M. le président. L’amendement n° 441, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 29 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 48 sont applicables au cours des sessions extraordinaires. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre amendement porte sur un sujet constitutionnel puisqu’il concerne le second alinéa de l’article 48 de la Constitution, qui prévoit la possibilité pour les membres du Parlement d’interroger régulièrement le Gouvernement lors de séances de questions orales ou de questions d’actualité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sueur, votre proposition figure déjà dans la version adoptée par l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat y est favorable. Votre amendement est donc satisfait. Il aurait d’ailleurs dû être présenté à un autre moment du débat.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Si cet amendement est satisfait, je m’en réjouis ! Il n’empêche que les séances de questions d’actualité, qui sont si importantes – et là, je ne parle pas de la Constitution –, devraient être moins stéréotypées. Nous pourrions ainsi nous inspirer de la procédure, en vigueur dans certains pays, qui permet de répliquer et de rebondir sur la question initiale.

M. Michel Charasse. Cela relève du règlement !

Mme Isabelle Debré. Oui, c’est le règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis d’accord !

Une chose m’a toujours frappé : en dehors de la session ordinaire, lorsque le Parlement ne siège pas, il n’y a pas non plus de séances de questions d’actualité. Si des événements importants ont lieu pendant ces périodes, ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ou même le dimanche !

M. Jean-Pierre Sueur. ... nous ne pouvons interroger le Gouvernement qu’en lui adressant des questions écrites.

Notre amendement tend, comme le préconise le comité Balladur, à instaurer des séances de questions d’actualité lors des sessions extraordinaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est prévu !

M. Jean-Pierre Sueur. Encore une fois, si tel est le cas, monsieur Hyest, vous m’en voyez ravi, mais je n’en suis pas tout à fait certain.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est défavorable sur l’amendement n° 184.

L’amendement n° 441 étant satisfait, je demande à M. Sueur de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 184.

S’agissant de l’amendement n° 441, monsieur Sueur, permettez-moi de relire le dernier alinéa de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle : « Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement ». Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Sueur, l’amendement n° 441 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 441 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 184.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 183, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 30. - L'ordre du jour des sessions extraordinaires ne peut comprendre les projets et propositions relevant du domaine de la Constitution, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Comme nous venons de l’exposer à l’amendement précédent, depuis l’été 2002, le Gouvernement détourne les règles constitutionnelles d’organisation des travaux parlementaires en décidant, avec le Président de la République, la tenue de longues sessions extraordinaires.

Il y a bien détournement et, pour le moins, interprétation abusive de la Constitution. En effet, depuis 1995, le temps du débat parlementaire est organisé en session unique, en lieu et place des deux sessions de trois mois existant précédemment.

La réforme de 1995 visait, sous l’impulsion du Président de la République, à renforcer le contrôle des assemblées sur l’activité de l’exécutif et, bien entendu, à améliorer la qualité de travail d’élaboration de la loi.

C’est actuellement tout le contraire qui se produit puisque, à un ordre du jour extrêmement chargé durant l’année s’ajoutent des sessions extraordinaires qui perdent leur rôle de complément de la session ordinaire pour devenir des moments essentiels de la vie législative.

Ces sessions extraordinaires d’été se déroulent, de fait, à une période qui permet l’adoption des textes concernés en dehors de tout contrôle démocratique et populaire réel. Pour cette raison, nous avions déposé une proposition de loi, le 25 juin 2004, visant à encadrer la tenue de ces sessions extraordinaires. Bien évidemment, cette proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ni débattue dans cet hémicycle.

Pourtant, depuis cette date, la dérive s’accentue.

En 2003, le débat sur les retraites s’était poursuivi durant tout le mois de juillet ; en 2004, c’était la réforme de l’assurance maladie ; en 2006, la privatisation de GDF ; en juillet 2007, encore, MM. Sarkozy et Fillon engageaient la réforme des universités et, surtout, accordaient 14 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches avec la loi TEPA.

Le Président de la République, qui signe le décret de convocation des sessions extraordinaires, s’apprête une nouvelle fois à détourner la Constitution et à imposer, dès cet été, l’adoption d’un projet de loi abrogeant de fait les 35 heures et instaurant le service minimum dans les écoles.

Les conditions d’un débat démocratique ne sont donc pas réunies et les assemblées se transforment en chambres d’enregistrement accéléré.

Comment prendre au sérieux la volonté affirmée de renforcement des droits du Parlement dans le cadre de la révision constitutionnelle en cours ?

L’attitude du Gouvernement relève aujourd’hui de la manipulation des institutions puisqu’il n’y a nullement d’urgence à examiner ces textes. Une telle manœuvre a pour objectifd’éviter l’intervention du mouvement social, pourtant légitime, sur les décisions législatives.

Il est donc temps de préciser et de modifier la Constitution afin que le pouvoir exécutif ne puisse plus jouer avec le calendrier parlementaire, comme il est temps de redonner tout leur sens aux sessions extraordinaires en limitant le pouvoir de convocation au Parlement lui-même, sur sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, ce qui fait l’objet de l’amendement précédent.

Il est également temps, et c’est l’objet du présent amendement, de limiter le champ législatif afin de réserver aux sessions ordinaires la période d’examen des projets de loi fondamentaux, c’est-à-dire ceux qui relèvent du domaine de la Constitution, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale.

Pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées, une nouvelle rédaction de l’article 30 de la Constitution aurait également l’avantage de retirer au Président de la République ses compétences concernant le décret de convocation en session extraordinaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous évoquez les sessions extraordinaires, ma chère collègue, mais surtout une nouvelle catégorie de lois extraordinaires. Pour ma part, en effet, je ne sais pas ce que sont ces lois qui ne relèvent ni de la Constitution, ni de la Déclaration des droits de l’homme, ni du préambule de la Constitution de 1946 !

Il ne me paraît donc pas souhaitable d’inscrire votre proposition dans la Constitution.

L’avis de la commission est défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme cela, on ne parle pas des sessions extraordinaires !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 10
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article additionnel avant l'article 10 bis

Article additionnel avant l'article 10 bis ou après l’article 10

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 186, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 10 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » » est supprimé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été défendu.

M. le président. L’amendement n° 438, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 438 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 186 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 186.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 10 bis ou après l’article 10
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Article 10 bis

Article additionnel avant l'article 10 bis

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :

Avant l'article 10 bis, insérer un  article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 33 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les commissions parlementaires établissent un texte dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 42, elles font publier au Journal officiel le compte rendu intégral de leurs débats. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Le projet de loi constitutionnelle prévoit que la discussion dans la première assemblée saisie sera désormais effectuée sur le texte établi par la commission permanente ou la commission spéciale.

Pour ne pas priver les électeurs, les citoyens ou les praticiens du droit de la connaissance des travaux préparatoires de la loi, qui sont tout de même indispensables pour comprendre ce qu’a voulu dire et faire le législateur – c’est la raison pour laquelle les travaux préparatoires de la loi discutée en séance publique sont publiés au Journal officiel –, je propose que, dans ce cas-là, les débats sur le texte de la commission, ainsi que les amendements et les propositions de la commission, soient également publiés au Journal officiel. Sinon, je ne sais pas comment les tribunaux feront pour interpréter la loi et comment les citoyens feront pour la comprendre.

Tel est l’objet de l’amendement n° 15 rectifié bis.

Si l’on me dit que cette faculté ou cette possibilité, qui me paraît être une obligation, peut être inscrite dans les règlements des assemblées, je veux bien. Mais, à partir du moment où la Constitution elle-même a prévu la publication intégrale des débats au Journal officiel, il me paraît nécessaire, par une règle de parallélisme évident, que les travaux des commissions, lorsqu’elles élaborent un texte législatif, soient également publiés au Journal officiel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La publication au Journal officiel du compte rendu des débats prévu par l’article 33 de la Constitution est le corollaire du principe de publicité des séances.

Le fait que l’examen en séance publique pourrait porter sur les conclusions de la commission n’implique nullement la publicité des réunions des commissions. Nous ne proposons pas d’ailleurs que les commissions soient forcément publiques.

M. Michel Charasse. Ce n’est pas ce que je demande !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette publicité n’est ni nécessaire ni vraiment souhaitable.

Elle n’est pas nécessaire, car le texte issu des travaux de la commission pourra faire l’objet d’un débat en séance publique aussi approfondi qu’il peut l’être aujourd’hui, et même davantage puisque, une fois dégagé des amendements techniques et rédactionnels de commission, le débat pourra se recentrer sur les enjeux essentiels du texte. Il est donc inutile que la séance publique soit précédée d’une autre procédure publique.

Par ailleurs, le texte de la commission sera éclairé, comme le sont aujourd’hui tous les amendements, par le rapport de la commission.

La publicité n’est pas non plus souhaitable, car elle risque de priver le travail en commission de sa spécificité par rapport à la séance publique.

La discussion sur le texte de la commission n’est donc pas un motif pour assurer la publicité des travaux au sein de la commission.

En revanche, même s’il s’agit là d’une question distincte, la mise en œuvre des procédures d’examen simplifié des textes en séance publique, qui impliquerait que des amendements présentés ou rejetés en commission puissent être discutés de nouveau dans l’hémicycle, comme pourrait le permettre l’article 18 du projet de loi constitutionnelle, supposerait d’organiser la publicité du travail des commissions. Les conditions de cette publicité, circonscrite au seul cas où l’assemblée aurait accepté le principe d’un examen simplifié des textes, seraient définies dans le règlement de chaque assemblée, comme c’est le cas déjà pour les textes simplifiés de la commission des affaires étrangères.

Je vous demande donc, mon cher collègue, compte tenu de ces explications, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Charasse, le Gouvernement partage, dans la pratique, la philosophie de votre amendement, car il est important que les débats des commissions parlementaires, compte tenu de l’importance accrue qu’ils vont prendre, puissent être publiés.

Mais la proposition que vous formulez n’est pas de rang constitutionnel. Il appartient au règlement de chacune des assemblées de prévoir, si nécessaire, cette publication. C’est d’ailleurs le cas à l’Assemblée nationale pour la tenue des commissions élargies qui statuent sur le budget. L’article 117, alinéa 2, du règlement de l’Assemblée nationale prévoit en effet la publication au Journal officiel du compte rendu des travaux de ces commissions à la suite du compte rendu de la séance plénière.

Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement dont, encore une fois, il partage la philosophie.

M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Monsieur le président, il y a deux points.

D'une part, que ce soit dans la Constitution ou pas, on peut en discuter. Ce qui me paraît essentiel, c’est que les travaux préparatoires de la loi soient publiés et accessibles au public comme aujourd’hui. Là-dessus, je voudrais être très clair. Or nos débats en séance publique permettent souvent d’éclairer les citoyens, les praticiens et le juge sur le sens que nous avons voulu donner à certaines dispositions législatives, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas toujours d’une clarté évidente.

M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur me disent que l’on peut trouver un système, qu’il y a le rapport, etc.

Je souhaite vraiment que l’on aille plus loin et, même si ce n’est pas ce soir, que nous prenions les uns et les autres l’engagement de compléter nos règlements respectifs sur ce point pour arriver à une publication des travaux des commissions, sans que leurs séances soient publiques au sens où il y aurait des spectateurs – pour ma part, je suis contre l’ouverture des commissions aux spectateurs, car je trouve que l’on est privé d’une liberté d’expression formidable, et que l’on n’a ni la même liberté ni la même spontanéité qu’à huis clos – et sans aller jusqu’à la publicité intégrale.

Je souhaite donc que l’on ne prive pas les citoyens de cet élément essentiel, à propos duquel le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises, se référant notamment à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que l’une des premières vertus de la loi, c’est qu’elle doit être claire et compréhensible pour les citoyens.

D'autre part, j’ai cru lire dans le rapport de M. Jean-Jacques Hyest une affirmation qui me paraît parfaitement contestable concernant les amendements examinés en commission et rejetés.

En effet, aucune disposition dans le texte qui nous est soumis comme dans le texte inchangé de la Constitution n’interdit de déposer un amendement en séance publique, même sur un sujet déjà examiné en commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Michel Charasse. Vous avez pourtant affirmé voilà deux minutes, monsieur le rapporteur, qu’à partir du moment où les amendements auraient été déposés et rejetés en commission, ils ne pourraient pas être à nouveau déposés en séance publique.

Je trouve cela anormal : c’est une restriction insupportable au droit d’amendement qui – j’insiste – ne figure dans aucun article du texte en discussion, dans aucun des articles maintenus de la Constitution.

L’impossibilité d’amender, de sous-amender, de reprendre un amendement retiré en commission serait une régression insupportable.

Je vous supplie donc, monsieur le rapporteur, de nous dire où vous avez vu, dans le texte qui nous est soumis ou dans le texte maintenu de la Constitution, qu’un amendement rejeté en commission ne pouvait pas être repris en séance publique.

Je n’ai trouvé cette disposition dans aucun des deux documents.

Je suis persuadé que, si nous la mettions en pratique après l’adoption éventuelle du texte dont nous discutons, le Conseil constitutionnel se ferait un plaisir de rétablir une fois de plus le droit d’amendement des membres du Parlement.

Je suis prêt à retirer cet amendement, compte tenu des explications des uns et des autres, étant persuadé que, dans notre règlement, sera précisé ce qu’il convient de faire pour assurer la publicité et la connaissance des débats.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Michel Charasse. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour la clarté des débats, nous pourrons reprendre cet échange lors de l’examen de l’article 18, afin que soit respecté un certain ordre.

M. Josselin de Rohan. Sinon, c’est du n’importe quoi !

M. Michel Charasse. Je me demande ce que vous avez voulu dire et où vous voulez en venir.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous invite à lire, d’ici à lundi, ce qui figure dans mon rapport concernant l’article 18.

M. Michel Charasse. Je l’ai lu, et c’est bien pour cela que je suis inquiet : je ne sais pas où vous avez vu de telles dispositions restrictives. (M. le rapporteur s’exclame.)

M. le président. Veuillez poursuivre et achever votre propos, mon cher collègue.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je retire l’amendement, et j’attends l’article 18 !

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.

Article additionnel avant l'article 10 bis
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 11

Article 10 bis 

L'article 33 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les auditions auxquelles procèdent les commissions instituées au sein de chaque assemblée sont publiques, sauf si celles-ci en décident autrement. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 105 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 274 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat et Payet et MM. Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois et Zocchetto.

Tous deux sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 105.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Faut-il insérer dans la Constitution le principe de publicité des auditions ? La commission des lois estime que non.

M. Michel Charasse. Elle a raison !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien entendu, ces auditions peuvent être publiques si la commission le souhaite, comme cela est prévu dans le règlement. Il en a toujours été ainsi. Décider qu’elles sont systématiquement publiques pourrait être dangereux : le jour où une commission ne voudrait pas que sa réunion soit publique, cela susciterait des interrogations.

De plus, comme M. Michel Charasse, je suis d’avis que cela stériliserait complètement le travail des commissions, souvent riche : ce serait la langue de bois….

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi toutes les auditions devraient-elles systématiquement être publiques ? Dans certains cas, qu’elles soient publiques peut être nécessaire. Les commissions ouvrent volontiers leurs travaux au public, quelquefois même à la presse, travaux qui gagnent à être diffusés, notamment lorsqu’il s’agit de sujets de société.

Néanmoins, rendre systématiquement publiques les auditions ne serait pas, selon moi, une bonne chose pour la revalorisation du travail du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l'amendement n° 274 rectifié.

M. Pierre Fauchon. M. le rapporteur a très bien expliqué qu’il fallait respecter le caractère non pas confidentiel…

M. Michel Charasse. Le caractère non public !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’est pas confidentiel !

M. Pierre Fauchon. … mais particulier des réflexions des commissions : elles doivent rester non publiques, parce que nul n’ignore que toute déclaration publique risque, dans certains cas, d’être dénaturée. Rien n’empêche ceux qui le souhaitent de publier des communiqués, mais je partage tout à fait les préoccupations de M. le rapporteur : comme lui, je souhaite que l’on en reste à la pratique actuelle, qui, d’ailleurs, ne semble pas poser de problème.

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

sont publiques

par les mots :

ne sont pas publiques

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques de suppression?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. On peut en effet s’interroger sur la nécessité d’une telle constitutionnalisation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cette disposition relève davantage du règlement de chaque assemblée. C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, comme, d’ailleurs, il s’en était remis à celle de l’Assemblée nationale sur le même sujet.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 105.

M. Michel Charasse. En cet instant, ces paroles d’une chanson de France Gall me reviennent en mémoire : « Qui a pu avoir cette idée folle, un jour, d’inventer l’école ? » (Sourires.) Moi, je me demande qui a pu avoir cette idée folle, un jour, d’inventer la publicité des commissions permanentes ! (Nouveaux sourires.)

C’est en commission que se fait le travail sérieux, notamment lorsqu’il s’agit de l’audition d’un membre du Gouvernement ou d’un responsable du secteur public ou privé. C’est alors que nous pouvons poser des questions confidentielles qui ne peuvent absolument pas être abordées publiquement, des questions relatives à la défense nationale, à la monnaie, au crédit, à la confiance dans la monnaie et le crédit, à la situation d’une entreprise, aux relations internationales, etc.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’intéresse pas le public…

M. Michel Charasse. Membre de la commission des finances, je m’aperçois que, lors des auditions publiques, nombre de mes collègues comme moi-même ne posent pas les questions qu’ils souhaiteraient poser, à cause de la présence des journalistes ou de la télévision, et parce que cela les conduirait à aborder des sujets qu’il n’est pas utile, dans l’intérêt national – et non pas dans un souci de cachotterie et de non-transparence – de mettre sur la place publique.

Je partage absolument la volonté de la commission des lois de supprimer cette disposition, étant entendu que nos règlements actuels nous offrent déjà la possibilité de décider d’une audition publique.

Inscrire dans la Constitution une pratique et des règles qui existent depuis longtemps reviendrait à encombrer le texte sacré de balbutiements inutiles.

M. Jean-Pierre Raffarin. Vous avez dit « sacré » ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. N’ayant, ni dans le domaine historique, ni dans celui de la chanson française, les connaissances de M. Michel Charasse, je ne saurais donc fredonner quelque mélodie pour illustrer mon propos. (Sourires.)

J’en suis néanmoins parvenu aux mêmes conclusions que lui et que M. le rapporteur, mais sans doute pas pour les mêmes raisons.

Il peut être très utile que telle ou telle audition soit ouverte au public : nous avons tous le souvenir d’auditions intéressantes pour lesquelles l’ouverture à un large public ou la retransmission télévisée ont été positives.

En revanche, en faire une obligation permanente et inverser, en quelque sorte, la charge de la preuve,…

M. Bernard Frimat. … nous obligerait à considérer que la règle est la publicité systématique, le caractère public, la présence de la télévision. Nous nous trouverions alors dans une position un peu honteuse lorsque nous déciderions de travailler « à huis clos », car nous donnerions l’impression d’avoir quelque chose à cacher.

Mieux vaut, au contraire, garder la situation actuelle, et pouvoir décider, quand nous estimons que le sujet présente un intérêt particulier pour nos concitoyens, la retransmission de telle ou telle audition, ce qui reste le meilleur moyen d’assurer la diffusion la plus large possible, ou l’ouverture au public.

Si certaines auditions méritent d’être publiques, d’autres, au contraire, quel qu’en soit l’intérêt, seraient sans doute excessivement difficiles à supporter par le public.

Un dernier argument : les locaux de la commission des lois sont tellement exigus que certains des commissaires, par courtoisie, n’assistent pas à toutes les réunions pour permettre à leurs collègues de s’asseoir : ils seraient peut-être gênés que tous les travaux soient publics !