compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 janvier 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

3

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 1er

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapport n° 169 et avis n° 198).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er, dont je rappelle les termes.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Articles additionnels après l'article 1er (début)

Article 1er (suite)

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé de conseillers territoriaux. »

II. – L’article L. 4131-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région. »

M. le président. Nous poursuivons l’examen des amendements nos 116, 119 et 483 rectifié, qui font l’objet d’une discussion commune.

J’en rappelle les termes.

L’amendement n° 116, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

L’amendement n° 119, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

 « Les conseillers généraux sont élus à la proportionnelle intégrale. »

L’amendement n° 483 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Vial, B. Fournier, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Alduy, Carle, Juilhard et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il est composé de quinze conseillers territoriaux au minimum. »

Ces trois amendements ont déjà été présentés.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’amendement n° 116 vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 1er. Ses auteurs rejetant l’instauration des conseillers territoriaux, et compte tenu des votes qui sont déjà intervenus, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 119 tend à récrire l’alinéa 3 de l’article 1er pour faire disparaître la référence aux conseillers territoriaux. La commission ne peut qu’y être défavorable.

L’amendement n° 483 rectifié a pour objet de fixer un seuil minimal pour le nombre de conseillers territoriaux par département. En la matière, il convient de concilier plusieurs impératifs : d’une part, la juste représentation des territoires et de la population ; d’autre part, la maîtrise de l’effectif du conseil régional. Il est donc nécessaire de fixer un nombre minimal de conseillers territoriaux pour chaque département. La réflexion sur le sujet doit être poursuivie. Il serait d’ailleurs utile d’entendre la position du Gouvernement sur ce point.

Quoi qu’il en soit, cet amendement n’a pas sa place dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. C’est pourquoi nous en demandons le retrait, sous le bénéfice des explications du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je partage entièrement l’avis du rapporteur sur ces trois amendements.

M. René-Pierre Signé. On s’en doutait !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. M. Jacques Blanc, par son amendement n° 483 rectifié, répond à une préoccupation que nous avons été un certain nombre à évoquer dès la discussion générale, puis de nouveau hier à l’occasion de l’examen de l’article 1er. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas daigné répondre à nos interrogations. Or nous aimerions tout de même en savoir un peu plus sur ce conseiller territorial ! (Exclamations sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

J’ai indiqué que j’étais plutôt favorable à la création du conseiller territorial, qui permettrait une meilleure cohérence de l’action du département et de la région, une mutualisation des actions et sans doute une meilleure utilisation de l’argent public. Cependant, j’ai ajouté qu’il était un peu court de nous dire simplement du conseiller territorial qu’il siégera à la fois au conseil général et au conseil régional.

M. le ministre n’ayant pas pris la peine de me répondre hier, je lui demande de nouveau de nous donner un peu plus d’informations.

M. Michel Mercier, ministre. Je vais répondre !

M. Hervé Maurey. Quel sera le périmètre des cantons ? Nous n’en savons toujours rien. Comme je l’ai dit hier, un canton qui compte soixante communes, ce n’est plus un canton, c’est une circonscription ! On ne peut pas à la fois prétendre, comme le Président de la République, que l’on est attaché aux cantons, et créer une entité qui ne ressemble plus à un canton. Un canton doit offrir une proximité entre l’élu territorial, les élus municipaux et la population : qu’en sera-t-il ? J’aimerais obtenir un minimum d’assurances de la part du Gouvernement sur ce point ! De la même façon, quid du statut du futur conseiller territorial, qui, par la force des choses, sera un élu à temps plein ?

Je demande des précisions depuis le début de l’examen de ce texte en séance publique, comme je l’avais déjà fait à l’occasion de questions cribles thématiques ou d’auditions publiques auxquelles a procédé la commission des lois. À force de me voir opposer le silence, je vais finir par penser, comme mes collègues de l’opposition, que l’on a des choses à nous cacher… (C’est trop tard ! sur les travées du groupe socialiste.)

En l’absence de réponse, monsieur le ministre, j’en tirerai les conséquences au moment du vote de l’article 1er.

M. René-Pierre Signé. C’est de la repentance !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne peux m’empêcher de noter que M. Maurey a réfléchi a posteriori. C’est dommage qu’il n’ait pas réfléchi avant de faire adopter par le Sénat un amendement instaurant les conseillers territoriaux, alors même que nous n’avions pas encore commencé l’examen de l’article 1er et sans avoir de plus amples informations sur lesdits conseillers territoriaux, ce qu’il déplore maintenant ! C’est donc bien vrai : les nuits portent conseil.

Nous voterons contre l’amendement n° 483 rectifié, et ce pour une raison très simple : nous estimons que la fixation d’un nombre minimal de conseillers territoriaux par département ne saurait être envisagée sans que soit déterminé un nombre global maximal de conseillers territoriaux dont la répartition tienne compte de la population. Ce dernier point est pour le groupe CRC-SPG le critère essentiel.

Déjà lorsque nous avons examiné l’amendement no 645 rectifié tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, l’« amendement About », nous avons eu un débat intéressant sur les modalités possibles de l’élection des conseillers territoriaux et, bien que ce ne soit pas strictement son objet, vous avez trouvé normal d’en fixer les principes dans le texte du projet de loi.

Il aurait été tout aussi opportun que l’examen de l’amendement n° 483 rectifié soit l’occasion d’un débat sur le nombre de conseillers territoriaux, et nous étions en droit d’attendre du Gouvernement et de la commission un avis qui ne se limite pas à un simple rejet Or, monsieur le ministre, vous refusez ce débat puisque vous ne nous donnez aucune indication sur les réflexions du Gouvernement quant au nombre global de conseillers territoriaux, à leur répartition par département ou encore aux critères selon lesquels pourrait s’opérer cette répartition, toutes questions qui s’apparentent pourtant à des principes.

Dans ces conditions, nous ne pouvons absolument pas voter l’amendement n° 483 rectifié, a fortiori si la fixation d’un nombre minimal de quinze conseillers territoriaux signifie l’abandon du principe de proportionnalité entre le nombre d’élus et le nombre d’habitants du département.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, je vous prie d’excuser mon léger retard : j’ai été bloqué quelques instants dans l’ascenseur.

Si j’ai déposé cet amendement, monsieur le ministre, c’est essentiellement pour avoir l’occasion de demander au Gouvernement de prendre deux engagements précis et concrets.

En premier lieu, pouvez-vous nous garantir que le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui nous sera prochainement soumis, fixera à quinze le nombre minimal de conseillers territoriaux d’un département ? En effet, aucun département ne peut fonctionner à moins !

M. René-Pierre Signé. Ils ne seront plus que trois, dans certains départements !

M. Jacques Blanc. Puisque le Gouvernement a la volonté de permettre aux espaces ruraux de s’affirmer et d’aller de l’avant, je considère qu’il doit leur apporter cette sécurité.

De plus, l’instauration d’un nombre plancher prémunirait la future loi de la censure du Conseil constitutionnel, dont je ne saurais oublier que mon département vient d’être victime. En effet, aucun nombre minimal de députés par département, indépendamment du nombre d’habitants, n’ayant été inscrit dans la Constitution, la Lozère va perdre un de ses deux sièges à l’Assemblée nationale. On comprendra que je ne souhaite pas voir une telle situation se reproduire !

En second lieu, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les quinze conseillers territoriaux seront également membres de l’assemblée régionale ? Cela conférerait à celle-ci une dimension nouvelle de représentation des territoires grâce au rééquilibrage du poids des villes et de celui des zones rurales. C’est à mes yeux indispensable pour que puisse être menée une véritable politique régionale d’aménagement du territoire. C’est seulement à cette condition que la réforme prendra une dimension vraie en faveur du pays rural et de l’aménagement du territoire !

Monsieur le ministre, j’attends pour me prononcer que vous me confirmiez votre position sur ces deux points.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il a déjà répondu !

M. Jacques Blanc. Je veux l’entendre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’attendais que M. Jacques Blanc soit présent pour détailler l’avis du Gouvernement sur l’amendement qu’il avait défendu hier soir : ce n’était pas mauvaise volonté de ma part, monsieur Maurey, c’était courtoisie à l’égard de M. Jacques Blanc, et je suis sûr que c’est bien ainsi que vous l’aviez compris.

À ce stade de notre débat, je voudrais rappeler quelques points.

Tout d’abord, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales implique que chaque collectivité puisse disposer d’un nombre minimal de conseillers territoriaux. Le Gouvernement reprend très officiellement ce principe dans l’article 14 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.

M. Jean-Pierre Sueur. On l’examinera une prochaine fois !…

M. Michel Mercier, ministre. Oui, mais comme M. Jacques Blanc est un homme qui voit loin, je n’hésite pas à lui répondre dès à présent à propos du prochain texte.

M. René-Pierre Signé. C’est surtout un homme hésitant !

M. Michel Mercier, ministre. Cet article dispose en effet : « Dans chaque région, les effectifs des conseils généraux sont fixés dans le respect du principe d’égalité devant le suffrage tout en tenant compte notamment des impératifs de permettre la bonne administration du département et de la région par leur assemblée délibérante respective et d’assurer une représentation effective des territoires au sein des conseils régionaux. »

M. Jean-Pierre Sueur. Cela mérite le grand prix de la langue de bois !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, vous pouvez considérer que c’est de la langue de bois, mais telle n’est pas mon opinion.

M. René-Pierre Signé. Des chiffres !

M. Michel Mercier, ministre. Cette disposition – le nombre de quinze conseillers territoriaux – sera soumise à la délibération du Sénat et de l’Assemblée nationale, mais il n’est pas possible d’inscrire dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui le nombre minimal exact de conseillers territoriaux que comptera chaque conseil général.

Je rappelle que M. Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, s’est engagé dès cet automne à L’Argentière-La Bessée, devant le congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, à ce que chaque département compte au minimum quinze conseillers territoriaux. C’est sur ce chiffre que le Gouvernement travaille. Naturellement, il ne manquera pas de fournir tous les éléments nécessaires pour chaque département dès que nous aborderons l’examen du projet de loi électorale.

Même si je comprends parfaitement les raisons qui motivent votre amendement, monsieur Blanc, je le répète, il n’est pas possible d’inscrire le nombre de conseillers territoriaux dans le projet de loi que nous examinons.

Je précise également, pour répondre le plus complètement possible à votre demande, monsieur le sénateur, que tout conseiller territorial sera à la fois conseiller général et conseiller régional.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Michel Mercier, ministre. Si nous instaurons un conseiller territorial, c’est afin de lui permettre d’administrer à la fois le département et la région. Tous les conseillers territoriaux siégeront donc au conseil général du département dont ils sont élus et au conseil régional dans lequel se trouve leur département.

Je pense avoir répondu à l’ensemble des questions qui m’ont été posées. Par ailleurs, j’ai rappelé l’engagement qu’avait pris au nom du Gouvernement M. Alain Marleix, engagement que je fais mien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous ne voterons pas l’amendement de M. Jacques Blanc, non que nous ne comprenions pas qu’il faille fixer un nombre minimum de conseillers territoriaux – c’est évident –, mais parce que nous nous demandons comment le nombre de conseillers territoriaux de chaque département sera calculé s’il faut à la fois tenir compte d’un seuil plancher et respecter le principe d’égalité devant le suffrage. Car c’est là que les difficultés commencent ! En effet, en application de ce seuil, le département de l’Hérault devrait compter 120 ou 130 conseillers ; dans les Bouches-du-Rhône, ce nombre pourrait atteindre 200. Il sera donc nécessaire d’établir un plafond, ce qui conduira à la rupture de l’égalité devant le suffrage. Je ne vois pas comment vous pouvez vous en sortir, monsieur le ministre !

Nous serions heureux de connaître ce plafond pour les Bouches-du-Rhône et pour l’Hérault. Il serait intéressant pour nous de savoir ce que vous avez à l’esprit, monsieur le ministre, et les conséquences qui en découleront pour la représentation dans les différents cantons des départements.

Cela étant, nous nous réjouissons que M. Maurey et le groupe Union centriste se réveillent sur la question de la défense des territoires. Il y a longtemps que nous disons que le problème est réel ! Jusque-là, mon cher collègue, nous ne vous avions pas beaucoup entendu sur le sujet, et j’ai relevé hier une certaine contradiction entre l’adoption, dans les conditions que l’on sait, de l’amendement dit « amendement About » et les commentaires auxquels vous vous êtes livrés.

Vous demandez à la fois la proportionnelle renforcée et le maintien des cantons. Or, monsieur Maurey, quand on accroît la proportionnelle, on diminue d’autant le nombre de cantons, c’est évident ! Il est assez simple d’obtenir la parité avec un scrutin de liste à la proportionnelle renforcée, mais, pour atteindre une représentation satisfaisante des partis qui ne sont pas les plus importants, notamment le vôtre, il faut qu’un nombre assez important de conseillers territoriaux soient élus à la proportionnelle, de l’ordre de 40 %, et non de 20 % comme c’est actuellement prévu. Dès lors, cependant, le nombre de cantons est réduit à due concurrence et les territoires ne sont plus correctement représentés. Je ne vois pas comment vous allez pouvoir sortir de cette contradiction, mon cher collègue !

Telle est la position du groupe socialiste sur l’amendement de M. Jacques Blanc.

M. le président. Monsieur Jacques Blanc, l’amendement n° 483 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Je remercie le Gouvernement de s’être engagé sur le nombre minimum de conseillers territoriaux.

Je constate toutefois que M. Peyronnet refuse ce minimum, c’est-à-dire une représentation rurale plus forte. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Bernard Frimat. M. Blanc s’est déjà exprimé, monsieur le président !

M. Jacques Blanc. Le scénario qu’il vient de nous décrire pour l’Hérault et les Bouches-du-Rhône n’est pas acceptable pour moi, mais peu importe, car il ne se produira pas.

J’ai bien entendu ce que nous a dit M. le ministre, …

M. René-Pierre Signé. Il a été flou !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il l’a dit devant la commission des lois.

M. Jacques Blanc. … soutenu par le rapporteur et par le secrétaire d’État, M. Marleix. Je leur fais confiance.

Je note que l’article 14 du texte qui traitera des modalités électorales et qui nous sera prochainement soumis prévoit que le département doit compter un nombre minimum de conseillers territoriaux. Le Gouvernement, représenté par M. le secrétaire d’État et M. le ministre, estime ce nombre à quinze, mais considère qu’il ne peut pas être inscrit dans le présent projet de loi. Il nous assure qu’il figurera dans le prochain. J’en prends acte et je lui fais confiance. Chacun aura d’ailleurs compris que je ne voterai ledit texte qu’à cette condition.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui, on l’avait compris !

M. Jacques Blanc. Je le répète : je fais confiance au Gouvernement, qui m’a donné une sécurité. En revanche, je n’ai rien entendu de très agréable de la part de l’opposition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Par ailleurs, je note avec une très grande satisfaction que tout conseiller territorial représentera bien à la fois le département et la région. La Lozère comptera donc quinze conseillers régionaux.

Compte tenu de ces éléments, monsieur le président, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 483 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est clair que l’on se moque encore et toujours de nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de nos concitoyens !

M. Jean-Pierre Sueur. L’image qui est donnée ici est pour le moins surprenante. Je résume.

Acte I : il nous est dit qu’il est exclu d’évoquer les questions électorales, car tel n’est pas l’objet du texte qui nous est soumis.

Acte II : M. About dépose un amendement ayant pour objet les questions électorales.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas recommencer, l’argument est usé !

M. Jean-Pierre Sueur. Il devient alors licite d’évoquer ces questions – ou du moins l’accord passé avec M. About, et cet accord seulement.

M. Bruno Sido. C’est M. About !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur About, vous avez reçu un plat de lentilles dans lequel il n’y a pas de lentilles !

M. Bruno Sido. Et qu’y avait-il donc dans ce plat ?

M. Jean-Pierre Sueur. Acte III : M. Jacques Blanc dépose un amendement de bon sens. En ce qui nous concerne, nous sommes contre l’instauration du conseiller territorial ; mais puisque vous, monsieur Blanc, y êtes favorable, il est logique que vous demandiez combien de conseillers comptera chaque département et chaque région. C’est le bon sens même !

Acte IV : M. Maurey se dresse devant nous et déclare qu’il est inconcevable de ne pas connaître le nombre de conseillers territoriaux que comptera chaque département et chaque région et que, dans ces conditions, il ne votera pas l’article 1er du projet de loi. Tout le monde le comprend ! C’est effectivement la moindre des choses, pour ceux qui sont prêts à voter la création des conseillers territoriaux, que de savoir auparavant combien ils seront.

À l’instant, M. Jean-Claude Peyronnet nous explique de manière lumineuse que, si chaque département devait compter au moins quinze conseillers territoriaux, les départements qui comptent dix fois plus d’habitants que les moins peuplés pourraient, proportionnellement, en totaliser cent cinquante !

M. Jacques Blanc. C’est justement ce que je ne veux pas !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Blanc, vous avez entendu comme moi M. le ministre nous lire quelques lignes du futur projet de loi.

M. Michel Mercier, ministre. Il a déjà été déposé ! (M. Nicolas About brandit le projet de loi.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce texte est fabuleux, cher collègue : il y est affirmé à la fois qu’un nombre minimal de conseillers territoriaux sera instauré, que les territoires seront respectés et que l’égalité des Français devant le suffrage sera assurée. En d’autres termes, on y dit tout et son contraire !

C’est alors que M. Maurey se dresse pour déclarer que tout cela est inacceptable. M. Peyronnet l’a également souligné : monsieur About, vous eussiez tout de même pu demander, avant de présenter votre amendement, combien il y aurait de conseillers territoriaux ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Blanc, renforcé par l’appui précieux de M. Maurey, qui n’est pas content, se dresse à son tour et demande que l’on nous précise qu’il y en aura bien quinze par département, qu’on l’écrive et qu’on en tire les conséquences. Et, tant qu’à faire, autant que l’on nous dise aussi combien il y en aura dans chaque département et dans chaque région : au moins, ce sera clair !

Acte V : conclusion de la tragi-comédie.

M. Bruno Sido. Non, c’est une tragédie ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Elle est du plus haut burlesque, du plus grand comique : M. Jacques Blanc, après s’être dressé, avec le soutien de M. Maurey, retire naturellement son amendement.

M. Jacques Blanc. C’est une insulte ! Je demanderai un droit de réponse !

M. Jean-Pierre Sueur. Le tour est joué, tout le monde a compris.

Mes chers collègues et amis, peut-être pensez-vous que tout cela est d’une grande élévation parlementaire. Nous ne partageons pas ce jugement. (Très bien ! Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, je vous aime beaucoup,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une déclaration d’amour !

M. Michel Mercier, ministre. … mais je trouve que le rôle que vous jouez depuis hier n’est pas à la hauteur de votre véritable talent, et je regrette beaucoup que vous ne soyez pas celui que vous êtes normalement.

M. Michel Mercier, ministre. Qu’il me soit permis de préciser quelques points.

Actuellement, c’est par décret que la carte cantonale est fixée. J’ai bien écouté les propos de M. Peyronnet au sujet de l’Hérault, et je comprends tout à fait qu’il ait pris cet exemple.

M. Jean-Claude Peyronnet. J’ai cité ce département, mais j’aurais très bien pu en citer un autre !

M. Michel Mercier, ministre. Oui, mais puisque vous avez choisi l’Hérault, je vous imite. Nous parlons donc tous les deux de l’Hérault !

Aujourd’hui, le plus petit canton de l’Hérault compte 1 023 habitants, le plus grand 45 000. Les règles constitutionnelles qui s’appliquent aujourd’hui continueront de s’appliquer demain, aucune révision constitutionnelle n’est venue les modifier.

Que prévoient les textes du Gouvernement ? Premièrement, pour la première fois, c’est non plus le pouvoir réglementaire qui interviendra, mais le pouvoir législatif. C’est là, me semble-t-il, reconnaître au Parlement un rôle nouveau, et il me paraît important de le souligner devant les parlementaires que vous êtes.

Conformément à l’article 34 de notre loi fondamentale, le législateur devra concilier deux principes constitutionnels : celui de la libre administration des collectivités territoriales et celui de la juste représentation de la population et des territoires. Le premier critère qui doit être pris en compte est donc, bien évidemment, la juste représentation de la population. Pour autant, il ne saurait être le seul.

Le projet de découpage qui sera soumis au Parlement améliorera sensiblement la carte de l’Hérault, où ne subsisteront plus, entre le plus petit et le plus grand canton, que quarante-quatre points d’écart – c’est un progrès démocratique ! –, tout en assurant le respect des territoires ruraux grâce à un nombre minimum de conseillers territoriaux, disposition tout à fait légale et constitutionnelle.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.