants sont considérables, surtout si on les rapporte au budget public consacré à la pêche. Si vous ne pouvez personnellement être mis en cause dans ce dossier qui remonte à plusieurs années, monsieur le ministre, il reste que ces conséquences auraient pu être évitées si le Gouvernement avait fait preuve d'une plus grande réactivité.

M. Roland Courteau. C'est sûr !

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Lors de votre audition par la commission des affaires économiques, voilà un mois, vous nous aviez fait part de votre espoir de voir cette astreinte prochainement levée.

Alors que le paiement d'une nouvelle tranche semestrielle nous menace, pouvez-vous nous apporter aujourd'hui des éclaircissements supplémentaires à ce sujet ?

Enfin, un accord est intervenu récemment au niveau européen pour limiter la pêche de certaines espèces menacées en raison, selon les experts, de la surexploitation ; cela concerne tout particulièrement le thon rouge.

Nous nous dirigeons donc vers une nouvelle réduction de l'armement et du nombre de pêcheurs vivant de leur profession.

Comment évaluez-vous l'impact de cette mesure, monsieur le ministre ? Sachez que l'inquiétude à ce sujet est grande dans les ports de la Méditerranée !

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais, en tant que rapporteur pour avis, vous livrer concernant plus spécifiquement le secteur de la pêche.

En conclusion, s'agissant des indications de vote sur l'ensemble de la mission, je m'en tiendrai à rapporter fidèlement l'avis favorable qui a été émis par la commission des affaires économiques, même si mon avis personnel sur ce budget est beaucoup moins positif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 112 minutes ;

Groupe socialiste, 55 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 25 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 21 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle, en outre, qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante-dix minutes pour intervenir.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'agriculture pour 2007, avec 5 milliards d'euros, soit une augmentation de 1 % en euros courants, enregistre en réalité, si l'on tient compte de l'inflation, une baisse.

Qualifié de « projet restant limité » par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA, les quelques priorités du Gouvernement, les adaptations à la loi d'orientation agricole, la LOA, et au développement des territoires ruraux se traduisent par des coupes claires au sein d'autres crédits pourtant indispensables à un équilibre soutenu de nos agricultures. On appelle cela le redéploiement interne !

Plombé comme les autres budgets par l'obsession de la réduction de la dette, il confirme le désengagement de l'État dans des secteurs essentiels tels que le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, les haras nationaux, l'Office national des forêts, le développement rural ou encore l'enseignement agricole public.

La dette de l'État, sujet très sérieux s'il en est, doit cependant être relativisée et traitée autrement.

Elle doit être relativisée non seulement en comparaison de ce qui se passe dans d'autres pays européens, mais aussi en rapprochant deux chiffres : 17 500 euros de dette par personne, alors que, dans le même temps, l'État laisse un patrimoine de 166 000 euros par personne.

La dette doit, en outre, être traitée autrement que par la contraction des budgets de l'État, la réduction draconienne des effectifs de fonctionnaires, le désengagement financier de l'État et une fiscalité en faveur des plus nantis.

L'Association nationale des élus communistes et républicains estime à plus de 50 milliards d'euros de recettes qui pourraient être trouvés si l'on renonçait aux 19 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux entreprises, jugés inefficaces par la Cour des comptes, si l'on taxait les actifs financiers à 0,5 % - cela rapporterait 25 milliards d'euros -, ainsi que les mouvements boursiers et si l'on augmentait les taux de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est, selon nous, plutôt dans ce sens qu'il faut aller s'i l'on veut réduire progressivement la dette et instituer des budgets dynamiques pour notre économie et l'emploi.

Une lecture assidue et quasi exhaustive des débats relatifs à votre budget à l'Assemblée nationale m'amène à penser, monsieur le ministre, que l'essentiel de l'exercice réside dans la manière de présenter les choses.

Si l'opposition de gauche accueille, en règle générale, votre budget d'un oeil critique, je perçois également, à travers les interventions des membres de la majorité, beaucoup d'interrogations, d'inquiétudes, d'incertitudes, voire de frustrations, ce qui ne leur interdit pas, par esprit de solidarité politique, d'émettre un vote positif.

Le programme 154 qui fait état, dans son action 03, de l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, table sur l'installation de 6 000 jeunes agriculteurs, chiffre qui devrait être plus ambitieux, compte tenu du nombre de cessations d'activité en 2006.

Il me paraît également urgent, comme je le rappelle chaque année, d'accorder une dotation aux jeunes agriculteurs, adaptée aux jeunes installés hors DJA dont l'exploitation nécessite une consolidation financière.

Il est toujours moins coûteux de renforcer l'existant que de financer des cessations d'activité ou des plans de recyclage professionnel, voire d'apporter des solutions à des drames familiaux.

Les actions de maîtrise des pollutions d'origine agricole et de modernisation des bâtiments d'élevage, respectivement en hausse de 30 % et 14 % en 2006, sont en nette régression ; celle-ci atteint 11 % au moment même où de très nombreuses mises aux normes vont devoir s'effectuer.

La date limite étant fixée à décembre 2006, celles-ci concernent le plus souvent des exploitations de taille moyenne qui hésitaient à se lancer dans de lourds investissements de mise aux normes et de modernisation de leur outil de travail au regard des lourdes incertitudes qui pesaient et continuent de peser sur l'avenir de leur exploitation : prix du lait, crises cycliques des cours, avenir des aides PAC et politique de l'OMC. Et ce ne sont pas les mesures de la LOA, du Fonds agricole et du bail cessible qui seront de nature à faciliter l'installation. Ces mesures, couplées aux droits à paiement unique, les DPU, ne feront qu'accroître encore le coût du foncier et favoriser les plus grandes exploitations existantes.

Quant au crédit-transmission, c'aurait pu être une bonne idée, à condition de ne pas responsabiliser l'agriculteur qui laisse ses terres, d'abaisser le taux des prêts bonifiés et d'en allonger la durée.

Le programme 227 fait état de l'effort réalisé dans le cadre de la promotion à l'international des produits et du modèle agroalimentaire français, qui tente de pallier les politiques désastreuses de la PAC, cette dernière atténuant ses soutiens directs, et de l'OMC qui, en abaissant les barrières douanières, fragilise notre agriculture.

L'AUP, c'est-à-dire l'Agence unique de paiement, mise en place par la LOA, regroupe les offices et permet au passage une économie substantielle. Dès lors, on peut, à juste titre, s'interroger sur le point de savoir pourquoi l'AUP n'assure pas la prime herbagère agro-environnementale et les mesures agro-environnementales rotationnelles en lieu et place du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

L'action 02 du programme 227 traite de la gestion des aléas. Les diverses agricultures ne constituent pas une science exacte et s'il est possible, du moins en théorie, de corriger les effets du marché afin d'assurer des prix rémunérateurs au producteur, des marges convenables aux transformateurs et aux négociants commerciaux, ainsi que des prix abordables aux consommateurs, il n'est pas possible de prévoir les sécheresses, les orages, les inondations, les invasions d'insectes, pas plus que les variations climatiques brutales.

Ainsi, de grandes productions vitales comme les céréales connaissent, à l'échelle mondiale, des variations importantes qui se répercutent sur les prix, alimentent la spéculation et affament les populations les plus fragiles.

L'instauration de l'assurance récolte au détriment du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, correspond à un engagement de 30 millions d'euros de la part de l'État et à 60 000 contrats. Même Christian Ménard, auteur du rapport sur la gestion des risques climatiques en agriculture, juge ces crédits nettement insuffisants, en particulier pour les fourrages.

À ce sujet, monsieur le ministre, et à partir de l'expérience que j'ai vécue en 2006, il serait bon, me semble-t-il, pour ce qui est de la sécheresse et des fourrages, de faire connaître dès la fin mai la liste des départements où les fourrages peuvent être récoltés sur les jachères et de constituer une forme de banque de solidarité nationale des fourrages.

Il paraît, en effet, pour le moins choquant que des groupes d'assurances s'enrichissent à partir de ce système qui aurait dû relever de la solidarité nationale et interprofessionnelle.

Le plan gouvernemental biocarburants, engagé en 2004 par Jean-Pierre Raffarin, se fixe l'objectif d'atteindre 5,95 % des carburants distribués en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015, ce qui devrait déjà correspondre à 15 % des surfaces cultivées en céréales, betteraves et oléagineux, soit 2 millions d'hectares en 2010.

Naturellement, cela soulève la question de la nécessaire planification de ces cultures, sans perdre de vue la priorité de l'agriculture qui est de nourrir les hommes.

Pour autant, seule une politique incitative garantissant des revenus décents aux producteurs sera en mesure de déclencher leur adhésion au processus.

Or deux dangers majeurs pèsent sur la filière biocarburants : d'une part, la captation des marges pour les transformateurs, triturateurs et raffineurs ; d'autre part, l'abaissement des tarifs douaniers par l'OMC, qui rendrait non concurrentiels nos biocarburants par rapport à ceux du Brésil, par exemple.

Leur succès dépendra également du pouvoir de conviction à dominante économique et environnementale du Gouvernement en direction de l'agriculture, de la pêche, des collectivités locales, des transports en commun et du secteur industriel.

J'ajoute que des millions de particuliers sont captifs de leur mode de transport, particulièrement dans le monde rural, où l'automobile reste le seul moyen de déplacement. Nos grandes firmes de distribution de carburants, qui ont fermé des milliers de stations, auront-elles la volonté de mettre à la disposition des particuliers des carburants comme l'E85, ou le bioéthanol, dit B30 ?

Venons-en à la gestion des crises, qui peuvent être soit sanitaires, comme celle de la grippe aviaire en 2006, soit économiques, comme la crise porcine des années précédentes.

La crise viticole est là ; la crise laitière est latente ; les fruits et légumes sont régulièrement en souffrance ; quant aux cours de la viande, ils sont irréguliers.

Face à ces situations, la France manque de moyens budgétaires. Le fonds des calamités est théoriquement doté en fonction des besoins, besoins qui, faut-il le rappeler, sont toujours supérieurs aux fonds débloqués. À cet égard, les 600 000 d'euros débloqués pour la crise aviaire, notamment en Bretagne, ne suffiront pas à effacer les effets de la crise qu'a connue la filière.

Les offices chargés par la loi d'orientation agricole de favoriser l'organisation des producteurs, d'améliorer la connaissance et le fonctionnement des marchés et de verser les aides communautaires voient leurs moyens diminuer de 30 millions d'euros. Ils auront bien du mal à jouer leur rôle !

Tout cela mériterait une réflexion approfondie sur la capacité de la solidarité nationale, la constitution de caisses de prévoyance dans les périodes où les cours sont plus fastes, comme c'est le cas pour le porc en 2006, et la solidarité au sein des filières et des organisations de producteurs.

Or, au contraire, nous assistons trop souvent à la disparition des plus faibles, à la fermeture d'abattoirs ruraux et à la casse des emplois agricoles et agro-alimentaires.

En ce qui concerne les prix agricoles, je citerai les propos de deux personnalités peu suspectes de vous être hostiles, monsieur le ministre.

M. François Sauvadet, tout d'abord, déclarait : « Nous avons une mission commune : légitimer à nouveau les aides agricoles. Il n'est pas une agriculture au monde qui ne soit accompagnée par les pouvoirs publics. Doit-on continuer à le faire à travers l'impôt ou par la revalorisation des prix et un nouveau partage des marges ? Quoi qu'il en soit, on ne pourra vouloir durablement compétitivité, aménagement du territoire, diversité et sécurité alimentaire, et préservation de l'environnement sans concours publics ou prix rémunérateurs. »

M. François Guillaume, ensuite, affirmait : « Il faut pourtant compenser l'insuffisance des prix agricoles. »

Mes chers collègues, les mots clefs sont prononcés : revalorisation des prix, partage des marges, prix rémunérateurs. Même si aucune solution n'est mise en oeuvre actuellement pour faire vivre les agriculteurs, il faudra bien y venir un jour !

En ce moment, en Bretagne, particulièrement dans les Côtes-d'Armor, de nombreux paysans qui se sont orientés vers des cultures herbagères, moins polluantes, plus économiques en intrants et plus extensives se trouvent pénalisés par l'injuste répartition des aides, qui sont plus favorables aux grandes cultures.

Le jeûne qu'ils observent pour attirer l'attention des pouvoirs publics mérite d'être pris en considération. Monsieur le ministre, j'ose espérer que demain, mercredi 6 décembre 2006, votre conseiller les entendra, puisque j'ai cru comprendre qu'une rencontre avec eux devait avoir lieu ce jour-là.

Autre effet pervers de la PAC sur l'environnement : les contrôles tatillons des surfaces par satellite pénalisent les superficies entourées de haies et de talus, configuration fréquente en Bretagne. En effet, les agriculteurs abattent des arbres et détruisent des talus pour pouvoir prétendre aux aides de la PAC sans pénalité. Pouvez-vous intervenir auprès de Bruxelles sur ce sujet précis, monsieur le ministre ? Il suffirait, par exemple, d'intégrer la surface des haies aux jachères.

Enfin, j'évoquerai d'un mot le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, dont le déficit structurel devrait avoisiner les 6 milliards d'euros à la fin de 2007. Les recettes de ce fonds proviennent pour 20 % de la profession agricole et pour 80 % des autres régimes de sécurité sociale et de l'État.

Les autres régimes de sécurité sociale étant de plus en plus mis à mal, il faudrait envisager rapidement, d'une part, de faire contribuer plus largement l'État, et d'autre part, de solliciter la grande distribution et les industries agro-alimentaires, qui réalisent de copieux bénéfices sur le dos de la profession.

Voyez-vous, monsieur le ministre, une politique agricole idéale devrait permettre à la fois de faire vivre toutes les formes d'agriculture, de maintenir de nombreux agriculteurs dans nos campagnes, de produire suffisamment en qualité et en quantité, d'exporter et d'importer de manière équilibrée en appliquant la préférence communautaire, enfin d'échanger des produits et des techniques avec les pays en voie de développement. Ce ne sont pas, pourtant, les orientations adoptées par l'OMC, la PAC et la loi d'orientation agricole !

Le réveil risque d'être douloureux pour nous tous, producteurs, transformateurs ou consommateurs, si les forces de décision ne changent pas et si l'on continue de marcher sur la tête, pour le plus grand profit de financiers peu philanthropes.

Monsieur le ministre, compte tenu de ces observations, nous ne pouvons adopter votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Lejeune.

M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à l'heure du bilan.

Tout d'abord, monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter de l'ouverture d'esprit et du sens de l'écoute et du dialogue dont vous avez toujours fait preuve au sein de cette assemblée.

Toutefois,...

M. Josselin de Rohan. Dommage, ça commençait bien ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Ne vous réjouissez pas trop vite, chers collègues de la majorité ! (Nouveaux sourires.)

M. André Lejeune.... vos qualités personnelles ne sauraient masquer les insuffisances du Gouvernement, dont ce projet de loi de finances est l'illustration.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Si l'ensemble des soutiens financiers publics au secteur de l'agriculture, de la pêche et du monde rural s'élèvent à 30,4 milliards d'euros, les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre, ne sont, quant à eux, que de 5 milliards d'euros, dont moins de 3 milliards d'euros de crédits pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Votre majorité se félicite que ce budget soit en hausse de 1 %. C'est vrai en euros courants, certes, mais personne n'est dupe : en euros constants, ces crédits révèlent bien une baisse. Avec un budget dont le montant se réduit chaque année, il est clair que l'agriculture n'aura pas été une priorité pendant la législature qui s'achève !

Ce budget, monsieur le ministre, a au moins un mérite, celui de la continuité et de la fidélité à vos orientations. En effet, année après année, vous modelez une politique agricole qui s'inscrit de plus en plus dans une logique étroitement productiviste.

Nous pouvions espérer que le projet de loi de finances pour 2007 offrirait l'occasion d'inverser la tendance, mais force est de constater que tel n'a pas été le cas. Monsieur le ministre, vous suivez la même voie que lors de l'application des aides de la PAC issues de la réforme de 2003.

Alors que la Commission européenne avait laissé à chaque État membre certaines marges de manoeuvre, le Gouvernement a choisi de figer la situation et de maintenir la référence acquise ; aussi, 20 % des agriculteurs continuent de percevoir 80 % des aides.

De même, le Gouvernement a refusé toutes les mesures à caractère redistributif, ce qui aboutit à toujours plus d'inégalités, entre les exploitations, entre les régions et entre les productions.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. André Lejeune. Bien évidemment, et cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, je ne puis souscrire à ces choix.

Aujourd'hui, les agriculteurs sont moroses. Ils s'interrogent et attendent des réponses que ce budget ne leur apportera pas.

Monsieur le ministre, à l'heure où une concurrence toujours plus vive s'exerce à l'échelle internationale et où l'Europe abandonne ses outils de régulation des marchés et d'orientation des productions, vous choisissez de diminuer la dotation globale des offices agricoles de 9 % par rapport à 2006, vous privant ainsi d'un instrument d'orientation et de structuration des filières.

La profession dans son ensemble ne s'y est pas trompée. La FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, et les chambres d'agriculture évoquent un « mauvais calcul pour l'avenir ». Elles constatent que les moyens alloués aux actions d'intervention et d'orientation diminuent de près de 20 % et que les crédits consacrés aux contrats de projet État - régions, qui sont en train d'être négociés - les agriculteurs réclament leur signature rapide -, seraient divisés par deux, paraît-il.

Monsieur le ministre, plus généralement, vous vous privez de tout outil de gestion des crises sectorielles ou climatiques, laissant les mécanismes d'assurance se charger de la régulation.

Dans le même temps, paradoxalement, vous consacrez peu de moyens à l'assurance récolte - six fois moins que l'Espagne, par exemple -, alors qu'il aurait fallu que l'État s'implique fortement dans le démarrage de ce dispositif. Si vous avez fait ce choix, il faut l'assumer !

En 2002, la nouvelle majorité s'est empressée de remplacer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, par les contrats d'agriculture durable, les CAD, présentés comme une solution d'avenir. Or, aujourd'hui, vous ne leur consacrez plus que 78,3 millions de crédits, ce qui empêche toute mise en place de nouveaux contrats et ne permet plus de financer les mesures « herbe » des CTE classiques.

En ce qui concerne les zones sensibles, la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs, la PMSEE, joue un rôle essentiel. Or les crédits de 260 millions d'euros annoncés ne permettront pas de satisfaire des besoins estimés à 330 millions d'euros. La profession demande que les surfaces engagées en mesures herbagères dans les CTE et les CAD soient prises en compte.

Quant aux indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, le compte n'y est toujours pas ! Celles-ci sont pourtant vitales, non seulement pour les zones de montagne, mais aussi, j'y insiste, pour l'ensemble des zones défavorisées.

Pourtant, le 5 octobre dernier, à Cournon, en Auvergne, le Président de la République a rappelé l'importance de ces indemnités pour l'équilibre du territoire, et il a annoncé son intention de les revaloriser, avant 2007, de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares.

Une nouvelle fois, le but visé était sans doute seulement de faire grimper l'applaudimètre grâce à une promesse dont on savait à l'avance qu'elle ne coûterait pas cher puisqu'elle ne serait pas tenue !

Par ailleurs, les crédits destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage ne sont pas à la hauteur des demandes. Les délais d'attente atteindront bientôt deux années et les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative ne seront pas suffisants pour rattraper le retard pris.

Ce retard risque d'ailleurs de priver les jeunes agriculteurs de la majoration qui leur est accordée pendant les cinq premières années de leur installation, alors qu'ils auront financé l'étude prévisionnelle. Aussi conviendrait-il que la date retenue soit celle du dépôt de la demande. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vouliez bien m'apporter une réponse sur ce point.

Par ailleurs, la suppression des prêts bonifiés, à l'exception de ceux qui sont destinés aux jeunes agriculteurs, se révèle très pénalisante et inopportune au moment où se dessine une remontée des taux d'intérêt. Ces prêts constituent pourtant un appui indispensable à la modernisation des exploitations, et ils ont fait leurs preuves comme outils d'orientation.

Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour les plans d'investissement, ce qui sera lourd de conséquences. Il est pourtant impératif que les plans en cours, plans d'amélioration matérielle et plans d'investissement, soient honorés jusqu'à leur terme.

Monsieur le ministre, vous venez de faire en direction des retraités agricoles un geste que j'approuve, même s'il semble plus guidé par des préoccupations électorales que par la volonté d'apporter une réponse adaptée aux besoins.

Ces retraites n'avaient bénéficié d'aucune augmentation durant les quatre dernières années, et nous sommes encore loin du compte ! Il reste beaucoup à faire pour la retraite complémentaire obligatoire des conjointes et des aides familiaux.

La situation du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles est dramatique, puisque celui-ci a cumulé 5,3 milliards d'euros de déficit en trois ans. Là encore, le Gouvernement n'apporte aucune réponse.

En ce qui concerne la forêt, les crédits alloués aux actions « Gestion de la forêt » et « Prévention des risques » diminuent respectivement de 6 % et 5 %, alors qu'il conviendrait de consolider la filière bois.

L'enseignement public agricole est délaissé, alors qu'il réclame plus de moyens et de personnels pour répondre aux attentes des milliers de jeunes qui souhaitent se former aux carrières liées aux métiers de l'agriculture, de l'agro-alimentaire, de l'environnement et de l'espace rural.

Pour l'installation des jeunes agriculteurs, qui est de plus en plus difficile compte tenu du prix du foncier, les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes, monsieur le ministre. Les conditions nécessaires à l'obtention de la DJA n'évoluent pas, ce qui empêche nombre de jeunes de s'installer.

Je pourrais poursuivre l'énumération des actions insuffisamment dotées, telles que l'hydraulique, l'identification et la sélection des animaux, entre autres, mais je serais trop long. Mes collègues du groupe socialiste aborderont dans leurs interventions les questions que je n'ai pas évoquées ou que je n'ai fait qu'effleurer.

En résumé, ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et il manque d'ambition.

Monsieur le ministre, l'agriculture doit relever aujourd'hui un triple défi : alimentaire, environnemental et économique. Aussi, ce secteur mérite mieux que ce que vous lui proposez. Il exige, en particulier, une vision prospective dont je n'ai pas trouvé trace dans ce budget : les agriculteurs ont besoin de propositions qui préparent l'avenir, et notamment l'après 2013. La libéralisation croissante et l'abandon au marché dans un monde de plus en plus concurrentiel ne sont pas les solutions qu'ils attendent.

En conséquence, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer l'excellent travail réalisé par notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, et par nos collègues, Gérard César, Jean-Marc Pastor et Gérard Delfau, rapporteurs pour avis.

Je tiens également à souligner, monsieur le ministre, la qualité de votre action, ainsi que votre engagement personnel sur des sujets qui nous passionnent.

Nous sommes à la veille d'échéances électorales cruciales pour notre pays. Le budget de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » sera, comme le reste du projet de loi de finances pour 2007 qui nous est présenté, mis en oeuvre en bonne partie par une équipe gouvernementale et une majorité dont nous ignorons à ce jour les orientations.

Aussi, plutôt que de revenir point par point sur les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui, je souhaiterais, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer votre attention sur quelques thèmes qui me tiennent à coeur et qui constituent les défis que nous aurons à relever.

Premièrement, je souhaite aborder la question des biocarburants.

Je veux avant tout saluer l'engagement et les efforts du Gouvernement dans ce domaine, notamment en matière fiscale. Il est primordial que nous nous investissions tous dans ce secteur, qui non seulement représente une solution de rechange, moins polluante et coûteuse, aux énergies fossiles que nous utilisons actuellement, mais en outre offre un avenir très prometteur à l'agriculture française.

Dans la loi d'orientation agricole, nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux en matière d'incorporation des biocarburants dans l'énergie, puisque ceux-ci devraient représenter d'ici la fin de 2008, 5,75 % du total des carburants utilisés, et même 10 % d'ici la fin de l'année 2015. Or nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 1 %.

Nous devons faire preuve d'une grande détermination, afin que les constructeurs automobiles, notamment, s'engagent résolument dans cette voie et que les distributeurs mettent en place un véritable réseau de pompes.

Par ailleurs, il est important de développer une troisième filière de biocarburants, à côté de l'éthanol et du diester ; je veux parler, bien sûr, des huiles végétales pures.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, y compris récemment.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. En effet !

M. Daniel Soulage. Vous seriez déçu si je ne le faisais pas de nouveau aujourd'hui !

Je me réjouis de votre volonté de lancer une véritable expérimentation, encadrée par les pouvoirs publics, dans ce secteur. Ce dossier avance, et je suis satisfait de constater que les premiers protocoles expérimentaux pourront être signés par les collectivités locales dès le 1er janvier 2007.

Je me permets de vous rappeler une nouvelle fois que la loi d'orientation agricole prévoyait la publication d'un décret autorisant la commercialisation des huiles végétales pures dans le monde agricole. Vous avez récemment fait savoir que ce décret préciserait les conditions de production, de commercialisation et d'utilisation de ces huiles. Pouvez-vous nous dire où en est l'élaboration ce décret ?

M. Roland Courteau. Oui, ce serait bien !

M. Daniel Soulage. Deuxièmement, je souhaite attirer votre attention sur le problème de l'hydraulique agricole.

Tout d'abord, nous savons aujourd'hui avec certitude que les changements climatiques ont un impact non négligeable sur notre agriculture. L'augmentation attestée de la température entraîne, depuis plusieurs années, des sécheresses qui pénalisent la production agricole. C'est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest. Il est donc nécessaire de mener une politique efficace en matière de gestion de l'eau, par l'instauration de mesures tendant à la fois à économiser la ressource et à créer de nouvelles ressources. Grâce au Sénat, ce dernier objectif figure désormais dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Encore faut-il, pour que cela devienne réalité, que ce texte soit adopté par l'Assemblée nationale !

Lors de l'examen de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » à l'Assemblée nationale, vous avez accepté, monsieur le ministre, la proposition de mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour tendant à augmenter les crédits du programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » de 5 millions d'euros. Je tiens à saluer ce geste, qui va dans le bon sens.

Toujours à propos de l'hydraulique agricole, je souhaite relayer une inquiétude dont m'a fait part ma collègue du Nord, Valérie Létard, concernant l'agriculture en zone humide.

Monsieur le ministre, vous avez créé, le 14 octobre dernier, une nouvelle mesure d'aide spécifique territorialisée destinée à soutenir les prairies situées dans des zones humides, l'indemnité spéciale zones humides. Cette mesure prévoit le versement de 150 euros par hectare pendant cinq ans aux agriculteurs de zones marécageuses. Or cette aide n'a qu'une valeur expérimentale et ne concerne donc pour l'instant que les marais de l'Atlantique.

De manière à assurer une plus forte égalité entre les agriculteurs, nous souhaitons que cette mesure soit généralisée le plus rapidement possible : d'autres régions, comme celles des marais audomarois, de Camargue, du Cotentin ou de la Dombes demandent aussi un tel soutien. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'avenir de cette indemnité ?

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Je sais que ce texte n'est pas directement piloté par votre ministère. Néanmoins, étant en charge de la pêche, vous serez sensible aux attentes des fédérations de pêcheurs, qui ont anticipé certaines mesures prévues dans le cadre de ce projet de loi dont l'adoption devait intervenir avant la fin de l'année. Je pense notamment à la mise en place du socle de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ainsi qu'aux modalités de financement transitoire du Conseil supérieur de la pêche avant sa transformation en un Office national de l'eau et des milieux aquatiques, ou ONEMA.

Or le report récent - sans concertation - de la discussion en deuxième lecture à l'Assemblée nationale inquiète les fédérations. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'intervenir pour que ce texte soit examiné le plus rapidement possible, afin de respecter le calendrier prévu.

M. Dominique Bussereau, ministre. Il le sera lundi prochain à l'Assemblée nationale !

M. Daniel Soulage. C'est parfait ! Jamais je n'ai eu une réponse aussi rapide, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Troisièmement, j'évoquerai l'assurance récolte, sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Je me réjouis que vous ayez confié mission sur ce thème à notre collègue Dominique Mortemousque : je suis sûr que le Sud-Ouest sera bien représenté !

Par ailleurs, je me félicite qu'aujourd'hui 70 000 agriculteurs souscrivent déjà ce type d'assurance, qui leur permet de faire face aux aléas climatiques et de redémarrer plus rapidement leur activité.

Toutefois, cet essor ne me comble pas, car on est encore loin de l'objectif des 200 000 contrats d'assurance que vous avez fixé, monsieur le ministre. Nous devons donc faire preuve de plus de détermination si nous voulons que l'assurance soit plus efficace et se pérennise dans le temps.

À cet égard, deux problèmes se posent : celui du montant alloué à l'assurance, d'une part, celui de la coexistence de cette assurance avec le Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, d'autre part.

S'agissant du premier point, l'État doit octroyer une enveloppe plus importante que celle qui est affectée aujourd'hui à l'aide à l'assurance. Dans le budget pour 2007, 30 millions d'euros seulement sont prévus. C'est trop peu : cela nous permet uniquement de maintenir l'action précédente, ainsi que l'assurance récolte en viticulture, chère à nos amis viticulteurs. Or il faut impérativement dépasser cet objectif.

Quant au second point, son règlement passe par une évolution de notre système de protection contre les aléas. Si l'on ne souhaite pas conserver le schéma actuel, dans lequel deux systèmes concurrents coexistent, il semble possible de fondre ces derniers en une seule structure à deux étages. Le premier étage serait obligatoire pour tous les agriculteurs - il correspondrait au financement actuel du FNGCA -, le second étage serait, quant à lui, facultatif et complémentaire.

Après des discussions riches et instructives avec de nombreux experts, je considère que cette structure à deux étages peut être mise en place ; il suffit d'en avoir la volonté politique. Quel est votre position sur ce sujet, monsieur le ministre ?

En outre, j'aimerais que vous lanciez une réflexion sur l'assurance pêche. Cette idée n'est pas la mienne : je vous transmets ici le voeu de mon collègue vendéen Jean-Claude Merceron, qui regrette de ne pouvoir intervenir aujourd'hui.

Comme vous le savez, la pêche connaît depuis plusieurs années une situation particulièrement difficile en raison du contexte juridique européen, de l'évolution de la ressource, de la politique des quotas, ainsi que de la hausse des prix du gazole.

Après avoir observé le fonctionnement de l'assurance récolte, les responsables piscicoles sont convaincus que le même schéma assurantiel pourrait être adapté au domaine de la pêche. Cela passe par l'agrément du projet de garantie « couverture investissement » proposé par le Fonds de prévention des aléas pêche. Monsieur le ministre, à la veille de négociations européennes sur les quotas pour 2007, avez-vous des éléments à fournir à l'adresse du monde piscicole ?

Je ne saurais conclure mon propos sur l'assurance récolte sans évoquer une dernière difficulté, celle qui tient à l'incapacité des assureurs à trouver une réassurance privée suffisante. Il s'agit ici non pas de demander une intervention supplémentaire gratuite de l'État, mais de mettre en place une prestation qui serait rémunérée par ces professionnels. Aujourd'hui, les réassureurs français estiment avoir une capacité de couverture d'environ 400 millions d'euros. Cette somme est nettement insuffisante pour répondre aux besoins exprimés lors d'un grand accident climatique.

C'est pourquoi l'inscription d'une réassurance « climatique » permettrait de faire face à la plupart des aléas. Il serait néanmoins nécessaire que cette partie supplémentaire rémunérée par les professionnels se fasse par le biais de la Caisse centrale de réassurance. À cette fin, je présenterai un amendement lors de la discussion des articles rattachés.

Quatrièmement, enfin, je ne peux passer sous silence la question des petites retraites et du FFIPSA, qui me préoccupe particulièrement. La revalorisation des retraites les plus modestes qu'a annoncée le Président de la République est une bonne mesure. Elle concernera près de 300 000 exploitations et son coût s'élèvera à 162 millions d'euros pour 2007. Je salue cette avancée.

Néanmoins, cette mesure me conduit à vous faire part de mes préoccupations concernant le FFIPSA, dont le déficit devrait atteindre 6 milliards d'euros.

Je regrette une fois de plus que les débats concernant la situation du régime social agricole n'interviennent plus lors de l'examen du budget de votre ministère. Ils sont désormais masqués par d'autres débats. Cela me paraît contreproductif, car, lorsqu'ils ne sont pas mis en lumière, les déficits semblent oubliés ; malheureusement, les factures demeurent !

En conclusion, je veux vous mettre en garde, monsieur le ministre. Vous souhaitez anticiper l'avenir et moderniser votre administration. À cette fin, vous conduisez des expériences de regroupement. Cela se traduit aujourd'hui par la fusion des directions départementales de l'agriculture avec d'autres directions. Demain, c'est peut-être de la fusion de tout votre ministère qu'il sera question. Ce serait loin d'être anodin ; ce serait même grave pour la profession agricole et, en fin de compte, pour notre pays.

J'espère donc que la question ne se posera pas. Toutefois, si un rapprochement devait avoir lieu, il faudrait se montrer extrêmement prudent et ne l'envisager qu'après de nombreuses études. Après tout, on pourrait envisager un rapprochement - peut-être vais-je en faire sursauter certains ! - avec le ministère de l'écologie et du développement durable. Il me semble en effet que les agriculteurs et leur ministère sont, en fin de compte, les mieux placés pour s'occuper d'environnement.

L'agriculture de demain devra être exemplaire en termes de respect de l'environnement et il faut que les agriculteurs deviennent des acteurs essentiels du développement durable. Ils ont déjà beaucoup évolué dans ce sens et sont prêts à continuer, à condition que les pouvoirs publics leur tracent un chemin réaliste et viable, et les accompagnent dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je tiens à saluer la mission qui est la vôtre et la manière dont vous l'assumez. Vous exercez des fonctions ministérielles dans un pays qui présente la caractéristique de disposer de grandes surfaces cultivables par habitant. C'est une particularité en Europe. Il vous faut donc à la fois gérer une activité économique majeure et, au sein de l'Europe, faire entendre votre voix parmi celles de pays qui, n'ayant pas une telle spécificité, adoptent des raisonnements de consommateurs plutôt que de producteurs.

Parallèlement, vous avez affaire à des gens profondément dévoués à leur métier, qui ont choisi un style de vie très particulier, extrêmement contraignant, et qui se trouvent depuis des années confrontés à une évolution à laquelle ils ne pouvaient guère être préparés voilà vingt ou vingt-cinq ans. Ils s'y adaptent avec courage, mais aussi - et c'est assez naturel - avec une certaine inquiétude, dont il faut tenir compte. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous avez le souci de faire comprendre à l'ensemble du monde agricole que ces évolutions sont inéluctables, et qu'il faut les accepter avec détermination et dans un esprit de progrès.

Or, monsieur le ministre, dans la situation actuelle, le moins que l'on puisse dire, c'est que les conditions permettant à nos agriculteurs de vivre cette évolution dans la sérénité ne sont pas tout à fait réunies ! Peut-être est-ce là l'une des raisons du non au référendum européen ; l'agriculture a, en effet, très certainement joué un rôle non négligeable dans la victoire d'un camp qui n'était pas le nôtre, qui n'était en particulier pas le mien.

À la lumière de ces considérations, j'ai examiné votre budget et écouté les différents intervenants. Je tiens à féliciter le rapporteur spécial et les trois rapporteurs pour avis de la qualité de leurs rapports sur les crédits affectés à cette mission et sur les quatre programmes qui la composent.

Toutefois, j'ai relevé deux ou trois anomalies dans certaines interventions de mes collègues sur lesquelles je souhaite revenir. Je pense en particulier à la manière évasive et allusive avec laquelle le problème de la dette a été abordé. Celle-ci s'impose à tous et pèse sur l'ensemble des budgets.

Évidemment, certains avancent, pour régler ce problème de la dette, des recettes un peu démagogiques,...

M. Gérard Le Cam. Nos solutions n'ont rien de démagogique !

M. Paul Girod.... dont l'application aboutirait vraisemblablement à assécher purement et simplement la masse contributive par la fuite générale des capitaux et des talents.

M. Gérard Le Cam. Le capital est sous-imposé, vous le savez bien !

M. Paul Girod. En réalité, la dette constitue bien une contrainte absolue. À ce sujet, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour la manière avec laquelle vous avez composé avec les différentes contraintes qui pesaient sur votre budget. L'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve en abordant ce travail et qu'a soulignée notre collègue André Lejeune a été déterminante.

En tout cas, l'agriculture est, aujourd'hui, le seul capteur connu d'énergie solaire renouvelable qui soit de dimension mondiale et susceptible de répondre au défi de ce siècle.

Monsieur le ministre, un examen attentif de ce budget m'amène à vous interroger sur deux séries de questions.

La première série a trait aux offices, qu'ont évoqués également les rapporteurs et plusieurs intervenants. Je comprends que la réforme générale des offices introduite par la loi d'orientation agricole entraîne un certain nombre de modifications budgétaires. Pour autant, est-il absolument indispensable, dans l'équilibre interne de votre budget, que les moyens alloués aux offices subissent la cure d'amaigrissement intensive que vous leur imposez ?

J'ai d'ailleurs l'impression que l'un des amendements de notre excellent rapporteur spécial, Joël Bourdin, va dans le même sens.

Certes, l'on comprend bien que certains moyens de fonctionnement alloués aux offices soient confirmés. Ainsi, en étudiant les moyens en augmentation, je me suis aperçu que l'action 24 « Gestion des aides nationales et communautaires » permet aux offices d'avoir un bilan global qui n'est pas aussi catastrophique qu'on pourrait le penser.

Cette gestion des aides communautaires est tout de même une mission un peu particulière, qui ne s'inscrit pas spécifiquement dans les fonctions traditionnelles des offices agricoles, à savoir préparer l'agriculture à d'éventuelles crises, l'aider à s'adapter au marché et à l'évolution technique.

Par conséquent, je m'interroge sur l'arbitrage qui a été rendu et, plus particulièrement, sur les discussions en cours avec les autorités régionales pour ce qui concerne la préparation des contrats de projets. En effet, si j'ai bien compris, les moyens mis sur la table par l'État sont en diminution de près de 50 % pour les sept ans qui viennent.

Je veux bien accepter un certain nombre de raisonnements, sous réserve qu'ils soient explicitement exposés et que vous puissiez nous dire, monsieur le ministre, quelle est réellement votre doctrine sur l'évolution de l'organisation interprofessionnelle des marchés, sur laquelle a reposé, pendant très longtemps, l'évolution de l'agriculture française. Comment envisagez-vous de dégager des moyens, non seulement financiers, mais également structurels, humains et prospectifs pour faire en sorte que notre agriculture puisse s'adapter ?

Pour essayer de résoudre en partie la crise vinicole, il ne suffit pas d'augmenter les moyens de VINIFLHOR pour la prospection internationale. Sur ce sujet particulier de la réorganisation et de la prospective agricole, à travers ce grand instrument que représentent les offices, force est de constater que tout ne se déroule pas comme il le faudrait.

La seconde série de questions que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, a trait à la conditionnalité des aides. Si ce sujet n'est pas directement traduit dans votre budget, il relève cependant de la compétence de votre ministère.

L'attitude de Bruxelles est un peu surprenante. En effet, la France - par conséquent vous, monsieur le ministre - serait en butte, selon les documents que j'ai pu lire, à une attaque de la Commission de Bruxelles au motif - écoutez-moi bien, mes chers collègues - que les reprises sur les aides seraient insuffisantes. En termes concrets, cela signifie que les pénalités appliquées aux agriculteurs ne seraient pas assez sévères. Je suis pour le moins surpris !

En effet, ce n'est pas ce que disent les milieux agricoles non français. Ainsi, lorsque l'on évoque la manière dont sont pratiqués les contrôles et dont est surveillée l'attribution des aides aux agriculteurs européens, autres que français, on s'aperçoit - et j'ai eu l'occasion de m'en expliquer avec la commissaire spécialisée sur la question - que l'attitude réglementaire de la France est plus stricte et plus dure que celle qui est pratiquée par d'autres États européens. Je ne vise pas spécialement les pays du sud de l'Europe, ceux qui se trouvent aux origines de notre civilisation, c'est-à-dire la Grèce et l'Italie. Par conséquent, le procès d'intention que fait Bruxelles à notre pays est étonnant.

D'autant que, parmi les recommandations de la Commission adressées à la France, j'ai lu une phrase assez extraordinaire : « il manque une mesure pour le thème ?structure des sols?/utilisation de machine appropriée ». Si on en est là, je me pose des questions, monsieur le ministre. L'observation de la situation de nos agriculteurs ne fait d'ailleurs que renforcer ma perplexité.

Je regarde les grilles et leur formulation, cette espèce de registre des punitions futures distribué aux agriculteurs leur expliquant que telle erreur entraînera à leur égard la suppression de tant de points. Il est précisé que, en cas de contrôle, le contrôleur établira son rapport en fonction des infractions « constatées ». Que ces dernières soient relevées, soit ! Mais le mot « constaté » signifie qu'une éventuelle procédure contradictoire ultérieure est d'avance entachée, sinon de nullité, du moins de suspicion. Je tiens à vous faire part des réactions assez vives des agriculteurs eu égard à ce terme.

Quand on regarde d'un peu plus près les réglementations qui nous sont communiquées, monsieur le ministre, on peut en relever, sans grand effort d'introspection, quelques-unes qui sont assez caricaturales. Mes chers collègues, je veux vous faire part de l'une d'entre elles, qui vaut tout de même son « pesant de moutarde », bien que la culture de cette plante ne soit pas extrêmement répandue. Pour les terres arables en production que contrôle-t-on en particulier ? « Les surfaces aidées pour la production de céréales, oléagineux, protéagineux, lin et chanvre, y compris le gel industriel doivent présenter une densité de semis minimum et être entretenues dans des conditions permettant la floraison ». (Sourires.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est évident !

M. Paul Girod. Que devient le métier d'agriculteur dans ce système de contrôle ? Je n'ai jamais entendu dire qu'un agriculteur sous-ensemence son champ et ne s'arrange pas pour que les plantes quand elles fleurissent - et à cet égard il est surprenant de constater que les betteraves sont concernées - lui assurent une certaine production. Cet exemple est un peu caricatural, me direz-vous. Certes, mais il décrit une atmosphère.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que vos propres services, comme ceux qui vous aident en matière de pénalités et de contrôles, devraient faire preuve d'un peu plus d'humanité et de compréhension ?

M. Josselin de Rohan. De sérieux !

M. Paul Girod. Quand on vous explique qu'un engrais vert doit être étendu avant le 25 août et que la terre doit ensuite être retournée le 1er novembre, mais que si, par hasard, l'épandage n'a pas pu être effectué avant le 25 août, on ne peut retourner le terrain qu'après le 15 novembre, on se demande si la personne qui est à l'origine de cette mesure connaît les aléas climatiques, l'évolution des terres, qui sont soit grasses, soit sèches, en fonction de la pluviométrie ! Très honnêtement, il faut faire entrer un peu d'agriculture dans le contrôle de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Josselin de Rohan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Le discours du Président de la République, à l'occasion du sommet de l'élevage, est un discours d'ambition et de conviction. [...] Les grandes orientations répondent à nos préoccupations. [...] Mais les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes », ainsi s'exprimait la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.

Monsieur le ministre, le temps de parole qui m'est imparti ne me permet pas de me livrer à un réel examen de votre budget, je me contenterai donc de me faire l'écho des responsables du monde agricole de mon secteur. Je reprendrai l'essentiel de la motion adoptée par les élus du Massif Central : attachement à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, l'ICHN ; poursuite de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, lors de la reconduction demandée des contrats d'agriculture durable, les CAD ; programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, PMPOA ; nécessité de consacrer des moyens suffisants à la politique de développement rural pour qu'elle puisse s'adresser à des acteurs ruraux autres que les agriculteurs.

Si je fais plus précisément écho, en cet instant, à une revendication de mon département, je me dois de mentionner - mais cela ne vous étonnera pas, monsieur le ministre - le problème de veau labellisable. L'absence de soutien public entraînera, est-il pronostiqué, la baisse rapide de la production. De ce point de vue, j'ai bien conscience qu'un effort remarquable est fait avec la mise en place du pôle d'excellence rurale « veau de lait ». Argument fallacieux, est-il répondu. Cela m'étonne beaucoup. Une explication s'impose, à faire ou à refaire. En tout cas, je suis prêt, monsieur le ministre, à relayer toute information en la matière parce que, chez nous, le problème est sérieux.

S'agissant du développement rural, je salue, comme il se doit, la politique des pôles d'excellence rurale, facteur évident d'aménagement du territoire. J'aurais pu mentionner également le pôle hippique de Pompadour, que vous connaissez, monsieur le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. Magnifique !

M. Georges Mouly. Cela me donne l'occasion d'avoir une pensée pour les haras nationaux.

Dans le cadre d'une deuxième vague de projets, je veux mentionner celui du chef-lieu de mon département. Ainsi, je veux citer deux des trois éléments, bien ciblés, qui le composent : une ferme maraîchère d'insertion ici ; une ferme écologique et culturelle là, portée de surcroît par un établissement d'enseignement agricole, et je reviendrai sur l'enseignement agricole. Je mentionnerai en cet instant, autre élément d'aménagement du territoire, l'action conduite par une association nationale, trop peu connue, peut-être, intitulée « Notre village », qui a tenu sa place lors du récent Congrès des maires de France, en présence de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. C'est l'engagement de collectivités du milieu rural sur les cinq finalités du développement durable au titre de l'agenda 21 et du label « Notre Village Terre d'avenir ». Aménagement du territoire, ai-je dit, car sont envisagés le cadre de vie, la convivialité, le pouvoir d'un territoire qui mérite d'être reconnu et encouragé. Voilà un élément d'une politique d'aménagement du territoire que je me suis permis de mentionner.

Quant à l'enseignement agricole, monsieur le ministre, vous répondiez récemment à une collègue : « soyez assurée que l'enseignement agricole bénéficiera de l'ensemble des moyens votés par le Parlement, y compris des moyens supplémentaires ». J'ai diffusé, dans son intégralité, votre réponse auprès des chefs d'établissement de mon département, qui ont réagi, toujours dans un esprit réellement constructif. Ils n'ont pas manqué de relever les dotations globales qui contraignent à plafonner à vingt-quatre élèves l'effectif de la plupart des classes, et de mentionner la diminution du nombre des personnels d'éducation et de surveillance qui a pour conséquence le recours aux emplois aidés, ainsi que l'accumulation des retards dans le versement des bourses.

Ce sont autant d'éléments négatifs. Mais, fondamentalement, cela traduit la volonté de voir conserver, et même développer, un dispositif excellent, l'enseignement agricole, apte à réagir aux besoins des territoires quand il faut croiser formation et développement.

Puis-je citer l'exemple d'un établissement de mon département pour son ouverture et son dynamisme ? Cet établissement a peu ou prou comme partenaires des entreprises, des groupements de producteurs, des collectivités territoriales, des organismes à caractère social, les chambres consulaires et il développe une coopération internationale avec de jeunes hongrois. Bel exemple de l'ouverture et de l'importance de l'enseignement agricole !

Ce sont des sections et des filières non exclusivement agricoles, qui ne sont pas suffisamment prises en compte, me semble-t-il, dans l'orientation des jeunes. L'enseignement agricole est, en conclusion, un système dont il faut renforcer l'identité vis-à-vis tant du secteur public que du secteur privé.

En conclusion, monsieur le ministre, et pour en revenir à l'appréciation de ce budget, nul, de bonne foi, ne peut penser que le Gouvernement pourrait négliger, un tant soit peu, un secteur de l'économie qui dégage un solde positif connu de tous, et qui concerne 370 000 exploitations. C'est pourquoi, nonobstant les insuffisances sectorielles, que nous n'oublierons pas de rappeler, je note que le budget 2007 veut, pour l'essentiel, effectivement mieux armer les exploitants. À titre d'exemple, et parce que garant de l'avenir, l'exonération totale de l'impôt sur le revenu de la dotation aux jeunes agriculteurs, ou encore l'assurance récolte. Sur ce chemin-là, monsieur le ministre, la majorité des membres de mon groupe et moi-même, nous vous accompagnerons. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » : d'une part, la forêt, qui fait l'objet essentiellement du programme 149, et, d'autre part, la pêche.

J'aborderai, tout d'abord, la situation de la pêche.

La pêche française traverse une crise profonde depuis maintenant de nombreuses années. L'an dernier encore, la politique de la mer enregistrait une baisse de 1,13 % de ses crédits, ceux-ci s'élevant seulement à 32 millions d'euros. Nous dénoncions, à cet égard, la faiblesse des crédits en faveur d'un pôle économique essentiel pour la France. Cette année -  enfin ! -, le Gouvernement semble prendre conscience de l'importance du soutien qui doit être apporté à cette filière. En effet, l'action 6 « Gestion durable de la pêche et de l'aquaculture » voit ses crédits de paiement augmenter de 88 % dont une partie servira à financer le plan d'avenir pour la pêche, adopté le 27 juin 2006. Encore faut-il que ces crédits ne soient pas gelés ! Nous verrons bien !

Certes, l'effort budgétaire est louable, mais un certain nombre de problèmes persistent. L'un d'entre eux, et ce n'est pas la moindre, concerne les ressources halieutiques. Les pêcheurs de nos côtes sont en effet de plus en plus malmenés par les politiques conduites au niveau européen et international. L'existence même de certains secteurs est d'ailleurs remise en cause.

À l'Assemblée nationale, mon collègue et ami François Liberti a évoqué la pêche au thon rouge. L'accord sur les quotas, intervenu il y a quelques jours, ne satisfait ni les associations écologiques ni les pêcheurs.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ni moi !

Mme Évelyne Didier. Je le note, monsieur le ministre !

Cet accord risque de frapper durement les pêcheurs senneurs de la méditerranée française, soit 500 marins embarqués, et plusieurs milliers d'emplois induits.

Les exemples de réductions de quotas ou d'interdictions de pêche pure et simple se multiplient. Ainsi, en projetant de réduire de 30 % par an les captures des espèces des grands fonds, la Commission européenne programmait la fin de cette activité d'ici à trois ans. Le maintien des quotas actuels pour le sabre noir constitue une petite victoire pour les pêcheurs français, mais n'occulte pas la persistance du problème de la ressource et de la pérennité des activités de pêche.

Rappelons qu'une réduction brutale des quotas peut condamner définitivement une flottille ou un port. La question des ressources halieutiques est évidemment primordiale et les pêcheurs sont les premiers à le dire. Hélas ! la réduction de quotas ne règle pas le problème ; elle ne fait que le déplacer.

Monsieur le ministre, pour être efficaces, ces restrictions doivent s'accompagner d'aides aux professionnels. Nous l'avons noté, le financement des aides à l'arrêt d'activité bénéficiera, en 2007, de 10 millions d'euros, contre 3 millions d'euros cette année. Il était urgent d'intervenir et le plan de sauvetage et de restructuration mis en oeuvre par votre ministère est un soutien non négligeable pour un secteur fragilisé. Mais l'État ne devra pas relâcher son effort dans les années à venir.

Je voudrais aborder la question de la facture énergétique. Vous avez annoncé la fin du fonds de prévention des aléas de la pêche. Or, dans certains cas, notamment pour les hauturiers, le coût du gazole représente jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires. En Bretagne, les coopératives testent de nouveaux additifs dans le gazole, pour réduire de 4 % la consommation des moteurs de pêche. Dans ce secteur, comme dans le secteur agricole dans son ensemble, une fiscalité incitative doit être mise en place pour promouvoir l'utilisation des biocarburants.

Je me dois également d'évoquer l'interdiction à la vente des huîtres, plus particulièrement celles du bassin d'Arcachon.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Il faut le dire, la communication a été maladroite et a porté grand tort à la profession, déjà durement éprouvée. À ce sujet, nous aimerions connaître plus précisément le contenu du dispositif d'aide aux ostréiculteurs de ce bassin.

J'en viens à présent au programme « Forêt ».

La forêt constitue pour notre pays un atout considérable en termes social, environnemental et économique. Après une diminution de 5,5 % l'an dernier, nous saluons la hausse légère, mais effective, de 3,4 % des crédits affectés à ce programme.

Cependant, les investissements de l'État restent timides, notamment pour la forêt privée. Il est pourtant essentiel d'encourager durablement et régulièrement la filière bois, afin d'exploiter au maximum ce merveilleux patrimoine que constitue la forêt française. Représentant 27 % du territoire national, dont les trois quarts sont constitués de propriétés privées, la forêt fait vivre environ 500 000 personnes. Or, elle souffre d'une sous-exploitation chronique.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

Mme Évelyne Didier. Sur les 90 millions de mètres cubes produits chaque année, seuls 60 millions sont récoltés. Cette situation pourrait devenir périlleuse avec l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue économique et environnemental.

Heureusement, après les six années de morosité consécutives à la tempête de 1999, le prix du bois connaît une hausse notable depuis 2005. Les premières ventes d'automne organisées par l'ONF ont confirmé cette tendance récente. Malgré tout, le bois reste le combustible le moins cher. Nous espérons que la politique fiscale incitative qui a été mise en place permettra la multiplication des chauffages au bois, notamment collectifs. À l'heure actuelle, notre parc, qui comprend environ 5 millions d'appareils, est peu performant. Je le rappelle, le bois, en tant que matériau, est meilleur marché et moins polluant que l'acier ou le plastique. Bref, la reprise du secteur de la construction et, notamment, l'envolée des coûts énergétiques devraient être autant d'éléments favorables à la reprise de l'activité de la filière bois.

Dans ce contexte, l'augmentation des crédits de paiement pour 2007 de l'action 1 « Développement économique de la filière forêt-bois » est une bonne nouvelle, même si les efforts budgétaires consentis sont souvent trop limités. Ainsi, la création d'un poste budgétaire « Promotion des initiatives collectives pour la valorisation de la biomasse » constitue une avancée dans la prise en compte des questions environnementales au niveau régional et national, mais la « noblesse » du principe risque d'être paralysée par la faiblesse des crédits qui y sont consacrés.

La reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable. Cette filière connaît un faible niveau d'intégration : en effet, la répartition des marges financières est trop importante sur toute la longueur de la chaîne de production et de commercialisation.

De plus, monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble, puisque seulement 58 % de l'accroissement naturel du bois est récolté.

D'un point de vue environnemental, les forêts françaises absorbent environ 7 % des gaz à effet de serre émis en France, soit 557 millions de tonnes de CO2. Le Plan national d'allocations des quotas devait inciter les opérateurs à transformer leurs chaufferies pour développer la consommation des énergies renouvelables comme le bois. Mais les variations de cours ont perturbé cette mécanique : le prix de la tonne de dioxyde de carbone a ainsi chuté de 23 euros à 13 euros. Les industriels ont en effet pléthore de quotas à vendre, les attributions faites par le ministère de l'industrie ayant été fort généreuses. On mesure donc les limites de la méthode. Peut-être faudra-t-il trouver des incitations plus judicieuses.

Je tiens, à présent, à revenir sur l'importance des missions de l'Office national des forêts, l'ONF, eu égard, notamment, à la lutte contre l'effet de serre.

Nous avions déjà souligné, au cours du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, les dangers d'une prise de participation facilitée de l'ONF dans les sociétés privées. En janvier dernier, cinq syndicats s'étaient mobilisés pour dénoncer, d'abord, le désinvestissement de l'ONF en ce qui concerne l'accueil du public, ensuite, le projet de contrat de plan 2006-2007, qui, selon eux, accélère la course à la rentabilité, et, enfin, la baisse programmée des effectifs, laquelle varie entre 1 % et 3 % par an. Au regard de l'importance et de la diversité des missions de l'ONF pour l'ensemble de la population, nous tenons à réaffirmer que la « casse » de ce service public constitue une erreur pour l'avenir de nos forêts.

Par ailleurs, l'action 3 « Amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt » et l'action 4 « Prévention des risques et protection de la forêt » voient leurs crédits de paiement amputés respectivement de 6 % et de 5 %. La forêt privée représente 75 % de la surface totale et 4 millions de forestiers privés. Or, les services départementaux de l'État avaient annoncé aux syndicats des propriétaires forestiers et sylviculteurs l'arrêt de la politique menée par l'État depuis plus de cinquante ans pour constituer une ressource forestière de qualité, sous l'égide du Fonds forestier national. Celui-ci, supprimé en 1999, avait été relayé par le budget de l'État au titre de la reconstitution à la suite de la tempête de 1999.

Il est indispensable d'assurer la continuité de l'effort d'investissement forestier pour constituer une ressource forestière massive et pérenne. Les aides publiques en la matière doivent donc être préservées et pérennisées. Nous espérons que le ministère de l'agriculture prendra, comme il l'a d'ailleurs laissé entendre, les mesures nécessaires pour apporter une telle garantie.

Enfin, s'agissant de l'action 4, j'évoquerai plus particulièrement la politique de prévention des incendies de forêt, dans lesquels, chaque année, de nombreuses personnes et notamment des sapeurs-pompiers, perdent la vie. Année après année, l'État se désengage : les crédits affectés à la protection des forêts ont baissé de 10  % dans le projet de loi de finances pour 2005, tandis qu'une diminution importante des moyens financiers attribués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne est constatée depuis plusieurs années. Ce désengagement est aggravé par une politique de décentralisation qui transfère des charges vers les collectivités territoriales dont le niveau d'investissement est loin de compenser les baisses enregistrées.

De plus, l'abandon d'une agriculture traditionnelle - pâturage en forêt, cultures coupe-feu -, l'extension des zones constructibles au détriment de l'espace naturel, qui se traduit notamment par un mitage du territoire, la stratégie de rentabilité financière de l'ONF, qui délaisse des secteurs de travail et d'exploitation des forêts, ainsi que la destruction d'un tissu industriel régional, notamment la filière bois, accroissent les risques d'incendies et diminuent les moyens de prévention.

Face à ces dangers majeurs, il faut donc rompre avec une politique engendrant un manque criant de moyens humains et matériels destinés à la lutte et à la prévention contre les incendies. C'est pourquoi nous déplorons que les crédits affectés à cette mission ne soient toujours pas à la hauteur des enjeux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les hausses de crédits en faveur des politiques de la pêche et de la forêt ne suffiront pas pour nous permettre de relever les défis économiques ou environnementaux à venir. De plus, nous désapprouvons un certain nombre de choix budgétaires, notamment, je l'ai dit, en ce qui concerne l'ONF. Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré à l'agriculture pour 2007 est à l'image de ceux qui ont été votés depuis 2003 : il ne prépare pas l'avenir, ne tient pas compte des problèmes présents et oublie les fondements qui ont permis à l'agriculture de constituer l'un des fleurons de notre économie.

Je partage l'ambition de la LOLF, à savoir qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en augmentation. Je suis sensible à l'idée selon laquelle l'action publique doit se caractériser avant tout par son efficience, plutôt que par l'importance de la masse financière absorbée. Que le budget annoncé pour l'agriculture soit, en réalité, en baisse, compte tenu de l'inflation, serait donc admissible, si la stagnation affichée était justifiée par l'efficacité des réformes menées ou programmées.

Or, tel n'est absolument pas le cas. Notre agriculture et, au-delà, notre ruralité vont mal. L'inquiétude, pour ne pas dire le désarroi, est palpable. Ce malaise est amplifié par la politique conduite depuis 2003, en raison du décalage entre les paroles et les actes.

Face à ce constat, il ne ressort de ce budget que quelques modestes orientations significatives, lequel se réduit, en grande partie, à n'être que la contrepartie indispensable à la mobilisation des crédits communautaires.

Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je prendrai plusieurs exemples.

L'idée d'une agriculture contractualisée et multiobjectifs est progressivement abandonnée, mais sans le dire. Celle-ci reposait sur les contrats territoriaux d'exploitation, qui ont été remplacés par le mécanisme des contrats d'agriculture durable, lesquels, selon vous, seraient mieux adaptés. Or, avec 2 000 contrats financés en 2007, nous sommes loin des 10 000 annoncés !

Le soutien à l'agriculture biologique régresse, alors qu'il s'agit d'un secteur en plein essor, qui répond par ailleurs à de nombreuses préoccupations sociétales.

Le désengagement à l'égard de l'enseignement agricole, conjugué à une absence de projet, se poursuit. Le Gouvernement ignore sa qualité et son utilité, pourtant unanimement reconnues, et annihile ainsi les efforts entrepris. Il ne reconnaît pas la vocation de cet enseignement à favoriser la profonde mutation que connaît notre agriculture, laquelle se répercute sur l'ensemble de l'économie rurale.

À ce propos, monsieur le ministre, intervenant la nuit dernière dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », j'ai souligné le désarroi des professeurs de l'enseignement agricole. S'il faut vous en convaincre, je vous invite à lire l'excellent rapport pour avis sur ce sujet, cosigné notamment par notre collègue Françoise Férat. Par ailleurs, j'espère que M. de Robien, ministre de l'éducation nationale, vous remettra la pétition contenant 2 000 signatures que les enseignants m'ont chargé de vous transmettre, au travers de laquelle ils expriment leurs inquiétudes.

L'action de structuration et d'adaptation des filières est gravement remise en cause. Elle est pourtant extrêmement importante dans un contexte d'abandon des outils de régulation et d'orientation des productions et dans un environnement international de plus en plus concurrentiel.

Le choix a été fait de favoriser le développement de l'assurance face aux aléas climatiques, sans pour autant y consacrer les moyens financiers nécessaires.

De nombreux jeunes agriculteurs ont été exclus du droit au second versement de la DJA, à la suite d'une modification des règles en cours de procédure.

Le dispositif des prêts bonifiés a été démantelé. Malgré certaines critiques formulées par la Cour des comptes, ce mécanisme a prouvé son efficacité dans l'accompagnement des projets d'investissement des agriculteurs.

La gestion des droits à paiement unique ne garantit pas une bonne redistribution des ressources, ce qui revient à entériner la réalité actuelle, à savoir que 80 % des aides vont à 20 % des agriculteurs.

Enfin, monsieur le ministre, cette législature est marquée par l'inaction dans le dossier des retraites agricoles, que vous avez tenté de masquer avec un geste modeste. Cette situation contraste fortement avec les avancées spectaculaires et sans précédent réalisées de 1997 à 2002. Le désengagement de l'État conduira le FFIPSA à enregistrer, à la fin de 2007, un déficit cumulé de 6 milliards d'euros.

Je pourrais multiplier ainsi les exemples pour démontrer que le bilan et les perspectives sont bien sombres, mais je m'arrêterai là, car je souhaite aborder maintenant la situation de la filière fruits et légumes, en prenant le cas de mon département de la Drôme.

Après plusieurs années de morosité, dues en partie aux prix de vente peu rémunérateurs, l'année 2006 a été pour les fruits d'été moins catastrophique, en matière tant de prix que d'écoulement de la marchandise.

Cependant, cette relative accalmie ne permettra pas de combler les dettes accumulées lors des précédentes saisons, qui se sont révélées fatales à de nombreuses exploitations. En outre, une lourde incertitude pèse sur la véritable nature de cette éclaircie : est-elle en effet conjoncturelle ou bien structurelle ?

Par ailleurs, la baisse constante du taux d'adhésion aux organisations de producteurs est préoccupante. La raison est double : certaines d'entre elles pâtissent d'une absence de reconnaissance, due au changement de statut des organisations professionnelles ; les formalités administratives étant à la fois plus importantes et plus complexes, elles deviennent décourageantes. Or, la désorganisation engendrée est préjudiciable tant pour la profession dans son ensemble que pour les producteurs pris isolément.

Je profite de cette intervention pour rappeler que le problème majeur posé par la maladie de la sharka est loin d'être réglé. Ce virus, qui affecte les plantations d'arbres fruitiers à noyaux tels que les pêchers, les abricotiers ou les pruniers, et qui rend la commercialisation des fruits impossible, a décimé une grande partie des vergers de mon département.

Depuis des années, à travers des questions écrites ou orales, je suis intervenu à de nombreuses reprises auprès des gouvernements successifs pour alerter sur l'incidence économique, mais également social, de ce fléau. La réponse apportée sur le terrain a toujours été largement insuffisante, donnant le cruel sentiment aux arboriculteurs que les pouvoirs publics jouaient avec le temps, laissant la maladie faire son travail de sélection naturelle.

Désormais, la sharka poursuit son extension vers le sud et le nord de la Drôme, et concernera bientôt tout le couloir rhodanien. Autour de l'épicentre, lequel concerne une dizaine de communes, on dénombre déjà 15 arrêts d'activité, 33 exploitations très sérieusement menacées et plus de 200  fortement fragilisées.

En attendant que des variétés résistantes au virus soient mises au point, que fait-on ? Va-t-on continuer à assister, impuissants, à la faillite des exploitations ? Jusqu'à présent, la profession a collaboré aux actions de prospection. Cependant, au regard des maigres résultats obtenus, le découragement a pris le dessus.

Par ailleurs, les zones les plus durement frappées se retrouvent désormais exsangues et dévastées. Une personne venue dans notre région il y a dix ans ne reconnaîtrait plus le paysage, le regard pouvant désormais s'étendre à l'infini. Quel dispositif de reconversion, susceptible de s'adapter à la configuration des parcelles, avez-vous prévu ?

Monsieur le ministre, vous avez récemment missionné M. Patrice Devos, ingénieur général du génie rural, afin qu'il procède à un état des lieux et propose des solutions, ces dernières devant être annoncées avant le 15 décembre prochain. L'attente suscitée par cette énième expertise est très importante. Ne décevez pas à nouveau la profession, les élus et la population ! Une nouvelle désillusion serait sans aucun doute fatale pour un pan entier de l'économie drômoise.

Les différents partenaires sont prêts à se mobiliser en faveur d'un nouveau projet de territoire, pour peu que l'État, par un engagement financier sans précédent, montre sa volonté indéfectible de prendre le dossier de la sharka à bras-le-corps. Les décisions prises seront lourdes de conséquences.

Au regard de tous ces problèmes non réglés, sans doute trop brièvement évoqués, faute de temps, je dois vous dire monsieur le ministre, malgré l'estime, voire l'affection, que je vous porte, que ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Aussi, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, dans le temps qui m'est imparti, je souhaite attirer votre attention sur trois sujets : le revenu des agriculteurs et des retraités, la filière bois et l'aménagement rural.

Auparavant, vous me permettrez de vous féliciter pour votre action. J'ai ainsi particulièrement apprécié les résultats obtenus en matière de biocarburant, tant pour notre pays que pour mon département.

S'agissant du revenu des agriculteurs, chacun sait que ceux-ci vivent de moins en moins du fruit de leur travail et de la vente de leurs productions, et de plus en plus d'aides financières émanant de l'Union européenne. Or qui dit aides dit contrôles. À cet égard, la mise en oeuvre des droits à paiement unique, les DPU, n'a évidemment pas arrangé les choses.

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, j'avais suggéré de mettre en place, au lieu des contrôles tatillons et coercitifs que nous connaissons souvent et qui pénalisent parfois des exploitants agricoles n'ayant pas forcément la fibre administrative, des contrôles et des inspections un peu plus intelligents, par le biais d'une évaluation effectuée par des pairs. Ce système, tout en maintenant le principe de contrôles aléatoires, serait bien plus acceptable pour les exploitants.

Par ailleurs, dans mon département, la Meuse, des hectares peuvent se retrouver, pour des raisons diverses, sans DPU. Pourquoi ne pas transférer au niveau départemental la compétence et les moyens permettant de régler de telles situations ?

À ce stade de mon intervention, je souhaite vous faire part des préoccupations plus spécifiques des agriculteurs de la Meuse concernant leur revenu, et ce problème se pose aussi dans d'autres départements.

Les agriculteurs de mon département ont connu cette année une récolte de céréales et de colza moyenne, voire médiocre, une campagne fourragère difficile pour les pâtures, et tout particulièrement pour les maïs, une récolte de mirabelles contrariée par une pluviométrie trop importante courant août, et bien entendu les conséquences des mesures sanitaires prises dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire ou la fièvre catarrhale, qui limitent la commercialisation des viandes.

Jeudi dernier, lors de la séance des questions d'actualité, je vous ai interrogé sur ce dernier point, monsieur le ministre, et vous m'avez alors apporté quelques précisions. La situation n'en demeure pas moins difficile dans mon département.

En Meuse, on considère désormais qu'une exploitation sur cinq est en situation fragile, ce qui peut s'expliquer aisément puisque les gains de productivité ne permettent plus de compenser la baisse des prix et l'augmentation structurelle des charges. Ainsi, depuis 2001, le montant moyen des aides par exploitation dépasse le niveau de leur résultat courant.

Cette très grande dépendance des agriculteurs meusiens aux aides communautaires les rend d'autant plus sensibles à la réforme des aides : 4 % de modulation sur toutes les aides en 2006, puis 5 % à partir de 2007, auxquels s'ajoute 3 % de prélèvement annoncés sur la valeur initiale des DPU, c'est autant de revenu en moins pour les agriculteurs.

S'agissant du plan de modernisation des bâtiments agricoles, 21 dossiers restent à engager d'ici à la fin 2006 en Meuse, lesquels nécessitent une aide financière de l'État d'autant plus urgente qu'ils ont été déposés en 2005 : les travaux ont démarré, mais ils pourraient perdre leur éligibilité, faute d'enveloppe suffisante.

Par ailleurs, ma région n'est malheureusement pas épargnée par la fièvre catarrhale. Il a donc fallu mettre en place de grands périmètres au sein desquels les animaux sont bloqués. Quant aux marchés à l'export, ils sont durablement inaccessibles.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas insensible à ce problème. Vous m'avez d'ailleurs fait part, jeudi dernier, des difficultés rencontrées pour le régler mais aussi des mesures nationales prises en faveur des éleveurs. Face à cette crise, il serait bon que la solidarité européenne puisse jouer, afin que les pertes des éleveurs soient prises en charge et qu'un statut particulier de « zone de fièvre catarrhale » soit reconnu. Dans ce contexte, je vous ai demandé d'envisager la mise en place d'une assurance élevage, à l'instar de l'assurance récolte. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre à cet égard ?

S'agissant des retraites agricoles, force est de reconnaître que des progrès ont été réalisés au cours des dernières années : la mensualisation de leur versement, la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire, les départs à la retraite facilités au terme de carrières longues. Mais il subsistait encore un certain nombre d'injustices. Cependant, au cours de l'examen de votre budget à l'Assemblée nationale, un effort a été fait en faveur des « petites » retraites, et je vous en félicite.

Monsieur le ministre, il faudra sans doute aller plus loin, notamment veiller à la montée en puissance de la retraite complémentaire obligatoire et se préoccuper de l'extension de celle-ci aux conjoints et aux aides familiaux.

En ce qui concerne la filière bois, il ne vous aura pas échappé, au cours de votre récente visite en Meuse, dont je vous remercie de nouveau, qu'il s'agit d'un département forestier et il a beaucoup souffert des conséquences de la terrible tempête de 1999.

La situation s'améliore progressivement, mais des efforts sont encore nécessaires afin d'effacer totalement les séquelles de ce traumatisme. À cet égard, pouvez-vous me confirmer que les objectifs et le calendrier du Programme forestier national, le PFN, seront bien respectés et que les dossiers présentés par les propriétaires sylviculteurs pourront être honorés en temps et en heure ?

Je voudrais enfin évoquer, en quelques phrases, l'aménagement rural, qui n'est pas une notion neutre dans un département comme le mien, encore très rural et dont la densité de population est relativement faible, moins de 30 habitants au kilomètre carré. Vous avez bien voulu, et je vous en remercie, y labelliser deux pôles d'excellence rurale dès la première désignation, ce qui constitue une marque de confiance à laquelle nous avons été très sensibles : d'autres devraient suivre.

Certains secteurs du département de la Meuse sont, par ailleurs, classés en zone de revitalisation rurale, ZRR, ce qui prouve à quel point ils méritent attention, aide et soutien. Mais force est de reconnaître qu'il est toujours aussi difficile, malgré ces classements et nos efforts soutenus, de convaincre des chefs d'entreprise de venir développer leur activité dans notre région, d'autant qu'elle est directement concurrencée par le Luxembourg, pays très accueillant pour les entreprises.

Fort de ce constat, j'ai déposé récemment sur le bureau du Sénat une proposition de loi autorisant la création, dans les ZRR, de « zones franches rurales ». Les entreprises commerciales, artisanales ou industrielles qui s'y installeraient pourraient ainsi bénéficier des exonérations fiscales déjà en vigueur dans les ZRR, auxquelles s'ajouteraient les exonérations de charges sociales s'appliquant dans les zones franches urbaines. Ce serait le meilleur moyen de redynamiser les ZRR, qui en ont grand besoin.

Enfin, je suis très étonné de constater que les pôles d'excellence ruraux ne figureront pas dans les futurs contrats de projets État-régions pour la période 2007-2013. Je vous ai récemment écrit à ce sujet, monsieur le ministre, souhaitant que le Gouvernement revienne sur cette décision, qui ne va pas dans le sens de la prise en compte du nécessaire développement des zones rurales.

Monsieur le ministre, la politique menée par le Gouvernement dans votre domaine de compétence va incontestablement dans le bon sens. Vous avez, par ailleurs, toujours été à l'écoute des parlementaires et particulièrement respectueux à leur égard, et je vous en remercie. Bien évidemment, je soutiendrai, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste-UDF, votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, je limiterai mon intervention à la forêt, même si j'aurais beaucoup à dire sur bien d'autres questions. En effet, c'est le sujet qui, en tant que président de la Fédération nationale des communes forestières de France, la FNCOFOR, me procure de nombreux motifs de satisfaction, et, monsieur le ministre, je m'empresse de vous en remercier, même si ce n'est pas toujours l'usage lors de la discussion budgétaire.

Nous avons deux raisons d'être satisfaits du budget 2007.

Je vous remercie tout d'abord pour le contrat État-ONF que vous êtes venu signer, avec Mme le ministre de l'écologie et du développement durable, à Épinal le 24 juin dernier, lors du congrès national de notre fédération, et pour l'inscription de cette ligne essentielle pour une gestion durable des forêts communales qu'est le versement compensateur à la même hauteur qu'en 2006, conformément à ce contrat d'objectif. L'État tient donc sa promesse, c'est suffisamment rare pour être souligné.

Je vous remercie ensuite d'avoir entendu l'inquiétude des forestiers, forêt publique et forêt privée, sur les investissements forestiers et l'aide à la conversion, et d'avoir introduit dans le programme de développement rural de l'hexagone, le PDRH, une mesure en faveur des investissements forestiers, sous la forme d'une ligne budgétaire, dont l'absence nous avait inquiétés.

Bien évidemment, je ne puis en rester à ce satisfecit.

Nous pourrions également nous livrer à des calculs. Ainsi, avec 300 millions d'euros, le programme « Forêt » ne représente que 6 % de l'ensemble du budget de votre département ministériel. Mais ce chiffre a-t-il une réelle signification ?

Je voudrais surtout faire une observation. La forêt fait aujourd'hui l'objet d'un programme dans le cadre de la LOLF. Il s'agit là d'un élément très important. En effet, comme le soulignait M. le rapporteur spécial, la forêt est désormais mise en lumière. À cet égard, votre politique est facile à suivre.

La filière bois-énergie est au coeur de vos préoccupations et des nôtres. Je voudrais d'ailleurs saluer les propos que vous avez tenus devant nos collègues de l'Assemblée nationale. Vous avez notamment déclaré ceci : « Nous avons beaucoup à faire : poursuivre le programme ?1 000 chaufferies au bois en milieu rural? ». Vous avez entièrement raison. À travers ce programme, la Fédération nationale des communes forestières s'engage en compagnie de ses partenaires de la forêt publique et de l'ONF, dans une action de fond auprès des élus des communes forestières, du monde rural et des intercommunalités, afin de les inciter à opter pour la filière bois-énergie. L'ambition est forte et la tâche est lourde. Nous avons besoin de votre soutien et de celui de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, pour mener ce projet à bien.

En outre, vous connaissez mon attachement à un mécanisme d'encouragement à l'investissement forestier des communes, qui est un facteur de bonne gestion de la forêt communale et une source d'activité économique et d'emploi en milieu rural.

C'est votre détermination qui nous a permis de mettre en place le Fonds d'épargne forestière. Le principe en avait été voté au mois de juillet 2001, mais il a fallu attendre cinq ans pour que la mesure - c'est le cas de le dire - sorte du bois. (Sourires.) En effet, les décrets d'application n'étaient toujours pas publiés.

Compte tenu du texte qui a été voté, les syndicats de gestion forestière se sont trouvés exclus du dispositif. Je reviendrai sur ce point de manière plus détaillée dans quelques instants à l'occasion de la présentation de mes amendements. Toutefois, je voudrais d'ores et déjà émettre un souhait, monsieur le ministre. J'espère que vous soutiendrez ces amendements ou, à tout le moins, que vous ferez preuve d'une « neutralité positive » à leur égard - un peu de sagesse du Sénat ne saurait nuire. (Sourires.)

S'agissant des ventes de bois, je tiens à le signaler, l'année 2006 se terminera bien mieux que l'année précédente. Les ventes de l'automne ont augmenté de 5 % en volume, de 17 % en prix unitaire et de 24 % en chiffre d'affaires. Chêne, sapin-épicéa et pin sylvestre se retrouvent à des cours proches de ceux de la période antérieure à la tempête de 1999. Et notre pauvre hêtre progresse également, mais seulement sur les petits diamètres.

Sur l'ensemble de l'année, la recette totale des forêts communales devrait atteindre le « seuil psychologique » des 200 millions d'euros, bien loin encore des 265 millions d'euros de 1999, mais au-dessus des 168 millions d'euros de 2004. Ainsi, sous votre houlette, nous aurons rattrapé le tiers de la perte abyssale occasionnée par les tempêtes de décembre 1999.

Par ailleurs, comme en témoignent vos déclarations et les dispositions de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, que vous avez fait adopter, vous considérez le carbone forestier comme porteur d'avenir. Le futur de la forêt réside certainement pour une bonne part dans ce dernier. De nouveaux termes, tels que « substitution », « séquestration » ou « puits de carbone », fleurissent.

De nouvelles unités apparaissent également : mégatonnes ou gigatonnes de carbone, tonne équivalent CO2. Les chiffres sont impressionnants : les forêts françaises représentent un stock de carbone de 8 milliards de tonnes équivalent CO2 et absorbent annuellement 52 millions de tonnes équivalents CO2. C'est dire le rôle que jouent nos forêts dans la lutte contre l'effet de serre !

C'est pourquoi les forestiers publics et privés proposent des projets domestiques, notamment des puits de carbone, pour identifier les meilleures pratiques sylvicoles, afin d'en accroître le stockage. J'espère qu'avec votre soutien leurs propositions seront entendues.

Enfin, je vous remercie d'avoir insisté pour que nous mettions en place une interprofession forêt-bois. En dépit de la faible popularité de la cotisation volontaire obligatoire, la CVO - vous en conviendrez, c'est un drôle de terme (Sourires) -, l'organisation qui a pris le nom de France Bois Forêt commence à travailler concrètement sous la présidence de notre collègue le député Dominique Juillot.

Et, à présent, même la deuxième transformation et le commerce du bois nous font des offres de service. C'est un signe supplémentaire que l'économie forestière progresse. Elle vous le doit en grande partie, monsieur le ministre, et c'est pourquoi elle attend encore beaucoup de vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture française doit faire face à de profondes mutations, liées aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et à l'application de la réforme de la politique agricole commune, la PAC.

Dans ce nouveau contexte, une exploitation a vocation à se transformer en une entreprise agricole et rurale, novatrice dans ses activités, créatrice d'emplois et dotée de débouchés économiques durables. En conséquence, il faut adapter le parcours de formation des jeunes, ainsi que les outils de reprise d'exploitations.

À cet égard, la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a apporté un certain nombre de réponses. Je pense notamment au bail cessible, au fonds agricole et au crédit-transmission. C'est une première étape qu'il faut saluer ! Mais le Gouvernement doit poursuivre cette démarche, car l'installation est une condition nécessaire pour que les campagnes demeurent vivantes.

Il me paraît en particulier impératif de renforcer l'accompagnement des jeunes au début de leur carrière, étant entendu que les difficultés viennent non pas du manque de cédants, mais plutôt de la nécessité de mobiliser des capitaux pour une reprise.

Monsieur le ministre, la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, et les prêts bonifiés jeunes agriculteurs, ou prêts bonifiés JA, continueront à être cofinancés dans le cadre de la nouvelle programmation de développement rural 2007-2013. Mais leur dotation budgétaire pour 2007 semble trop faible par rapport à l'enjeu. À ce compte-là, il sera difficile d'enrayer la crise démographique de l'agriculture.

Par ailleurs, les agriculteurs regrettent que les crédits du Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA, n'aient pas été inclus dans les contrats État-régions. Je les rejoins.

En outre, la suppression programmée des prêts spéciaux de modernisation expose les jeunes à un risque financier important et aura pour effet de freiner le plan bâtiment, qui trouvait sa complémentarité dans le dispositif des prêts bonifiés.

Monsieur le ministre, vous avez récemment indiqué qu'un mécanisme de cautionnement était en cours d'expertise. Pouvez-vous nous préciser les résultats de cette étude ?

Bien entendu, la formation et le parcours préparatoire constituent le deuxième enjeu de l'installation.

J'ai noté avec satisfaction l'augmentation des crédits de l'enseignement supérieur. Mais il me paraît néanmoins indispensable d'adapter l'offre de formation aux nouveaux enjeux et de faire évoluer le dispositif « stage six mois » vers une formule plus individualisée. Quant à la validation des acquis de l'expérience, sa mise en oeuvre devait faire l'objet d'une évaluation. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?

Enfin, je crois qu'il faut communiquer plus et mieux sur l'agriculture en direction des jeunes. En effet, il faut rompre avec cette vision réductrice d'une voie marginale, qui serait réservée aux enfants d'agriculteurs et destinée à former des agriculteurs. Il est indiscutablement préférable d'installer un paysan à la campagne plutôt que de maintenir un chômeur en ville !

La simplification administrative représente un autre défi pour l'agriculture.

Le dispositif des droits à paiement unique ajoute encore à la complexité, alors que les exploitants consacraient déjà au quotidien de plus en plus de temps aux démarches administratives. Que ce soit pour l'obtention des aides, la déclaration de surfaces, les obligations relatives à l'identification des animaux, la mise aux normes des bâtiments d'élevage ou encore les modalités d'embauche, le nombre de formulaires à remplir chaque année dépasse les limites du supportable, d'autant que la plupart des informations qu'ils contiennent sont déjà détenues par les services demandeurs.

La lourdeur de ces démarches à accomplir est accentuée par la multiplicité des interlocuteurs auxquels les exploitants doivent s'adresser. Ces démarches sont souvent inutiles et parfois même absurdes.

Parmi les différentes mesures à adopter, il est impératif de simplifier et d'améliorer l'accès aux aides, notamment dans le cadre de la transmission générationnelle.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez érigé la simplification administrative au rang de priorité. Ainsi, au mois de février 2006, une vaste campagne d'appel à idées ayant pour slogan « Simplifions ! » a été lancée auprès des agriculteurs. Elle a permis de recueillir et d'étudier plus de 1 000 propositions.

Depuis le début de l'année, vous avez d'ailleurs annoncé pas moins de soixante-dix mesures concrètes de simplification. Cependant, ces efforts seraient vains si une démarche similaire n'était pas entreprise à l'échelon européen. En effet, certaines mesures sont conditionnées à une adaptation de la réglementation communautaire.

Vous avez adressé à la Commission européenne une contribution française rappelant les grands principes qui doivent guider la simplification de la PAC et proposant près de quarante mesures précises. Pouvez-vous nous indiquer les suites qui ont été apportées à cette contribution ?

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il faut poursuivre activement ce chantier avec pour lignes directrices une meilleure prise en compte de la logique de l'entreprise, une amélioration de l'information, un allégement des formalités et des contrôles et un encouragement des téléprocédures.

Monsieur le ministre, votre budget sera voté par la majorité du groupe RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud. (M. Roland Courteau applaudit.)

M. Marcel Rainaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, l'agriculture crée des emplois et apporte son poids dans la balance commerciale du pays. Elle aménage et occupe le territoire. Elle apporte également des produits de qualité, qui sont attendus par les consommateurs. Elle nécessite donc la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse.

Monsieur le ministre, une telle politique est absente du projet de budget que vous proposez.

Certes, ce projet affiche des intentions en apparence louables. Je pense à la valorisation de la sécurité sanitaire, à la recherche ou à l'enseignement. Mais ce budget, qui s'élève à un peu plus de 5 milliards d'euros, représente une hausse minime de 1 % seulement par rapport à 2006. Il s'agit donc d'un budget en baisse en euros constant, insuffisant et contradictoire avec les engagements pris par le Gouvernement à l'occasion de l'adoption de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Marcel Rainaud. En réalité, la hausse affichée de 9 % en faveur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments correspond à des transferts et à des augmentations inéluctables de charges.

Une fois encore, les collectivités locales seront mises à contribution, au travers des aides apportées aux groupements départementaux de défense sanitaire ou de l'action des laboratoires vétérinaires départementaux.

M. Roland Courteau. Comme d'habitude !

M. Marcel Rainaud. En effet, il est regrettable que, une nouvelle fois, les dotations ne soient pas à la hauteur des enjeux, face, notamment, au risque toujours présent de grippe aviaire ou à l'apparition sur notre territoire de foyers de fièvre catarrhale, sans parler de la rhinotrachéïte infectieuse bovine, ou IBR, dont la prévention va peser lourdement sur les comptes des exploitations.

Quant à l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, elle masque mal la baisse de celui de l'enseignement agricole. Le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter. La performance de l'enseignement technique agricole est reconnue. Et pourtant, la diminution de 5,7 % de ce budget s'ajoute à la suppression des 269 postes dans le cadre de la loi de finances pour 2006, à la réduction des postes ouverts aux concours et aux amputations de crédits des établissements !

J'ajoute que le volet social de ce budget paraît bien léger.

Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles connaîtra un déficit cumulé de 5,3 milliards d'euros !

Malgré les engagements du Président de la République et les mesures annoncées ces derniers mois, le dossier des retraites agricoles est loin d'être réglé.

M. Marcel Rainaud. En outre, s'il est un domaine dans lequel votre ambition est défaillante, c'est bien celui de la viticulture,...

M. Robert Tropeano. Ça, c'est sûr !

M. Marcel Rainaud. ...qui est pourtant l'un des fleurons de l'économie de notre pays. Roland Courteau, Robert Tropeano et moi-même ne craignons pas de l'affirmer, monsieur le ministre, vous n'avez pas réellement pris conscience de la gravité de la crise viticole qui touche principalement la région Languedoc-Roussillon.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Marcel Rainaud. Dans ce projet de loi de finances, nous attendions des mesures à caractère exceptionnel sur les bases de calcul des cotisations sociales des viticulteurs et sur la question de leurs charges sociales, afin de les aider à traverser cette période difficile.

Nous espérions un réel engagement en direction des viticulteurs, qui désirent poursuivre leur activité. Nous revendiquions des aides massives à la mobilité pour faciliter les installations, un soutien fort à la réalisation des aménagements et des équipements indispensables à la reconversion.

De tout cela, nous n'avons rien obtenu ou si peu !

M. Roland Courteau. Il fallait le dire ! Très bien !

M. Marcel Rainaud. Avec tous les professionnels, je dénonce l'insuffisance des crédits que votre gouvernement consacre, dans le cadre des contrats de projets État-région, à la compétitivité des entreprises, à la commercialisation et à la promotion.

Vous laissez la France à la traîne sur les marchés mondiaux, vous laissez grignoter nos parts de marché sans que l'on sente une volonté de réagir de la part du Gouvernement !

En ne sollicitant pas Bruxelles pour le financement de préretraites acceptables et en refusant de rendre plus attractive la prime d'arrachage définitif, vous avez laissé échapper l'occasion de permettre aux viticulteurs qui le souhaitent de quitter la profession avec dignité

MM. Roland Courteau et Robert Tropeano. Exactement !

M. Marcel Rainaud. Vos orientations reviennent à un abandon pur et simple de la viticulture française, ou plutôt, devrais-je dire, de la viticulture de la région Languedoc-Roussillon !

M. Roland Courteau. Très bien ! Il fallait le dire !

M. Marcel Rainaud. Ce budget, qui ne représente que 1,7 % du total des dépenses du budget de l'État montre clairement que l'agriculture n'est plus une priorité pour le Gouvernement. Aussi, monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième année consécutive que nous traitons de la loi de finances dans le cadre de la LOLF.

Cette nouvelle présentation permet un meilleur contrôle budgétaire et introduit une idée nouvelle : la culture de résultat. Prenons garde toutefois à la manière dont cette idée est perçue car, dans les milieux agricoles, certains estiment qu'il est aujourd'hui plus difficile de suivre l'évolution des crédits année par année et que cette présentation peut remettre en cause la réalité des financements annoncés car ils se trouvent noyés dans la masse. Veillons donc à la bonne lisibilité des données.

Notre agriculture entre dans une nouvelle ère, celle de la modernité, tout en étant respectueuse de l'environnement. De nouveaux enjeux apparaissent, comme la maîtrise des risques sanitaires et des aléas, la gestion de la ressource en eau, la modernisation des exploitations, la réduction des pollutions.

Pour faire face à ces défis, votre ministère a mis l'accent, cette année, sur la simplification administrative. Initiative louable, car nos agriculteurs passent beaucoup de temps en formalités de plus en plus nombreuses et complexes.

De surcroît, l'instruction des dossiers suit la même évolution. Ils sont soumis à un nombre croissant de réglementations, de textes contractuels ou de principes régissant les orientations des organismes financeurs. Ce foisonnement de références diverses conduit les services instructeurs à des interprétations multiples et souvent divergentes qui provoquent une véritable sclérose des organes décisionnels.

Il faudrait organiser la hiérarchisation des textes dans un but de clarification, monsieur le ministre. De nombreuses situations de blocage seraient évitées à nos agriculteurs, permettant ainsi à votre ministère d'atteindre le but qu'il s'est fixé.

Autre défi faisant partie de vos priorités, monsieur le ministre, la préparation de l'avenir. Grâce à vous, l'installation des jeunes connaît des avancées concrètes comme la baisse des taux ou les prêts aux jeunes agriculteurs. Il faut poursuivre cette politique et permettre à tous les jeunes qui le désirent, issus des milieux agricoles ou non, de pouvoir s'installer. De même, la transmission transgénérationnelle doit être encouragée.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Michel Doublet. Mais, qui dit installation, dit formation. L'enseignement agricole confirme ici son caractère d'excellence. Or, des inquiétudes se font jour.

L'enseignement agricole public connaît une réduction de ses crédits de moyens, avec des suppressions de postes, et le recrutement des élèves se trouve plafonné, certains établissements allant même jusqu'à refuser des élèves qui souhaitent redoubler après avoir subi un échec à leur examen. Il conviendrait ici d'augmenter les moyens prévus, en termes tant de dépenses de personnels que de dépenses de fonctionnement et d'intervention.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. Michel Doublet. L'enseignement agricole privé rencontre des difficultés semblables avec la suppression de 141 postes à la rentrée 2006, conjuguée à la décision de transformer 240 postes en heures supplémentaires-année. Quelle mesure, monsieur le ministre, comptez-vous mettre en oeuvre pour remédier à cette situation ?

De plus, l'enseignement agricole privé attend avec impatience la publication de la modification du décret n° 89-406 du 20 juin 1989 qui doit permettre le reclassement de 200 agents de troisième catégorie et d'organiser les mouvements d'emplois et les concours de recrutement. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale la date de publication de ce décret ?

Notre agriculture, je l'ai dit voilà un instant, doit faire face à de nouveaux enjeux.

C'est le cas de l'eau. Le réchauffement climatique a un impact direct sur notre agriculture. Une véritable politique de l'eau doit conjuguer économie de la ressource existante et création de nouvelles ressources. Malheureusement, les crédits alloués à l'hydraulique, qui s'élèvent à 18 millions d'euros, ne permettront pas de solder l'ensemble des opérations en cours. Ils sont également insuffisants pour répondre à l'objectif de création de ressources.

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, dans un programme décennal de création de retenues de taille modeste - notre département, la Charente-Maritime, est bien placé pour le savoir -, dont les conditions de réalisation et de gestion environnementales seront définies dans la prochaine loi sur l'eau. Or, ce plan de retenues de substitution ne bénéficie que de 5 millions d'euros en autorisations de programme, montant très insuffisant, vous en conviendrez, au regard de la grande vulnérabilité du secteur agricole à l'égard de la pénurie en eau - nous en avons eu des exemples récemment. Accordons les moyens nécessaires à l'hydraulique agricole pour qu'elle accomplisse enfin ses missions : la sécurisation des récoltes, la régularisation de la qualité de la production et la diversification des cultures. La politique d'augmentation de la ressource reste aujourd'hui essentielle.

Ainsi, la politique nationale de l'eau a clairement défini les orientations en matière de gestion quantitative : mettre en adéquation la ressource et les prélèvements. Elle définit tout aussi clairement les moyens à mettre en oeuvre : la réduction des prélèvements et l'augmentation de la ressource.

Tous ces défis ne peuvent être relevés que dans le respect de l'environnement, qui doit maintenant faire partie de notre vie quotidienne.

Sur ce sujet, je me félicite du cofinancement communautaire des mesures agro-environnementales. Le budget 2007 comporte une dotation de 121 millions d'euros pour les nouveaux contrats en faveur des prairies exploitées dans le respect de l'environnement. Ces contrats ont vocation à succéder aux actuels engagements des bénéficiaires des contrats territoriaux d'exploitation herbagers qui arrivent à échéance. Les éleveurs et le monde rural sont très attachés à ces contrats qui contribuent à une des grandes priorités de votre ministère, la réaffirmation de la place de l'agriculture dans les territoires ruraux.

Parmi ces mesures, l'indemnité compensatrice de handicap naturel enregistre une nouvelle réévaluation de 5 % qui permet de consolider les activités d'élevage dans les zones où les conditions de production sont structurellement pénalisées par l'environnement géographique, économique et climatique.

Je me réjouis également du plan végétal pour l'environnement. Ce nouveau dispositif d'aide aux investissements à vocation environnementale pour le secteur végétal doit, en effet, concilier production et préservation de l'environnement, sécurité et qualité alimentaire.

Enfin, pour terminer sur l'environnement, je constate avec plaisir que les engagements concernant le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole sont tenus. Ce dispositif vise à limiter la pollution des eaux en accompagnant la mise aux normes des exploitations. Il importe que l'État, les collectivités territoriales et les agences de l'eau poursuivent leurs engagements jusqu'en 2009, compte tenu des délais observés entre le dépôt du dossier et le paiement des travaux sur facture.

Je ne peux finir ce bref tour d'horizon sans parler du problème des retraites. De grandes avancées ont été réalisées avec la retraite complémentaire, la mensualisation, les mesures concernant les carrières incomplètes et, dernièrement, la revalorisation des petites retraites qui concerne quelque 300 000 agriculteurs. De nouvelles dispositions pourraient être envisagées, comme l'élévation du niveau des retraites à 85 % du SMIC ou un rattrapage en faveur des pensions de réversion.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à aborder trois sujets qui me tiennent à coeur et qui concernent directement le département de la Charente-Maritime dont nous sommes tous les deux élus.

Je veux parler tout d'abord du dossier du sel artisanal sur lequel nous avons eu un échange de correspondance. En juin 2005, j'avais attiré votre attention sur la reconnaissance du caractère alimentaire du sel marin artisanal. Un décret est actuellement en cours de rédaction. Dans l'attente des résultats de l'expertise microbiologique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que le décret sera bien pris dans un délai raisonnable car les producteurs de l'île de Ré, de l'île de Noirmoutier et de Guérande attendent cette décision avec impatience.

J'aborderai ensuite le cas des zones humides, qui sont un facteur de développement durable des territoires. Elles assurent la préservation de la diversité biologique tout en contribuant à une bonne gestion des ressources en eau ainsi qu'à la prévention des inondations. La loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole prévoit, dans son article 88, un soutien spécifique en faveur des activités économiques traditionnelles dans ces zones.

Je comprends, aujourd'hui, que la mise en place d'une indemnité spéciale zone humide supposerait de redéfinir immédiatement le zonage alors que la Commission européenne a renvoyé ce chantier à 2010. C'est une réelle difficulté mais il faut s'assurer que les crédits d'État soient inscrits à hauteur suffisante et de manière pérenne. L'État, au même titre que le département, doit prendre sa part à l'entretien des marais et lui appliquer une fiscalité appropriée. J'espère, monsieur le ministre, que les réflexions sur ce sujet se poursuivront dans la future programmation de développement rural pour la période 2007-2013.

Enfin, je désirais évoquer les crédits d'indemnité à l'abandon total ou partiel de la production laitière. En effet, de nombreux agriculteurs de notre département ont déposé des dossiers d'indemnité au titre de la campagne 2006-2007. Or, le nombre des dossiers déposés ou en cours de dépôt est supérieur aux prévisions, ce qui entraîne des conséquences en termes de financement. Il faudrait donc que les crédits nécessaires soient déployés afin de répondre à l'attente de nos agriculteurs. Quelles informations pouvez-vous nous donner sur ce point précis, monsieur le ministre ?

En conclusion, le budget que vous nous présentez aujourd'hui est un budget d'avenir pour notre agriculture et l'ensemble de la filière agricole. Par ailleurs, il répond parfaitement aux attentes nombreuses et légitimes du monde rural, c'est pourquoi, monsieur le ministre, je voterai vos crédits sans hésitation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera, une fois de plus - peut-être la dixième en un an -, la situation de la viticulture et de tout le secteur viti-vinicole dans la région Languedoc-Roussillon.

Je n'ai pas besoin de longs argumentaires pour établir ce sombre constat : le marché du vin reste à peu près atone, les prix proposés sont, cette année encore, inférieurs à ceux de l'an passé ; le cumul des baisses enregistrées depuis 2002 explique que le cours du vin soit aujourd'hui beaucoup moins rémunérateur qu'il y a dix ans. Quelle profession supporterait une telle diminution de ses ressources sans réagir par des actes de désespoir ? Or, nous n'en observons pas chez nous, sans doute, pour partie, par sagesse mais aussi par fatalisme.

Désormais, nombre de vignerons vivent du salaire de leur épouse ou, à défaut, d'une allocation du RMI. Ils baissent la tête, ils calculent comment sortir de cette impasse par l'arrachage ou la vente du foncier si, du moins, leurs terres sont classées en zone urbanisable. Pour les élus que nous sommes, rien n'est plus angoissant !

Pour tenter de redresse la situation, monsieur le ministre, vous avez pris - ou arraché à Bruxelles - un certain nombre de décisions dont il faut vous rendre acte : les diverses distillations qui ont désencombré le marché sans parvenir, hélas ! à redresser les cours, l'arrachage temporaire - trop faiblement souscrit, en Bordelais notamment - ainsi que des mesures plus structurelles tenant à l'organisation de la profession, comme la mise en place des comités de bassin.

Force est de reconnaître que le sursaut ne s'est pas encore produit, tout du moins pas dans la région Languedoc-Roussillon. Sans doute portons-nous une part de responsabilité, que je ne sous-estime pas !

Mais le constat demeure et, une fois de plus, l'ensemble de la population et des élus se tourne vers l'État. Il vous appartient, monsieur le ministre, de mobiliser les acteurs du secteur viti-vinicole pour enrayer la spirale déflationniste du marché, maîtriser l'arrachage, réorienter l'activité viticole, chaque fois que nécessaire, vers des productions susceptibles de maintenir l'outil foncier en l'état et de faire vivre les familles. Cela relève de votre responsabilité, bien sûr, mais vous n'êtes pas seul en cause !

Tout doit tendre à faire converger les efforts de l'État et des diverses collectivités territoriales, de la petite commune à la grande agglomération, en passant par le département et la région.

M. Robert Tropeano. Absolument !

M. Gérard Delfau. De ce point de vue, la récente - et trop tardive - réunion de travail que vous avez convoquée sur la définition du contrat de projet État-région fut un rendez-vous utile : associer les parlementaires, les présidents des grandes collectivités territoriales et les représentants de la profession a eu pour intérêt de révéler une relative unité d'analyse ainsi qu'une assez large convergence dans les propositions.

Il faut reprendre ce type d'initiative en y associant - je sais bien que c'est difficile - les représentants du négoce et ceux du secteur des hôtels-cafés-restaurants. En effet, il n'y a pas de relance possible du marché intérieur sans une telle convergence.

De ce point de vue, il n'est pas acceptable que la marge sur le repas se réalise trop souvent grâce au prix prohibitif auquel le vin est vendu.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. Gérard Delfau. Le Gouvernement dépense des sommes considérables pour soutenir le secteur de l'hôtellerie-restauration. Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de lier pour partie l'octroi de ces aides de la collectivité nationale au respect d'une forme de modération sur le prix du vin ?

S'agissant de l'export, nous souhaiterions une implication plus volontariste de vos services, notamment pour surmonter les obstacles créés par la fiscalité abusive et protectionniste d'un certain nombre de pays. À cet égard, j'ai pu constater tout récemment, en Inde, les dégâts causés par une telle politique fiscale.

En ce qui concerne la vive et parfois déloyale concurrence que nous livrent l'Italie et surtout l'Espagne, pourquoi ne parvenons-nous pas à faire respecter les normes sanitaires, notamment en matière d'usage d'engrais et de pesticides ? Faudra-t-il en arriver à bloquer la frontière ?

M. Roland Courteau. On ne nous a jamais répondu sur ce point !

M. Gérard Delfau. S'agissant enfin de l'organisation commune de marché, le projet de la Commission européenne est inacceptable. Combinant un arrachage massif de 400 000 hectares de vignes avec la libération immédiate des droits de plantation, cette politique est un déni de l'effort de qualité que la viticulture du Languedoc-Roussillon a accompli depuis une trentaine d'années.

L'objectif, en réalité, est de détruire l'exploitation familiale et coopérative tout entière tournée vers l'authenticité du produit, au profit d'une viticulture industrielle livrée au négoce mondial. Toutes proportions gardées, c'est bien une forme de retour à 1907, à l'époque d'une viticulture spéculative et inauthentique, que préconise la Commission européenne. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que la France refuse cette orientation et fasse valoir notre tradition d'une viticulture de qualité, liée au terroir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Tropeano. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt, affaires rurales », mon intervention portera uniquement sur la pêche.

Je commencerai en soulignant ce qui constitue un grand changement par rapport à l'an passé : le montant exceptionnel, je n'hésite pas à le dire, des crédits de la pêche, puisqu'ils s'élèvent à 60 millions d'euros, contre 32 millions d'euros en 2006.

Bien évidemment, je me réjouis de cette évolution, même si l'on doit la relativiser : ce budget en lui-même est modeste, comparé à celui de l'ensemble de la mission et au regard de l'ampleur de la tâche et des problèmes posés.

Cette augmentation, due à la mise en oeuvre du plan d'action pour la pêche, est indispensable, bienvenue quand on analyse la situation dramatique de ce secteur de notre économie.

Voici quelques-uns des problèmes à traiter et des défis à relever : augmentation du prix du gazole, maintien et protection de la ressource, sécurité des marins pêcheurs, vieillissement de la flotte, rigueur de l'administration communautaire, et j'en passe...

Je veux maintenant rappeler en quelques chiffres l'importance de la pêche dans notre pays : 20 000 emplois embarqués, qui en induisent plus de 50 000 à terre ; une consommation évaluée à 2 150 000 tonnes, pour 35 kilogrammes de produits aquatiques consommés par personne ; un taux annuel de croissance de 2 % du marché des produits de la mer.

Derrière ces chiffres apparaît une économie qui joue un rôle essentiel dans les régions littorales. Je rappelle, à cet instant, que la façade maritime de la France est sans commune mesure avec celle des pays voisins.

Cette activité a un rôle structurant en matière d'aménagement du territoire. Elle est un élément majeur de la vie de nos côtes, car elle en est un acteur historique, un acteur économique, un acteur environnemental, enfin un acteur culturel.

En effet, elle fonde l'identité du littoral et, en Bretagne, celle d'une région tout entière. À travers les valeurs qu'elle porte, de ténacité, de courage, de solidarité, elle a une image positive.

La prise en compte des besoins de la profession par le biais du plan d'action pour la pêche nous paraît malheureusement tardive, en cette fin de législature. Au cours de mon intervention, l'an passé, je vous avais d'ailleurs interpellé, monsieur le ministre, sur le manque d'anticipation de ce plan en termes financiers.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

Mme Yolande Boyer. Revenons-en à quelques-unes des propositions qu'il contient : mise au point de plans de gestion pluriannuels, rattachement des quotas aux entreprises et non plus aux personnes, renforcement du rôle des organisations de producteurs, création d'une interprofession...

Ces mesures sont plutôt bien accueillies, mais le plan reste flou sur les méthodes et les moyens réellement mis en oeuvre. À cet égard, les textes relatifs aux différents dispositifs sont attendus, ainsi que les études d'impact sur les conséquences des plans de sortie de flotte. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les échéances et les priorités de mise en oeuvre ?

Il est en effet difficile de parler de long terme à une profession en crise qui attend des réponses immédiates, et l'on sent une certaine défiance percer au travers des propos suivants, tenus par un président d'organisation de producteurs en Normandie - « Les intentions restent louables, mais cela reste vague. Il reste à mettre en musique. » - ou par André Le Berre, le président bien connu du comité régional des pêches de Bretagne - « Certaines idées ne sont pas si mauvaises, mais nous attendons le résultat final ; pour l'instant, ce plan n'est pas concret. »

Alors, monsieur le ministre, avez-vous du concret à nous présenter ? Réussirez-vous à mettre ce plan en musique ?

Par ailleurs, quelques grands axes du plan d'action pour la pêche sont confortés par des actions à l'échelle de l'Union européenne, d'où notre inquiétude concernant les crédits du Fonds européen pour la pêche, qui doit remplacer l'Instrument financier d'orientation de la pêche, puisqu'une baisse de 33 % sur la période 2006-2013 est prévue. Cette évolution aura inévitablement des répercussions en France. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ce désengagement européen ?

Je voudrais maintenant évoquer la politique des contrôles et du suivi, car l'enjeu est d'importance : il s'agit notamment de respecter les taux et les tailles maximaux de capture, non seulement pour les pêcheurs français, mais aussi pour les pêcheurs communautaires et ceux des pays tiers.

À cet égard, la mise en place par le ministère d'une charte du contrôle des pêches paraît importante, mais dispose-t-on de résultats concernant cette initiative ? Où en est-on des sanctions à l'encontre de notre pays, de l'amende et des astreintes dues ? Je souhaite également souligner que permettre le développement de la pêche tout en préservant la ressource nécessite d'attribuer à I'IFREMER des crédits à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que l'effort financier ne peut pas tout.

Un solide rapport de confiance entre les acteurs de la filière - professionnels, scientifiques, élus du littoral, associations - est indispensable. La concertation s'impose, et je tiens à mettre en exergue, dans cette perspective, le sens de la responsabilité dont fait preuve la profession, tant dans la prise de mesures conjoncturelles que dans la participation à la construction d'un avenir pour la filière.

À propos de concertation, j'évoquerai très rapidement un sujet annexe, celui du parc marin d'Iroise. Je crois qu'il préfigure ce que pourrait être la concertation à l'échelon local, dans un objectif de gestion durable de la ressource, de préservation de l'environnement et de l'économie de pêche.

Je terminerai mon intervention, et cela ne surprendra personne, en évoquant le bon sens et la pertinence des propositions faites par l'association « Femmes entre terre et mer ». Elle regroupe des femmes de marins et de pêcheurs, du matelot à l'armateur, qui mettent en avant l'aspect social, à retenir comme indicateur d'un développement durable de la filière. C'est un élément qu'il me paraît important de prendre en compte sous divers aspects - salaire, couverture sociale, garantie d'activité type CTE pour la pêche -, afin de rendre attractive la profession. La formation des femmes doit être renforcée, car nous savons bien qu'elles jouent un rôle essentiel dans ce secteur économique.

Tels sont, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais mettre en évidence. La prise de conscience de tous les acteurs me semble indiscutable. Je crois que, pour assurer la survie de la pêche, il reste à l'État à donner l'impulsion et les moyens. Un premier pas est fait, il en reste beaucoup d'autres à accomplir, par exemple se donner les moyens d'une véritable politique portuaire, ainsi que l'a proposé la semaine dernière le conseil régional de Bretagne par un vote unanime. Je veux dire avec force que sans véritable politique portuaire, il n'y a pas de véritable politique maritime. Un signe fort est attendu, l'État doit le comprendre et l'inscrire dans une vraie politique nationale d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous voir de retour dans cet hémicycle pour nous présenter une nouvelle fois vos crédits. Laissez-moi vous dire que nous avons beaucoup apprécié votre action et votre efficacité au service de la politique agricole de notre pays toutes ces dernières années.

Au début de mon propos, je voudrais aborder deux thèmes qui concernent l'avenir.

En premier lieu, j'apprécie que vous ayez pour priorité de relever les défis économiques dans une Europe élargie soumise à la concurrence croissante de grands pays comme le Brésil ou la Chine et de réaffirmer l'importance de l'agriculture pour l'environnement et les territoires ruraux, qui doivent vivre en affrontant les exigences du monde actuel.

Nous voyons déjà combien la conjoncture mondiale joue sur le prix des céréales, nettement en hausse. En outre, quel sera l'avenir de nos producteurs de lait, inquiets de la baisse des prix ? Celle-ci est compensée en partie par les primes, il est vrai, mais les prix des produits laitiers ont-ils baissé dans les rayons des commerces, petits ou grands ? Quelle sera demain la concurrence exercée par ces grands pays que j'évoquais, s'agissant de nos principaux produits ? Cette question préoccupe l'ensemble du monde agricole.

En second lieu, nous constatons le renchérissement de l'énergie et la nécessité de développer d'autres sources d'énergie. Comme nombre de mes collègues, je me réjouis donc de l'accent mis sur le développement des biocarburants.

La récente loi d'orientation agricole, que nous avons longuement élaborée dans cette enceinte, a prévu que, pour le secteur du transport, la part des biocarburants par rapport aux essences et au gazole devrait atteindre 5,75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

Pour atteindre ces objectifs, il faut soutenir les instruments de développement par une fiscalité adaptée. Le plan « biocarburants » mis en place par le Gouvernement nous fait prendre une orientation nécessaire : ouvrir de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs, créer de la valeur ajoutée en transformant nos matières premières agricoles, utiliser nos hectares de jachères, dont le maintien constitue une absurdité, enfin créer - je l'espère - de nombreux emplois.

Nous allons donc, monsieur le ministre, vers une modification territoriale complète de notre agriculture avec les biocarburants et l'utilisation de végétaux, comme le chanvre, par exemple, pour produire différents matériaux.

Dans cette double perspective, on estime que les besoins sont d'environ 4 millions d'hectares. Des zones aujourd'hui herbagères situées en plaines ne vont-elles pas devenir céréalières ? Ne va-t-on pas voir diminuer de façon significative le nombre de bovins et d'ovins, d'autant que nous savons les contraintes de l'élevage ? Il faut se préparer à un transfert de quotas et de droits à produire, car ne pas le faire serait préjudiciable à notre économie agricole. Une réflexion a-t-elle déjà commencé sur l'importante modification structurelle, territoriale, qui va découler de la mobilisation de nombreux hectares pour la production de biocarburants ?

Après ces perspectives de moyen terme, j'en viens maintenant plus particulièrement à l'année 2007.

Je souhaite la consolidation de l'agriculture de montagne à travers la revalorisation de l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel.

Certes, cette dotation intègre une nouvelle réévaluation de 5 % pour les vingt-cinq premiers hectares. Cela répond à votre engagement, pris en 2003, d'augmenter l'ICHN pour les vingt-cinq premiers hectares. Il est vrai que l'on n'en sera qu'à 35 % de hausse à la fin de 2007, au lieu des 50 % annoncés. Or cette indemnité est essentielle pour aider les exploitations de taille modeste à se maintenir sur l'ensemble du territoire et représente une compensation des lourds handicaps dus au climat, au relief, à l'altitude des régions concernées.

De même, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, primordiale pour l'équilibre des exploitations et des filières de montagne, risque de voir ses modalités d'attribution modifiées à partir de 2008, même si l'enveloppe globale reste identique. Si tel est le cas, le nombre de bénéficiaires étant élargi, la PHAE sera automatiquement moins favorable pour les actuels attributaires.

Je rappelle que de nombreux agriculteurs ont contractualisé des mesures surfaciques - hors mesures herbagères - dans le cadre des CTE. Faute de budget, ils se verront dans l'incapacité de contractualiser de nouveau, alors que les caractéristiques de leur exploitation répondent totalement au cahier des charges de la PHAE, qu'il s'agisse du taux de chargement ou du taux de spécialisation. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous rassurer car c'est un point sur lequel nous sommes souvent interpellés.

Enfin, les besoins de modernisation des bâtiments d'élevage étaient importants et ils le sont encore - et, en montagne, les surcoûts sont notoires. Ce gouvernement et la majorité ont accompli de gros efforts financiers, qui n'étaient pas fait auparavant. C'est pourquoi votre plan est un succès et, par voie de conséquence, des files d'attente apparaissent. J'espère que les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative seront suffisants pour rattraper le retard, comme dans le domaine de la mise aux normes des bâtiments, qui est indispensable.

S'agissant de la mesure agri-environnementale rotationnelle, la MAE, il est prévu une simple reconduction du budget des années précédentes, ce qui ne permettra pas d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire. Or cette mesure, qui vise à encourager la pratique de rotations plus longues et d'assolements plus diversifiés, est très positive. Cela permet d'améliorer la qualité de l'eau - par la limitation du recours aux intrants - et des sols, ainsi que d'accroître la biodiversité.

Aujourd'hui, onze régions bénéficient de cette mesure, dont la Bourgogne qui présente des caractéristiques agronomiques et climatiques similaires à la zone basse de la Franche-Comté. Aussi, les agriculteurs francs-comtois aimeraient comprendre pourquoi leur région n'est pas éligible. D'autant que l'incidence financière serait modeste.

Je regrette que les offices, qui sont des organismes dont l'utilité n'est plus à démontrer, voient leurs crédits quasiment divisés par deux, alors que des secteurs comme la viticulture ou les fruits et légumes connaissent des crises successives et auraient bien besoin de moyens pour s'adapter à un environnement nouveau. L'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, voit ses moyens simplement maintenus, alors qu'il va devoir, en 2007, élargir ses missions aux labels et à l'agriculture biologique et que ses tâches vont donc augmenter.

Pour renforcer la crédibilité de ces signes vis-à-vis des consommateurs, des campagnes de communication en direction du grand public sont indispensables. L'INAO a besoin en 2007 de ressources supplémentaires, tant en personnel qu'en crédits de fonctionnement, chiffrées à 400 000 euros. Que peut-on faire, monsieur le ministre, alors qu'il est plus que jamais nécessaire de défendre nos signes d'origine et de qualité ?

Avant de conclure, je ne peux pas ne pas évoquer la forêt, qui, dans mon département, représente évidemment un enjeu important. La prise de conscience du potentiel de la forêt et de ses perspectives d'avenir - le bois peut être utilisé dans la construction ou comme source d'énergie - est maintenant réelle dans notre pays, et je m'en réjouis. Le développement très rapide des chaudières à bois dans de nombreux départements, et particulièrement dans le mien, en témoigne, comme le fait que le développement de la filière bois-énergie soit retenu comme thématique dans nos contrats de projets pour la période 2007-2013 actuellement en préparation.

Si l'on veut favoriser l'utilisation du bois, il faut des crédits pour aménager des routes forestières qui permettront de collecter la ressource. Dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire. Je me réjouis que les crédits affectés à la politique forestière augmentent de 3 %, car ce secteur offre de formidables perspectives pour l'avenir.

Monsieur le ministre, ce budget comporte de nombreux points positifs et je vous fais entièrement confiance. Aussi, comme mes collègues du groupe UMP, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -  M. le rapporteur spécial et M. Gilbert Barbier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un département où l'agriculture occupe une place prépondérante, je porte chaque année, comme nombre de mes collègues, une attention particulière à ce budget. Et parce que les attentes de la profession agricole sont fortes et nombreuses, les espérances sont, elles aussi, importantes.

Par rapport au projet de loi de finances pour 2006, le budget de l'État consacré à l'agriculture pour 2007 augmente seulement de 1 %. Cette évolution ne me paraît pas suffisante pour répondre aux problèmes structurels rencontrés par l'agriculture française, d'autant que celle-ci est aussi soumise à des crises conjoncturelles de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses.

En effet, vous ne mettez pas en place les outils nécessaires pour aider à améliorer la compétitivité des exploitations. Ou, plus exactement, vous privez de financement les outils existants. Je pense notamment aux offices agricoles, qui, depuis quelques années, sont soumis à des coupes sévères, alors que leurs actions de restructuration et de consolidation des filières sont reconnues.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Yvon Collin. Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage ne sera pas non plus à la hauteur des besoins. Les demandes vont en effet sans doute continuer à se multiplier dans un contexte où les crédits programmés pour 2007 permettront au mieux de gérer les dossiers en cours.

S'agissant du volet investissement, là aussi, on constate un sérieux désengagement de l'État. Rassurez-nous et, surtout, rassurez les agriculteurs, monsieur le ministre, sur l'avenir des prêts bonifiés. On peut comprendre que vous soyez sensible aux critiques de la Cour des comptes mais, s'il doit y avoir une réforme, elle doit être le fruit d'une discussion avec tous les acteurs du monde agricole. En tout cas, les prêts bonifiés ne doivent pas être remis en cause dans leur principe, car ils sont un instrument essentiel du développement des exploitations et de leur viabilité financière.

Je tiens également à évoquer les crédits consacrés à l'enseignement technique agricole public. Depuis 2003, celui-ci voit ses moyens diminuer. À l'issue de l'actuelle législature, 548 emplois auront été supprimés. Année après année, la dotation globale horaire est ainsi réduite. Alors que les établissements d'enseignement technique agricole permettent une bonne insertion professionnelle, ils se retrouvent aujourd'hui affaiblis, refusant, faute de moyens, l'inscription de nouveaux élèves, voire d'élèves en situation de redoublement. Cette difficulté méritait d'être soulignée tant l'avenir de l'agriculture dépend aussi de nos capacités à former des jeunes gens qui souhaitent s'engager dans ce secteur difficile.

Enfin, je terminerai en abordant le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, bien qu'il fasse désormais partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le déficit cumulé du régime agricole va atteindre plus de 6 milliards d'euros. En théorie, une subvention d'équilibre est prévue. La situation est préoccupante, et vous n'avez visiblement pas de solution. C'est regrettable, car, au-delà de la nécessité de provisionner les engagements en cours, il serait souhaitable d'établir un nouveau plan de revalorisation des retraites qui soit à la hauteur des efforts qui avaient été fournis entre 1997 et 2002.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, parce que ce budget est peu volontaire, peu innovant et qu'il ne me semble pas de nature à répondre aux nouveaux défis posés à l'agriculture française, les radicaux de gauche ne l'approuveront pas. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour éviter les redites, mon intervention s'appuiera sur quelques questions précises qui engagent l'avenir de notre agriculture.

La première concerne l'élevage, qui connaît aujourd'hui quelques difficultés graves. La lutte contre la fièvre catarrhale touche aujourd'hui une quinzaine de départements, et en particulier le Nord. Un million de têtes de bétail sont ainsi bloquées. La restriction des transports d'animaux peut se comprendre car, si l'on compte seulement six cas dans le Nord, 1 800 cas sont recensés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas.

M. Dominique Bussereau, ministre. Il n'y a pas seulement le Nord !

M. Paul Raoult. Et les Ardennes ! En réalité, le département du Nord sert de bouclier sanitaire pour la France entière.

Monsieur le ministre, vous avez pris des mesures d'aide : les formulaires administratifs sont en cours de distribution. Cependant, le montant de ces aides est très largement insuffisant par rapport au surcoût induit par le maintien d'animaux supplémentaires sur l'exploitation.

La solidarité nationale doit s'exprimer de manière beaucoup plus forte. Limiter le seuil d'aide à moins de 3 000 euros sur une période de trois ans n'est pas satisfaisant ni suffisant au vu des enjeux. L'ensemble de la filière étant touché, ces aides ne compensent que très partiellement les surcoûts induits.

Je me pose des questions sur l'avenir de ce problème sanitaire. Le froid fera-t-il disparaître ce virus, transmis par un moucheron piqueur ? La gêne occasionnée par les mesures de protection n'est-elle pas disproportionnée par rapport aux effets réels et à la gravité relativement modeste de cette maladie ? D'autant que demain, quels que soient nos efforts pour arrêter la maladie, le vent peut diffuser ce moucheron.

La deuxième question que je souhaite évoquer concerne la politique des quotas laitiers et du prix du lait. Aujourd'hui, la baisse du prix payé aux éleveurs laitiers n'est pas complètement compensée par les subventions. On constate une pression à la baisse de la part des industriels et l'accord de janvier 2006 va être renégocié. J'avoue mes craintes lorsqu'on voit les industriels exercer un chantage permanent et insupportable sur les éleveurs laitiers en les menaçant de refuser de collecter le lait. Il est vrai que les producteurs et les industriels sont eux-mêmes soumis à la pression des grandes surfaces, la période des fêtes étant propice au bradage de produits agricoles pour attirer le client. Il faut exiger une juste répartition de la valeur ajoutée.

Les déclarations de la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Fischer Boel, m'inquiètent aussi : selon elle, « l'abolition du régime des quotas constitue pour le long terme le scénario le plus prometteur pour le secteur laitier de l'Union ». En clair, il n'y aura plus de quotas en 2015.

M. Dominique Bussereau, ministre. C'est inadmissible !

M. Paul Raoult. L'astuce, d'ici là, consiste à augmenter les volumes de quotas autorisés et de réduire le prix de soutien pour libéraliser progressivement le marché du lait. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce scénario inacceptable, qui entraînerait évidemment la ruine de beaucoup de nos petits éleveurs, en particulier dans le département du Nord ?

Ma troisième question liée à ce secteur agricole porte sur le soutien apporté à la culture de l'herbe par rapport à celle du maïs. Je ne suis pas contre la culture du maïs, mais il me semble que sa progression a été excessive : on est passé de 1 à 3,1 millions d'hectares. Pourtant, chacun le reconnaît, l'herbe est la meilleure garantie pour préserver la richesse de la biodiversité. Elle est le meilleur rempart contre l'érosion et l'appauvrissement des sols. Elle consomme moins d'engrais minéraux et de produits phytosanitaires. Enfin, elle assure une meilleure couverture du sol tout au long de l'année.

Je crois qu'il est temps de faire un effort décisif dans ce domaine en utilisant les crédits européens du deuxième pilier. Pour cette raison aussi, je regrette très vivement la diminution des crédits CAD ; il y a là pourtant des enjeux décisifs avec la prime herbagère agro-environnementale. Il est urgent que les crédits européens et ceux des collectivités territoriales soient utilisés par exemple pour protéger les aires d'alimentation des nappes phréatiques en collaboration avec les agences de l'eau. Dans ce domaine, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous soyez moins frileux, car l'enjeu est lourd de conséquences.

D'autres questions se posent sur l'avenir de la PAC, qui est toujours incertain. Je regrette que parfois vous ajoutiez vous-même de la complexité aux textes de Bruxelles. J'ai ainsi découvert que la France interdit la culture sur des bandes de 2,50 mètres, contre seulement 2 mètres dans le règlement européen. Ce simple exemple me semble révélateur de la manière dont notre pays en rajoute parfois dans ce domaine !

La question de l'articulation entre les crédits nationaux et les crédits européens du FEADER pour la période 2007-2013 est également importante.

Comment la France compte-t-elle soutenir l'attractivité des territoires ruraux par la diversification, encourager les pratiques respectueuses de l'environnement et le soutien à l'agriculture biologique, alors que la procédure actuelle prévoit un cofinancement à hauteur de 50 % par les crédits européens et de 50 % par l'État membre concerné ? Vous engagez-vous à octroyer les crédits nécessaires ?

Par ailleurs, quand pourra-t-on supprimer les 1,3 million d'hectares de jachère alors même que, pour soutenir le développement des cultures « énergétiques » et des biocarburants, 800 000 hectares seront nécessaires - si le plan est mis en oeuvre -, contre 350 000 hectares actuellement ? Les marges de manoeuvre dans ce domaine sont intéressantes, me semble-t-il.

Je m'interroge également sur la reprise technique des négociations sur la libéralisation du commerce mondial. La relance des négociations du cycle de Doha nous inquiète. Quelle est la position de la France ? On le voit, la tentation de la Commission européenne est de sacrifier l'agriculture pour libéraliser les services.

En conclusion, monsieur le ministre, face à ces interrogations et à ces incertitudes, la France a besoin d'un véritable pacte pour l'agriculture lui permettant de substituer une politique active aux subventions passives. Il faut donner aux agriculteurs les moyens de devenir autonomes et de vivre de leur activité.

L'agriculture doit retrouver des perspectives, avec des outils de régulation du marché et des revenus. Les filets de protection sont indispensables, mais on voit bien que, ouvertement ou insidieusement, on s'oriente vers une agriculture de plus en plus réduite, tant en surface qu'en nombre d'agriculteurs.

Aujourd'hui, votre budget me donne le sentiment, hélas ! d'accompagner ce scénario de l'inacceptable au lieu de le contrecarrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.

Mme Adeline Gousseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà cinq mois, je déposais, au nom de la commission des affaires économiques, un rapport sur la filière arboricole et la crise profonde qu'elle traversait, dans lequel je traçais des pistes pour la surmonter.

Tant les résultats enregistrés depuis pour les productions estivales que les efforts fournis par votre administration pour soutenir la filière, monsieur le ministre, traduisent une évolution encourageante et sont porteurs d'espoir pour l'avenir. Ainsi, en réduisant la production, la sécheresse a permis de soutenir les cours. Contrairement à 2005, et grâce à une gestion opportune de l'administration communautaire, il n'y a pas eu d'importation de produits extra-européens. En outre, très peu de cessations d'activité ont été à déplorer cette année.

Malgré cet état des lieux plutôt positif, nous devons cependant demeurer attentifs, tant la situation reste tendue pour le secteur dans son ensemble. Sans revenir sue les détails du rapport, j'insisterai sur les contraintes les plus saillantes auxquelles la filière continue de devoir faire face.

Le problème de la main-d'oeuvre reste majeur. Les exploitants ont de plus en plus de mal à recruter et à fidéliser des travailleurs, notamment en raison du caractère saisonnier des contrats et de la relative pénibilité des tâches. Dès lors, ils doivent recourir à une main-d'oeuvre européenne ou extracommunautaire, ce qui leur impose le respect de très lourdes procédures administratives.

Par ailleurs, le coût social de la main-d'oeuvre, quelle que soit son origine, reste élevé dans notre pays : les charges y sont ainsi 30 % supérieures, par exemple, à celles de nos voisins espagnols, réduisant d'autant la compétitivité de nos produits. Dans un marché où la variable « prix » est essentielle, cette contrainte est lourde de conséquences.

Enfin, se pose également, s'agissant toujours de la main-d'oeuvre, un lourd problème de logement, auquel un début de réponse a certes été apporté avec l'adoption, dans la loi d'orientation agricole, du 1 % logement en faveur des salariés du secteur primaire. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est la rédaction du décret d'application de cette importante mesure ?

Outre les problèmes liés à la main-d'oeuvre, le secteur doit faire face à de nombreuses fragilités que nous avions présentées dans le rapport paru cet été et que je me contenterai de rappeler : une vulnérabilité particulière aux aléas climatiques, qui rend d'ailleurs souhaitable le développement de l'assurance récolte pour la filière ; une grande périssabilité des produits, impliquant la nécessité de les commercialiser rapidement ; un rapport de force déséquilibré avec la grande distribution, notamment du fait de l'insuffisante organisation de la filière, élément longuement développé dans notre rapport ; ou encore une certaine faiblesse de la demande, face à laquelle les professionnels du secteur ont su se mobiliser grâce à des opérations comme la « Fraich'attitude » ou encore, très concrètement, la commercialisation de fruits déjà épluchés et prêts à consommer.

Les craintes de nos producteurs sont partagées à l'échelle européenne, alors que se profile une révision de l'organisation commune de marché « fruits et légumes », aux contours incertains. Le marché européen est aujourd'hui totalement ouvert dans ce secteur : la forte pression exercée par des importations massives y provoque des crises profondes. Cette situation risque de s'aggraver un peu plus encore avec l'entrée en vigueur en 2010 des accords de libre-échange entre l'Union européenne et ses partenaires euroméditerranéens. Il conviendra donc de veiller à ce que soit maintenue à l'échelon communautaire une OCM spécifique, susceptible de maintenir le revenu des agriculteurs et de permettre une gestion préventive des crises.

Pour finir, j'évoquerai la situation particulière des horticulteurs et des pépiniéristes. S'ils participent très utilement au maintien d'un environnement urbain et périurbain de qualité, leur pérennité est aujourd'hui remise en cause. En effet, ils perdent un nombre croissant de marchés lors des procédures d'appel d'offres locales, au profit de concurrents européens, voire extracommunautaires. Par ailleurs, lors de pics d'activité liés à des événements ponctuels, comme la fête des mères, la Toussaint ou le 1er mai, ils éprouvent de grandes difficultés à embaucher du personnel à très court terme, la législation sur les travailleurs occasionnels ne s'appliquant pas. Dans ces conditions, serait-il envisageable, monsieur le ministre, de les faire bénéficier du dispositif du chèque emploi-service universel ?

Je vous suis d'avance reconnaissante, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces interrogations et de continuer de soutenir ces filières, indispensables à un développement économique et social harmonieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas parce qu'un budget n'augmente pas ou augmente peu que c'est forcément un mauvais budget. Nous avons tous fait le même constat. Mais au travers de vos choix dans les différents programmes et dans les comparaisons ligne à ligne nous voyons se définir une politique que nous ne pouvons valider. Vos orientations, différentes des nôtres, traduisent une tendance au laisser-faire bien plus qu'un soutien au développement d'une agriculture durable.

Je limiterai donc mon propos à ce qui me semble être une constante dans les budgets agricoles de votre gouvernement depuis quelques années et dans la loi d'orientation agricole : l'abandon aux marchés.

Ce constat, je ne suis pas la seule à le faire puisque même le syndicat majoritaire a déclaré que si le projet de budget traduisait des efforts louables, c'était « au détriment d'actions importantes telles que la gestion des marchés, la promotion de nos produits, des dépenses d'investissement fondamentales pour donner confiance en l'avenir ».

Alors que l'Europe accentue cette fâcheuse tendance à désorganiser tous les outils de régulation du marché, il aurait été souhaitable pour nos filières que soient augmentés les moyens du programme 227 et, surtout, qu'ils soient répartis différemment.

Le soutien à la production sous signe de qualité stagne au moment même où il conviendrait de le conforter, à l'instar de la promotion de l'indication géographique protégée. L'augmentation de 5,4 % des crédits de l'INAO provient surtout, et presque exclusivement, du redéploiement des offices.

Seule l'assurance récolte augmente de 20 %, mais cela sera-t-il suffisant pour régler les problèmes liés aux aléas de production ? Monsieur le ministre, va-t-on abandonner définitivement l'idée de solidarité nationale au moment même où l'on annonce la fin des prêts calamités au 31 décembre 2007 ?

Parallèlement, les moyens alloués aux offices baissent dangereusement, remettant ainsi en cause les soutiens aux productions, ainsi que les orientations et les régulations dans ce domaine. Quelles marges de manoeuvre les offices auront-ils face à une crise ? Cela est d'autant plus grave que, dans les négociations en cours entre l'État et les régions, les crédits de l'office de l'élevage, par exemple, sont en chute libre.

La question des moyens alloués aux offices d'intervention est essentielle. Il convient donc d'examiner leur inscription dans les trois actions.

Tout d'abord, les moyens de ces offices vont diminuer une nouvelle fois, les crédits de fonctionnement passant de 51,2 millions d'euros en 2006 à 46,9 millions d'euros en 2007, des départs à la retraite n'étant pas remplacés et le nombre de CDD étant diminué. Peut-être le regroupement de ces offices à Montreuil en juillet 2007 permettra-t-il de réaliser des économies d'échelle, mais au vu des exigences sur les missions, on peut craindre beaucoup plus sûrement un régime minceur draconien !

Ensuite, les actions d'intervention et d'orientation sont en baisse de 22,7 millions d'euros. Cela est dû notamment à la quasi-division par deux des crédits contractualisés : 34,8 millions d'euros pour le nouveau contrat de projets au lieu de 69,8 millions pour l'ancien contrat de plan.

Enfin, parmi les actions de promotion, les seules hausses vont à la promotion à l'international, essentiellement afin de soutenir la viticulture à l'exportation. Certes, après avoir entendu mes collègues, je dirai que c'est pour la bonne cause.

Plus généralement, on constate qu'une partie de plus en plus importante des budgets des offices est constituée de dépenses préétablies : distribution de la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, équarrissage, promotion à l'export et, peut-être, modernisation des bâtiments porcins - à cet égard, on ne connaît même pas encore la somme arrêtée -, faisant ainsi disparaître les marges de manoeuvre qui permettraient de faire face aux crises conjoncturelles.

On peut véritablement se demander si ces offices ne sont pas devenus la variable d'ajustement du budget de l'agriculture. Cela est d'autant plus grave que, dans le même temps, on réduit de 26 millions d'euros la dotation pour l'adaptation des filières à l'évolution des marchés.

Vous savez pourtant, monsieur le ministre, que, en un peu plus d'un an, vous avez dû répondre aux crises ou aux manifestations, parfois dans l'urgence, en annonçant des crédits supplémentaires.

Ces effets d'annonce sont une bonne chose dans un premier temps, à condition toutefois que les aides arrivent rapidement, mais surtout qu'elles soient accompagnées de l'assurance d'une nouvelle stratégie pour les filières en difficulté, que l'on tienne compte de l'euro-compatibilité et de la capacité en moyens humains des services instructeurs des directions départementales de l'agriculture pour être réactifs.

Je prendrai un seul exemple : ce qui se passe dans la filière avicole depuis la crise de l'influenza aviaire. Au total, plus de 63 millions d'euros ont été fléchés.

Pourtant, à cause de dispositifs très contraignants pour l'agriculteur et pour les services instructeurs, à cause d'une suite de circulaires fondées à chaque fois sur des problèmes d'euro-compatibilité et de différences de critères, portant par exemple sur le vide sanitaire, le retard à l'enlèvement, la perte avérée de trésorerie, certains agriculteurs n'ont, à ce jour, reçu que les premiers 1 000 euros de l'État ou les compléments des collectivités locales.

L'interprofession volaille, dont on parle depuis tant d'années, n'a pas encore été totalement réalisée, contrariant ainsi la mise en place d'une véritable nouvelle stratégie, qui devra également anticiper l'arrêt futur des restitutions.

Monsieur le ministre, vous pouvez le constater vous-même, ce n'est pas le moment d'opérer une réduction sur toutes les lignes budgétaires qui pourraient favoriser l'organisation de nos filières et la régulation des marchés. En effet, l'Europe actuelle nous prépare des lendemains qui risquent de déchanter. Ne citons qu'un exemple : la réforme européenne, très libérale, du secteur des fruits et légumes !

La suppression des retraits et des aides à la transformation entraînera pour les secteurs les mieux organisés, comme ceux de ma région, une véritable catastrophe. De surcroît, la libéralisation interne, par la vente directe au consommateur, des membres d'organisations de producteurs privera ces dernières de toute possibilité d'enrayer la chute des cours en cas de surproduction.

Il convient enfin de ne pas oublier la question de l'irrigation. Il s'agit d'un problème notoire, du moins pour la Bretagne, puisqu'elle ne fait pas partie des zones aidées et que la négociation du contrat de plan tend à y faire disparaître l'irrigation.

La dérégulation d'une filière est toujours préjudiciable aux exploitants. Quelles sont donc vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Quel est votre mandat de négociation à Bruxelles ? Les crédits affectés aujourd'hui aux offices prennent-ils en compte la réforme envisagée?

Je ne peux terminer mon intervention sans attirer à nouveau votre attention sur la baisse des crédits concernant le réseau des ADASEA, associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.

Pour la cinquième fois consécutive, la dotation attribuée diminue, de deux millions par rapport à 2006 et de 8,4 millions par rapport à 2002. En tant qu'élue de la région et en qualité de maire rural, je mesure toute l'importance de la compétence de ce réseau sur le terrain.

Peut-être convient-il de faire évoluer cette structure, certes ! Toutefois, monsieur le ministre, c'est à vous de clarifier ses missions de service public et surtout de lui donner les moyens de les assumer.

En conclusion, un budget ne se résume pas à des chiffres, c'est d'abord et avant tout une politique et des choix. Ceux que vous avez faits ne correspondent décidément pas aux nôtres et c'est pourquoi, comme mes camarades, je ne pourrai voter ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fleuron de l'agriculture française, la viticulture fait partie de notre patrimoine national. Partout dans le monde, les vins français symbolisent un certain art de vivre et restent associés à une tradition d'excellence.

Pourtant, depuis plusieurs années, ce secteur traverse des difficultés qui se muent régulièrement en crise. Les raisons en sont bien connues : la baisse de la consommation intérieure et, surtout, la concurrence internationale forte, dans un contexte de croissance continue du vignoble mondial.

Depuis l'abondante récolte de 2004, la situation en France est particulièrement préoccupante, les stocks invendus pesant sur les prix. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez su prendre la mesure de la gravité de cette situation, et je tenais à vous en remercier. En effet, en mars dernier, vous avez proposé à la filière un plan d'aide exceptionnel doté de 90 millions d'euros.

De même, à l'occasion de la réforme de l'OCM vitivinicole, vous vous êtes courageusement opposé à des propositions de Bruxelles totalement inacceptables pour notre pays, telles que l'arrachage massif de vignes et la libéralisation des droits de plantation. À ce titre, nous vous soutiendrons dans votre détermination à défendre les intérêts français dans ce dossier.

Pour autant, notre viticulture est aujourd'hui à la croisée des chemins. Certes, quelques espoirs se font jour : les exportations affichent notamment une augmentation de près de 17 % au 1er semestre ; les analyses mettent également en évidence une croissance continue de la consommation mondiale. Il y a donc des marchés à conquérir.

Parallèlement, d'autres rumeurs nous inquiètent : l'Australie, par exemple, qui a doublé en dix ans sa surface plantée en vigne apparaît en crise de surproduction et envisagerait de prendre des mesures agressives pour doper ses ventes à l'étranger.

Pour adapter notre production à la demande et à la concurrence internationale, nous devons d'urgence mettre en oeuvre les réformes que préconisent avec force, depuis des années, de nombreux rapports, études et autres colloques.

À cet égard, une des critiques récurrentes concerne la complexité de l'offre française et le manque de lisibilité qui en découle pour le consommateur. Or, monsieur le ministre, vous avez récemment rouvert le dossier de la segmentation de l'offre devant le Conseil national de la viticulture. Comment entendez-vous mener à bien cette réforme dont on parle depuis longtemps, et selon quel calendrier ? L'idée d'une dénomination « Vin de France », qui permettrait à de nombreux producteurs de capitaliser sur l'image de notre pays à l'export, a-t-elle une chance d'aboutir rapidement ?

Enfin, nous le savons, la conquête de nouveaux marchés doit constituer une priorité. Cela passe, bien évidemment, par un soutien aux exportations et une politique de communication ambitieuse. Monsieur le ministre, le 16 novembre dernier - j'ai bien noté la date car c'était celle de la sortie du Beaujolais nouveau (Sourires) - en réponse à une question de notre collègue Gérard César, vous affirmiez, dans cette enceinte, que « lorsque nous avons une attitude offensive, nous gagnons des parts de marché ». Mais pour cela, des moyens importants sont nécessaires !

Lors d'un récent déplacement à Moscou tendant à célébrer l'arrivée du Beaujolais nouveau, je me suis rendu compte de l'importance des moyens de promotion mis en oeuvre sur place par nos concurrents du nouveau monde ; les nôtres sont malheureusement beaucoup plus modestes ! Or, comme d'autres pays s'ouvrant à l'économie mondiale, la Russie offre un débouché potentiel considérable pour nos exportations. J'y ai rencontré de nombreux jeunes, sans doute lassés par la consommation d'alcools forts, très intéressés par le vin, en particulier par les vins français. Ils s'interrogent sur nos habitudes de consommation et notre culture autour du vin.

Dans le cadre du plan de soutien de mars 2006, 12 millions d'euros ont été débloqués pour soutenir les entreprises exportatrices, et nous nous en félicitons. Cette enveloppe est-elle à ce jour dépensée ? Le budget de l'agriculture pour 2007 prévoit-il, en complément, le financement d'actions de communication en faveur de la filière vin, actions indispensables et urgentes pour sa promotion ?

Comme le suggère un récent rapport de l'Assemblée nationale, un regroupement et un renforcement des moyens existants paraissent souhaitables à l'échelon tant des organismes subventionnés par l'État que de la filière afin d'assurer à la viticulture une stratégie de promotion à la hauteur de sa réputation.

Monsieur le ministre, tels sont les éléments que je souhaitais exposer, comptant sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)